Festival international du théâtre de rue d’Aurillac La Meringue du souterrain, conception textes et scénographie de Sophie Perez

Festival international du théâtre de rue d’Aurillac (suite)

La Meringue du souterrain, conception, texte et scénographie de Sophie Perez

Une femme (Sophie Lenoir) arrive et semble un peu perdue comme si elle avait eu un rendez-vous manqué. En fond de scène, un gros visage monstrueux avec un horrible nez, la bouche grande ouverte aux dents gigantesques et où dans le fond, on aperçoit une glotte rose bonbon.
Côté jardin et côté cour, des sortes de meringues blanches et un très long boa noir. Un synthé dont un homme (Stéphane Roger) s’emparera. Cette scénographie est du genre plutôt réussi avec une nette tendance à la création de formes surréalistes aussi laides que possible, comme cette femme au visage doté d’un hideux menton postiche, et qui changera plusieurs fois de costume.

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C’est dit Sophie Perez,  un traquenard esthétique et psychique qui n’apportera aucune solution… Le fruit pourri et magnifique de longs mois d’isolement. Pour cette création du Zerep, il est question de l’art scénique dans ce qu’il a de plus brut et de plus libre. C’est un théâtre de pirates, d’esprits rebelles, de désobéissant·es, de comiques absolu·es, d’insolent·es. »
Il y a effectivement des citations d’art contemporain avec une trop longue séance de peinture sur le corps sans aucun intérêt, quelques danses, un quiz avec répliques célèbres de théâtre que le public est prié de compléter, du genre : « Etre ou ne pas être: …? Le petite chat est: …?

Mais ce n’est pas le grand enthousiasme dans la salle. Il y a aussi quelques petites chansons où on parle du couple, un sketch pas drôle avec le nez de Pinocchio, pour elle et lui…
Nous avons eu la nette impression que Sophie Perez faisait tout pour remplir une heure! Et ce spectacle ne fonctionne pas, même si elle fait référence comme tant d’autres au célèbre Tadeusz Kantor (1915-1990): « Le théâtre pour personne, Le théâtre qui ne se jouerait que dans les salles vides, Le théâtre de nos esprits vaillants et tourmentés, Ce que Kantor appelait le théâtre impossible, le théâtre zéro.» C’est avoir bien mal compris la pensée de ce génial Polonais…
Le public d’un certain âge (comme à Paris, presque aucun jeune dans la salle) était perplexe et trois spectatrices aurillacoises sont sorties furieuses de s’être fait ainsi rouler. Même si les places sont à 12 €, on les comprend…

Sophie Perez peut bien faire valoir que sa compagnie du Zerep « est un état d’esprit creusant un monde artistique où bordels populaires et raffinements avant-gardistes sont renvoyés dos-à-dos pour mieux en éprouver les mystères et les mystifications.» ( sic). Quel sabir prétentieux! Tous aux abris! Rien à faire, ce spectacle inutile créé l’an dernier, le restera et n’avait absolument pas sa place dans ce festival…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 25 août au Théâtre d’Aurillac.


Archive pour août, 2023

La Mousson d’été (suite) Le Cercle autour du soleil, de Roland Schimmelpfenning, traduction de Robin Ormond, mise en espace de Véronique Bellegarde

La Mousson d’été (suite)

Le Cercle autour du soleil de Roland Schimmelpfenning, traduction de Robin Ormond, mise en espace de Véronique Bellegarde

Pas de thématique pour cette édition mais, en ces trois premiers jours, des pièces de grande qualité qui font la joie du public. En ouverture, un texte de l’auteur allemand qui a obtenu l’Aide à la création. La pièce a été mis en espace par Véronique Bellegarde, metteuse en scène et directrice artistique de ce festival : un choix audacieux…

Cela commence au moment où, selon les didascalies: Après que tous les spectateurs ont trouvé leur place et que la lumière s’est éteinte au parterre, les femmes et les hommes, pour certains en tenue de soirée, sur scène attendent encore un moment, avant de s’adresser au public.

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Nous sommes dans une fête. Pour un anniversaire, la réussite à un examen, l’inauguration d’un bar, un festin ? On ne sait pas, l’absence de raison instaure un climat indéterminé mais convie le public dans une ambiance gaie et vivante, l’attention est là. La pièce se compose de soixante-sept tableaux où le dramaturge imagine une fête comme celles qu’on avait oubliées durant le premier confinement : Il y a foule à l’entrée d’un immense appartement, un couloir bondé.  On entend des verres qui se brisent, des rires et des cris:  « Un homme se souvient Trop bondé –trop serré -courte pause. On est si serré ici, disait-elle, c’est fou ce qu’on est serré ici, tous les gens, la foule, on respire à peine.» 

De ce contexte festif, l’écriture et le récit bifurquent dans un tracé dramaturgique fragmenté et nous conduit dans un univers hors du commun, qui ne cesse de passer de contextes banals, ou abstraits, pour suggérer ou faire naître en les personnages, des états plus intérieures, d’une grande poésie : « J’ai posé ma main sur le verre de la fenêtre. Ça ne se fait pas, aurait dit ma mère. J’ai vu l’empreinte de ma main, j’ai vu la rue, le ciel, je me suis vue moi-même,j’ai posé mon front contre le verre froid, et la vitre s’est couverte de buée, la rue a disparu, le ciel a disparu, et puis mon visage a disparu. »

Les personnages au tempérament et existences variés : des avocats, un couple, une jeune femme, une professeure à la retraite, des juristes… vont pendant cette fête nous entraîner dans des contrées existentielles singulières. Le récit fonctionne comme un ruban enroulé avec des nœuds qui se défont à peine, formant ainsi une trame absurde et drôle à la fois, voire mélancolique ou tendu, incroyablement théâtrale.

Loin d’être une fiction réaliste, la pièce fait vibrer en chacun de nous des sensations fortes, et d’une profonde sensibilité. Roland Schimmelpfenning crée des images d’une grande puissance et la mise en espace de Véronique Bellegarde est très habile, avec des comédiens tous formidables de vérité. Une lecture avec toute l’intelligence requise pour faire suivre au public cette histoire morcelée et riche d’une théâtralité contemporaine. 

On pense à un auteur comme Botho Strauss ou par sa modernité à l’ époque, à Anton Tchekhov. Une société en crise, la solitude sont les thèmes parmi d’autres évoqués dans la pièce : «UNE JEUNE FEMME Foule compacte dans le couloir. Musique forte. Bien trop de monde, et nous ne connaissions personne. Tu connais quelqu’un ici ?, Demanda-t-il, je pensais que tu connaissais quelqu’un ici –UN JEUNE HOMME On ne connaît personne ici, qu’est-ce qu’on fait ici ? ». Ces personnages un peu perdus, avec leur bonheur de retrouver du monde, après la première covid, touchent le public, l’interpellent. Un climat de joie nerveuse et d’urgence, sans aucune distance,  envahit la scène et nous tient en haleine. Moments comiques et romantiques successifs… Un serveur jongle avec un plateau de verres à travers la foule jusqu’au moment où il le renverse, et ce, à plusieurs reprises, comme dans un éternel recommencement, toujours et encore interrompu. Mais tous continuent à danser, à rire, à flirter…

Instantanés de conversations, jusqu’à plus soif : on discute des droits de l’homme, de la vie, de la liberté…. Une jeune femme tombe amoureuse de l’hôtesse: une histoire sentimentale sans lendemain, et pour cause, le virus, de manière sous-jacente, continue sa route.

