Festival d’Avignon The Confessions, texte et mise en scène d’Alexander Zeldin

Festival d’Avignon

The Confessions, texte et mise en scène d’Alexander Zeldin

Ce créateur aime se confronter à la réalité et nous avions apprécié Une Mort dans la famille (voir Le Théâtre du blog) où il parlait du quotidien d’un E.P.H.A.D., en y mêlant des événements personnels, comme la perte de sa grand-mère.

c Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

La mode est au théâtre-récit et cet artiste associé au National Theatre de Londres et à l’Odéon-Théâtre de l’Europe décrit ici le parcours d’une vie, celle de sa mère: «Je l’ai interrogée et l’ai fait parler pendant plusieurs jours. Cette vie est la base de l’histoire que j’ai écrite, même si ce n’est pas une reconstitution exacte… L’important : il ne s’agit pas d’une vie fictive  mais d’une vraie vie qui pourra, je l’espère, en raconter d’autres aussi. Elle est à la fois très spécifique et universelle. » Alexander Zeldin nous dévoile ici l’histoire d’une femme, à la fois jeune et âgée, jouée par deux comédiennes. La plus âgée déambule de séquence en séquence avec un doux sourire nostalgique et nous prend à témoin.

Alice, née en 1943, passionnée de peinture et d’art, est pleine d’ambition mais à cause de ses échecs, restera institutrice. Et s’égrène ici une existence faite de déceptions : imposé par sa mère,un mariage forcé avec un militaire phallocrate, Gray.  Elle divorce rapidement car elle ne veut pas d’enfants.« Gray, lui dit-elle, tu ne peux pas m’imposer cela. »
Puis elle a une histoire d’amour contrariée avec un poète volage qui l’a séduite en déclamant des vers de Shakespeare. Et Un viol impuni et qu’elle va tenter d’oublier, commis par Terry, un ami universitaire lâche qu’elle admire.

Ensuite, elle s’installera en Australie, puis en Italie et enfin en Angleterre dans les années quatre vingt. Mais, dernière lumière, dans un itinéraire chaotique, elle rencontre par hasard, dans une bibliothèque, un Juif né en 1930 qui deviendra le père de ses deux enfants, dont Alexander Zeldin.
En deux heures quinze sans entracte, Alexander Zeldin brosse le portrait d’une femme qui, malgré les contraintes d’un monde patriarcal et dominant, a réussi à choisir sa vie. On pense à L’Étrange intermède, une pièce d’Eugene O’Neill où il raconte la vie d’une femme  hantée par son passé.
Joe Bannister, Amelda Brown, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Eryn Jean Norvill, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn et Yasser Zadeh, tous exceptionnels, jouent plusieurs personnages. Dans la belle scénographie modulable de Marg Horwell, qui nous fait découvrir parfois l’envers du décor.

Les longs silences, ici plus importants que les dialogues, expriment les violences et humiliations subies au quotidien par les femmes, dans une totale indifférence de la société de l’époque. La scène de viol est peinte avec une grande pudeur dans un silence de mort. « Je suis un « story-teller» avant toute chose, dit le metteur en scène. J’aime raconter des histoires qui parlent aux gens directement, sans fard, sans intermédiaire, qui les mettent en alerte, les touchent sincèrement. C’est toujours une histoire du réel.

Alexander Zeldin qui est aussi un remarquable directeur d’acteurs, nous livre une histoire simple. Et, malheureusement encore aujourd’hui, beaucoup de spectatrices peuvent s’y identifier. Une œuvre à découvrir et un bon exemple de théâtre-récit.

Jean Couturier

Jusqu’au 23 juillet, sauf le 20, La Fabrica, 11 rue Paul Achard, Avignon (Vaucluse),

Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris ( VI ème) du 29 septembre au 15 octobre.


Archive pour 18 juillet, 2023

Frère(s) de Clément Marchand, mise en scène de l’auteur

Frère(s) de Clément Marchand, mise en scène de l’auteur

C’est l’histoire d’une amitié à l’épreuve du temps et de l’apprentissage professionnel dans un milieu réputé pour être dur, voire insupportable à vivre, celui de la restauration. Maxime et Emile (quinze ans) préparent un C.A.P. cuisine. Ils viennent de milieux différents : Émile, fils d’un grand chef, subira, encore plus que son ami, vexations, insultes, etc.

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Mais ils deviendront vite inséparables et il faut bien que leur amitié naissante soit solide pour les aider dans l’apprentissage de ce métier où, et ils le savent bien, on ne leur fera aucun cadeau. Ils ont l’un et l’autre une telle envie d’en découdre que tout leur paraît sinon facile, du moins possible.
Mais, bien entendu, le monde des restaurants dits gastronomiques est impitoyable et d’une brutalité sans nom. Avec au menu: insultes en permanence des chefs, humiliations, fatigue intense et bas salaires. Et où on devient vite une machine à produire des repas sophistiqués. L’amitié de ce jeunes gens amoureux du foot en prendra un coup mais perdurera, malgré pour l’un d’eux, un passage par la case prison…
Ce
Frères n’est sans doute pas un grand texte mais il y a, par moments,  un rappel savoureux de La Cuisine d’Arnold Wesker, le célèbre dramaturge anglais ( 1932-2016). Il fut, lui, pâtissier et décrit les coulisses d’un grand restaurant. Ariane Mnouckhine en 67, à la tête du Théâtre du Soleil, monta cette remarquable pièce et le spectacle la consacra comme metteuse en scène.
Ici, la scénographie est inutilement compliquée et n’aide pas les acteurs. Malgré tout, en une heure quinze, bien dirigés par l’auteur, Jean-Baptiste Guichard et Guillaume Tagnati font le boulot avec efficacité et arrivent à faire passer le message.

