De la Servitude volontaire, de LM Formentin, mise en scène de Jacques Connort
De la Servitude volontaire, de LM Formentin, mise en scène de Jacques Connort
Le Discours de la servitude volontaire, ou Contr’un écrit par Étienne de la Boétie, à dix-huit ans, a été publié en latin par fragments en 1574, puis en français, deux ans plus tard…
Le spectacle y trouve sa source d’inspiration et nous découvrons une écriture théâtrale sensible et percutante de LM Formentin. Cet auteur et scénariste contemporain avait déjà travaillé avec le metteur en scène au festival d’Avignon 2019 pour Marie Stuart. Depuis longtemps Jacques Connort « avait l’idée de faire entendre, un jour, ce texte, sur scène au plein coeur duXXI ème » et a fait appel de nouveau à LM Formentin.
La mise en scène tout en finesse, sobre et sans artifice inutile et le jeu haut en couleurs, nous passons du rire au tragique, du fabuleux comédien, Jean Paul-Farré, «Cet ancien magistrat aux allures de Diogène selon Jacques Connort, est à la fois sage et truculent, et a longtemps observé les hommes et parcouru les époques. » ravissent un large public, attentif aux bruits du monde et à a personne humaine. Le texte ne manque ni d’esprit ni de provocation: « Eh ! Bien ? Êtes-vous si habitués à haïr les tyrans que vous n’en percevez plus votre complice admiration? Silence. Ma tournure d’esprit vous dérange… Si je disais vrai, n’est-ce pas ? que deviendraient vos confortables pensées qui vous assurent, à tout instant et en toute circonstance, que vous êtes l’ennemi du mal, et que votre âme est pure ? Silence. »
L’acteur laisse éclater l’asservissement « volontaire» des êtres humains, leur incapacité à refuser, souvent et même le pire ! Faire le choix de la liberté en tout âme et conscience :«Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libre. » Mais chacun sait qu’il peut, face à la folie des dirigeants ou de simples individus, être mené à la mort. La liberté ne fait pas bon ménage avec la soumission et la peur. Comme l’affirme Jacques Connort, « Elle est une perpétuelle conquête»! Le spectacle offre une vision pertinente et atemporelle de l’autorité destructrice. Les hommes, toujours attirés par un désir de domination, sont pourtant faibles face à leurs dirigeants. le peuple est complice, qu’on le veuille ou non, du pouvoir exercé par les despotes, d’hier et d’aujourd’hui : «La servitude n’est pas imposée par la force mais est volontaire. »
La réflexion et le plaisir des spectateurs sont tenus en haleine. Ce texte d’une grande intensité et au sens politique aiguisé, est ici brillamment interprété par Jean-Paul Farré, aux multiples talents. Reconnu et admiré du public (voir Le Théâtre du Blog), il nous fascine et fait vibrer avec ironie mais aussi avec empathie, le comportement du peuple face au pouvoir et à la tyrannie des dieux, rois, présidents de tous les temps…Jacques connort n’a pas manqué de réaliser une mise en scène simple et astucieuse. Un noble fauteuil (chaise dite d’affaires, trône…), une veste noire de costume suspendue sont les seuls éléments de scénographie, et la pièce prend tout son envol!
Le corps de l’acteur, quelques accessoires et un éclairage subtil suffisent à laisser entendre avec limpidité la parole théâtrale, sur une question hélas toujours pérenne et qui nous concerne tous.
Le fond de scène recouvert d’un panneau-miroir reflète le public. Grâce à cet effet, nous sommes comme sur scène, nous devenons ainsi sujets du roi, ou auditoire de cet exemplaire discours politique. Une des pépites du off !
Elisabeth Naud
Jusqu’au 29 juillet, Le Petit Louvre, 23 rue Saint-Agricol. Avignon. T. : 04 32 76 02 79.