Phèdre de Sénèque, traduction et adaptation de Frédéric Boyer, mise en scène Georges Lavaudant

Phèdre de Sénèque, traduction et adaptation de Frédéric Boyer, mise en scène Georges Lavaudant

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Une pièce peu connue de cet auteur latin, elle-même inspirée de la Phèdre d’Euripide qui intéresse de plus en plus les metteurs en scène, les acteurs comme les élèves d’écoles de théâtre… Soit l’histoire d’un amour impossible considérée comme incestueux entre Phèdre et Hippolyte, le jeune fils de son époux Thésée, le vieux roi d’Athènes… Où tous les personnages vont se laisser emporter par la fureur et la violence… Il nous souvient que Madeleine Marion, la grande tragédienne, avait réussi à passionner ceux de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot avec cette Phèdre.

« Ici, dit Georges Lavaudant, peu de décors, peu de costumes. Les corps et leurs ombres comme dans un théâtre oriental-mais réinventé. » Créé à la salle Jean Puaux au Printemps des Comédiens à Montpellier, le spectacle est joué en plein air sur un vaste plateau, près de l’église Saint-Sauveur à Figeac (Lot).  Sur un grand écran-fond de scène, en effet apparaissent de belles ombres, parfois le texte en gros caractères et les lumières de Cristobal Castillo-Mora donnent une puissance aux corps des acteurs.

L’adaptation de Frédéric Boyer est en fait une réécriture, souvent de grande qualité et avec de belles images: l’amour et la haine cachés ou non, le sexe et l’interdit, l’inévitable transgression et sa violence, le meurtre et le suicide, la folie qui s’empare des parents avec les enfants comme enjeu: bref, tout qui  existe depuis la plus haute antiquité dans les familles et qui parle encore au public d’aujourd’hui.
Mais dommage, Frédéric Boyer a fait disparaître ou presque, le texte du chœur où son auteur dit, entre autres, que cèdent à la force de l’amour, les humains de tout pays, de tout âge et et de toute origine sociale mais aussi les Dieux du ciel et des enfers, ou les animaux. Alors que, dans une première version, il y a onze ans, des chœurs étaient joués par des amateurs, issus de communautés d’Emmaüs…
Frédéric Boyer a sans aucun doute une culture latine mais a signé une adaptation où nous n’avons pas toujours retrouvé l’admirable langue de Sénèque, notamment dans la traduction de Florence Dupont qui nous semble beaucoup plus précise et surtout plus théâtrale.
Georges Lavaudant a toujours ce même sens de la scène qu’on lui connait depuis longtemps et il sait diriger ses acteurs dans ces scènes héritées de la Phèdre d’Euripide : monologue de douleur, dialogue avec sa nourrice, récit du messager… Mais pourquoi a-t-il choisi cette adaptation et pourquoi a-t-il donné à sa mise en scène, un côté très statique.Proche effectivement du nô japonais mais comparaison n’est pas  raison: sans l’extrême raffinement des costumes et de l’immuable scénographie. « J’ai demandé à Jean-Claude Gallotta de nous aider à mettre en place des attitudes qui ne soient pas naturalistes, afin de créer un théâtre anti-psychologique, dit Georges Lavaudant. Un théâtre sensuel, corporel, primitif, comme un théâtre oriental réinventé. »
En tout cas, cela ne fonctionne pas… Les acteurs, donc très rigides sauf Hippolyte et que le metteur en scène a placés trop souvent face public, avaient du mal à traduire l’émotion qui parcourt le texte, du moins celui de la pièce originale de Sénèque. Les foutus micros H.F dont ils sont affublés ne servaient à rien, sinon à rendre ternes les voix des cinq personnages. Et le spectacle peinait à prendre son envol: dans les scènes entre Phèdre et sa nourrice, Astrid Bas, actrice expérimentée, ne semblait pas ce soir-là, vraiment pas à l’aise. Sa nourrice (Bénédicte Guilbert), elle, était beaucoup plus convaincante. 

