Inventions par le collectif Mal Pelo, chorégraphie de Maria Muñoz et Pépé Ram

Festival d’Avignon

Inventions par le collectif Mal Pelo, chorégraphie de Maria Muñoz et Pépé Ramis

Une découverte: un spectacle exceptionnel qui unit danse, musique et texte et un vrai bonheur… Ce projet autour de la musique de Jean-Sébastien Bach remonte à quatre ans mais la pandémie a obligé les équipes des différents pays à travailler à distance et a ralenti le travail.
Leurs retrouvailles ont, selon les chorégraphes, créé «un fort tissage entre les quatre modes d’expression: musique, voix, danse et texte». Et il a fallu trouver une relation entre le corps des danseurs et la musique vocale et orchestrale, et en contrepoint, avec les textes d’Erri de Luca, Nick Cave et John Berger.

© F. Masperini

© F. Masperini

Cette pièce chorale associe huit danseurs, dont les chorégraphes à la présence charismatique,  habités par la musique. Mais aussi un quatuor à cordes et un quatuor de voix. Maria Muñoz et Pépé Ramis font évoluer leur création en fonction des lieux: un chantier naval, une église en Espagne, et maintenant cette cour de lycée.

On pense parfois au travail d’Alain Platel qui lie différents univers, comme ceux présentés ce soir. Les danseurs, tous formidables, accompagnent de leurs mouvements fluides la partition de Jean-Sébastien Bach.  Certains des tableaux ou des textes dénoncent un futur risque écologique mondial: «J’attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche. J’attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.»
Tout les interprètes dansent sur le plateau, y compris les musiciens. Les lumières de Luis Marti et August Viladomat, en parfaite harmonie avec la musique et la danse, font naître de grands moments d’émotion. Un spectacle poétique à ne pas rater.

Jean Couturier

Jusqu’au 25 juillet, Cour du lycée Saint-Joseph, 62 rue des Lices, Avignon.


Archive pour juillet, 2023

L’Infâme de Simon Grangeat, mise en scène de Laurent Fréchuret

Festival d’Avignon

L’Infâme de Simon Grangeat, mise en scène de Laurent Fréchuret

Cela se passe en quarante-cinq minutes, soit le temps imparti entre deux cours dans un collège et joué à l’origine, dans une salle de classe, avec deux actrices. Avec une  écriture au rasoir pour dire le parcours de Tana, une jeune fille qui va entrer en apprentissage de couture (Louise Bénichou). Humiliée et honteuse d’elle, elle a quitté le domicile de sa mère qu’elle ne supportait plus (on l’entendra seulement par la voix de Flore Lefebvre des Noettes. Grâce à Apolline, sa meilleure amie mais  très différente d’elle (Alizée Durkheim-Marsaudon) -leurs relations sont parfois difficiles mais leur amitié reste intacte- et grâce à sa patronne qui la loge en échange d’heures supplémentaires, elle va essayer de trouver son identité.

©x

©x


Petit à petit,
Tana  progressera et se consolidera dans le silence de cet atelier de broderie. Cette courte pièce, bien écrite et remarquablement jouée (les deux ex-élèves de l’E.N.S.A.T.T.  toujours très justes sont remarquables et bien dirigée par Laurent Fréchuret) est l’histoire d’une émancipation et du passage de l’adolescence, à la vie d’une jeune adulte qui réussit à se construire dans un travail professionnel auquel elle donne toute son énergie…

Un spectacle court mais où, en à peine une heure, il se dit beaucoup de choses. Un texte écrit par un auteur contemporain, ce qui n’est pas si fréquent dans le off d’Avignon, loin des logorrhées trop fréquentes des interminables solos qui fleurissent partout ici…

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 26 juillet, Artéphile, 7 rue Bourg Neuf, Avignon. 04 90 03 01 90.

