Soixante-dix septième édition du festival d’Avignon : bilan

 

Soixante-dix septième édition du festival d’Avignon : bilan…

Soixante-dix sept ans d’existence… Un chiffre vertigineux pour cette manifestation sans doute unique au monde et que  Tiago Rodrigues, est le premier metteur en scène étranger à le diriger  dirige maintenant. Existe-t-il encore des spectateurs des débuts du festival? Une question que l’on nous a souvent posée, mais impossible  d’y répondre.  Sans doute quelques-uns et qui ont au moins quatre vingt-dix ans…

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Cette année, petit changement: les séries de dates sont plus longues, avec  une fréquentation légèrement en hausse : 94 %.  Soit deux points de plus que l’an passé. Et il y a eu plus de 110.000 billets vendus. Et des salles qui, parfois, refusaient du monde… Les raison essentielle: une forte envie du public de retrouver Avignon après les multiples perturbations dues au covid dans le milieu artistique.
Les Français mais aussi des Européens -enfin ceux qui peuvent se le permettre- avaient grand besoin de s’offrir une échappée belle dans cette ville mythique et de rencontrer des gens, de faire partie d’un ensemble sociétal adhérant à des valeurs culturelles communes… Et aussi de voir quelques spectacles.
Quitte à accepter de payer cher un séjour,  même court. Place des Carmes, un bol de salade de tomates cerises coupées en deux avec petit morceau de feta : 12€ !  Places de TGV chères, chambres d’hôtel aussi (plus de 30 % que pendant l’année, comme les locations de maisons et appartements). Quant au prix des salles dans le off, il ne cesse d’augmenter… Bref, Avignon cherche à profiter au maximum des trois semaines que dure le festival…

Dans le in, de belles découvertes en danse G.R.O.O.V.E.  de Bintou Dembélé. Et le retour d’Anne Teresa De Keersmaeker en Avignon. Au théâtre, nous n’oublierons jamais A Noiva e o Boa noite cinderela, la remarquable performance de la créatrice brésilienne Carolina Bianchi. Et Angela (A Strange Loop) de l’allemande Susanne Kennedy. Et The Confessions d’Alexander Zeldin. Et si on aime, Extinction de Julien Gosselin, créé au Printemps des comédiens à Montpellier (voir pour ces spectacles Le Théâtre du Blog).
Et deux autres que nous n’avons pu voir comme 
Que ma joie demeure, de Jean Giono, mis en scène de Clara Hédouin, un théâtre-randonnée. Une forme de spectacle qui a la cote, à l’image du remarquable Rimbaud du Théâtre de l’Unité créé en juin dans un chemin rural près de Charleville-Mézières (voir Le Théâtre du Blog) et repris au festival de Chalon.
L’auteure, metteuse en scène et performeuse afro-militante Rébecca Chaillon a présenté avec succès un théâtre-performance 
Carte noire nommée désir où huit artistes noires racontent leur parcours de vie… Il y aura eu  ainsi dix-sept femmes qui auront créé ou co-créé des spectacles cette année au festival d’Avignon, ce qui est un net progrès.

Mais il y a aussi plusieurs remarquables flops, dus, semble-t-il, à un tangage, côté programmation. En tête de course, le bien mauvais Welfare de Julie Deliquet  qui n’aurait jamais dû être programmé dans la Cour d’Honneur. Tout se passe comme si on avait voulu lui faire plaisir… Là, il y a une erreur évidente: ce lieu est aussi prestigieux que difficile! Et en rien adapté à cette version théâtrale d’un documentaire Et comment expliquer les tarifs prohibitifs à 39 €, quelque soit la place… Tiago Rodrigues botte en touche et répond qu’il applique le tarif unique… comme ses prédécesseurs. Un peu juste comme argument, quand on est le patron d’un tel festival… Résultat: comme les autres années, très peu de jeunes dans cette Cour d’honneur comme dans les autres lieux du in et ici une hémorragie permanente de spectateurs sur presque trois heures interminables.
Autre erreurs de choix: l’indigent
Kono atari no dokoka, à la Collection Lambert  et les très décevants An Oak Tree de Tim Crouch au cloître des Célestins et Vivre sa vie de Pauline Bayle, à celui des Carmes. Et ce Jardin des Délices de Philippe Quesne: une chose prétentieuse, sans aucun intérêt et très ennuyeuse. Enfin, seule consolation devant tant de médiocrité, certains auront pu revoir, et les autres découvrir, la mythique carrière Boulbon fermée depuis sept ans.
Cela fait quand même beaucoup d’erreurs pour un festival aussi prestigieux doté de moyens financiers publics très importants- ceux de l’Etat et des collectivités. Il bénéficie d’une logistique et d’une équipe impressionnante mais cette décevante édition du in, à part quelques découvertes, semble réservée à une «élite»: une classe sociale blanche et d’âge mûr,  heureuse de se retrouver ensemble. Mais il y a une coupure évidente… Et le mot « festival populaire » de Jean Vilar semble faire partie du Moyen-Age. Deuxième résultat: toute une partie du public ne va plus dans le in comme s’il n’existait pas et se réfugie dans le off, à l’inverse de ce qui se passait il y a trente ans.
Tiago Rodrigues doit quand même bien avoir conscience que le système installé par ses prédécesseurs ne fonctionne plus vraiment ! Et il n’y a plus au programme, aucune pièce classique, comme si elles sentaient mauvais ! Exception faite de « relectures » comme cette année Antigone par Milo Rau. Et en 2024, de sera le tour d’Hécube d’Euripide, mise en scène de Tiago Rodrigues.