Véritable ballet entre les corps et les mots dans une insouciance retrouvée. L’instant de la nuit, temps éphémère, temps risqué et pernicieux de la séduction et de la tentation. En effet le rythme répétitif donné par des situations et répliques qui se réitèrent, tout la comme la fin de la pièce identique à une des scènes du début. Un peu l’image de la musique répétitive de Steeve Reich, triste et non sans angoisse et nostalgie, et laisse planer malgré la joie de la fête, l’ombre de l’épidémie. Terminée ?

La composition musicale et sonore, parfaite,  d’Hervé Legeay et Philippe Thibault, toute en complicité esthétique mais jamais illustrative, soutient avec subtilité cette pièce fragmentaire exigeante. Véronique Bellegarde réussit à nous fasciner et à éveiller notre esprit à partir d’un récit original et complexe.

Entre lumière et obscurité, aucune histoire réaliste! Monstres, milieux professionnels avec ses dérives, amours en crise, peurs, désirs et fantasmes provoquent en notre conscience une vision et perception de notre humanité et des liens aux autres, à la vie, d’une intense poésie … Et laisse place à une vive et trouble émotion, quand un événement inattendu, et le danger frappent à la porte.

«Une révérence nostalgique à la légèreté insouciante, devenue danse sur le volcan. »

Un art du théâtre d’un haut niveau.

 Elisabeth Naud

Spectacle vu le 24 août à la Mousson d’été, abbaye des Prémontrés, Pont à Mousson (Meurthe-et-Moselle). T. : 03 83 81 20 22.

Festival international de théâtre de rue d’Aurillac Un Spectacle de merde par la compagnie Chris Cadillac : le point de vue de Jacques Livchine

Festival international de théâtre de rue d’Aurillac
 
Le point de vue de Jacques Livchine sur Le Spectacle de merde par la compagnie Chris Cadillac, mise en scène de Marion Duval.

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Dans les arts comme dans l’astronomie, on recherche et on découvre parfois de nouvelles étoiles, de nouvelles planètes.  Ainsi au vingtième siècle en musique, le rock and roll, puis le rap. Certains disaient que c’était juste une mode qui allait passer…

Dans les arts plastiques, il y a eu la rupture opérée entre autres par Marcel Duchamp et le dadaïsme. Mais en théâtre, me direz-vous ? Après Bertolt Brecht, après le Théâtre National Populaire avec Jean Vilar, il y a eu le scandale du Living Theatre à Avignon en 68. Et plus tard, au festival de Nancy, trois chocs: les spectacles de Tadeuz Kantor, de Pina Bausch et de Bob Wilson. Et ensuite le mouvement des arts de la rue avec Jean Digne et son opération: Aix, ville ouverte aux saltimbanques. Le quarantième anniversaire en sera fêté l’an prochain…
J’ai bien cru assister à un moment historique à Aurillac ce 25 août mais  mes prédictions sont à 80% mauvaises et je pourrais bien me tromper. Avec Un  spectacle de merde de Chris Cadillac, tous les codes habituels du théâtre sont largement foulés au pied. Le public avait le droit de bouger, de s’en aller et revenir. Il était de bon ton d’avoir sa canette d’Heineken à la main et tout au long des trois heures de spectacle, les artistes assuraient le ravitaillement en bière… à prix libre.
Un public trentenaire -tenue classique de jeunes un tantinet marginaux avec pantalons déchirés, tatouages sur tout le corps, piercings, cheveux décolorés… Pour accéder au terrain de sport de la Jordanne (pastille 108), nous passons à travers un dédale de camions-habitations peinturlurés… On pourrait se croire dans un bidonville du tiers-monde. Il y a beaucoup de chiens en liberté et nous retrouverons les habitants de ces camions sur les gradins (spectacle en accès libre mais jauge limitée à 350 personnes). Un  public très agité et très réactif, hurlant pour un rien, entrant et sortant…
Marion Duval prend la parole. La  trentaine d’années, en petit short collant vert et blouse, les cheveux très noirs, décontractée, elle déplie comme un vieux parchemin, sourit les dents très blanches et demande un micro. Elle balbutie : “Bon, ça, non, j’ai pas envie. Oui, je suis née à Nice dans une famille catho, raciste et réactionnaire.  Ah si! Le code de la route, vous le connaissez ? Vous êtes libres: vous entrez et vous sortez quand vous voulez. Vous aller pisser là-bas dans les bosquets. Oui, j’ai eu de la thune pour le spectacle. Ah! Je les aime, ce sont mes potes, j’ai partagé… »
 

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C’est décousu à souhait. Marion Duval commence une phrase mais ne la termine pas et parfois jargonne… Derrière elle, une ancienne mobylette  qu’elle l’enfourche. Elle pédale et on l’entend qui murmure : merde, cela ne marche pas ! Redwane Reis Meyer, son régisseur la pousse… Et la voilà qui tourne en rond sur un  terrain cimenté de  deux cent mètres d’ouverture et trois cent de profondeur. Les cheveux de la metteuse en scène volent au vent. Une image de grande liberté…

 Puis musique symphonique pompeuse et là, entre un de ces vieux camions tagués. A l’intérieur, des personnages qui ne nous regardent pas, puis un deuxième, un troisième, un quatrième camion, et un camping-car qui fait rire. Cela applaudit dans les gradins.
Musique en continu. Les camions font une ronde, puis des figures plus compliquées style: avions de la patrouille de France. Ils semblent valser, se croiser, etc. Apparaissent alors des nains masqués: ils se mettent à danser parmi les camions qui disparaissent puis reviennent. L’un déguisé en éléphant,avec une trompe ridicule en carton et de grandes oreilles. Un autre avec une structure gonflable sur le toit. Un autre encore avec le pare-brise couvert, laissant juste apparaitre deux yeux. Carnaval.
 