Le Songe, Démonter les remparts pour finir le pont, d’après William Shakespeare, mise en scène de Gwenaël Morin

Le Songe, Démonter les remparts pour finir le pont, d’après William Shakespeare, mise en scène de Gwenaël Morin

La mode est aux relectures et adaptations! « Est-il possible, dit le metteur en scène, de transformer le monde avec le théâtre ? Ce spectacle a vocation à faire partie d’ un répertoire de «grands classiques » que je monterai avec des acteurs et actrices fidèles, et d’autres rencontrés à Avignon. Ce premier spectacle est une adaptation pour quatre interprètes du Songe dune nuit d’été de William Shakespeare, que j’intitule de manière très fonctionnelle: Le Songe. »

©François Passerini

©François Passerini

Ils jouent Héléna, Démétrius, Hermia et Lysandre et, avec deux autres comédiens, se partagent les autres rôles. Ce spectacle a lieu en une heure quarante-cinq, dans le jardin de la Maison Jean Vilar, au pied de la fameuse Cour d’honneur où le directeur du festival et du T.N.P. créa en 59 Le Songe d’une nuit d’été avec Maria Casarès.
Ce vaste jardin planté d’arbres convient à cette pièce qui se passe surtout dans une forêt. Mais Gwenaël Morin fait jouer tous les personnages par le même groupe d’acteurs Pourquoi pas? Mais sur une même tonalité, quels que soient les rôles! Et cela rend la pièce totalement incompréhensible, même pour ceux qui la connaissent. Le public, désemparé, a applaudi, à un moment de calme où les acteurs étaient allongés au sol… en croyant que la pièce était finie!

Consigne pour ce Songe : sans doute hurler! Et ses interprètes hurlent en effet presque toujours leur texte. Le metteur en scène a-t-il voulu développer le comique de la pièce? Mais, en tout cas, il a réussi à faire disparaître toute sa dimension poétique et onirique.
Le jeu caricatural, que l’on retrouve souvent dans les interprétations de Pyrame et Thisbé, une pochade jouée par les artisans à l’acte V, est ici permanent. Les comédiens sont bons et, très impliqués, s’engagent avec énergie mais suivent les indications du metteur en scène!

Le répertoire classique est-il devenu si peu fréquentable pour qu’on veuille «fragmenter» ainsi un texte écrit pour le théâtre? C’est l’une des rares créations de ce festival dirigé pour la première fois par Tiago Rodrigues, qui est fondée sur un texte de pièce.
Mais quel naufrage! Cette adaptation du Songe d’une nuit d’été qui va faire une tournée en France, rendra triste tout amoureux d’un beau texte théâtral. Un conseil: si vous passez à la Maison Jean Vilar, achetez à la librairie la pièce publiée par le T.N.P. en 1959 avec de belles photos d’Agnès Varda et qui a été rééditée. Et faites-vous votre spectacle intérieur…

Jean Couturier

Jusqu’au 24 juillet, Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, Avignon.

Du 27 septembre au 20 octobre, Grande Halle de la Villette, Pavillon Villette, Paris (XIX ème).
Le 21 novembre, Les Salins, Scène Nationale de Martigues (Bouches-du Rhône); du 28 novembre au 6 décembre, Théâtre Public de Montreuil-Centre Dramatique National (Seine-Saint-Denis).

Et du 12 au 14 décembre, La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle (Charente-Maritime).

De la Servitude volontaire, de LM Formentin, mise en scène de Jacques Connort

De la Servitude volontaire, de LM Formentin, mise en scène de Jacques Connort

Le Discours de la servitude volontaire, ou Contr’un écrit par Étienne de la Boétie, à dix-huit ans, a été publié en latin par fragments en 1574, puis en français, deux ans plus tard…

Le spectacle y trouve sa source d’inspiration et nous découvrons une écriture théâtrale sensible et percutante de LM Formentin. Cet auteur et scénariste contemporain avait déjà travaillé avec le metteur en scène au festival d’Avignon 2019 pour Marie Stuart. Depuis longtemps Jacques Connort « avait l’idée de faire entendre, un jour, ce texte, sur scène au plein coeur duXXI ème » et a fait appel de nouveau à LM Formentin.