Le in est de plus en plus imaginé, ne mâchons les mots, pour un public  suffisamment friqué pour acheter des places à un tarif élevé. Et, sauf erreur, Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture n’a jamais fait de remarque là-dessus. Quant à M. Macron, il a d’autres soucis et n’est jamais venu au festival. Ces prix élevés excluent presque d’emblée les jeunes et pose vraiment question.

©x Le Village du off

©x Le Village du off

Heureusement, le in est maintenant doublé d’un off qui n’a plus rien à voir avec celui que nous avions connu, avec à ses débuts, une dizaine de spectacles. C’est maintenant un festival parallèle qui chaque année, gagne des parts de marché. Mais paradoxalement, il aurait sans doute bien du mal à exister sans le in… Et existent maintenant des théâtres bien établis comme Le Chêne noir, Le Balcon, Les Carmes, le Théâtre des Halles, Artéphile… et depuis l’an dernier, La Scala-Provence, avec une grande salle de six cent places, une autre de deux cent places et un studio.
Soit une sorte de « in » du off où il y a maintenant environ 1.500 spectacles (mais pas tous sur la durée entière du festival et avec de trop nombreux solos). Soit
466 créations dont 370 spectacles joués pour la première fois à Avignon dans 141 lieux par 1.270 compagnies françaises et 125, étrangères. La qualité de jeu y est comparable à celle du in avec souvent des acteurs très connus (Denis Lavant, Marie-Christine Barrault, etc.)
Et avec des textes de théâtre contemporain intéressants et une revisitation intelligente de classiques. Mais aussi des spectacles de danse, magie, etc. Le off ne maque pas d’atouts avec un village du off  bien organisé et situé en plein centre, des salles correctes et généralement pleines, un remarquable catalogue des spectacles, une durée de représentation convenable, un public attentif mais qui ne fréquente pas, ou très peu, le in… Les prix moyens dans le off sont
plein tarif à 19,5 € et tarif abonné à 14 €. Ceci explique sans doute cela…
Bref, un autre monde où il y a parfois des passerelles. Des acteurs du in  jouent une autre fois dans le off mais les metteurs en scène ne sont pas les mêmes et les moyens financiers non plus… Nouveau paramètre: les critiques sont de plus en plus invités à voir en avant-première des spectacles i, du off … à Paris en juin pour que les compagnies puissent  déjà être sûres d’avoir leurs papiers. La concurrence étant redoutable en Avignon…
L’équipe du Théâtre du Blog était cette année plus réduite à Avignon  mais les avis convergent quant au bilan sur ce festival.«La s
olidité du off, dit Jean Couturier, s’affirme avec de plus en plus, de bons comédiens qui viennent jouer pendant trois semaines. Mais chaque média donne  une sélection, ce qui a tendance à limiter la curiosité du public.
Quant au in, comment ne pas voir qu’il n’y a pas assez de textes, et trop de « théâtres-documentaires », « théâtres-récits, « performances »…» Donc, nos impressions sont en demi-teinte pour la première année de cette nouvelle direction. »
Elisabeth Naud est aussi claire: «Les spectacles du in que nous avons vus ne provoquent  pas de  choc esthétique. Nous avons l’impression d’être un peu à l’école….Et, comme le dit Philippe du Vignal, les spectacles sont à notre avis, beaucoup trop chers, et donc interdits à ceux qui n’ont pas de gros moyens. Et nous avons eu la nette impression que le festival cherchait à vendre le maximum de billets jusqu’au début de la représentation, quitte à la retarder. Et il est parfois difficile, voire impossible pour les critiques d’avoir une invitation comme pour
Antigone de Milo Rau…
Par ailleurs, c’est évident: il n’y a pas de beaux textes dans le in, et ceux qui y sont joués, manquent singulièrement de force!
D’un autre côté, il y a de véritables pépites dans le off avec des mises en scène, interprétations et scénographies de haut niveau. »
Nous laisserons le mot de la fin à notre amie Christine Friedel qui n’a pu aller en Avignon pour des raisons de santé:« J’aime les spectacles qui me font respirer autre chose et là, je crois que j’aurais été déçue. »

Philippe du Vignal

Le prochain festival, compte-tenu des Jeux Olympiques, aura lieu du 29 juin au 21 juillet.

 

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