Après la répétition /Persona, d’après Ingmar Bergman, mise en scène d’Ivo van Hove

Après la répétition /Persona, d’après Ingmar Bergman, mise en scène d’Ivo van Hove

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Après la répétition_©Marie Clauzade_

Le metteur en scène belge avait déjà présenté ce diptyque en néerlandais avec les comédiens du Toneelgroep Amsterdam et il le reprend aujourd’hui avec une distribution française.
Réalisées à près de vingt ans de distance (
Après la Répétition, à la télévision en 1984 et Persona au cinéma, en 1966), ces œuvres très intimes du cinéaste se répondent… Il y aborde les rapports tumultueux qu’ont les artistes de théâtre avec leur métier et leurs partenaires.
Chez Ingmar Bergman, la frontière entre théâtre et vie est ténue. Décédé en 2007, il a à son actif une quarantaine de films et plus de cent mises en scène. Pour Ivo van Hove: « C’est l’un des auteurs les plus intéressants et les plus importants du XX ème siècle.»  Il monte ces pièces quasi autobiographiques, en miroir, «comme des sonates qui nous parlent de la signification du théâtre, de l’art, dans notre vie et notre société ».

Dans Après la Répétition, il montre les affres d’un metteur en scène, Henrik Vogler, la cinquantaine, aux prises avec ses actrices d’hier et d’ aujourd’hui. Comme enfermé dans la salle de répétition, il vit parmi les fantômes de ses anciens spectacles et de ses acteurs… Henrik sera tiré de sa solitude par la jeune Anna à qui il a confié le rôle principal du Songe d’August Strinberg.
Et
Persona raconte la dérive de Rakel, frappée de mutisme en pleine représentation d’Electre. Tombée dans une grave dépression, elle en sortira peut-être grâce à Alma, une jeune infirmière…

Charles Berling incarne un Henrik Vogler mi-paternel et mi-séducteur. Et il éprouve mépris et jalousie pour l’ami de sa jeune actrice à qui il entend apprendre le théâtre et la vie. Il est aussi rongé de culpabilité envers Elizabeth, la mère d’Anna qui a été sa maîtresse. Fantôme, elle apparaît dans la loge, ivre d’alcool et de rancœur, pour essayer de le séduire à nouveau.

Ivo Van Hove a confié à Emmanuelle Bercot les rôles d’Elizabeth et de Rakel. L’une prolixe, et l’autre muette : deux facettes d’une actrice en crise que le théâtre rejette au fil des ans.  Elle excelle en épave pitoyable face à son ex, visiblement dépassé par les événements. Justine Bachelet est la jeune première pas si ingénue que ça dans Après la Répétition.
Face à ses partenaires féminines,
Charles Berling, lui, semble mal à l’aise en Henrik Vogler… Comme si le metteur en scène l’avait invité à rester en sourdine et en deçà de la folie douloureuse du personnage imaginé par Ingmar Bergman.Mais il y a chez lui quelque chose d’enfantin assez émouvant.

Après l’entracte, le fatras de la loge a disparu et le plateau est nu. Seule sous des lumières crues, une femme est allongée, recroquevillée sur une table métallique de dissection. Emmanuelle Bercot dans une pose digne d’un tableau de maître, offre sans retenue sa nudité… A l’image du dénuement radical de Rakel enfermée dans une grave dépression. Va-t-elle en sortir à l’issue de son long tête à tête avec Alma, son infirmière (Justine Bachelet) dont le verbiage se heurte à un silence complet. Mais les mots portent tant et si bien, que les murs s’effondrent… La scène devient alors une île entourée d’eau où, dans une lumière irréelle, Rakel et Alma s’ébattent follement, sous les bourrasques d’une batterie de ventilateurs et une pluie torrentielle…
Une bouffée d’air insufflée par la jeunesse dans l’étouffant enfermement et les doutes de l’âge mûr. Cette deuxième partie, à la fois plus tenue et plus folle, nous éloigne du réalisme tiède d’
Après la Répétition et l’on voit le fil rouge qui lie ces deux opus d’Ingmar Bergman… Des portraits d’artistes en perdition, et ne percevant le réel qu’à l’aune de leurs obsessions théâtrales.

© Marie Clauzade

Persona © Marie Clauzade

Dans Après la Répétition, il abordait la question des rapports délicats entre un metteur en scène et ses actrices. Ivo van Hove lui emboite le pas mais, depuis la création de ce diptyque il y a dix ans, le monde du théâtre et du cinéma a été secoué par la vague #meetoo. Et les obsessions qui torturent ici les artistes semblent… d’un autre âge. C’est sans doute pourquoi Ivo van Hove a demandé à Charles Berling de faire profil bas, dans ce rôle de metteur en scène un peu libidineux.
Les femmes sont passées aujourd’hui à l’offensive, et le «tunnel de la comédienne de plus de cinquante ans» est devenu un sujet de société avec les revendications portées par les Actrices et Acteurs de France Associés.
Ces sujets affleurent sous la mise en scène. Encore assez fraîche ce soir de première, elle atteint seulement son allure de croisière dans le deuxième volet.
Après la répétition/ Persona devrait trouver son équilibre au fil des représentations par une reprise à l’automne.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Printemps des comédiens, Cité du Théâtre, Domaine d’Ô, Montpellier (Hérault ). T. : 04 67 63 66 67.

Du 28 septembre au 1 er octobre, Châteauvallon-Liberté Scène Nationale, Toulon ( Var).

Du 6 au 24 novembre, Théâtre de la Ville, Paris.

Les 6 et 7 décembre, Points communs-Nouvelle Scène Nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise.

 Les 22 et 23 mars, La Filature-Scène Nationale de Mulhouse ( Haut-Rhin).

Les 11 et 12 avril , MC2, Grenoble (Isère) .

Les 16 et 17 mai, Le Volcan- Scène Nationale du Havre (Seine-Maritime).

Et à l’automne 2024, aux Théâtres de la ville de Luxembourg  et au Théâtre National Wallonie-Bruxelles.

 

 

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