©x

©x

La mise en scène tout en finesse, sobre et sans artifice inutile et le jeu haut en couleurs, nous passons du rire au tragique, du fabuleux comédien, Jean Paul-Farré, «Cet ancien magistrat aux allures de Diogène selon Jacques Connort, est à la fois sage et truculent, et a longtemps observé les hommes et parcouru les époques. » ravissent un large public, attentif aux bruits du monde et à a personne humaine. Le texte ne manque ni d’esprit ni de provocation: « Eh ! Bien ? Êtes-vous si habitués à haïr les tyrans que vous n’en percevez plus votre complice admiration? Silence. Ma tournure d’esprit vous dérange… Si je disais vrai, n’est-ce pas ? que deviendraient vos confortables pensées qui vous assurent, à tout instant et en toute circonstance, que vous êtes l’ennemi du mal, et que votre âme est pure ? Silence. »

L’acteur laisse éclater l’asservissement « volontaire» des êtres humains, leur incapacité à refuser, souvent et même le pire ! Faire le choix de la liberté en tout âme et conscience :«Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libre.  » Mais chacun sait qu’il peut, face à la folie des dirigeants ou de simples individus, être mené à la mort. La liberté ne fait pas bon ménage avec la soumission et la peur. Comme l’affirme Jacques Connort, « Elle est une perpétuelle conquête»! Le spectacle offre une vision pertinente et atemporelle de l’autorité destructrice. Les hommes, toujours attirés par un désir de domination, sont pourtant faibles face à leurs dirigeants. le peuple est complice, qu’on le veuille ou non, du pouvoir exercé par les despotes, d’hier et d’aujourd’hui : «La servitude n’est pas imposée par la force mais est volontaire. »

La réflexion et le plaisir des spectateurs sont tenus en haleine. Ce texte d’une grande intensité et au sens politique aiguisé, est ici brillamment interprété par Jean-Paul Farré, aux multiples talents. Reconnu et admiré du public (voir Le Théâtre du Blog), il nous fascine et  fait vibrer avec ironie mais aussi avec empathie, le comportement du peuple face au pouvoir et à la tyrannie des dieux, rois, présidents de tous les temps…Jacques connort n’a pas manqué de réaliser une mise en scène simple et astucieuse. Un noble fauteuil (chaise dite d’affaires, trône…), une veste noire de costume suspendue sont les seuls éléments de scénographie, et la pièce prend tout son envol!
Le corps de l’acteur, quelques accessoires et un éclairage subtil suffisent à laisser entendre avec limpidité la parole théâtrale, sur une question hélas toujours pérenne et qui nous concerne tous.
Le fond de scène recouvert d’un panneau-miroir reflète le public. Grâce à cet effet, nous sommes comme sur scène, nous devenons ainsi sujets du roi, ou auditoire de cet exemplaire discours politique. Une des pépites du off !

 Elisabeth Naud

 Jusqu’au 29 juillet, Le Petit Louvre, 23 rue Saint-Agricol. Avignon. T. : 04 32 76 02 79.

 

Festival d’Avignon Birdy par la compagnie Hung Dance

Festival d’Avignon

Birdy par la compagnie Hung Dance

 Notre coup de cœur dans le off, avec, A Taïwan en Avignon, une belle surprise de cette troupe fondée  en 2017( hung: envol). Ses chorégraphies s’inspirent et mettent en mouvement des objets et événements du quotidien. Ici, les artistes sont parfois coiffés de grandes plumes de paon.En cinquante-cinq minutes, nous sommes emportés par cette danse où la précision du geste est d’une rare qualité. Vifs comme des félins, en groupe, en solos ou duos, les interprètes sont traversés de gestes brusques ou tendres. Et tous dignes de danser chez Crystal Pite où Hoffesh Shechter.