Cette Phèdre manque singulièrement de sensualité, malgré une corporalité mise en avant. Pourquoi Phèdre porte-t-elle une chemise de nuit à imprimé de fleurs, vraiment laide. Pourquoi applique-t-elle sur ses seins nus du  ruban adhésif gaffer noir? Ce qui ne fait pas vraiment sens… Pourquoi Hippolyte est-il habillé d’un seul court short noir avec, mal dissimulée la boîte du micro H.F.? Et pourquoi Phèdre rejette des costumes plus colorés qu’un  récitant (Mathurin Voltz) qui joue aussi le Messager) vient lui apporter? Des costumes non signés! Curieux chez Georges Lavaudant…

Tous les personnages ont un jeu statique et dans cette grande cour en plein air, ce qui n’arrange rien, derrière le grand écran transparent en fond de scène, apparaissent les vitraux éclairés de l’église toute proche, où avait sans doute lieu une cérémonie. Une erreur évidente dans le choix de cet espace.
La mise en scène, d’une rigueur exemplaire, manque d’incarnation et cela nuit au texte. Et bizarre: une voix off dit à un moment, le texte à la place d’Astrid Bas, des micros H.F. foutent en l’air les relations entre les personnages. Alors que tous les acteurs ont une excellente diction et une bonne voix…
Thésée (impressionnant Aurélien Recoing) arrive à parler avec émotion de son fils Hippolyte (Maxime Taffanel qui avait créé avec succès en Avignon son Cent mètres papillon (voir Le Théâtre du Blog) et qu’il a joué aussi à Figeac, le lendemain.
A la fin, sur ce grand plateau nait enfin l’émotion. Une mère envahissante qui a tué ses enfants se suicide, son fils est mis à mort par les Dieux-on dirait maintenant le Destin- et où le tout puissant Roi Thésée n’a plus personne autour de lui. Une tragédie familiale qui n’a rien hélas perdu de son actualité et que le public ressent très bien… Mais pas dupe quant à l’ensemble du spectacle où il s’ennuyait, il a salué poliment, et deux rappels après, est vite sorti. Bref, cette Phèdre a peut-être souffert de cette reprise comme souvent au théâtre, et du plein air mais il nous a déçu.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 28 juillet, Figeac , Cour du Puy (Lot).

Théâtre complet de Sénèque, traduction de Florence Dupont, Actes Sud.

 

 


Archive pour 31 juillet, 2023

Phèdre de Sénèque, traduction et adaptation de Frédéric Boyer, mise en scène Georges Lavaudant

Phèdre de Sénèque, traduction et adaptation de Frédéric Boyer, mise en scène Georges Lavaudant

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Une pièce peu connue de cet auteur latin, elle-même inspirée de la Phèdre d’Euripide qui intéresse de plus en plus les metteurs en scène, les acteurs comme les élèves d’écoles de théâtre… Soit l’histoire d’un amour impossible considérée comme incestueux entre Phèdre et Hippolyte, le jeune fils de son époux Thésée, le vieux roi d’Athènes… Où tous les personnages vont se laisser emporter par la fureur et la violence… Il nous souvient que Madeleine Marion, la grande tragédienne, avait réussi à passionner ceux de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot avec cette Phèdre.

« Ici, dit Georges Lavaudant, peu de décors, peu de costumes. Les corps et leurs ombres comme dans un théâtre oriental-mais réinventé. » Créé à la salle Jean Puaux au Printemps des Comédiens à Montpellier, le spectacle est joué en plein air sur un vaste plateau, près de l’église Saint-Sauveur à Figeac (Lot).  Sur un grand écran-fond de scène, en effet apparaissent de belles ombres, parfois le texte en gros caractères et les lumières de Cristobal Castillo-Mora donnent une puissance aux corps des acteurs.

