Parfois je tombe en désespérance
Parfois, je tombe en désespérance…
Parfois, je tombe en désespérance et pense que le théâtre agonise. Où sont passés nos maîtres d’antan? Jean Vilar, Jean-Louis Barrault, Roger Planchon, Pierre Debauche, Iouri Lioubimov, Tadeusz Kantor, le Living Theatre, Jerzy Grotowski, Giorgio Stherler, Luca Ronconi, Bertolt Brecht… Que d’admirations enterrées… Ce n’est pas Olivier Py ni Thomas Jolly qui me redonneront force et moral!

© Jacques Livchine Artigue, Festival des grands chemins d’Ax-les Thermes, les gens se précipitent pour prendre leur tabouret,avant la ballade d’Une Saison en enfer.
Parfois, le public des Scènes Nationales et des Centres Dramatiques Nationaux m’exaspère… Moutonnier, il ne connaît rien et j’ai une répulsion pour le protocole social du théâtre. Et puis, j’y crois de nouveau quand on voit qu’au off d’Avignon, deux millions de places ont été vendues et que 200.000 personnes ont afflué au festival Chalon-dans la rue, que les gens ont pris d’assaut notre Saison en enfer et nous ont suivi avec passion sur des chemins escarpés, sous un soleil “dieu de feu »…
Un soir en Avignon dans un silence magnifique et une concentration sans égal, nous voyons A Noiva e o Boa Noite Cinderela de Carolina Bianchi, une artiste brésilienne qui vit et travaille à Amsterdam (voir Le Théâtre du Blog), ma confiance dans la force diabolique du théâtre se renouvelle. J’y crois de nouveau. Roche (Ardennes), Chalon-sur-Saône, Ax-les-Thermes (Ariège) : six représentations de notre Saison en enfer.
Hervée de Lafond et moi, nous buvons un Martini avec de la glace dans un beau verre, sur une belle terrasse et devant un beau paysage… Nous nous regardons et nous nous disons: oui, nous l’avons fait, oui, nous avons flirté avec le divin. Comment aller plus loin ? Il n’y a pas plus fort que ce texte ravageur.
Arthur Rimbaud va s’arrêter là. J’ai envie de suivre son chemin… J’irai juste finir ma vie sur le marché d’Harar (Ethiopie) le 2 décembre prochain, et nous déclamerons cette Saison en enfer parmi les odeurs incroyables d’Abyssinie. Le poète y est allé et « y a ébloui sa vie.” Nous aussi, nous entrerons aux splendides villes…
Jacques Livchine, codirecteur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité