Festival d’Avignon:An Oak Tree de Tim Crouch

Festival d’Avignon:

An Oak Tree de Tim Crouch

Arrivé à l’écriture assez tard, puisque, dit-il, il écrit sa première pièce, My Arm, à trente-huit ans: «Une réponse émotionnelle, instinctive, aux difficultés et aux frustrations que je rencontrais comme acteur. Je me sentais en forte opposition avec le réalisme psychologique qui était alors largement majoritaire sur les scènes, et j’éprouvais de plus en plus le besoin d’une réflexion sur la théâtralité – non pas en termes de spectacle, mais de relation entre un acteur et un public. J’ai alors commencé à écrire mes spectacles comme un défi lancé à ces formes théâtrales qui me posaient problème. (…) Chaque pièce se nourrit des précédentes, et s’inscrit dans une réflexion autour de cette question : à quoi le public s’attache-t-il, conceptuellement, dans le théâtre ?  

Cela se passe dans le toujours aussi merveilleux Cloître des Carmes avec ses deux platanes centenaires de plus de vingt mètres de haut.  An Oak Tree, titre d’une œuvre d’art conceptuelle b ien connue et réalisée en 1973 par l’Américain Michael Craig-Martin. Soit un verre d’eau posé sur une étagère et à côté de lui, des questions-réponses où il explique comment il a transformé ce verre d’eau en u chêne adulte. Il l’a fait sans en changer l’apparence physique ; l’œil voit un verre d’eau, mais ce n’en est plus un : il s’agit d’un chêne sous la forme d’un verre d’eau.
Tim Crouch a imaginé remplacer ce verre par un acteur ou une actrice, le chêne par un personnage. «Pour le temps de la représentation, dit-il, l’acteur n’est plus lui-même. Et voilà ce qu’est l’art : l’idée d’une chose à l’intérieur d’une autre ; Hamlet, à l’intérieur d’un acteur ; Elseneur, à l’intérieur d’un théâtre ; un chêne, à l’intérieur d’un verre d’eau. J’adore le fait que ce processus soit si ludique, si facile, si libre, si ouvert à tout un chacun.  »

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Ici, un père a perdu sa fille. Et il transforme le chêne auprès duquel elle a été tuée, en sa fille. Le deuxième personnage est un hypnotiseur . Tim Crouch va alors exercer son pouvoir sur un acteur ou une actrice. Mais c’est la règle du jeu, il ou elle ne doit avoir vu ni lu la pièce avant. Ils se rencontrent une heure seulement avant le spectacle. Ensuite Il ou elle découvre la pièce au fur et à mesure qu’il ou elle la joue.
Les répliques de son personnage, le père, lui sont transmises via une oreillette et il ne sait ce qui va se produire.

Ce deuxième acteur serait, si nous avons bien compris une sorte de double du public. Au sol, aucune scène mais seulement quatre chaises-coques en plastique et un tabouret noir pour piano. Devant un des piliers du cloître une petite table en bois avec quelques engins électroniques
Tim Crouch semble avoir centré ce court spectacle sur l’aspect visuel, ce qui le rapprocherait d’une performance. Il a déjà été «joué» trois cent soixante fois, ce qui la rapprocherait d’une d’une œuvre théâtrale. Mais avec trois cent-soixante interprètes forcément très différents. Ce qui ne se voit jamais sur scène et qui donne un certain vertige…
Une sorte d’aventure conceptuelle, donc plus artistique que théâtrale à laquelle on adhère ou… pas. Tim Crouch a un solide métier, cela se voit tout de suite et  Natacha Koutsounov assure au mieux cette situation pour le moins inconfortable.
La pièce, dit son auteur, « se régénère grâce à cette nouvelle présence ». Mais là, il y a maldonne, puisque le public la voit pour la première fois. Et désolé, même si retrouver le cloître des Célestins est toujours un grand bonheur, nous ne sommes pas entrés dans l’aventure conceptuelle que propose Tim Crouch. Vous voilà informés, donc libre à vous d’y aller ou pas.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 11 juillet, Cloître des Carmes, Avignon.


Archive pour juillet, 2023

Festival de Châteauvallon-Liberté Entretien avec l’équipe artistique d’On achève bien les chevaux, d’après le roman d’Horace McCoy

Festival de Châteauvallon-Liberté

 Entretien avec l’équipe artistique d’On achève bien les chevaux, d’après le roman d’Horace Mc Coy

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©M.Davidovici

Dans l’immense pinède, bercés par le concert des cigales, dominant la mer, nous découvrons , un amphithéâtre de plus de mille places. Un peu plus haut, un théâtre « couvert“, modulable de huit-cent places et un studio faisant office de petite salle.
Du bar sur une terrasse, une vue magnifique sur la Méditerranée. En contrebas, une bastide accueille les artistes en résidence. Un équipement remarquable, fruit de cinquante ans d’histoire…
Ce festival, situé à Ollioules, près de Toulon, fut fondé en 1964 par le peintre Henri Koumars et le journaliste Gérard Paquet. Ils découvrent les ruines d’une bastide du XVII ème et vont établir sur cette colline enchanteresse et inspirante, un lieu voué à la création.
Dès les années soixante-dix, ils invitent des artistes, penseurs et musiciens célèbres et créent un festival de jazz. Châteauvallon devient aussi un des hauts lieux de la danse contemporaine alors en plein essor, sous le nom : Théâtre national de la danse et de l’image, toujours sous la houlette de Gérard Paquet. Mais il partira en 96, après de graves démêlés avec le maire (Front National) de Toulon, qui voulait censurer la programmation. Cela déclencha un mouvement de solidarité dans toute la France…

 