L’adaptation de Frédéric Boyer est en fait une réécriture, souvent de grande qualité et avec de belles images: l’amour et la haine cachés ou non, le sexe et l’interdit, l’inévitable transgression et sa violence, le meurtre et le suicide, la folie qui s’empare des parents avec les enfants comme enjeu: bref, tout qui  existe depuis la plus haute antiquité dans les familles et qui parle encore au public d’aujourd’hui.
Mais dommage, Frédéric Boyer a fait disparaître ou presque, le texte du chœur où son auteur dit, entre autres, que cèdent à la force de l’amour, les humains de tout pays, de tout âge et et de toute origine sociale mais aussi les Dieux du ciel et des enfers, ou les animaux. Alors que, dans une première version, il y a onze ans, des chœurs étaient joués par des amateurs, issus de communautés d’Emmaüs…
Frédéric Boyer a sans aucun doute une culture latine mais a signé une adaptation où nous n’avons pas toujours retrouvé l’admirable langue de Sénèque, notamment dans la traduction de Florence Dupont qui nous semble beaucoup plus précise et surtout plus théâtrale.
Georges Lavaudant a toujours ce même sens de la scène qu’on lui connait depuis longtemps et il sait diriger ses acteurs dans ces scènes héritées de la Phèdre d’Euripide : monologue de douleur, dialogue avec sa nourrice, récit du messager… Mais pourquoi a-t-il choisi cette adaptation et pourquoi a-t-il donné à sa mise en scène, un côté très statique.Proche effectivement du nô japonais mais comparaison n’est pas  raison: sans l’extrême raffinement des costumes et de l’immuable scénographie. « J’ai demandé à Jean-Claude Gallotta de nous aider à mettre en place des attitudes qui ne soient pas naturalistes, afin de créer un théâtre anti-psychologique, dit Georges Lavaudant. Un théâtre sensuel, corporel, primitif, comme un théâtre oriental réinventé. »
En tout cas, cela ne fonctionne pas… Les acteurs, donc très rigides sauf Hippolyte et que le metteur en scène a placés trop souvent face public, avaient du mal à traduire l’émotion qui parcourt le texte, du moins celui de la pièce originale de Sénèque. Les foutus micros H.F dont ils sont affublés ne servaient à rien, sinon à rendre ternes les voix des cinq personnages. Et le spectacle peinait à prendre son envol: dans les scènes entre Phèdre et sa nourrice, Astrid Bas, actrice expérimentée, ne semblait pas ce soir-là, vraiment pas à l’aise. Sa nourrice (Bénédicte Guilbert), elle, était beaucoup plus convaincante. 

Cette Phèdre manque singulièrement de sensualité, malgré une corporalité mise en avant. Pourquoi Phèdre porte-t-elle une chemise de nuit à imprimé de fleurs, vraiment laide. Pourquoi applique-t-elle sur ses seins nus du  ruban adhésif gaffer noir? Ce qui ne fait pas vraiment sens… Pourquoi Hippolyte est-il habillé d’un seul court short noir avec, mal dissimulée la boîte du micro H.F.? Et pourquoi Phèdre rejette des costumes plus colorés qu’un  récitant (Mathurin Voltz) qui joue aussi le Messager) vient lui apporter? Des costumes non signés! Curieux chez Georges Lavaudant…

Tous les personnages ont un jeu statique et dans cette grande cour en plein air, ce qui n’arrange rien, derrière le grand écran transparent en fond de scène, apparaissent les vitraux éclairés de l’église toute proche, où avait sans doute lieu une cérémonie. Une erreur évidente dans le choix de cet espace.
La mise en scène, d’une rigueur exemplaire, manque d’incarnation et cela nuit au texte. Et bizarre: une voix off dit à un moment, le texte à la place d’Astrid Bas, des micros H.F. foutent en l’air les relations entre les personnages. Alors que tous les acteurs ont une excellente diction et une bonne voix…
Thésée (impressionnant Aurélien Recoing) arrive à parler avec émotion de son fils Hippolyte (Maxime Taffanel qui avait créé avec succès en Avignon son Cent mètres papillon (voir Le Théâtre du Blog) et qu’il a joué aussi à Figeac, le lendemain.
A la fin, sur ce grand plateau nait enfin l’émotion. Une mère envahissante qui a tué ses enfants se suicide, son fils est mis à mort par les Dieux-on dirait maintenant le Destin- et où le tout puissant Roi Thésée n’a plus personne autour de lui. Une tragédie familiale qui n’a rien hélas perdu de son actualité et que le public ressent très bien… Mais pas dupe quant à l’ensemble du spectacle où il s’ennuyait, il a salué poliment, et deux rappels après, est vite sorti. Bref, cette Phèdre a peut-être souffert de cette reprise comme souvent au théâtre, et du plein air mais il nous a déçu.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 28 juillet, Figeac , Cour du Puy (Lot).

Théâtre complet de Sénèque, traduction de Florence Dupont, Actes Sud.

 

 

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