Maintenant, les camions enfin garés, il y a un espace de jeu. Tous les acteurs chantent (mais très mal): “ça c’est le spectacle” genre colonie de vacances… hurlé façon Didier Super. Quarante minutes  après et sur deux heures et quelque, des personnages loufoques vont se présenter, faire des minis-blagues pourries, dire des poèmes plus nuls-tu meurs, ou des discours insensés.
Karine arrive avec une chanson mimée sur L’Aigle noir de Barbara.  Une magicienne hurle et revient sans arrêt. Un acteur dit : « C’est politique. » Et il annonce une manifestation pour l’eau à Orléans. Un drapeau passe, avec inscrit dessus:  “Désordre”.
Mais moi, que m’arrive-t-il? Je ne m’ennuie pas, comme transporté. Sont-ce des Indiens? Une tribu? Lajoie chante Enculez- moi, devant, derrière. Un air repris par les jeunes, tous alcoolisés, ou presque… Et là, sans qu’on y fasse attention, le public déserte les gradins et se mêle aux personnages…
La représentation théâtrale devient alors la vraie vie, dans une sorte de tuilage naturel et une énergie communicative. Nous sommes dans une sorte de rave-partie.  On se trémousse dans tous les sens, c’est la fête.
Marion Duval tourbillonne comme une folle avec Pappy, un migrant sans papiers:  une image forte… Pourquoi je pense au célèbre Living Theatre des années soixante-soixante dix? Comme les artistes de Chris Cadillac, il prônait la liberté, l’amour, l’absence de frontières et un mode de vie plus communautaire. Et ses acteurs jouaient souvent leur propre rôle.
Là, mystère! Mais pas grave, il y a une belle vérité qui émane du spectacle. Les acteurs parlent en filigrane, d’extinction et rébellion, de soulèvements de la terre, batailles contre les accapareurs d’eau, etc. Marion Duval dit : « Pour que vous y compreniez quelque chose, on va faire le final, on va délivrer un message…
Il y a un défilé de mode avec de beaux costumes et elle lit -trop vite-un texte qui dit ce qui va arriver à chacun des personnages.
.. Nous ne comprenons rien mais sommes entraînés par le mouvement et par une énergie incroyable. Puis il y a un vague salut et la musique reprend. Les corps élastiques de tous les spectateurs s’agitent en cadence.

Je prends conscience que les luttes anciennes, les marches de la Bastille à la République laissent la place à de nouvelles résistances anti-bourgeoises. « Le changer la vie » d’Arthur Rimbaud est toujours d’actualité mais des formes nouvelles surgissent,  symbolisées ici  par cette armée de camions.
Le théâtre, c’est tout de même fort quand ça déstabilise et qu’on ne sait pas séparer le vrai, du faux. Important: ce Spectacle de merde recharge les batteries et joue le rôle d’un stimulant de l’âme…

 Jacques Livchine 

Spectacle vu le 25 août à Aurillac.

En Suisse: à Bienne, le 2 septembre, à Neuchâtel, les 8 et 9 septembre.
Et à Genève, au festival de la Bâtie.

Festival en Hongrie

Festival en Hongrie

© Francesco Galli

© Francesco Galli Spectacle d’Eugenio Barba

Le grand festival de théâtre qu’a offert ce pays du 1er avril au 1 er juillet à l’occasion du MITEM (Madach International Theatre Meeting) et du dixième anniversaire de l’International Theatre Olympics fondé par de grandes personnalités de la scène comme Theodoros Terzopoulos, Tadashi Suzuki, Robert Wilson, Iouri Lioubimov, Heiner Müller. La ville de Budapest avait été choisie pour fêter ce jubilé…
Un événement grandiose qui selon Attila Vidnyanszky, directeur du Théâtre National de Budapest, voulait être représentatif  de «l’arche du théâtre » en ces temps troublés  mais être aussi une source de dialogues multiples entre les cultures.
L’intérêt de ce double festival?  Le nombre des pays représentés : 57, la diversité des genres et la répartition de spectacles dans toute la Hongrie, et pas seulement dans sa capitale.  Avec 394 troupes et 736 spectacles, ateliers, expositions, conférences et débats… Peut-on parler d’une volonté d’exposer son «soft power» quand l’information internationale est restée si discrète ? Sans doute, mais il s’agissait d’abord de faire circuler les spectacles dans l’ensemble du pays.

 Budapest  sous la pluie. Une des figures de bronze, celle du grand acteur hongrois Jozsef Timar, qui traîne de lourdes valises autour du bâtiment surréaliste du Théâtre national (ouverture en 2002): (https://nemzetiszinhaz.hu/en/about-the-theatre), entouré de jardins et de douves où s’enfoncent des colonnes grecques, dégoutte de partout.Il a l’air encore plus fatigué que d’habitude.
Le temps mouillé aggravait notre déception de ne pouvoir assister aux spectacles des Ukrainiens qui pourtant, entretenaient jusque-là des relations cordiales avec le Théâtre national de Budapest et qui avaient une place de choix dans le programme…

Le Théâtre national Ivan Franco de Kiev aurait dû ainsi présenter Caligula d’Albert Camus mise en scène d’Ivan Urivskij et La Résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht, montée par Dmitro Bogomazov, un des plus célèbres créateurs ukrainiens.
Et le final annoncé : Le Songe d’une nuit d’été que devait mettre en scène Urivitskij avec des acteurs hongrois sur l’île Marguerita au milieu du Danube a été aussi annulé. A sa place, ont eu lieu un concert et des réjouissances nocturnes organisées par le Teatro Potlach et le Cirque de Budapest mêlant acrobates et acteurs.

Mais nous avons eu ainsi le temps de voir l’exposition consacrée à Csontváry Kosztka Tivadar (1853-1919), un peintre hongrois voyageur, aux origines polonaises et à l’expressionnisme illuminé, écologique et religieux. Une découverte…
Nous avons pu aussi voir le travail de Recirquel, un groupe hongrois qui collabore avec des acrobates et jongleurs ukrainiens, découvert en première mondiale au Fringe d’Edimbourg en 2018. Il présentait deux spectacles au Müpa, le Palais des arts, en dehors des programmes officiels.
Le directeur de Recirquel a fait ses classes au Cirque du Soleil mais ici les artistes aux corps virtuoses ne cherchent pas l’exploit mais nous invitent plutôt à une réflexion métaphysique.

Dans My Land, la scénographie est constituée de quatre éléments tenant dans un espace carré: la terre (sable doré éclairé), l’air (le ciel où tendent le visage des performeurs), le feu (la lumière qui peut venir en mille taches du sol) et l’eau (symbolisée par un miroir qui apparaît à la fin quand la couche de sable est dégagée).
Les corps sont sculptés dans l’espace vide par la lumière et par la précision gestuelle. Le sable gicle sous les pieds ou ruisselle entre les doigts ; les corps, qui semblent nus sans l’être , tout de beige vêtus, s’affrontent ou s’allient, faisant naître des créatures chimériques, à quatre jambes ou sans tête.
Sauvage et sophistiqué : les acrobates et jongleurs dansent littéralement leurs prouesses en une chaîne ininterrompue sur des musiques folkloriques, religieuses, ou sur des percussions barbares. Et IMA,  un solo immersif sous chapiteau, est la danse-prière d’un acrobate sous une lumière blanche et scintillante qui semble émaner de multiples cristaux.