En 1998, devenu Centre National de Création et de Diffusion Culturelles (C.N.C.D.C.) Châteauvallon, sous la direction de Christian Tamet, passe sous la régie de la Communauté d’agglomération Toulon-Provence- Méditerranée.
Puis en 2015, il devient Scène nationale avec le théâtre Le Liberté, dirigé par Charles Berling qui avait été ouvert en 2010 à Toulon. Sous le nom Châteauvallon-Liberté, ces structures coexistent avec deux directions distinctes.
Huit ans plus tard, quand Christian Tamet s’en va, Charles Berling prend la tête de ces équipes avec des programmations distinctes. Cet enfant de Toulon qui s’est beaucoup battu pour forger cet outil culturel veut ancrer ce lieu au cœur du territoire et aller à la rencontre de nouveaux publics.
Cette année, pour ne pas déroger à la pluridisciplinarité d’origine, se côtoient danse et théâtre. Bartabas et son Mozart Requiem équestre, accompagné par l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Toulon, succèdera au Nederlands Dans Theater et à Kader Attou…

Ce soir, une création très attendue : On achève bien les chevaux d’après Horace McCoy, adaptation et mise en scène de Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro, avec les trente-deux interprètes du Ballet de l’Opéra National du Rhin et les huit comédiens de la compagnie des Petits-Champs.

On achève bien les chevaux / Bruno Bouche / Clément Hervieu-Leger / Daniel San Pedro / Horace McCoy

© Poupeney

Ce sera une soirée mouvementée où les artistes ont courageusement essuyé les plâtres et une ondée torrentielle qui a inondé le plateau, sans annuler le spectacle. Le show a continué, après interruption. Difficile dans ses conditions d’en juger. Aussi reviendrons-nous sur ce spectacle en septembre, dans le cadre du festival de Biarritz, Le Temps d’aimer la danse.

.Nous avons rencontré le chorégraphe Bruno Bouché, directeur du Ballet de l’Opéra du Rhin et le comédien Daniel San Pedro, directeur avec Clément Hervieu Léger de la compagnie des Petits Champs, et acteur dans le rôle de Socks.

-On connaît le film de Sidney Pollack : They Shoot Horses Don’t They ? (1970) mais un peu moins le roman dont il est tiré. Publié en 1935, avec pour thème la grande crise économique et sociale qui avait secoué les Etats-Unis six ans plus tôt . Comment avez-vous travaillé ?  Pourquoi selon vous ce roman est-il encore actuel?

 -Daniel San Pedro et Bruno Bouché

-Nous sommes partis uniquement du roman pour le fil narratif et les dialogues. Nous avons d’abord déterminé des plans-séquences, un peu comme au cinéma et ensuite inséré les dialogues. Il y a des rôles et chacun des couples a son histoire.  Peu de texte, la danse est privilégiée et le rôle principal, c’est le groupe.
Ce projet est né pendant la crise sanitaire et, actuellement une autre crises sévit : socio-économique. Avec de lourdes conséquences pour les artistes indépendants qui sont en difficulté. Comme ceux qui participaient il y a presque un siècle à des marathons de danse pour se faire remarquer : Horace McCoy (1897-1955) parle de figurants qui y venaient avec l’espoir de décrocher un contrat auprès des producteurs présents dans le public. Nous pensons aussi aux artistes qui participent aux émissions de télé-réalité comme, entre autres, Danse avec les stars. L’actualité, aussi, c’est le travail des corps. Et dans cette adaptation, nous parlons, au cœur même de la danse, de la fatigue.

 -Comment s’est articulé le travail entre danseurs et comédiens ?

-B.B. et D.S.P. :

Loin de rester chacun dans sa propre pratique artistique, Danseurs et comédiens se fondent ici dans le même mouvement narratif. Et les danseurs ont été nourris du travail avec les acteurs. La chose la plus belle : ces compagnies ont été réunies pour raconter une histoire. Et on ne peut distinguer qui appartient au Ballet de l’Opéra National du Rhin, ou à la compagnie des Petits-Champs.

 -Comment intervient la musique ?

 D.S.P. et B.B.
Les musiciens, très présents dans le roman, font partie de la mise en scène., nous a proposé une liste de standards américains: comédies musicales, anciens airs de jazz et d’aujourd’hui. Sur le plateau, à côté de  
Mhamed El Menjra à  la guitare, un guitariste, un pianiste, un batteur, un trompettiste. Il y a aussi de la musique enregistrée. Mais cela reste intemporel. La musique est de toutes les époques. Une bande-son diffuse des ambiances extérieurs et  le bruit d’un métro qui passe rythme les séquences.

-Dans le roman, le public est très présent. Quelle place lui donnez-vous ici?

-D.S.P. : Nous avons cassé le quatrième mur mais il n’y a pas d’acteur au milieu du public. Socks, l’animateur et directeur du marathon, s’adresse aux spectateurs, ce qui leur ouvre la possibilité de réagir.

Mireille Davidovici

On achève bien les chevaux création le 6 juillet, Festival de Chateauvallon,  95 chemin de Châteauvallon, Ollioules (Var) T. : 04 94 22 02 02

Le Festival  se poursuit jusqu’au 26 juillet

Les 9 et 10 septembre  Espace Lauga, festival Le Temps d’aimer à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques ; les 16 et 17 septembre, Journées européennes du patrimoine et des Olympiades culturelles, gymnase Japy Paris, (XI ème).

Du 15 au 21 novembre, Maison de la Danse à Lyon.

Les 15 et 16 février, Théâtre de Caen (Calvados). ; 7 – 10 mars Opéra national du Rhin, Mulhouse, La Filature ;  2 -7 avril, Opéra de Strasbourg; 11 et 12 avril, Maison de la Culture, Amiens

Welfare, film de Frederick Wiseman

Welfare, film de Frederick Wiseman

Le spectateur est prévenu: s’il tient le premier quart d’heure, il ira jusqu’au bout des deux heures quarante-sept de ce film (1973). Comme nous y invite Nicolas Philibert, lui-même grand documentariste (toujours à l’affiche: Sur l’Adamant, la péniche qui accueille des adultes souffrant de troubles psychiques).Il est venu présenter Welfare, au MK2 Beaubourg, mercredi dernier et nous a invité à écouter aussi le film : Wiseman travaille à l’oreille, et la perche du preneur de son attire l’œil de la caméra vers tel ou tel visage.