© Ch. Raynaud de Lage

© Terry Lin

Le chorégraphe Lai Hung-Chung veut « rassembler des danseurs et chorégraphes exceptionnels pour créer avec eux des spectacles de haute qualité qui lui permettront de s’élever plus haut encore à la poursuite de ses rêves ».  Avec des images marquantes comme cette réunion de mains à l’horizontale de tous les danseurs formant une grande aile ondulante, une image récurrente de ce spectacle
La longue plume d’un faisan comme celle portée par les danseurs dans l’opéra traditionnel taïwanais, se trouve ici sur le crâne des danseuses. Elle peut même parfois devenir un objet tranchant qui élimine un partenaire quand on le passe délicatement sur son cou.. Une frêle badine en bois permet aussi un beau jeu entre les artistes. Nous n’oublierons pas leurs regards intenses et leurs mouvements qui se cassent brutalement, comme dans les arts martiaux.

Ici, nous avons eu la même réaction d’admiration qu’Auguste Rodin voyant les danseuses accompagnant le roi du Cambodge lors d’un voyage officiel en France. Et il les dessinera. «Je suis sûr que l’observation de leurs mouvements, si neufs pour nous, introduirait dans notre statuaire, des éléments de renouveau et de vie intense. » Il faut aller voir ce spectacle.

 Jean Couturier

Jusqu’au 29 juillet, La Condition des Soies, 13 rue de la Croix, Avignon. T. : 04 90 22 48 43.

Kono atari no dokoka, conception Michikazu Matsune en dialogue avec Martine Pisani (en anglais, français, japonais et allemand)

Festival d’Avignon

Kono atari no dokoka, conception Michikazu Matsune, en dialogue avec Martine Pisani (en anglais, français, japonais et allemand)

« Quelque part par ici »  en français dit le titre japonais. Sur le plateau , un grand écran placé en oblique, une table en pin aux pieds sophistiqués. Les amis danseurs Michikazu Matsune et Théo Kooijman vont en une heure dix, raconter la carrière de Martine Pisani, ancienne chorégraphe marseillaise, et un peu de leur vie à eux. A partir d’un voyage à Kobé ( Japon) où arrivent Martine Pisani et Theo Kooijman, fatigués à cause du décalage horaire…

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Et, si on a bien compris, ils se réveillent en Avignon pour une conversation avec le danseur et performeur Michikazu Matsune. Il  habitait Kobé et est maintenant installé en Autriche.
Sur scène Martine Pisani, chorégraphe marseillaise atteinte d’une sclérose en plaque,  reste donc assise et dit parfois quelques phrases pour préciser un détail de son parcours. Et on peut voir quelques extraits de ses chorégraphies, pas très passionnants. Il y a un beau moment où Michikazu Matsune danse avec les mêmes pas qu’elle mais sans regarder l’écran.

Une conférence-spectacle qui se voudrait être teintée d’humour où ces artistes semblent éprouver un grand plaisir à retrouver leur jeunesse en parlant de tout et de rien, avec, sur l’écran, quelques haïkus, des dates importantes pour eux et des extraits de vidéos comme la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Albertville en 92. Mais nous n’en verrons que les images pixels de la chorégraphie de Philippe Découflé, vu, nous dit-on, les droits d’auteur trop élevés. Mais alors quel intérêt à les montrer?
Qu’ont voulu nous dire les auteurs de ce spectacle-conférence sur lequel plane un certain malaise ? Martine Pisani devant toujours rester immobile sur sa chaise… Rendre hommage à celle qui a fait bouger les lignes à Marseille, en invitant à Objectif Danse des chorégraphes importants, entre autres Merce Cunningham? Esquisser une brève histoire de la danse contemporaine ? Mais il y a des livres pour cela, dont ceux, fondamentaux de Laurence Louppe…
Si on voulait faire un spectacle sur ce domaine, après tout, pourquoi pas?  Mais il aurait déjà fallu concevoir une dramaturgie et une mise en scène qui tiennent la route! Ce qui est loin d’être le cas ici….
« Pour moi, le défi du spectacle était que Martine soit sur scène avec nous, dit Michikazu Matsune . Je voulais vraiment qu’elle soit physiquement au plateau. C’était la condition même de ce spectacle, son retour sur scène, une célébration. (…) Nous avons réfléchi et testé plusieurs idées pour savoir comment cela allait être possible… »
Mais le tout distille un ennui pesant. Reste un mystère : qui a pu choisir une telle création pour le festival? Certains spectateurs ont réussi à s’échapper, les autres ont à peine applaudi et on les comprend...

Philippe du Vignal

Spectacle présenté du 8 au 15 juillet, cour Montfaucon, collection Lambert, Avignon.

Maison de la Culture d’Amiens ( Somme), les 9 et 10 avril.

En mai prochain: festival Tanztage, fabrik Potsdam (Allemagne) et Spring Performing Arts Festival (Pays-Bas).

 

 

Dracula-Lucy’s dream, mise en scène d’Yngvild Aspeli

Dracula-Lucy’s dream, mise en scène d’Yngvild Aspeli

 Nous avions découvert cette créatrice norvégienne en 2011 (voirLe Théâtre du blog), avec sa première pièce Signaux au festival mondial de la marionnette de Charleville-Mézières. Depuis Yngvild Aspeli a eu un parcours exceptionnel et ses spectacles ont été programmés partout dans le monde avec grand succès.
« L’utilisation des marionnettes, dit-elle, est au centre de mon travail, mais le jeu d’acteurs, la musique, la lumière et la vidéo, comme le traitement de l’espace, sont des éléments tout aussi importants dans la communication de l’histoire. Avec la rencontre de ces différentes expressions, un langage étendu se crée et ouvre à une narration multi-sensorielle. »

©x

©Ch. Raynaud de Lage

La metteuse en scène a choisi de raconter par le biais d’une de ses victimes, l’histoire mythique du comte Dracula écrite par Bram Stoker. Lucy finira par devenir elle-même vampire, avant de mourir. Dominique Cattani, Yejin Choi, Sebastian Moya, Marina Simonova et Kyra Vandenenden donnent vie à Lucy et Dracula, des marionnettes à taille humaine. Accompagnés par la musique originale d’Ane Marthe Sørlien Holen.

Comme toujours avec la compagnie Plexus Polaire, le travail de manipulation est d’une précision exceptionnelle. Nous n’avons aucun de mal à croire à l’existence de Dracula aux charme fou avec de faux airs de l’acteur Samy Frey. Mais en une heure quinze, la trop rapide arrivée de Dracula ne nous laisse pas attendre. Ce qui contribuerait au plaisir de la découverte. Ici, très vite, le vampire assouvit son goût du sang sur les veines jugulaires de Lucy. Une superbe marionnette de chien-loup précède l’arrivée du Comte, manipulée selon la technique du théâtre noir: éclairer avec un puissant rayon de lumière, le pantin pour que le manipulateur reste invisible.
Yngvild Aspeli et ses artistes peuvent rompre avec cette technique et faire apparaître le comédien-manipulateur à vue, sans que l’illusion s’atténue. Il faut souligner le remarquable travail de l’équipe de fabrication des marionnettes: Yngvild Aspeli, Manon Dublanc, Pascale Blaison, Elise Nicod, Sé
bastien Puech et Delphine Cerf.

Un moment fort où dans une danse macabre, le corps de l’actrice qui joue Lucy se transforme en marionnette à taille humaine, manipulée grâce à des fils rouge sang sortant de son corps. Laissons-nous emporter par cette histoire entre rêve et réalité… Seul le théâtre peut redonner vie à ces fantômes nés de l’imagination d’un écrivain.

Jean Couturier.

Jusqu’au 24 juillet, de 9 h 30 à 11 h 20 (trajet navette inclus pour la patinoire). Départ de La Manufacture, 2 rue des Ecoles, Avignon. T: 04 90 85 12 71.

 

Tableau d’une exécution d’ Howard Barker, traduction Jean-Michel Déprats, mise en scène d’Agnès Régolo

Tableau d’une exécution d’Howard Barker, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène d’Agnès Régolo

 Galactia, une peintre renommée, a été choisie par Urbino, Doge de Venise pour réaliser une fresque de trente mètres célébrant la victoire de la sainte-Ligue catholique sur l’empire ottoman en 1571 à la bataille navale de Lépante, où Miguel de Cervantès perdit un bras. Le dramaturge a été inspiré pour créer ce personnage de Galactia par la peintre Artemisia Gentileschi (1593-1652) est aussi peintre et il a écrit son texte à la manière de la fresque que l’artiste imagine, avec, entre autres, un soldat atteint par une flèche et le ventre ouvert…d’où le sang jaillit.

La République de Venise veut ainsi montrer sa puissance. Mais Galactia, elle, a décidé de montrer le massacre de quelque 30.000 Turcs…. Eternelle question: que peuvent alors être les relations d’un artiste avec le pouvoir, et si c’est une femme, quel rôle peut-elle avoir dans la société…
La pièce avait été mise en scène par Claudia Stavisky et le dramaturge anglais Howard Barker a été beaucoup joué en France. Jerzy Klesyk avait créé Les Possibilités  en 2000. Et  au théâtre de l’Odéon, furent mis en scène Hated Nightfall en 94, puis The Castle y Judith ou le corps séparé, Gertrude-Le Cri, mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti en 2007 et, à cette même époque, Le Cas Blanche-Neige et Les Européens que réalisa Christian Esnay, avant Tableau d’une exécution.

Howard Barker a écrit, dit-il, un «théâtre de la catastrophe et c’est aussi celui d’hommes cruels. »
Avec des thèmes comme la mutilation, l’arrogance des nantis, la violence qui règne partout, même si elle est souvent invisible: «Le théâtre doit être une expérience éprouvante, dit-il, et la plus grande réussite d’un écrivain est de créer un personnage qui suscite de l’angoisse. » (…)  « Nous vivons à un moment de l’histoire de la démocratie où nous vouons un tel culte à la transparence, que cela en devient oppressant. C’est une forme de répression. »
En filigrane, c’est le thème de la pièce jusqu’à la révolte! Howard Barker situe l’action à Venise mais, dit la metteuse en scène, il fait «coexister notre présent et le passé. » Comme décor, juste quelques tables souvent dans la pénombre. Un homme nu allongé sur une table pose de dos pour la peintre, sa muse, son amante.. Déflagration en vue dans ce couple mais il ne veut pas divorcer… 

Un discours féministe mis en scène par Agnès Régolo et là, tout s’accélère. Pourquoi Galactia a-t-elle été choisie par le Doge ? Ici, vont se succéder jalousie, conquête du pouvoir, règlement de comptes, jusqu’à l’arrestation et l’enfermement de l’héroïne. Mais elle sera libérée par ceux qui l’ont eux-mêmes enfermée. Réhabilitée de justesse… l’artiste ne sera pas exécutée et sa fresque ne sera pas détruite…
Les acteurs regardent tour à tour la toile blanche : l’artiste a peint la fresque d’une exécution collective, plutôt qu’une victoire. Mais nous imaginons les couleurs rouges d’un charnier et la cruauté des soldats…

©x

©x

Maud Narboni, Kristof Lorion, Pascal Henry, Rosalie Comby, Nicolas Geny et Antoine Laudet sont impeccables dans ces dialogues souvent crus mais teintés à la fois d’ironie et de lyrisme. Le Duc Urbino  ne mâche pas ses mots : «Je sais que vous êtes une artiste, et moi je suis un homme politique, et nous avons tous les deux toutes sortes de petites habitudes, de façons de parler, de croyances et ainsi de suite auxquelles nous ne serions heureux de renoncer ni l’un ni l’autre, mais afin que la communication soit plus facile, puis-je suggérer que nous arrêtions ce petit ballet de l’amour propre pour nous concentrer sur les faits ? Les faits simples et incontournables ? Mon frère est amiral de la Flotte et il n’est pas assez en vue sur ce croquis. Voilà tout ! »
Agnès Régolo sait faire naître les images conçues par Howard Barker avec une grande maîtrise. Malgré quelques longueurs du texte, un spectacle bien mis en scène et à voir.

Sylvie Joffroy

Jusqu’au 26 juillet, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. : 04 32 76 24 51.
Le texte est publié aux Éditions Théâtrales-Maison Antoine Vitez.

Le Songe d’une nuitd’été adaptation et mise en scène de Jean-Michel d’Hoop

 

©x

©x


Le Songe d’une nuit
d’été, adaptation et mise en scène de Jean-Michel d’Hoop

Mise en scène le 15 juillet 1959 par Jean Vilar dans la cour d’honneur du Palais des papes, ensuite par Jérôme Savary en 90 à la carrière Boulbon (voir Le Théâtre du Blog), la pièce est aujourd’hui montée par Jean-Michel d’Hopp avec sa compagnie belge.
Le metteur en scène voit dans Le Songe, une pièce avec pour  cadre, une forêt qui «permet aux personnages d’échapper momentanément à tout contrôle social, à la censure et aux interdits.  Ainsi  cette forêt de  magie invite aussi à l’exploration des identités de genre fluctuantes et offre un espace de liberté loin du machisme qui sévit à la Cour d’Athènes.  Et une espèce de refuge, un lieu en marge et un squat abritant des rêves-parties pour fêtards noctambules. »

La compagnie Point Zéro utilise des marionnettes portées et aussi le corps-marionnette où se confondent acteur et pantin offrant toutes les libertés. Les marionnettes et masques de Loïc Nebreda, en résine, latex, mousse, tissus et lycra, sont impressionnantes de vie et font corps avec les acteurs-manipulateurs.

Avec une grande bouche, elles disent le texte avec une telle précision que l’on dirait des morceaux de bravoure improvisés par les manipulateurs. Mais ici, on retrouve bien le texte fou du grand dramaturge.
Parfois les pantins se permettent une interaction humoristique avec leurs acteurs: qui manipule qui? Et qui prend l’ascendant sur l’autre? Ils ont une telle maîtrise qu’on en oublie leur présence. Sur un rythme rapide et coordonnés par de remarquables régissseurs, ils nous emportent dans cette nuit d’été pendant une heure quarante.

Nous entendons donc à nouveau l’admirable épilogue dit par Puck: «Si nous, les ombres que nous sommes, Vous avons un peu outragés, Dites-vous pour tout arranger. Que vous venez de faire un somme. Avec des rêves partagés. Ce thème faible et qui s’allonge. N’a d’autre rendement qu’un songe. Pardon, ne nous attrapez pas, Nous ferons mieux une autre fois, Aussi vrai que Puck est mon nom, Si cette chance nous avons. D’éviter vos coups de sifflet. Vite nous nous amenderons. Ou Puck n’est qu’un menteur fieffé. Sur ce, à vous tous bonne nuit, Que vos mains prennent leur essor. Si vraiment nous sommes amis. Robin réparera ses torts ».
Ces phrases magiques qui lient depuis à jamais les ici les personnages-marionnettes et le public. Allez vous perdre dans cette forêt de magie et prendre un bain de vie, vous ne le regretterez pas.

Jean Couturier.

Jusqu’au 26 juillet, Le 11 théâtre, 11 boulevard Raspail, Avignon. T. : 04 84 51 20 10.

Dispak Dispac’h, écriture et mise en scène de Patricia Allio

Festival d’Avignon

Dispak Dispac’h, texte de Patricia Allio, Gisti et Elise Marie, mise en scène de Patricia Allio

Le public entre,puis est prié de se déchausser et va s’asseoir sur des gradins autour d’une scène quadri-frontale, une agora se constitue. Patricia Allio va discrètement y prendre place et s’adresse à lui comme dans une assemblée.
Cette prise de parole fait office de prologue et nous pressentons l’aspect inattendu en terme de théâtre, du spectacle.  L’autrice et metteuse en scène commence par nous donner le sens des mots à la sonorité rythmée et poétique du titre. Dispak, en breton, signifie: ouvert, déplié, défait. Et dispac’h: agitation, révolution révolte. Elle nous invite à regarder la scène comme un tremplin pour affiner notre écoute,  être en confiance, avec les témoins rencontrés pour la réalisation de ce projet. Le pari de la réception est en jeu face à un  spectacle « déspectalisé » selon son expression.
Il s’agit d’une volonté pragmatique et le public ne doit pas s’attendre ici à une parole théâtrale au sens classique du terme… Mais à celle, codifiée, de la langue juridique et  celle du reportage. Pour cette artiste militante, philosophe, autrice, metteuse en scène, performeuse et réalisatrice engagée sur la question de l’égalité, la démocratie se présente comme un horizon révolutionnaire. Le théâtre doit s’inscrire dans cet espace. Informé, le public, selon Patricia Allio, peut alors «ouvrir son cœur et sa sensibilité à une parole,  cathartique, issue des témoignages ».

© Ch. Raynau de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Un spectacle en deux parties avec, d’abord une accusation juridique à charge en  dix points et, dans la seconde, des témoignages.
Le texte fondateur est un acte d’accusation juridique. « Le Tribunal permanent des peuples a une mission:  donner «aux personnes migrantes la dénomination -aussi juridique- de sujets du droit universel de l’habeas corpus »

Dans la première partie, Patricia Allio utilise le tatami au centre de l’espace scénique suggérant la mer, un canot de sauvetage…pour rendre plus accessible, par le biais de la corporalité et de la voix, l’écoute de textes juridiques peu poétiques !

Puis dans la seconde, les témoins deviennent comédiens-témoins dont certains sont présents et dont nous allons entendre l’histoire.
Ce spectacle ravive notre conscience. Sans détour, le public entre en contact avec une actualité tragique et mondiale, celle des exclus. Cet acte d’accusation a été rédigé par le Groupe d’information et de soutien des émigrés en 2018 et reformulé pour la scène, par Patricia Allio. Proférés ici sobrement, avec une forte présence, celle de la comédienne Élise Marie :  «Les violations des droits fondamentaux sont liées aux restrictions de la liberté de circulation », comme « les violations des droits sociaux, économiques et culturels ». Le public, qui devrait être au courant, apprend qu’il est impossible de quitter son pays et qu’existe l’obligation de porter secours en mer. L’attention est à son comble.

Succède à cette exposé juridique, un intermède. Quelques participants du projet, , viennent délicatement ôter la première couche couvrant le tatami vert et bleu, couleurs de l’espoir, de la nature, de la mer et du ciel.
Au sol, prend alors forme une cartographie. De petites gommettes de couleurs fluo sont collées, pour indiquer l’installation des camps de réfugiés en Europe.Vingt-cinq en France, le chiffre le plus élevé.

Après ce moment, instructif mais trop long, l’entrée en scène des témoins est désormais attendue. Leur récit est intense et d’une intelligence de haut niveau! Chaque histoire est unique d’horreur mais aussi de courage.
Stéphane Ravacley, un boulanger de Besançon, est venu au secours de son apprenti guinéen sans papiers et a fondé par la suite, l’association Patrons-nes solidaires. Gaël Manzi est l’un des fondateurs d’Utopia 56. Mortaza Benboudi, un Afghan, arrivé en France en 2005, est devenu journaliste et a été naturalisé français en 2021. Également présente et témoin, Marie-Christine Vergiat, députée européenne et vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme.

Le public à l’écoute de plusieurs actions précises, et d’envergure, entreprises par les associations, celle par exemple pour aider les migrants de Calais, et des institutions qui défendent le droit de chaque individu à vivre dans la dignité et le respect de la personne humaine, ravive sa mémoire et sa conscience.
Théâtre-témoignage, dont les participants-témoins sont extraordinaire de vérité, avec pour thème un problème politique majeur et qui nous concerne tous. Mais les spectateurs restent perplexes: est-ce encore là du théâtre? La transfiguration poétique si nécessaire pour lui donner vie et mieux nous faire comprendre la réalité, comme la catharsis, pourtant voulue par Patricia Allio, laisse à désirer…

 Elisabeth Naud

 Jusqu’au 20 juillet, Dispak Dispac’h, gymnase du lycée Mistral.

12345

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...