Nous avons aussi découvert le travail d’Attila Vidnyanszky junior à l’Ecole de théâtre de Budapest où il enseigne: une présentation de ses élèves avant de monter Léonce et Léna de Georg Büchner.
Deux heures remarquables, à un rythme très rapide et sans pause, d’un travail collectif d’acteurs où est appliqué le principe: intention-action-réaction calculées ou improvisées, révélant le haut degré de maîtrise corporelle et intellectuelle de ces jeunes élèves. Ils interagissent à propos uns avec les autres.
Un spectacle déjà ancien, Woyzeck de Büchner était aussi présenté dans une petite salle du Théâtre national, rendue étouffante par un plafond très bas et où les personnages devenus des incarnations fantomatiques produites par le cerveau de Woyzeck, jaillissent, surgissent de partout sur l’espace scénique encombré dun frigo, d’une baignoire, d’un canapé, et ainsi contraint dans toutes ses dimensions.
Actualité de cette interprétation et de ces personnages issus de séries télévisées ou de réseaux sociaux qui envahissent la vie réelle, rendent fou, et poussent au crime. Une troupe d’acteurs complices, réactifs, et joyeux, à qui rien ne résiste…

Ouverture du festival Olympics par un artiste-funambule, Laszlo Simet Jr, progressant au-dessus du Danube sur un fil reliant les rives du fleuve incroyablement majestueux et les deux parties de la ville: Buda et Pest, en un puissant acte symbolique.
Et le spectacle de Terzopoulos inaugurait un programme chargé, avec Nora, une adaptation de Maison de poupée d’Henrik Ibsen interprété par seulement trois personnages. Il nous raconte une histoire d’aujourd’hui sur la liberté des individus et les idéaux falsifiés d’une société de consommation. Des châssis coulissants noirs et blancs créent les lieux de ce drame norvégien transposé et tiré vers la tragédie antique, mixée de traditions japonaises. Chaque geste des mains et des coudes, chaque inflexion de voix et chaque mouvement de cheveux composent une partition gestuelle parfois convulsive et proche de la statuaire.

La Roumanie présentait The Scarlet Princess of Ed, un spectacle documentaire sur le statut de la femme malheureusement cousu de clichés dans la mise en scène du célèbre Silviu Purcarete, avec la troupe du Théâtre National de Sibiu. Inspirée d’une pièce de kabuki de Tsuruya Namboku IV, elle était un peu décevante. Le metteur en scène a cherché l’interculturalité, mais le scénario très complexe, l’humour décalé et un commentaire effervescent rendent difficile à l’étranger la perception de ces multiples niveaux.
Joué dans le grand Atelier Gustave Eiffel récemment restauré et consacré à l’opéra, dans The Scarlett Princess of Edo, Silviu Purcarete adapte à sa manière les principes du kabuki (chemin des fleurs, onnagata et costumes japonais… De luxueuses créations de papier, mêlées à des vêtements plus contemporains, noirs et blancs, pour certains rôles masculins.

Simon Mac Burney avec son Théâtre de complicité présentait une adaptation de l’étrange roman d’Olga Tokarczuk, Drive Your Plow over the Bones of the Dead, avant sa présentation à Paris. La technologie des images n’était pas encore tout à fait au point mais le spectacle était déjà impressionnant, conduit par la grande actrice Kathryn Hunter et orchestré par une thématique écologique, fantastique, et non simpliste,comme elle l’est trop souvent en France.

Ecologique aussi, Resurrexit Cassandra de la compagnie Troubleyn, (2021), mise en scène de Jan Fabre, combine danse, vidéo et musique, sur un texte de l’Italien Ruggiero Cappucio… Un solo interprété par Stella Höttler, Cassandre d’aujourd’hui, une « shamane » qui voit et décrit le futur, maudissant les humains pour leurs actes insensés.
Dans cette petite salle, la performeuse peut interpréter le spectacle en plusieurs langues, et sur cett étendue sableuse où sont figées des tortues sur la carapace desquelles les anciens prédisaient l’avenir, chacun se sent interpellé.
Cassandre parlera cinq fois et en cinq robes de couleur différente, scrute l’avenir, décrit la pourriture, la pollution, la terre stérile, le feu. Est-elle écoutée ? Oui. Et un silence profond et une sidération règnent dans le public. Mais la douleur de Cassandre qui va jusqu’à la transe, peut-elle être entendue? Cette représentation nous a paru inoubliable.

Deux spectacles de marionnettes : l’un d’Afrique du Sud et l’autre d’Angleterre. Dans cette version d’Hamlet, mise en scène par Janni Younge, ancienne directrice de la Handspring Puppet Company, les poupées ont de grandes têtes sculptées couvertes d’ une toile de jute beige, dans laquelle sont aussi coupées les draperies évoquant leurs vêtements, ou bien leurs états et leurs émotions.
Une relation complexe lie les manipulateurs-acteurs et ces grandes poupées aux visages expressifs : les humains parlent à leur place ou avec elles, et parfois trois acteurs font agir une même marionnette. Ou l’une d’elles semble agir seule, s’emballer, dans des configurations sans cesse renouvelées.
Le magicien malicieux Stephen Mottram, présentait The Parachute et Watch the ball, où les personnages se forment dans le cerveau des spectateurs qui relient les boules lumineuses que dirige le manipulateur. Ces personnages sont ainsi évoqués par le mouvement de cinq points dans l’espace et leur déplacement et son rythme créent la figure, le sens, et donnent même une idée de l’âge du personnage. Humour, virtuosité technologique, humanité touchante…

Enfin, Eugenio Barba organisait la dix-septième ISTA (International School of Anthropology) New Generation. Le travail de recherche a eu lieu pendant une dizaine de jours à Pescvarad une petite ville hongroise où maîtres et stagiaires tous choisis et venus du monde entier, travaillaient ensemble dans des ateliers.
Les maîtres offraient, en plus des démonstrations et de la transmission de leur savoir aux élèves, des spectacles à la population locale. Puis, à Budapest, à partir de séances de travail à raison de dix-huit heures par jour avec une discipline rigoureuse. Une « discipline qui, au théâtre, est un choix et n’a rien à voir avec quoi que ce soit de militaire  et permet le dialogue entre vingt sept pays. « (Entretien avec E. Barba, Budapest, 21 mai 2023).

Eugenio Barba a réussi à créer en trois jours Anastasis (en grec : résurrection). Il a voulu faire un spectacle plein d’espoir et joyeux, au milieu du désastre actuel et le construire à partir du savoir des uns et des autres qu’il monterait ensemble. « On n’a jamais fini d’apprendre auprès des autres, les langages du corps sont comme la tour de Babel. »( idem)

Danse Kamigata-mai (nô), jeu masqué du Topeng (Bali), rituel Baul (Inde), commedia dell’arte, flamenco, jeu brésilien du Cavalo Marinho, danse populaire hongroise, Naguan Opera (Taïwan)… Tous ces arts à la structure précise, détaillée et inspirée, participent à l’écriture d’une histoire simple de résurrection d’un enfant, sur la scène principale du Théâtre National.
La subtile Kein Yoshimura fait tourner son ombrelle translucide et légère dans une cerisaie japonaise en fond de scène. Parvaty Baul, radieuse, et toujours ivre de joie spirituelle,  joue de ses deux instruments à la fois, un stagiaire de l’ISTA jongle habilement avec des mouchoirs qu’il transforme en mini-parapluies volants, des scènes de la culture du théâtre de rue.
« Quelle élégance cette culture.», commente aussi Barba, un personnage mythique de l’Odin Teatret, joué par Julia Varley…. Mais impossible de tout citer. Chacun use de son savoir-faire pour tenter de le mettre en synchronie avec l’autre pour atteindre un ordre nouveau, supérieur, « un stade divin où tu dépasses la technique que tu dois posséder pour la dépasser.»( idem)
Un moment intense, celui où le Brésilien Alicio Amaral joue du violon rustique accompagnant un rituel populaire de Pernambouc et dialogue avec Parvaty Baul : ils font leur musique et dansent face à face, semblent débattre, puis à la fin de leur duo, on ne perçoit plus que l’accord total qu’ils ont été capables de trouver.
Sur cette grande scène, Barba a eu recours aux projections numériques infiniment délicates et suggestives de Stefano di Buduo. La technologie contemporaine s’allie aux formes traditionnelles et les sublime. Il semble que c’est la première fois chez Barba. Le bonheur des participants était visible et celui des spectateurs aussi.

Ces spectacles que nous avons pu voir en une semaine, donnent une petite idée de la diversité du programme et de l’utopie de dialogue nécessaire restauré par les arts, en des temps où l’on ne dialogue plus. Le spectacle du Teatrum Mundi d’Eugenio Barba résonne ici puissamment.
« L’interculturalité n’est possible qu’au théâtre, dit-il. Ce qui est possible au théâtre ne l’est pas dans la réalité.  A l’ISTA, le monde est en paix, et pourtant, ce sont bien des gens qui viennent du monde entier ? Et si le G7 venait assister à une ISTA? » (idem) Belle question. Mais le dialogue est-il encore toujours possible au théâtre aujourd’hui ?
Impossible d’énumérer tous les grands noms ou groupes ici présents, de Castellucci à Papaiannou, ni tous les pays:  Chine, Mexique, Azerbaïdjan. (https://mitem.hu/en/news/2023/01/10th-theatre-olympics-budapest-hungary)

Jean Bellorini présentait Le Suicidé de Nicolaï Erdman qu’il vient de créer en France. Et le double Festival fêtait aussi le bicentenaire de la naissance de l’écrivain Imre Madach, avec Madach Project 2023. Après deux jours de colloque, sous la direction générale d’Attila Vidnyanszky, deux cent élèves d’écoles de théâtre de différents pays ont interprété des scènes de La Tragédie de l’Homme, une œuvre essentielle de la culture hongroise…

Béatrice Picon-Vallin

 

Je voudrais parler de Duras d’après un entretien de Yann Andréa et Michèle Manceaux, adaptation et mise en scène de Katell Daunis et Julien Derivaz

Théâtre du Peuple à Bussang

Je voudrais parler de Duras, d’après un entretien de Yann Andréa et Michèle Manceaux, adaptation et mise en scène de Katell Daunis et Julien Derivaz

Une scène nue et qui le restera.  Côté jardin, une femme en pull à col roulé est assise, les mains sur une petite table où il y a juste un pot de fleurs… Un homme parlera sans cesse avec des modulations variées. La femme immobile et silencieuse «cite » le propos de l’homme.
Cette nudité sous-tend le thème de la pièce: la passion et l’indétermination qui précède tout être: homme, femme, animal, plante… avant de recevoir une identité. Et l’indétermination ne se dissipe pas totalement dans l’incarnation, mais demeure toute la vie une réserve d’être. Quand la passion épuise, on meurt. Elle brûle les corps et ce qui les environne.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

L’espace scénique rend ici compte à distance de cette consumation. L’indétermination apparaît aussi dans le titre : Je voudrais parler de Duras et sans « vous ». Ici, en effet, on ne s’adresse pas à un public préexistant qui doit se former à mesure du déroulement de la pièce.

Katell Daunis (La Femme immobile) et Julien Deviraz (Yann Andréa (1952-2014) mettent en scène une histoire d’amour et de littérature mêlant métaphysique et vie quotidienne. Yann Andréa rencontra Marguerite Duras (1914-1996) en lisant un texte d’elle paru en 53 : Les petits chevaux de Tarquinia. Coup de foudre littéraire.

Julien Deviraz réussit à créer un lieu intime sur cette grande scène de Bussang grâce à la douceur de sa voix sensible à toutes les modulations thématiques. Mais aussi grâce à la spatialisation de ses gestes. La peinture moderne nous l’a appris: on peut faire involuer l’espace.
Grâce au phrasé de sa narration, il y a ici des seuils entre les moments de vie commune : désir, cuisine, rapport à la mort, création littéraire, voix rauque de Duras, sexualité, absolu de l’existence. Sans cesse, la passion respire en lui mais inversée par sa voix.

L’impudeur du récit de Yann Andréa s’estompe par un trait que joue très bien Julien Deviraz : le fait d’être là, la surprise de cette vie inattendue et un étonnement qui recouvre tout. Marguerite Duras s’offre à lui, se fend en deux, trouble son homosexualité qu’elle renvoie à l’indétermination. Il va de surprise en surprise: le corps de la femme mais la nuit dans ce corps, et le dehors dans cette nuit. « J’étais totalement dans elle. »

Durant cinq ans,Yann Andréa correspondra avec Marguerite Duras: «J’écris tout le temps.» Les livres et les mots de cette correspondance préfigurent leur vie commune à partir de 1980. Le langage représente l’être du temps indéterminé et pur qui ne tient pas compte de l’écart d’âge. Commence alors une vie réelle mais aussi métaphysique.

Les mots conduisent Yann Andréa à Marguerite Duras et ils vivent ensemble par la création littéraire. Il devient ensuite lui-même un personnage de théâtre. Une histoire de la parole les enveloppe et dans les années soixante, l’être questionné par la philosophie se ramifie. Et apparaît celui du théâtre avec Peter Brook, de la littérature avec Maurice Blanchot), de la danse avec Merce Cunningham. Mais aussi de la musique avec Pierre Boulez et enfin  de la peinture, avec Paul Cézanne et Paul Klee.
L’écriture possède une nouvelle notion: le dehors situé plus loin que toute extériorité, et plus profondément que toute intimité. D’où le rapport de Duras à la mer, à nuit… Elle et Yann Andréa qui fut son dernier compagnon de 80 à 96 sont les enfants du dehors…Ce Je voudrais parler de Duras a toutes les qualités poétiques et théâtrales pour être repris sur d’autres scènes.

Bernard Rémy

Spectacle vu le 20 août au Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges). Jusqu’au 2 septembre.

Festival Garage Théâtre, saison IV Tout augmente de, et avec Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel

 

Festival Garage Théâtre, saison IV

Tout augmente
de, et avec Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel

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Lou Wenzel présente Tout augmente © M. Davidovici

Il y a quatre ans, Lou Wenzel et son père Jean-Paul, ont ouvert un théâtre à Cosne-sur-Loire (dix mille habitants) dans un ancien garage  au bord de la départementale 14 qui mène à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le village de l’écrivaine Colette (1873-1954). «On avait envie de faire quelque chose ensemble et je voulais implanter ma compagnie et construire un projet neuf sur un territoire, dit l’actrice. Après quelques recherches, nous avons trouvé ce garage dans cette ville où il n’y avait pas de théâtre. »
Avec sa compagnie, Lou Wenzel a créé ce festival annuel  dans l’esprit des rencontres d’Hérisson créées dans les années quatre-vingt par les Fédérés, une troupe alliant les compagnies d’Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel. 
« Je suis née dans le ventre de ma mère et de ces trois couillons », plaisante Lou Wenzel, en préambule du spectacle d’ouverture qui réunit pour la quatrième fois, les trois artistes fondateurs des Fédérés.

Aménagé en salle de spectacle de deux-cents places avec des espaces extérieurs, à l’ombre des arbres, Le Garage Théâtre accueille aussi toute l’année des compagnies en résidence. Le public peut ainsi assister gratuitement à leurs chantiers de création. A l’affiche également  un Printemps des écritures, où sont conviés des auteurs… La compagnie La Louve propose aussi des ateliers d’écriture et de pratiques amateurs et intervient à l’hôpital psychiatrique de la Charité-sur-Loire. Lou Wenzel prépare pour l’édition 2024 du festival, un spectacle construit à partir d’un travail mené dans un quartier prioritaire de Cosne-sur-Loire.

Le lieu fonctionne avec peu de moyens, grâce aussi à des bénévoles et à  l’association des Amis du Garage Théâtre*. Petit à petit, et malgré deux confinements, un public local s’est constitué et était  venu nombreux en ce premier soir de festival.

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Jean-Louis Hourdin, Olivier Perrier, Jean-Paul Wenzel © Marie Martin

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Après Honte à l’humanité (1979), On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ( 1993) et Trois Sœurs qui, en 2003, marquait le départ des Fédérés du Centre Dramatique National de Montluçon où ils officiaient depuis 1984, les trois compères, toujours aussi gaillards, se sont réunis pour une nouvelle aventure. Le poids des ans a marqué les corps mais l’humour mordant de leur performance reste intact même si cette « histoire désolante de notre l’humanité », fil rouge du spectacle,  se teinte de quelque amertume. « Notre seul but est toujours de vous plaire (…) et le grotesque enfin sera notre seule arme », annonce un préambule en alexandrins, lu par la jeune musicienne qui accompagne discrètement le trio.

Contrairement au titre, il ne sera pas ici question d’inflation, mais de pléonexie, une maladie qui mène l’homme à sa perte. Ce terme, forgé à partir du grec ancien pleon: plein et ekein: avoir, désigne une soif d’accumulation. Autrement dit, ici, la cupidité des riches à exploiter les pauvres et à piller la planète. Mais la critique du capitalisme sous-jacente à cette traversée d’une heure vingt n’empêche pas les gaudrioles:  de courts tableaux nous conduisent de la naissance de l’humanité jusqu’à  aujourd’hui.

On retrouve Olivier Perrier, toujours aussi bonhomme, en couche-culotte, vagissant. Un clin d’œil à Honte à l’humanité où les trois acteurs, nus et affublés d’une queue de cochon, tétaient une truie nommée Bibi. Puis l’enfant grandit, élevé par un aigle (Jean-Louis Hourdin) et un jaguar (Jean-Paul Wenzel). Il devient un Tarzan dodu, assommant deux adversaires avec une matraque en caoutchouc pour leur dérober la peau de l’ours…
Jean-Louis Hourdin, en élégant conteur, évoque la naissance de la vie à partir d’un être unicellulaire, notre ancêtre et parle de « l’héroïsme désespéré de vouloir être un homme ». O
n passe de la parodie, à la scatologie, avec la chanson du caca : « Il n’y a pas de caca juif, pas de caca musulman, pas de caca chrétien, le caca, c’est le caca.»
Après ces considérations fondamentalement philosophiques, on en vient à l’expression: caca boudin: « Une invention enfantine de haut niveau pour définir tout ce qui est merdique dans la vie».

En attendant le ruissellement des richesses, notre civilisation occidentale est mortellement infectée par cette pléonexie. Depuis les Anciens Grecs jusqu’à Bernard Mandeville avec La Fable des abeilles (1714), une satire  politique, prônant l’utilité sociale de l’égoïsme. En passant par la parabole des thalers dans l’Evangile selon Saint-Mathieu: «Celui qui n’a rien, se verra enlever ce qu’il a.» 

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Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin, Jean Paul Wenzel © Marie Martin

Heureusement, il y a Victor Hugo et son discours devant l’Assemblée nationale en 1849 : «On peut détruire la misère, une maladie du corps social. (…) Tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.»  Ces propos sérieux sont émaillés de blagues potaches où excellent ces comédiens hors pair. Et les spectateurs les plus réticents, entraînés par les autres, finissent eux aussi par rire de bon cœur…

Il fallait oser cette farce décomplexée, menée par ces acteurs qui peuvent tout se permettre et qui ont l’art du retournement: du grotesque au tragique… et aussi à la poésie… Assis sur un banc, ils se partagent le conte pessimiste de la grand-mère dans le Woyzeck de Georg Büchner. Emotion garantie.

Mireille Davidovici


Spectacle vu le 25 août au
Garage Théâtre, 235 rue des Frères Gambon, Cosne-sur-Loire (Nièvre).

T. 03.86.28.21.93  le.garage.theatre@gmail.com 

* www.garagetheatre-amis.fr

Le 26 août, concert avec Pablo Cueco et Mirtha Pozzi.
Le 27août, L’Homme assis, solo de danse d’Orin Camus.
Le 28 août, Le Banquet de la Sainte-Cécile, de et avec Jean-Pierre Bodin.
Le 29 août, Une trop bruyante solitude de Thierry Gubault.
En clôture, Jacques Bonnaffé, avec Frontalier.
Et à 19 h chaque jour à l’extérieur, Les Surprises du jardin et à 21h, des spectacles en intérieur.

 Tout augmente : les 2 et 3 septembre, le Cube Hérisson (Allier). Le 6 septembre, Massilly (Saône-et-Loire).

 

Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, adaptation et mise en scène de Katja Hussinger et Rodolphe Dana

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, adaptation et mise en scène de Katja Hunsinger et Rodolphe Dana

L’écrivain Maurice Pottecher (1867-1960) né à Bussang, un village lorrain près de l’Alsace, y a créé en 1892 le Théâtre du Peuple. Il avait rapporté du théâtre de Dionysos à Athènes, une pierre qu’il a incorporée au site pour unir nature et spiritualité.Ici trois principes: intégration d’amateurs à une compagnie professionnelle, adresse au plus grand nombre avec cette devise : Pour l’art, pour l’humanité,  et idée de transmission avec rencontres entre public et acteurs. Chaque année, le Théâtre du Peuple offre ainsi un programme de juillet à septembre.

Ce majestueux et imposant bâtiment construit en bois de pin, fait face aux monts colorés des Vosges. Selon une spectatrice, «c’est à la fois l’ouverture de l’esprit et l’ouverture à la nature ». Et pour Cathy, une ancienne ouvrière, agent d’entretien : « C’est une émotion continue. » On accède à cette salle de neuf cent places par des escaliers sur les côtés.
Invention magistrale, le fond de scène s’ouvre, selon les nécessités, sur un fragment de forêt et cela devient une scénographie avec cadre, comme au cinéma. Maurice Pottecher à Bussang, a inventé le plan au théâtre… La salle a été classée monument historique en 1976.