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Cela se passe dans la salle d’attente et aux guichets de ce service social à Manhattan (New York). Ici, rien que du banal assommant : la régularisation de dossiers, pour que les plus pauvres obtiennent leurs  droits. Le vital pour eux : manger ce soir et dormir sous un toit. Mais à quelle adresse envoyer le chèque de l’aide publique, à quel nom le recevoir ? Comment récupérer un bébé placé en institution de protection de l’enfance, tant que le logement en sous-sol est infesté de rats? Comment, comment, comment? La demande est sans fin, la réponse arrive parfois et même souvent, et l’on entend alors l’appel régulier des noms et numéros.

Mais le propre de la machine administrative : les blocages ! Le dossier n’est pas à jour, le demandeur a été radié par erreur, un risque d’homonymie arrête tout, la situation familiale du demandeur n’est pas claire, etc… Les employés s’efforcent de démêler tout cela, avec patience et persévérance, mais craquent parfois, comme réduits à un disque rayé : «Ne me criez pas dessus», « Je ne peux pas le faire, je ne peux pas » Exaspérés mais obligés de se contenir, impuissants…

Cinquante ans plus tard, la dématérialisation n’a rien résolu, sinon aggravé la situation à cause de la fracture numérique. Le réalisateur nous donne à voir tout le mécanisme et cela se passait en 73 : salle d’attente, guichets, vieilles machines à cartes perforées qui crachent leurs fiches, piles de dossiers, papiers, papiers, papiers….
Mais Frederick Wiseman surtout prend le temps de conduire notre regard vers les personnes. Autant d’histoires uniques et toutes semblables. Autant de colères, détresses, ruses pour essayer de contourner l’incontournable monstre. Evidemment, cela évoque avec brutalité les entretiens auxquels sont soumis chez nous aujourd’hui les demandeurs d’asile. Avec le trop fameux «récit» qu’on attend d’eux, inévitablement formaté, ce qu’on leur reprochera ensuite.
Un jeune couple qui n’est peut-être pas un couple, une femme accompagnant son amie quasi muette et qui souffre pour elle, crie pour elle. Mais aussi un homme qui tire de ses poches une lettre, puis une autre, puis une autre, pour tout lâcher au sol, renonçant à ses « justificatifs ». Un poète philosophe au vêtement soigné, juste un peu élimé et au discours d’une parfaite désespérance…  Le cinéaste les écoute, tous, avec considération.

On comprend qu’on veuille adapter ce film au théâtre. Il se passe dans un décor unique, à quelques moments près où l’on voit les bureaux plus reculés et moins accessibles, des chefs. On ne verra l’extérieur que sous la forme d’une porte. Derrière y est rejeté mais non sans peine, un homme souffrant manifestement de troubles mentaux, qui insulte en continu un agent de sécurité noir, lequel lui répond avec la même obstination sur un ton égal. De la ville, on ne reconnaîtra que le nom, celui des rues où se trouvent les différents bureaux, dans un espace qui pourrait être imaginaire, et la misère réelle que cette ville a produite.

Si Welfare était une fiction, on pourrait parler de «film choral» Et ces personnes sont devenus des personnages. Pour nous, aucune réponse à tous ces «pourquoi». Pourquoi a-t-il perdu son travail ? Pourquoi vient-elle demander du secours à New-York, alors qu’elle habite l’état voisin du New Jersey? Pourquoi cette vieille femme crie-t-elle si fort, par-dessus la plainte d’une autre ? Et là, au milieu, des enfants jouent et rient…
L’unité de temps: une journée épuisante pour tous, où les demandeurs butent contre la complication administrative et où les agents sont enfermés dans le ressassement : «Prenez-rendez-vous. » « «Demain ? « Je ne peux pas, ce n’est pas de moi que cela dépend. « Ce bureau ne fait pas la charité et ces secours sont un droit…
Pour clore la journée, le réalisateur s’attarde sur les premiers visages que nous avons vus : c’est fini, et c’est sans fin. Un long et beau film, inspirant.

Christine Friedel

Dans cinq salles de la région parisienne. Présenté chaque mercredi par un ou une cinéaste, au MK2 Beaubourg (Paris III ème).

Welfare, d’après le film de Frederick Wiseman, de Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyvos, mise en scène de Julie Deliquet (en français, surtitré en anglais)

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage


Welfare
, d’après le film de Frederick Wiseman, de Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyvos, mise en scène de Julie Deliquet (en français, surtitré en anglais) 

Le documentariste new yorkais bien connu en France a réalisé un film sorti en 73 sur le quotidien d’un bureau d’aide sociale à Manhattan.  Où on répond (très mal: mission impossible) aux misérables -femmes et hommes, blancs comme noirs- qui viennent y chercher de l’aide. Incapables de comprendre les nombreux règlements et quels sont leurs droits. Bref, une machine à fabriquer de la violence, elle-même issue de la politique néo-libérale bien huilée mise en place par les gouvernements successifs aux Etats-Unis…

«Le lieu, dit la metteuse en scène, devient un cadre à la fois géographique, collectif et éminemment théâtral, où il est possible d’observer et de comprendre comment l’ordre s’établit, comment chacun ou non y résiste, comment se formalise la violence, comment s’opère la transmission et comment se met en scène et se joue la vie démocratique. » (…) J’y ai découvert la puissance de la fictionnalisation dans le documentaire. Un cinéma de l’instant, du présent, dépendant du réel, dont le récit est pris en charge par le montage. »  Julie Deliquet a choisi avec une certaine prétention d’adapter ce film avec un « travail sur l’horizon collectif avec une œuvre qui regarde la réalité sociale en face ». Oui, mais…

