Festival d’Avignon:An Oak Tree de Tim Crouch
Festival d’Avignon:
An Oak Tree de Tim Crouch
Arrivé à l’écriture assez tard, puisque, dit-il, il écrit sa première pièce, My Arm, à trente-huit ans: «Une réponse émotionnelle, instinctive, aux difficultés et aux frustrations que je rencontrais comme acteur. Je me sentais en forte opposition avec le réalisme psychologique qui était alors largement majoritaire sur les scènes, et j’éprouvais de plus en plus le besoin d’une réflexion sur la théâtralité – non pas en termes de spectacle, mais de relation entre un acteur et un public. J’ai alors commencé à écrire mes spectacles comme un défi lancé à ces formes théâtrales qui me posaient problème. (…) Chaque pièce se nourrit des précédentes, et s’inscrit dans une réflexion autour de cette question : à quoi le public s’attache-t-il, conceptuellement, dans le théâtre ?
Cela se passe dans le toujours aussi merveilleux Cloître des Carmes avec ses deux platanes centenaires de plus de vingt mètres de haut. An Oak Tree, titre d’une œuvre d’art conceptuelle b ien connue et réalisée en 1973 par l’Américain Michael Craig-Martin. Soit un verre d’eau posé sur une étagère et à côté de lui, des questions-réponses où il explique comment il a transformé ce verre d’eau en u chêne adulte. Il l’a fait sans en changer l’apparence physique ; l’œil voit un verre d’eau, mais ce n’en est plus un : il s’agit d’un chêne sous la forme d’un verre d’eau.
Tim Crouch a imaginé remplacer ce verre par un acteur ou une actrice, le chêne par un personnage. «Pour le temps de la représentation, dit-il, l’acteur n’est plus lui-même. Et voilà ce qu’est l’art : l’idée d’une chose à l’intérieur d’une autre ; Hamlet, à l’intérieur d’un acteur ; Elseneur, à l’intérieur d’un théâtre ; un chêne, à l’intérieur d’un verre d’eau. J’adore le fait que ce processus soit si ludique, si facile, si libre, si ouvert à tout un chacun. »
Ici, un père a perdu sa fille. Et il transforme le chêne auprès duquel elle a été tuée, en sa fille. Le deuxième personnage est un hypnotiseur . Tim Crouch va alors exercer son pouvoir sur un acteur ou une actrice. Mais c’est la règle du jeu, il ou elle ne doit avoir vu ni lu la pièce avant. Ils se rencontrent une heure seulement avant le spectacle. Ensuite Il ou elle découvre la pièce au fur et à mesure qu’il ou elle la joue.
Les répliques de son personnage, le père, lui sont transmises via une oreillette et il ne sait ce qui va se produire.
Ce deuxième acteur serait, si nous avons bien compris une sorte de double du public. Au sol, aucune scène mais seulement quatre chaises-coques en plastique et un tabouret noir pour piano. Devant un des piliers du cloître une petite table en bois avec quelques engins électroniques
Tim Crouch semble avoir centré ce court spectacle sur l’aspect visuel, ce qui le rapprocherait d’une performance. Il a déjà été «joué» trois cent soixante fois, ce qui la rapprocherait d’une d’une œuvre théâtrale. Mais avec trois cent-soixante interprètes forcément très différents. Ce qui ne se voit jamais sur scène et qui donne un certain vertige…
Une sorte d’aventure conceptuelle, donc plus artistique que théâtrale à laquelle on adhère ou… pas. Tim Crouch a un solide métier, cela se voit tout de suite et Natacha Koutsounov assure au mieux cette situation pour le moins inconfortable.
La pièce, dit son auteur, « se régénère grâce à cette nouvelle présence ». Mais là, il y a maldonne, puisque le public la voit pour la première fois. Et désolé, même si retrouver le cloître des Célestins est toujours un grand bonheur, nous ne sommes pas entrés dans l’aventure conceptuelle que propose Tim Crouch. Vous voilà informés, donc libre à vous d’y aller ou pas.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 11 juillet, Cloître des Carmes, Avignon.