Festival lyrique d’Aix-en-Provence L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht, traduction d’Alexandre Pateau, musique de Kurt Weill, mise en scène de Thomas Ostermeier

© J.L. Fernandez

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Festival lyrique d’Aix-en-Provence

L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht, traduction d’Alexandre Pateau, musique de Kurt Weill, mise en scène de Thomas Ostermeier (en français et en anglais surtitré)

En ouverture du festival, la scène de l’Archevêché accueille pour la première fois la Comédie-Française. En 1956, au Piccolo Teatro de Milan, Giorgio Strehler créa en Italie L’Opéra de Quat’sous. Et il reprendra le spectacle en 58 et deux ans plus tard, au T.N.P. à Paris dirigé par Jean Vilar.

« L’Opéra de Quat’sous, dit Geneviève Serreau dans Brecht dramaturge (éditions de l’Arche 1955), prétendait projeter dans le monde des mendiants, l’arrogance, l’hypocrisie, l’exploitation tyrannique, la veulerie, en un mot toutes les tares propres à la société bourgeoise, car dans une civilisation capitaliste, toute société, fût celle de la pègre, ne peut que refléter les conduites de la classe dirigeante. Des banderoles sur scène avertissaient le public qu’il ne s’agissait pas simplement d’une séduisante imagerie, mais, à travers elle, d’une impitoyable critique.

Pour Thomas Ostermeier, ce constat reste malheureusement très actuel. Il est plaisant de découvrir son travail sur cette pièce à… Aix-en-Provence. Parmi les nombreuses adresses au public: «Bonsoir, nous avons du beau linge ce soir, on est entre gentlemen, on est à Aix-en-Provence, tout de même. »
(voir l’avis de Jacques Livchine dans Le Théâtre du Blog: L’Opéra de Quat ’sous, destiné au peuple, ne devait coûter que… quat’ sous. Bertolt Brecht arrachait l’opéra à son statut bourgeois. Et voilà, il est présenté cette année au festival d’Aix-en-Provence comme un vestige archéologique, une résurgence d’un passé enterré. »

À la direction musicale, Maxime Pascal, fondateur du collectif Le Balcon, évoque une forme d’expression artistique: le parlé-chanté (« sprechgesang » en allemand,  à mi-chemin entre déclamation parlée et chant, surtout connu quand il a été utilisé par Arnold Schönberg dans Le Pierrot lunaire.
Ici, en français actuel, dans la nouvelle traduction d’Alexandre Pateau, les comédiens utilisent deux micros : les uns personnels à capteur de surface et d’autres sur pied, pour les « songs »  archi-connus de cette œuvre.

C’est le premier opéra que monte Thomas Ostermeier et il relève le défi, grâce à l’énorme travail vocal réalisé avec Maxime Pascal, les chefs de chant et les comédiens. Tous exceptionnels avec mention spéciale à Véronique Vella (Célia Peachum) reprenant le rôle qu’elle avait joué dans la mise en scène de Laurent Pelly à la Comédie-Française , Marie Oppert (Polly Peachum) qui a une formation d’artiste lyrique, Birame Ba (Macheath) et Claïna Clavaron (Lucy).
Enfin Christian Hecq (Jonathan Jeremiah Peachum) en histrion maléfique, gestionnaire de la misère dont on redécouvre la belle voix. Il fait parler Peachum avec son corps, avant que son chant s’envole vers le public et apporte une légèreté de ton qu’accompagne avec délices son épouse Célia Peachum (Véronique Vella Irrésistible avec sa gouaille populaire et ses tenues extravagantes). Florence Von Gerkan a conçu de beaux costumes…

Le metteur en scène a transformé cet Opéra de Quat’sous en un cabaret des bas-fonds de Londres. « Un opéra de clochard aussi somptueux, dit-il, ne peut exister que dans les rêves.» Et on peut lire les didascalies sur un bandeau lumineux. Elles apportent ici la fameuse « distanciation » brechtienne.
Thomas Ostermeier ne retire rien à la dimension politique de la pièce. Dans les  songs  et les dialogues, nous entendons distinctement: «Les possédants responsables de la misère ne supportent pas de la voir. »  «  Qui est le plus criminel ? Celui qui braque une banque ou celui qui la fonde. »

Les chorégraphies de Johanna Lemke que Thomas Ostermeier a ajoutées, font de ce spectacle chanté et dansé, un théâtre total. N’en déplaise aux brechtiens des années soixante-dix, c’est une belle réussite… La chanson finale à découvrir et révélée par le metteur en scène témoigne de son engagement.

Jean Couturier

Jusqu’au 24 juillet, festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 22 place des Martyrs de la Résistance, Aix-en-Provence. T. : 0 820 67 00 57.

Sur Arte TV.

Du 23 septembre au 5 novembre, à la Comédie-Française, Paris.


Archive pour 23 juillet, 2023

Inventions par le collectif Mal Pelo, chorégraphie de Maria Muñoz et Pépé Ram

Festival d’Avignon

Inventions par le collectif Mal Pelo, chorégraphie de Maria Muñoz et Pépé Ramis

Une découverte: un spectacle exceptionnel qui unit danse, musique et texte et un vrai bonheur… Ce projet autour de la musique de Jean-Sébastien Bach remonte à quatre ans mais la pandémie a obligé les équipes des différents pays à travailler à distance et a ralenti le travail.
Leurs retrouvailles ont, selon les chorégraphes, créé «un fort tissage entre les quatre modes d’expression: musique, voix, danse et texte». Et il a fallu trouver une relation entre le corps des danseurs et la musique vocale et orchestrale, et en contrepoint, avec les textes d’Erri de Luca, Nick Cave et John Berger.

© F. Masperini

© F. Masperini

Cette pièce chorale associe huit danseurs, dont les chorégraphes à la présence charismatique,  habités par la musique. Mais aussi un quatuor à cordes et un quatuor de voix. Maria Muñoz et Pépé Ramis font évoluer leur création en fonction des lieux: un chantier naval, une église en Espagne, et maintenant cette cour de lycée.

On pense parfois au travail d’Alain Platel qui lie différents univers, comme ceux présentés ce soir. Les danseurs, tous formidables, accompagnent de leurs mouvements fluides la partition de Jean-Sébastien Bach.  Certains des tableaux ou des textes dénoncent un futur risque écologique mondial: «J’attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche. J’attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.»
Tout les interprètes dansent sur le plateau, y compris les musiciens. Les lumières de Luis Marti et August Viladomat, en parfaite harmonie avec la musique et la danse, font naître de grands moments d’émotion. Un spectacle poétique à ne pas rater.

Jean Couturier

Jusqu’au 25 juillet, Cour du lycée Saint-Joseph, 62 rue des Lices, Avignon.

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