Et ici, les choses se gâtent. Ici, Julie Deliquet, invitée par Frederick Wiseman lui-même, dit-elle, a sélectionné une cinquantaine de petites scènes/récits plus que dialogues, où se joue la vie de de ces gens qui  s’expriment mal, confondent tout, ont perdu leurs papiers ou disent qu’ils n’ont jamais reçu le chèque attendu.
Ils ont bien entendu un autre rapport au temps et à l’espace. Ils habitent New York mais ont aussi vécu parfois dans un autre Etat. Et là tout se se complique, il faut réexaminer leur situation, leur dit-on, et ces pauvres sans abri (ils sont pourtant citoyens américains) ne maîtrisent plus rien de leur vie sont parfois apatrides et essayent en vain de d’expliquer leur parcours. Le plus souvent sur fond de drogue, alcoolisme et vraie misère où des mères célibataires élèvent quatre enfants… Une femme crie qu ’elle ne peut plus arriver à nourrir ses enfants, se roule par terre de désespoir, un vieil homme usé demande simplement un peu d’aide alimentaire, une autre ne sait plus trop où elle est vraiment, tiraillée qu’elle est entre deux Etats.

Quant au flic noir, il essaye tant bien que mal, de faire régner l’ordre mais se fait insulter. Aux travailleurs sociaux de démêler le vrai du faux, et dans l’urgence, de faire au mieux, c’est à dire, au moins mal. Frederick Wiseman fait une critique virulente des institutions néo-libérales de son pays. 

Julie Deliquet a resitué ce bureau d’aide sociale dans un grand gymnase dans la Cour d’honneur. Et elle a voulu aussi être sa propre scénographe ( ce qu’elle n’est pas) et  a accumulé tout un bric-à-brac: armoires-vestiaires, deux filets de basket, chevaux d’arçon, des chaises, matelas amortisseurs de chutes, lavabo blanc collectif, grande table pliante et côté cour, de petit gradins. C’est laid et bête.
La dramaturgie est d’une grande faiblesse et cette accumulation de courtes scènes n’a rien de vraiment convaincant pour représenter une sorte de fresque sociale… Première et grave erreur scénographique: comment Tiago Rodrigues ne n’est-il pas rendu compte que la Cour d’Honneur n’était absolument pas faite pour ce  Welfare. Tous les metteurs en scène rêvent de faire un spectacle dans cette Cour mythique,une fois au moins dans leur vie mais ce n’est pas une raison….

En général, les bureaux d’aide sociale sont assez petits et là dans cette grande salle, les acteurs semblent et sont perdus. Et leur personnages se parlent à plusieurs mètre de distance, avec un texte assez faible. Dans toutes les bonnes écoles de théâtre, on apprend que la parole d’un documentaire n’a pas grand chose à voir avec un vrai dialogue de théâtre. Le film documentaire part non d’une fiction mais d’éléments d’information précis. Mais ici le mélange de genres ne peut pas fonctionner. Et tout se passe comme si Julie Deliquet avait voulu d’abord et avant tout, jouer dans la Cour d’Honneur… pour être adoubée. Alors que dans une salle fermée plus petite avec une ouverture de scène limitée, les choses auraient été plus claires. Et très franchement, fallait-il presque trois heures pour dire cette tristesse sociale? Non, ma mère…

Et même avec des micros H.F, comme il y avait un peu de vent, on ne les entendait souvent pas bien. et les éclairages étant limités, on peine à bien voir les visages des acteurs. Et manquent à l’évidence, un son correct et les gros plans de visages du film.
En fait tout se passe comme si Julie Deliquet et ses complices pour la dramaturgie avaient suivi à la lettre le documentaire de Wiseman. Résultat patent: la direction d’acteurs en prend un coup et les acteurs surjouent, boulent un texte confus avec cinquante séquences répétitives, criaillent souvent et ne sont pas crédibles. Alors comment s’attacher à ces personnes qui ne sont pas des personnages.  Restant assis la plupart du temps, en attendant leur tour?  Et qui jouent face trois quarts! ce qui n’arrange pas les choses.

Julie André, Astrid Bayiha, Éric Charon, Salif Cisse, Aleksandra de Cizancourt, Olivier Faliez, Vincent Garanger, Zakariya Gouram, Nama Keita, Mexianu Medenou, Agnès Ramy, David Seigneur et Thibault Perriard (batteur) font le boulot mais l’ensemble n’a jamais de véritable sens. Seuls des acteurs expérimentés comme Evelyne Didi, Marie Payen, Victor Garanger arrivent à s’en sortir.
A l’impossible, nul n’est tenu comme disaient nos grand-mères! Il y a une belle scène à la toute fin, entre un pauvre vieux, et un grand flic noir baraqué. Un moment  proche d’En attendant Godot, une pièce qui a été citée..

Mais,avant d’en arriver là, à peine une demi-heure après avoir commencé, ce Welfare qui fait du surplace, distille un ennui pesant. Et il y a une hémorragie permanente de public : au moins une centaine de personnes de tout âge. C’est peu pour cette grande jauge mais cela déconcentre les acteurs…. et le public!