Quatre professionnels et onze amateurs interprètent ce Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand (1868-1918). Ils répètent ensemble sans distinction et ce travail crée cohésion et rythme. Nous avons vu ici une troupe pleine d’allant et traversée par l’amour du jeu dans les morceaux de bravoure comme dans les moments plus intimes et dramatiques.
Cyrano (Rodolphe Dana) Roxane (Laurie Barthélémy) et Christian de Neuvillette, (Olivier Dote-Doevi) opèrent un singulier chassé-croisé entre les apparences et la vivacité de la parole. On connait bien l’histoire : Cyrano, un homme laid mais inspiré, aime Roxane… Mais elle aime Christian, un beau jeune homme que l’amour rend mutique. Mais ici Rodolf Dana efface le nez de Cyrano  et quand il en dit : « C’est un pic, c’est une péninsule…un monument », il joue de tout son corps. Avec sa puissance physique, il  intègre, agile avec les mots comme avec l’épée, il ce nez comme partie de corps et de son énergie.

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©Ch. Raynaud de Lage

 Rodolphe Dana inverse ici l’intrigue et la laideur disparaît. Et la première fois que Cyrano parle à Roxane, sans doute inspiré secrètement par elle, il use de tous ses talents verbaux. Elle aurait pu l’aimer à ce moment-là mais elle veut l’apparence et les élans du verbe et inconsciemment, elle garde le souvenir de la voix de Cyrano qu’elle reconnaîtra plus plus tard : «C’était vous ? » Pourquoi revient-elle sur cette question de la laideur et donne-t-elle la primauté à la parole?

Roxane se trompe une seconde fois quand elle dit à Christian qu’elle aurait pu l’aimer même s’il avait été «laid». Rodolphe Dana, Laure Barthélémy, Olivier Dote-Doevi jouent sur la substitution des apparences. Ainsi Cyrano met le chapeau de Christian pour la fameuse scène du balcon, face à Roxane. Et il se prend tellement au jeu qu’il est sur le point de monter l’escalier vers Roxane. Un moment important où l’apparence, l’amour et le théâtre se mêlent en un seul geste. Comme dans une hésitation… Et Rodolphe Dana excelle dans l’émotion brève. C’est le « Aie ! » que Cyrano laisse échapper au moment du mariage de Roxane et Christian. Cela fait contrepoint à l’immense lune apparaissant en fond de scène. Olivier Dote-Doevi (Christian) ne subit pas seulement la situation mais introduit avec subtilité des instants comiques avec Cyrano.

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© Ch. Raynaud de Lage Au fond Roxane partant à cheval pour le siège d’Arras

La scénographie multiplie les résonances. Dans la pâtisserie du tonitruant et bienveillant Ragenau (Martial Durin), une table occupe tout le plateau avec au-dessus, des casseroles en cuivre suspendu à un fil. A la fin de la pièce, le fond de scène s’ouvre. Au cadre de cinéma, se substitue un cadre de théâtre. Avec arbres, buissons et rochers éclairés par la lumière du jour.
Rodolphe Dana  transforme ce cadre en décor et Cyrano y mourra en pleine gloire. Edmond Rostand s’est-il inspiré de Cyrano de Bergerac, l’auteur de L’autre monde, l’Histoire comique des états du soleil ? (1662).  Oui et sur deux points peut-être : les mots : «Mourir de chagrin » renvoient « A la fin de l’envoi, je touche.» Edmond Rostand sait encore toucher le public… presque un siècle et demi après la création de la pièce, comme le prouve cette mise en scène…

 Bernard Rémy

Jusqu’au 2 septembre.Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges),

La Mousson d’été, vingt-neuvième édition.

La Mousson d’été, vingt-neuvième édition

 

©x Véronique Bellegarde

©x Véronique Bellegarde

Depuis 1995, à la fin août, ce festival international d’écritures dramatiques contemporaines, dirigé déjà en 2022 par Véronique Bellegarde, est un rendez-vous unique pendant six jours avec la littérature dramatique contemporaine. Sa singularité se situe dans son processus d’action pour permettre aux spectateurs une exploration, à sa guise, du théâtre d’aujourd’hui. D’Europe et de France, surtout, mais aussi d’autres continents plus lointains, cette année, d’Amérique du Sud. Point fort de cette manifestation : des lectures mises en espace par des interprètes et metteurs en scène dans ces lieux exceptionnels que sont l’ancienne abbaye des Prémontrés et ses jardins. Avec des artistes fidèles à cet événement et d’autres, tous pleins d’énergie et heureux de se retrouver, pour certains, chaque été. Ces lectures sont aussi pour les artistes, metteur(se)s en scène et comédien(ne)s, un pari à la fois esthétique et dramaturgique: mettre en lumière de nouvelles formes, rendre sensible une matière textuelle inconnue ou hors du commun…mais également, celui de s’approprier le texte, de lui donner une couleur, de faire surgir les espaces inarticulés et fugaces nichés dans l’écriture de la pièce, pour en résumé, lui donner vie dans un laps de temps de répétition très limité. La performance n’est pas loin ! 

 

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Autre point fort: des débats ou des conversations et conférences sur les pièces au programme, avec les artistes, les traducteurs et les dramaturges. Ce festival a comme volonté intellectuelle et poétique, hormis celle de la découverte, de faire entendre avec finesse, parfois de façon très ludique le théâtre d’aujourd’hui.  Ou comment saisir la, les, spécificités de l’écriture théâtrale. Mais aussi de saisir et d’observer son évolution et son lien esthétique et éthique avec notre monde. Le texte comme reflet d’une vision de notre temps : fondamental pour l’art du théâtre… La Mousson d’été reste toujours et encore à l’écoute de ce souhait philosophique, politique et pédagogique. La force poétique de l’écrit et la mise en voix et en espace, la gestuelle, la mise en scène -quelques spectacles dont un amateur, à l’air libre ou en salle, sont au programme- sont là, pour nous convaincre ou pas, de la richesse des oeuvres présentées. L’imagination occupe une place prépondérante chez les artistes et les spectateurs dans un même espace-temps de création et de réception, circonstance rare ! Ces lectures et rencontres ouvrent des pistes et des voies de recherche dramatique pour mettre en scène ces pièces.
L’exigence comme l’émotion sont ici les maîtres-mots de cette Mousson d’été où règne l’art de la parole dans sa diversité. Cette dimension se confirme en autres par l’université d’été, programme pédagogique in situ ouvert à toutes et tous, qui propose chaque matin des ateliers permettant d’approfondir la programmation. Ce parcours théâtral est accompagné d’une atmosphère chaleureuse qui se prête bien à l’échange entre les participants et les artistes, auteurs et autrices invitées. Une passionnante rencontre avec l’art du théâtre dont nous vous parlerons dans quelques jours…

Elisabeth Naud

La Mousson d’été, Abbaye des Prémontrés, 9 rue Saint-Martin, Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle). Lectures (entrée libre) et spectacles sur réservation.T. : 03 83 81 20 22.