Philippe du Vignal

Jusqu’au à 29 juillet, La Scala Provence., 3 rue Pourquery de Boisseron, Avignon.

Festival d’Avignon Vox populi, instantanés de vie en phonomaton, conception, création et écriture, d’après des enregistrements de Sophie Dufouleur

Festival d’Avignon

Vox populi, instantanés de vie en Phonomaton, conception, création et écriture, d’après des enregistrements, de Sophie Dufouleur

A partir de témoignages, c’est d’abord une pure création sonore. Une dizaine de transats et chaises de toile sont installés dans la cour du lycée Pasteur. Chaque spectateur est prié de s’asseoir sous un casque de salon de coiffure aux couleurs acidulées des années cinquante. Et il peut entendre quelques confidences, grâce à une autre casque, audio, celui-ci. Le tout pendant une dizaine de minutes.

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Puis une actrice emmène le public dans une petite caravane (climatisée) où, en tassant bien, il y a des places assises pour dix personnes. Mais ce matin-là, nous étions seul et devant nous, une sorte de miroir gris comme ceux des cabines photomaton des années soixante.
Cela rappelle aussi es éphémères peep-show des années soixante-dix avec une cabine où on  regardait une hôtesse faisant un strip-tease sans aucun contact physique avec le client.
Silence absolu, puis apparaît en très gros plan, le visage d’une actrice qui va nous parler pendant quinze minutes environ. Dans un curieux face à face. Et il y a ici un rapport de proximité que nous n’avons jamais au théâtre.

D’autant plus que nous savons bien que nous voyons une comédienne qui nous regarde. Mais existe-t-elle et nous voit-elle? Ou est-ce simplement une vidéo… Nous ne vous en dirons rien mais Sophie Dufouleur avec ce gros plan en permanence, réussit habilement à créer  un sentiment d’étrangeté- le très fameux « verfremdungseffet » cher à Bertolt Brecht- en français (mais mal traduit) : distanciation…
« L’écriture, dit elle, s’appuie sur une vaste récolte de témoignages autour d’expressions imagées, populaires, cocasses et poétiques. Avoir le trouillomètre à zéro, faire le joli cœur, être vent debout, perdre le nord, s’en pourlécher les babines… (…) Ces enregistrements constituent la matière première du spectacle, à l’intérieur et à l’extérieur de la caravane. »

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C’est un spectacle qui se joue à la fois dehors et dedans mais dans un espace public.
Réalisation précise et jeu d’actrice très solide, comme on aimerait en voir plus souvent dans le in comme dans le off d’Avignon. Sophie Dufouleur a trouvé une idée théâtrale en trente minutes qui mérite d’être creusée.  A suivre…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 juillet, Présence Pasteur, rue du Pont Trouca, Avignon. (Entrée toutes les quinze minutes, à partir de 11 h (dernière entrée à 18 h 30).

Les 9 et 10 septembre, Festival Perché sur la Colline, Sombernon (Côte-d’Or).

L’utopie du théâtre populaire définitivement enterrée

L’utopie du théâtre populaire définitivement enterrée

Ce 12 juillet, j’ai pris conscience que l’utopie du théâtre populaire était définitivement enterrée.  L’Opéra de Quat ’sous s’appelait ainsi:  destiné au peuple, il ne devait coûter que… quat’ sous. Bertolt Brecht arrachait l’opéra à son statut bourgeois. Et voilà, il est présenté cette année au festival d’Aix-en-Provence comme un vestige archéologique, une résurgence d’un passé enterré.

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Bien ridicule, ce parterre de gens friqués regardant avec une certaine compassion le jeune Brecht qui voulait ébranler l’opéra culinaire bourgeois et le capitalisme. Ce fut aussi ma grande illusion: je dois mettre à jour mes logiciels. L’engagement marxiste n’est plus à la mode. Être engagé au théâtre, c’est parler des L.G.B.T., du climat, des féminicides, de la place des femmes dans la société, c’est  une tournée théâtrale à pied ou à vélo:  la sobriété.

Notre seul souci, aujourd’hui: ne plus regarder la composition du public  mais évaluer le nombre de professionnels présents. C’est à eux que nous nous adressons en priorité:  notre destin en dépend. Le théâtre vise les catégories cultivées de la société: c’est leur hochet, leur divertissement et leur statut. Et moi, comme un naïf, je hurle encore: le théâtre doit concerner la ville toute entière… Pauvre Jacques!
Dans un livre qui vient de sortir, Quand l’Art chasse le populaire, Socio-histoire du théâtre public en France depuis 1945  de Marjorie Glas, on parle de “la posture démagogique et populiste de Jacques Livchine. »

Cela dit, le dernier spectacle du Théâtre de l’Unité, Une Saison en Enfer (voir Le Théâtre du Blog) est une sorte de testament: « J’ai voulu créer toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames, j’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues, eh! bien je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée! »Arthur Rimbaud va alors ranger ses carnets et ses crayons…
Il est temps que je suive son exemple.

Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité à Audincourt.

 

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