Maison Close, chez Léonie, texte et mise en scène d’Agnès Chamak et Odile Huleux
Maison Close, chez Léonie, texte et mise en scène d’Agnès Chamak et Odile Huleux
Cela se passe en 1900. Donc il y a déjà très longtemps ; quand les bordels fleurissaient à Paris comme dans toutes les grandes et petites villes de la douce France. Avant la loi Marthe Richard en 1946 avec la fermeture de ces « maisons closes » et le renforcement de la lutte contre le proxénétisme,
Ici, Louise, une très jeune femme arrive, amenée d’Yvetot en Normandie par un recruteur, arrive dans le petit bordel de Léonie (appelé aussi maison close : la loi imposait que le bâtiment ait toujours ses volets fermés, qu’une lanterne rouge et un gros numéro le signalent. Un commerce très rentable et tout à fait admis par l’Etat, comme dans plusieurs milliers d’Eros Centers en Espagne et aussi très fréquentés… par les Français… et les Belges
Léonie est autoritaire et les jeunes ou moins jeunes prostituées doivent obéir. Comme Louise parait plus jeune que son âge, elle sera «la mineure » ou « la vierge », selon les désirs des clients.
Ses nouvelles camarades : Céleste, la sous-maîtresse enceinte de son mac, Fantine qui rêve toujours d’abandonner la prostitution et de faire un beau mariage et Victoire qui ne doute de rien..
Sans instruction, elles semblent résignées à accepter pour vivre, ce « métier», au lieu d’être bonnes à tout faire chez des bourgeois dans une campagne reculée. Souvent aussi obligées de coucher avec monsieur, et d’initier les fils de la maison.
Mais elles vont avertir Louise qui tombe de sa chaise : ici, elles reçoivent un salaire mensuel, mais… entièrement récupéré par la mère maquerelle pour frais de logement, nourriture, vêtements. La misère non, mais l’exploitation, oui! Et c’est à prendre ou à laisser. Seuls, leur restent les cadeaux des clients, y compris la syphilis et autres maladies vénériennes.
Bref, un vrai rêve, comme ne le voyait pas tout à fait la naïve Louise… qui ne va pas le rester longtemps… Les jeunes femmes peuvent toujours refuser un client. Mais une nuit, le fils syphilitique d’un notable de la région essaye de violer Louise qui n’a pas voulu de lui. Elle se défend mais il meurt accidentellement dans une chambre de ce bordel.
Et son cocher qui l’a attendu dehors toute la nuit, affirmera qu’il ne l’a jamais vu ressortir de cette maison close. Parole contre parole. Mais que vaut celle d’une pute devant la Justice française en 1900!
Les filles et la tenancière comprennent quand arrive Louise, le corset couvert de sang, que l’heure est grave et qu’elles risquent toutes d’aller en taule pour un bon moment. Cette société patriarcale avec flic douteux, juge d’instruction qui leur fait la morale, mac sans scrupule… a un pouvoir exorbitant. Alors qu’elles ne sont que de jeunes putes sans défense et tout juste utiles à des hommes… qui ne les aideront jamais.
Elles cherchent mais en vain comment s’en sortir et, avec la sous-maîtresse, elles vont emballer le corps dans un tapis puis d’aller le jeter dans un étang. Mais cela ne va se passer comme prévu: le juge devient de plus en plus méfiant, bref, l’étau se resserre. Seule solution, elles vont mettre le feu à la maison pour faire disparaître toute trace. Et essayer ainsi de sauver leur peau.
C’est un spectacle que nous avions vu il y a quinze ans ! Ici repris dans une version un peu différente par son autrice Agnès Chamak et par Odile Huleux.La mise en scène, pas toujours très précise, mériterait des ajustements, le texte a quelques longueurs et mieux vaut oublier la scénographie et les costumes. Mais la direction des actrices et de Fabien Floris qui endosse plusieurs rôles est tout à fait remarquable. Tous avec une bonne diction et très crédibles dès qu’ils entrent sur le petit plateau, à la fois justes et pleins de vie. Un petit miracle. Comme une plongée dans un monde disparu (encore que?). Mais avec toujours en filigrane, l’exploitation des corps, la maladie et la mort qui guette.
Ici pas de fumigènes, lumières sophistiquées, micros H.F… Mention spéciale à Montaine Fregeai et Taos Sonzogni pour la qualité de leurs personnages. Allez découvrir ce petit spectacle très applaudi et à juste titre, vous ne le regretterez pas.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 27 juillet, Théâtre des Brunes, 32 rue Thiers Avignon . T : 04 84 36 00 37.