 La metteuse en scène a choisi d’orienter son travail «sur l’horizon collectif avec une œuvre qui regarde la réalité sociale en face. » Tous aux abris! Et ce très médiocre Welfare, encore une fois assez prétentieux, a aussi un coût: il y a quinze interprètes sur le plateau et sans doute autant de techniciens qui bossent en régie et dans les coulisses! En attendant, le mal est fait et cela donne une très mauvaise image du festival d’Avignon, surtout en ouverture.
Bref, le compte n’y est pas et depuis quelques années, les spectacles présentés dans cette magnifique Cour d’Honneur ne lui font pas… honneur!
Et vous aurez sans doute compris que nous vous déconseillons celui-ci. Une amie actrice a acheté au dernier moment une place et s’est retrouvée au rang Z. Il lui en quand même coûté 40 € !! Mais elle n’entendait pas ni ne voyait pas grand-chose. Furieuse et déçue, elle est donc partie trente minutes après le début. Et elle n’était pas la seule quand nous avons écouté le public à la sortie à presque une heure du matin. Qu’en pense la direction du festival et madame Deliquet ? Nous sommes sortis de là, tristes et déçus…Il était une heure moins cinq.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 5 juillet dans la Cour d’honneur du Palais des papes, Avignon.  Jusqu’au 14 juillet.

Festival Théâtre de verdure au jardin Shakespeare Hamlet de William Shakespeare, traduction d’Yves Bonnefoy, mise en scène d’Audrey Bonnet

Festival Théâtre de verdure au jardin Shakespeare

 Hamlet de William Shakespeare, traduction d’Yves Bonnefoy, mise en scène d’Audrey Bonnet

Au cœur du Bois de Boulogne à Paris, le jardin du Pré Catelan accueille un festival pluridisciplinaire et tout public. Ce lieu inauguré en 1856 et alors baptisé “Théâtre aux fleurs“,  devient à la fin du XIX ème siècle un haut lieu de la création théâtrale et musicale, où, entre autres, Claude Debussy se produisait régulièrement.
En 1952, Robert Joffet, conservateur en chef des jardins de Paris, le transforme en “Jardin Shakespeare“. En hommage au dramaturge anglais, il plante, à l’entrée, la forêt des Arden, clin d’œil à
Comme il vous plaira. À droite, des espèces d’arbres méditerranéennes pour rappeler de La Tempête et à gauche, la lande écossaise de Macbeth.
Derrière la scène, la forêt féérique du 
Songe d’une nuit d’été et, allusion à Hamlet, un saule pleureur en souvenir d’Ophélie et de la rivière où elle se noiera.

En 2021, Lisa Pajon et Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, avec leur compagnie Le Théâtre Irruptionnel, prennent la direction du festival et mettent en avant la création contemporaine. Cette année, le Théâtre de Verdure revient à ses sources shakespeariennes avec une mise en scène d’Hamlet par Audrey Bonnet, qui fourmille d’inventions.

 

@Mireille Davidovici

@Mireille Davidovici

Dans une vaste prairie entourée de bois, seule élément de décor,  une grande table qui servira d’accessoire aux nombreux tableaux de la pièce. Dans les buissons, passe un coureur en chaussettes orange fluo. «Il ressemble au roi.» dit un Garde. C’est le fameux fantôme du roi Hamlet !

Le souverain de Danemark est mort. On dit qu’un serpent l’a piqué. Mais son fils, Hamlet, rencontre le fantôme de son père qui lui apprend qu’il a été empoisonné par son propre frère, Claudius. Lequel est devenu roi à sa place…Cet oncle du prince, a, comble du crime, épousé Gertrud, sa belle-sœur et donc, la mère du jeune prince Hamlet.

Lui, insouciant et amoureux d’Ophélie, devient alors  un être ombrageux, hanté par un besoin de vengeance et une troupe d’acteurs l’aidera à accomplir sa tâche! Entre temps, Ophélie se sera noyée, au grand dam de Polonius, son père et premier ministre, et de Laertes, son frère, qui provoquera Hamlet en duel… Et tout finira dans un bain de sang.  

Les metteurs en scène opèrent depuis quelques temps l’inversion des rôles entre hommes et femmes, et on a vu récemment Anne Alvaro en Hamlet (voir Le Théâtre du blog).
Ici,
huit comédiens incarnent tous les personnages, indifféremment homme ou femme, et quatre jouent aussi celui d’Hamlet : « Et s’il y avait plusieurs Hamlet ? dit Audrey Bonnet. Si les actrices et les acteurs se passaient le témoin de cette figure sans contours? Des athlètes de la parole pris dans l’élan d’un relais, plusieurs énergies, plusieurs visages, plusieurs sensibilités pour se laisser traverser par des possibles. »

Le passage de rôle de l’un à l’autre se fait à vue, de manière ludique, et chaque interprète donne une couleur différente au prince ténébreux.  Tantôt simulant la folie, tantôt cynique, voire auteur et metteur en scène d’un spectacle où il cherche à dénoncer le crime de son oncle et de sa mère.

Les mots de Shakespeare, dans la prose cadencée d’Yves Bonnefoy, prennent ici toute leur ampleur et la metteuse en scène, sans trahir la pièce, apporte fantaisie et humour à ces personnages théâtraux devenus mythiques, avec d’amusants anachronismes.
Rosencrantz et Guildenstern, anciens condisciples d’Hamlet et hommes de main de Claudius, font un match de ping-pong avec le prince Hamlet. Notre héros dira sa fameuse tirade : « Être ou n’être pas, c’est la question» sans emphase et avec le plus grand naturel, tout en installant le décor du drame qu’il a imaginé avec la troupe d’acteurs ambulants.
Et les instructions qu’il leur donne s’adressent aussi à ceux qui jouent devant nous : « Ne soyez pas non plus trop longs et trop guindés, fiez-vous plutôt à votre jugement et réglez le geste sur le parole et la parole sur le geste. »

De bonnes indications auxquelles se tiennent Clara Pirali qui joue Gertrud avec sobriété et qui est un Horatio affectueux. Mathieu Genet est le fantôme sportif du roi mais aussi Guildenstern ; Lisa Pajon nous étonne en Laertes et donne une certaine rugosité à son Hamlet, Julie Pilod joue un des hommes de la garde et un Hamlet plus introspectif. Mélody Pini (Ophélie) chante avec grâce . Nicolas Senty passe d’Hamlet à Rosencrantz, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre est un Polonius loquace à souhait. Mais nous avons moins apprécié le jeu monocorde de Carles Roméro-Vidal (Claudius).

Porté par la musique originale de Nicolas Delbart, cet Hamlet a de jolis moments. Il y a une bonne direction d’acteurs  et Audrey Bonnet utilise au mieux ce décor naturel pour composer des images sur le vif. Nous profitons aussi de la liberté joyeuse des acteurs.
Mais, à la première, l’ensemble est décousu avec de nombreux temps morts et longueurs. Il faut espérer qu’au fil des représentations, le spectacle trouve enfin son rythme..

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 30 juin au Théâtre de Verdure. Jusqu’au 29 juillet, à 20 h 30.Bois de Boulogne, allée de la reine Marguerite, route de Suresnes, Paris (XVl ème). T. : 06 63 03 72 36.

Le Théâtre de Verdure fait son festival: jusqu’au 10 septembre avec des spectacles tout public, des lectures notamment par des acteurs de la Comédie-Française. Mais aussi  des concerts… Et Les Irruptionnantes (spectacle gratuit)

  https://letheatredeverdure.com/infos-pratiques-le-theatre-de-verdure/

Grégory Del Rio

Grégory Del Rio

 Début plutôt classique : une mallette de magie à Noël à six ans, offert par son oncle et premier spectacle à onze ans dans un hôtel. La directrice l’avait repéré sur la plage en train de faire des tours. Mais Grégory Del Rio a surtout appris dans les livres.  La première personne à lui avoir mis le pied à l’étrier est Guillaume Bienné (un des deux patrons de Magic Dream) qui a été un des premiers à l’engager comme professionnel, il y a près de vingt-trois ans. Ensuite, il a beaucoup appris avec Hervé Listeur, en évènementiel.

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«J’ai eu la chance de faire très vite de gros événements et aussi de rencontrer des personnes qui m’ont fait confiance et m’ont permis de travailler dans le monde entier. Franck Truong m’a aussi aidé à la réalisation de mon nouveau numéro. Rien ne m’a vraiment freiné : j’ai pour habitude d’aller droit au but sans me poser de questions. Franck Syx m’a formé à l’hypnose : sans doute ma plus grande rencontre dans ce métier; aujourd’hui, il n’y a plus de vraies formations de ce type. » Ses spécialités depuis quelque vingt ans: le mentalisme et l’hypnose de spectacle et il a créé de nombreux numéros pour des conventions d’entreprise et a été consultant pour des artistes célèbres… «Je passe du temps à faire évoluer mon travail pour m’adapter au mieux à ma clientèle. Je peux travailler sur un bateau de croisière, pour un « close-up » devant cinq personnes, dans le salon de célèbres hôtels, mais aussi dans les Zénith ou les Palais des sports. J’essaie toujours mes numéros soient efficaces et drôles mais, le plus important, toujours uniques ou très peu vus. Je projette d’écrire une conférence pour aider en cela les magiciens et artistes. »  

 Qui l’a marqué ? «Je ne vais pas être original: David Copperfield! J’avais treize ans quand mes parents m’ont offert un billet pour son spectacle au Palais des Congrès à Paris. J’aime aussi beaucoup la magie de Dominique Duvivier et Dani Da Ortiz. Et celui qui m’a appris plus que dix ans de métier: Arthur Tivoli. Son style et son univers m’ont fait prendre conscience, que le matériel ne fait ni un artiste ni un spectacle. »

 Le mentalisme et le close-up l’ont toujours attiré. Mais il aime aussi s’inspirer du théâtre ou du cirque et conseille aux débutants d’aimer leur métier, de ne pas aller chez un marchand faire ses emplettes pour faire un spectacle le samedi suivant.
« Il faut beaucoup lire, dit-il, grâce aux livres, l’imagination se développe et on y trouve des pépites. Ensuite, la magie comme le mentalisme, cela se travaille. Il faut savoir s’entourer et parfois payer des gens pour créer un numéro qui tienne la route. Mais la base : Travail, Travail et Travail. Et laissez votre ego de côté, la magie doit rester un plaisir pour vous et votre public. Ne faites pas le dernier truc à la mode qui, elle, est toujours vouée à changer. Anticipez et réalisez ce que vous aimez, vous. Le public vous le rendra au centuple.

 Difficile pour lui d’avoir un regard sur la magie actuelle! Il pense que la bonne magie est celle qu’on sait faire. « Aujourd’hui, les artistes veulent tout faire: mentalisme, hypnose, grandes illusions, spectacles pour enfants… Ce n’est pas la bonne méthode. Choisissez une spécialité que vous aimez, et, très important: donnez-vous à fond pour être le meilleur, et pour que cela se sache… Plus vous aurez de bagages dans votre spécialité, plus vous serez libre de faire ce qui vous plaît. »

 Sébastien Bazou

Interview réalisée à Dijon le 29 juin.

https://magicienpro-paris.com/

Montpellier danse 2023 (suite) Black Lights, chorégraphie de Mathilde Monnier

Montpellier danse 2023 (suite)

Black Lights, chorégraphie de Mathilde Monnier

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© M. Coudray

« Quand j’ai lu ce recueil, le déclic s’est fait », dit la chorégraphe, adaptant ici des textes issus d’H24, commandés pour une série diffusée sur Arte en 2021. Vingt-quatre autrices ont écrit de courts scénarios sur les violences faites aux femmes, des plus quotidiennes ou insignifiantes, aux plus dramatiques. A partir de faits réels, lus, entendus ou vécus.

« La danse peut faire quelque chose en plus que le cinéma, dit Mathilde Monnier. Elle produit du récit qui dit autre chose de ces corps. » Bâti sur neuf de ces textes, choisis pour leur qualité orale, Black lights comme son titre l’indique, apporte de la lumière à la noirceur de la condition des femmes.