Livres et revues

Livres et revues

Histoires d’une seconde 2014-2023, Neuf saisons de photographies au Théâtre National de Strasbourg © Jean-Louis Fernandez

 Un étrange objet chemisé de plastique arrivé par la poste. Souple et cartonné à la fois, pas tout à fait au format in 8° il se défend bec et ongles d’être un livre de photos.
Pas un album-souvenir, qu’on feuillette avec le plaisir de la nostalgie. Pas un « beau livre» qu’on irait jusqu’à exposer sur un lutrin ouvert chaque jour à une page différente, pour l’admirer avec joie.
Et pourtant il y avait bien matière dans les neuf dernières années de ce théâtre, si l’on en juge par les splendides photos publiées par Jean- Louis Fernandez dans Parages la revue du T.N.S. ( voir Le Théâtre du Blog.)

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

C’est le livre d’un photographe, fait pour ceux qui ont vécu avec lui, ces histoires d’une seconde. Quant à nous, les autres, il faut essayer de trouver par quel bout l‘attraper. Couverture: une mosaïque de photos, posées à la va comme je te pousse, mais avec une désinvolture très pensée et un titre, si petit au milieu de ce foisonnement, qu’on le lit avec peine. En noir et blanc, cela va de soi, c’est-à-dire dans toute la gamme des plus beaux gris possibles. Pas toujours de numéros de pages, de rares courtes légendes en bas de page et pour ceux qui ne peuvent s’empêcher d’attacher leur mémoire à des repères, un  index caché à la fin du livre, avant une dernière salve de photos. Le livre ne viendra pas à vous, il faut aller le chercher.

Des photos de visages, groupes, fêtes mais peu de spectacles mais des moments de travail. Ou de « rien » et c’est parfois la même chose, tant l’acteur doit laisser travailler ce qui se trame en lui, quand le rôle commence à venir. Beaucoup de photos prises à la table de maquillage : là encore, dans une entre-deux, et un disponibilité totale à la métamorphose, dans une concentration technique qui laisse de la place. À quoi? Imagination, rêverie, créativité, pensée, liste des courses à faire… tout est bon à prendre en ce moment où le corps est immobile et l’esprit vagabond.

Alors on regarde plus attentivement. Ecoute, regards : certaines photos, ces « secondes » attrapés au vol  -plutôt offertes comme le dit Emmanuelle Béart qui a fait partie des artistes associés au T.N.S. -donnent l’idée d’un temps suspendu et d’autres, d’une vraie collectivité, mais jamais de solitude: le sujet photographié seul est tourné vers un autre, vers un travail que nous ne voyons pas.
Le montage de ces « secondes » est parfois carrément agaçant : ce n’est pas le récit d’une histoire mais les « histoires d’une seconde » et si celle-là ne vous dit rien, tant pis pour vous… Pas de chronologie, ces neuf années ne représentent pas un moment d’une grande histoire du théâtre mais neuf années de frémissement, électricité créative, joie, dépense physique collective.
C« théâtre avec une école» (c‘est son contrat dès l’origine), forme une communauté théâtrale particulière et qui a beaucoup intéressé notre photographe, voyez vous-même.

Vous reconnaîtrez certaines actrices et acteurs, autrices et auteurs, metteurs en scène au travail, vous consulterez un index malcommode (accordé du bout des doigts à notre besoin de  savoir ) et vous tomberez enfin sur la photo qui justifie tout, l’avant dernière du volume. C’est, vue du balcon, la salle Bernard-Marie Koltès au T.N.S. Les spectateurs ont ouvert leur programme, le papier capte la lumière et toute la photo et se met alors à vibrer, à frémir, sortie « une seconde » de ses deux dimensions.

Christine Friedel

Histoires d’une seconde 2014-3-2023, neuf saisons de photographies au Théâtre National de Strasbourg ©Jean-Louis Fernandez.

La disparition du Théâtre des Déchargeurs?


La disparition du Théâtre des Déchargeurs?

Au mois d’août, pas grand monde dans les rues de Paris, les magasins, cafés et restaurants sont souvent fermés mais les théâtres répètent les créations de la rentrée et il y a parfois du rififi dans cette période estivale, comme au Théâtre des Déchargeurs… Un lieu emblématique de création.
En mauvais état, il avait été rénové par Vicky Messica qui, en 79, en fit une petite salle de spectacle. Après plusieurs directions, Adrien Grassard, un jeune acteur soutenu financièrement par sa famille, a essayé, il y a deux ans, de lancer une programmation réalisée par Rémi Prin mais sans véritable ligne artistique.

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Et résultat: Adrien Grassard a été contraint de demander une cessation d’activité auprès du Tribunal de commerce. Quant aux huit contrats en C.D.D. après promesse d’embauche, il compte sur un redressement judiciaire pour que les salaires soient pris en compte par l’A.G.S., le régime de garantie.
Mais il y aussi en filigrane, et ce qui est moins clair, une
opération immobilière menée par la société Holfim qui se serait engagée à garder cette petite salle dans un site qui a été inscrit à l’Inventaire des monuments historiques en 1925 pour ses façades sur rue et sur cour et le remarquable escalier juste à côté de l’entrée de la salle. Mais bon, rien de vraiment concret et susceptible de rassurer le personnel de ce petit théâtre…
Quant aux créations prévues, certaines se feront peut-être… ailleurs: les employés des Déchargeurs ont essayé d’avoir le soutien du Ministère de la Culture et de la Mairie de Paris. Mais ce n’est pas le rôle de l’Etat de résoudre les problèmes financiers d’organismes privés qui ont commis des erreurs de gestion artistique… Quant à madame Hidalgo, elle a sûrement d’autres soucis et il y a déjà plusieurs théâtres dépendant de la Mairie, dont le Théâtre de la Ville, avec deux salles, et deux dans le XIII ème : Jardin et Seine et une dans le XIV ème ( voir
Le Théâtre du Blog)…

Nous avons souvent rendu compte des spectacles créés ou présentés aux Déchargeurs comme récemment le bon Cahin-Caha, dialogue pour un homme seul de Serge Valletti, mise en scène de Gilbert Rouvière ou le très intéressant Petits contes de la solitude, texte et mise en scène de Julie Macqueron et Louise, elle est folle de Leslie Kaplan, mise en scène d’Esther Wahl.
Mais aussi de spectacles comme
Montrer les dents. Nous nous demandions déjà pourquoi il avait été programmé. Un peu d’exigence n’aurait pas nui! Et vu les jours de représentation qui ne se suivaient pas, les prix des billets  et l’inflation galopante, un manque de public jeune… alors que la salle était presque vide. Là, c’était trop, et dans ces conditions, le résultat était prévisible… Dommage! Et les repreneurs, si repreneurs il y a, devront avoir un projet nettement mieux cadré…Comme dirait Jacques Livchine, directeur avec Hervée de Lafond, du théâtre de l’Unité : seuls comptent les chiffres…

Philippe du Vignal 

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