Ces histoires au féminin sont portées par huit danseuses ou comédiennes. On les voit gisant  sur le plateau parmi des souches calcinées, dans d’étranges postures. Ces corps déformés et désarticulés, rampent péniblement, les pieds enfermés dans des chaussures à talon. Elles se libèreront progressivement de ces attributs contraignants pour danser en liberté. Ce que racontent leurs mouvements va à l’encontre des récits que nous entendons au fil de la pièce. Seules -mais les autres toujours à leur écoute- elles sont un chœur en marche.

«  Il y a quelque chose qui ne va pas. Qui ne passe pas.» : une remarque sur sa coiffure, déplacée de son patron, dit l’une d’elles qui prend conscience du sexisme ordinaire (Le Chignon d’Agnès Desarthe). Faits anodins comme le diktat des talons hauts dans 10 cms au-dessus du sol  d’Alice Zeniter romancière et dramaturge; harcèlements dans Mon harceleur de Lize Spit, mais aussi le témoignage poignant d’un féminicide : Je brûle de la romancière grecque Ersi Sotiropoulos…

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© M. Coudray

Chacune se fait ici la porte-parole des femmes évoquées par les autrices de H24 mais, pour Mathilde Monnier, « la question de la victimisation n’est pas une assignation » et elle veut mettre à jour la force de résistance et de résilience de ses sœurs, à travers une action collective au plateau. A contre-courant des textes, la danse et le corps prennent le relais et mettent les mots à distance et, sans faire l’économie de la colère ou de l’émotion, apportent humour et dérision. Ils disent aussi la capacité du deuxième sexe à se reconstruire.

«Le corps est mon sujet, le mouvement est mon objet, dit la chorégraphe». Certains reprocheront à Black Lights un trop plein de paroles et une scénographie pauvrette. Ici, les mots priment sur la danse mais évitent le misérabilisme et la plainte, trop souvent entendus par les temps qui courent.

Et le but n’est-il pas de faire passer le message ? «N’hésitez pas à vous emparer de ces paroles, elles sont fortes, ce sont les vôtres», écrit l’une des réalisatrices dans la préface d’H24. Mathilde Monnier la prend au mot, avec Isabel Abreu, Aïda Ben Hassine, Kaïsha Essiane, Lucia García Pulles, Mai-Júli Machado Nhapulo, Carolina Passos Sousa, Jone San Martin Astigarraga et Ophélie Ségala. Elles nous rappellent qu’en France, cent-vingt-deux femmes ont perdu la vie en 2021, sous les coups de leur conjoint, ou ex-conjoint.

Comme d’habitude, la chorégraphe, autrice d’une quarantaine de pièces, nous surprend, par ses positions en lien avec, entre autres, « l’être ensemble », le rapport à la musique, la mémoire: elle collabore avec des artistes et penseurs comme Jean-Luc Nancy,  Philippe Katerine, Christine Angot, La Ribot, Heiner Goebbels….Trente-quatre de ses créations ont été présentées au festival de Montpellier, ville où elle est accueillie en résidence à la Halle Tropisme.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 22 juin Théâtre de l’Agora à Montpellier.

Montpellier Danse se poursuit jusqu’au 4 juillet, 18 rue Sainte-Ursule, Montpellier (Hérault). T. : 04 67 60 83 60.
Du 20 au 23 juillet, Festival d’Avignon .

Du 30 novembre au 2 décembre, Théâtre de la Cité Internationale, Paris ( XIV ème).

Le 17 et 18 janvier, La Comédie, Clermont-Ferrand (Puys-de Dôme); Les 26 et 27 janvier, T.P.R., La Chaux-de-Fonds (Suisse).

Les 7 et 8 février, MC2, Grenoble ( Isère) ; le 22 février, Théâtre des Salins, Martigues ( Bouches-du-Rhône).

Du 20 au 23 mars, Les Subs, Maison de la Danse, Lyon.

Du 4 et 5 avril, Le Quartz, Brest.

 

Dans le cadre de l’exposition Naples à Paris Les Fantômes de Naples, mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota

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Devant La Flagellation du  Caravage :  Les Fantômes de Naples©JeanLouisFernandez 


Dans le cadre de l’exposition Naples à Paris

 Les Fantômes de Naples, mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota

Pour le première fois, le Louvre s’associe à deux institutions : le théâtre de la Ville à Paris et le Teatro della Pergola de Florence, pour un spectacle autour d’une exposition. «Un musée, dit Laurence des Cars, présidente-directrice du Louvre, est un lieu qui doit aussi parler de musique, théâtre, danse… Et cette maison est faite pour cette polyphonie. »
Luc Bouniol-Laffont a été nommé directeur de l’Auditorium et des spectacles, pour retrouver un public de proximité : «Cet été, le spectacle vivant sera partout présent avec  Les Étés du Louvre, sous la Pyramide, dans les cours, et dans le jardin des Tuileries.» Et en plus des événements autour de Naples à Paris, il y aura un vaste programme de cinéma, musique, etc.

Le Musée Capodimonte a été invité à exposer ses chefs-d’œuvre, aux côtés de ceux déjà présents dans les galeries italiennes du Louvre. Comme les portraits d’Il Parmigianino, La Flagellation du Caravage.

On pourra découvrir la surprenante composition géométrique d’Atalante et Hippomène de Guido Reni. Et aussi la férocité de cette Judith décapitant Holopherne d’Artemisia Gentileschi, une peintre admirée par les  féministes.Violée par son précepteur  et marquée par le procès qui s’ensuivit, elle dénonce dans ce tableau, comme dans nombre de ses œuvres, la violence masculine exercée sur les femmes.

Les Fantômes de Naples

Emmanuel Demarcy-Mota a imaginé une soirée en deux temps, avec d’abord une «déambulation poétique», où des comédiens italiens et français disent aux visiteurs de la Grande Galerie du Louvre de courts poèmes en lien avec les peintures… Ensuite un spectacle dans la cour Lefuel, autour d’Eduardo De Filippo (1900 1984)  dont il a récemment mis en scène La Grande Magie (voir Le Théâtre du Blog). Le « Molière italien », auteur, comédien et metteur en scène, a signé plus d’une trentaine de pièces, films et poèmes , la plupart en napolitain.

Cette cour du Louvre, exceptionnellement ouverte au public, est un décor prédestiné au spectacle et accueillera bientôt le Ballet de Lorraine avec Static Shot de Maud Le Pladec (voir Le Théâtre du Blog). Edifiée sous le Second Empire, elle s’appelait Cour des écuries et servait d’accès à la Salle du manège avec une double rampe majestueuse en fer à cheval et des sculptures en bronze d’un chien, d’un sanglier et deux loups.

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Les Fantôme de Naples  ©Jean- Louis Fernandez

Parfait écrin pour ces Nuits de Naples où des interprètes français et italiens, jouent des extraits de pièces d’Eduardo De Filippo, de La Tempête de William Shakespeare traduit par lui en napolitain. Mais aussi un extrait de Six personnages en quête d’auteur de Luigi Pirandello dont Eduardo De Filippo fut l’ami.

Filippo d’Allio, Arman Méliès et Aniello Palomba accompagnent à la guitare des airs napolitains chantés par Ernsto Lama et Lina Sastri et Francesca Maria Cordella, comédiennes qui travaillèrent toutes les deux avec Eduardo De Filippo. Francesco Cordella, en Pulcinella, fait une démonstration de commedia dell’arte. 

Parmi les acteurs du Théâtre de la Ville, Marie-France Alvarez, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Sarah Karbasnikoff, Serge Maggiani …

En musique, avec les bruits de la mer et de la ville en fond sonore, cette invitation poétique au voyage, en français et en napolitain, bien qu’un peu laborieuse, ouvre les festivités autour de Naples à Paris, qui se poursuivront à l’automne avec théâtre, danse, cinéma et concerts…

 Mireille Davidovici

Les Fantômes de Naples, jusqu’au 3 juillet, Musée de Louvre, Paris ( Ier).

Static Shot 10 et 11 juillet 22 h Et 23 h 

Les Etés du Louvre,  jusqu‘au 20 juillet, Pyramide du Louvre. T. : 01 40 20 53 17.

Vassiliev et Koltès. Une première et une dernière Béatrice Picon-Vallin

Béatrice Picon-Vallin nous a fait parvenir ce texte ci-dessous:

Vassiliev et Koltès. Une première et une dernière

Béatrice Picon-Vallin

Il y a bien plus d’un an, bien avant le 24 février 2022, A. Vassiliev a accepté de monter un spectacle au Théâtre d’Art de Moscou. Il a choisi Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès dans la traduction, qu’elle a revue pour l’occasion, de Natacha Isaïeva, sa précieuse collaboratrice, morte le 12 janvier 2022 à Paris où elle vivait, et qui devait retourner à Moscou pour l’aider, l’assister. Anatoli Vassiliev a travaillé la pièce, sans doute en mémoire de Natacha et, après deux représentations données fin mai 2022, il a une troisième fois exposé le résultat de son travail avec les acteurs qu’il avait choisis. C’était le 19 juin 2023. Voici comment il a introduit la soirée devant le public russe. Je traduis pour ceux qui furent ses élèves :

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« Petite introduction lyrique.

Le Théâtre d’Art de Moscou a cent vingt cinq ans, comme vient de le dire la voix de Konstantin Khabenski (son directeur actuel, NdT). Lorsqu’il a fêté ses soixante quinze ans, en 1973, je suis venu voir, pour la première fois, dans ce Théâtre d’Art, Efremov Oleg Nikolaïevitch, recommandé auprès de lui par mon professeur Maria Ossipovna Knebel, de sorte que cette année je fête les cinquante ans de ma présence silencieuse dans les murs de cette maison1 (applaudissements). Le Théâtre d’Art et l’équipe des acteurs, avec le Théâtre d’Art, vous présentent une première (qui a pour titre Quai Ouest, que je voudrais changer en Adieu, Quai Ouest).

Ce spectacle est fait dans un genre — celui de la répétition—, il est tel que vous pouvez le voir et l’entendre, il est terminé, bien que l’affiche vous prévienne — répétition ouverte — mais c’est simplement une petite tromperie. Ce n’est pas une répétition ouverte, c’est un genre. Ce genre a été choisi par moi spécialement, parce qu’aujourd’hui c’est précisément cela qui peut être opposé à la culture de la mise en scène dans le théâtre dramatique (pause). C’est un acte tout à fait délibéré de ma part et suffisamment sérieux. Et encore ceci : ce sont des dialogues et c’est également important.

Cela signifie, si ce sont des dialogues, que tous les événements se passent dans le discours. Il y a trois parties. La première partie et la deuxième sont donc des dialogues sans aucune suppression, et je le répète dans le genre « répétition ». Mais la troisième partie est organisée à la façon d’une mise en scène.

C’est une pièce du dramaturge français Koltès, génie de l’avant-garde théâtrale française, qui fait partie de la pléiade des poètes maudits, mort trop tôt dans les années 80. La pièce est écrite comme un mystère, on y perçoit l’influence de Beckett, de Shakespeare, de la culture française et russe.

Vous allez voir une série de scènes, n’essayez pas de deviner le sujet. Ecoutez seulement, et cela suffira, petit à petit (pause)… toute l’histoire sera respectée.

Pour ceux qui tiendront jusqu’à l’acte trois, tout deviendra clair. (Rires dans la salle).

Merci !

1 Il y a monté en 1973 Solo pour horloge à carillon du Slovaque Osvald Zagradnik.

 

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