Festival d’Avignon (suite et fin) Entretien avec Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon (suite et fin)

Entretien avec Christophe Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Son exposition de photos L’œil présent continue est un récit sensible du festival.«En travaillant avec lui, disait Pierre Saveron, le créateur-lumières de Jean Vilar, j’ai appris une technique de découpage du comédien, une façon de l’isoler et de le faire vivre. » Et pour André Diot, « Avec Patrice Chéreau, on prend en général la lumière du lever du jour, et on va jusqu’au soir. C’est peut-être la ligne la plus simple, même si ce n’est pas la plus facile.»
Christophe Raynaud de Lage met en évidence l’artiste dans un espace de jeu variable selon les lieux et horaires des spectacles en Avignon et il sait aussi nous faire découvrir le public… indispensable à une création. Ce parcours en images raconte toute l’histoire de ce festival.

-Cette exposition a connu un grand succès l’an dernier ( voir Le Théâtre du Blog) et est reprise pour cette soixante-dix septième édition.

-Tiago Rodrigues l’avait vue et a décidé de la prolonger. Produite par le festival, elle est aussi devenue celle de l’association Jean Vilar et a été complétée: il y a maintenant plus de 130 autres photos, ce qui la rend, je crois, encore plus vivante.
J’en ai étoffé le récit avec trois thèmes mis en évidence dans le prologue, les artistes, le public et les lieux. Ces photos couvrent la période de 2005 à 2023. Comme celle du cloître des Célestins enneigé et celle du bal du 14 juillet 2010 devant le Palais des Papes.
Il y a
aussi un diaporama du Mahabharata de Satoshi Miyagi (2014) et des photos  année du Jardin des Délices créé cette année, deux spectacles joués à la carrière Boulbon.
Et Paradiso, l’installation visuelle de Romeo Castelluci, une image de trois minutes à l’église des Célestins. Et Exibit B, une exposition polémique de Brett Bailey ( 2013) au même endroit.
Nous découvrons des résonances dans les lieux, comme cette église sur plusieurs années, ou le Cloître des Carmes dont nous n’avions pas conscience…Les images se répondent.
Et il y a plus de photos de spectacles joués dans la Cour d’honneur : soit 79 depuis dix-huit ans. On retrouve une continuité par rapport au lieu qui donne le «la», malgré une nette différence d’esthétique. C’est la force des lieux d’Avignon.
© Ch. Raynaud de Lage

 -Que retenir de cette première saison de Tiago Rodrigues quant au travail de l’image-photo?

 -La reprise d’En Attendant d’Anne Teresa De Keersmaeker au cloître de Célestins avec cette lumière déclinante que je n’avais pas pu photographier en 2010 : elle ne le voulait pas.
Et Que ma joie demeure, une grande traversée de six heures et demi en pleine nature, avec le lever du soleil à six heures du matin et l’omniprésence de la nature. Comme le remarquait Patrice Chéreau, ici, les grandes aventures ne sont pas reproductibles ailleurs.

 -Quelle sont pour vous les photos les plus difficiles à faire dans ce festival?

 -Les spectacles qui me touchent le plus ne sont pas toujours les plus visuels et prendre les photos est alors plus dur. Comme cette Antigone in the Amazon de Milo Rau à Vedène, avec une construction incroyable et des projections!
Faire des images d’images est compliqué.  Comme pour, entre autres, Que ma joie demeure avec une épreuve physique, surtout après trois semaines de festival…
La présence du public oblige aussi à  être vigilant, même si l’évolution de la technologie améliore les prises de vue. Et enfin, pas facile non plus de photographier les coulisses d’un spectacle, même si j’aime beaucoup cela. On est alors en effet au cœur de la création.»

Jean Couturier

Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, Avignon. T : 04 90 86 59 64.

Réouverture le 5 septembre, jusqu’au 1er mars.


Archive pour 11 août, 2023

Festival d’Avignon (suite et fin) Antigone ma sœur, adaptation et écriture collective d’Antigone de Sophocle, conception et mise en scène de Nelson-Rafaell Madel

Festival d’Avignon (suite et fin)

Antigone ma sœur, adaptation et écriture collective d’Antigone de Sophocle, conception et mise en scène de Nelson-Rafaell Madel

Une adaptation surprenante à la fois cabaret rock et baroque !  La pièce de Sophocle (441 avant J.C. ) devient dans cette mise en scène, un spectacle musical, et nous rappelle ainsi, l’origine religieuse et sacrée de la tragédie grecque. Avec un dithyrambe, cantique consacré à Dionysos chanté et dansé par des choristes-satyres et dirigé par un coryphée, elle fut d’abord une cérémonie rituelle où le chant occupait une place de prédilection; tragédie en grec ancien : « chant du bouc ».

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Dans cette adaptation, nous voyons exister le personnage d’Antigone dès son enfance. Ce contexte temporel et existentiel donne une valeur supplémentaire au destin de notre héroïne tragique. Figure féminine emblématique du choix et de la liberté. Chez Sophocle, elle affronte Créon, en opposant à son décret de circonstance, les «lois non écrites, inébranlables, des Dieux ».  Habité par le sentiment de la révolte et de la justice, et une quête d’absolu, le personnage, apparaît  dans le spectacle sous différentes facettes esthétiques, divers humeurs. Cette incarnation subtile de notre jeune et intrépide héroïne touche un large public qu’il soit athée ou plus croyant.

Tout commence à l’extérieur du théâtre 11 d’Avignon. Sur le boulevard, avant l’entrée en salle les spectateurs sont interpellés par une Pythie déjantée. Haute en couleur, extravagante, elle leur remet sur feuille La Chanson de Laïos : «On connait la chanson/Jocaste, c’est naturel/Accouche d’un garçon/Malédiction cruelle. » Le public, un peu surpris et amusé à la fois, est invité à chanter en sa compagnie. Une mise en scène pleine d’esprit, les trouvailles dramaturgiques et la qualité des lumières signées Lucie Joliot et des costumes d’Emmanuelle Ramu, carnavalesques ou plus dépouillés, font de ce spectacle un enchantement !

Nelson Rafaell Madel, avec Paul Nguyen pour la dramaturgie, nous offre avec cette figure inattendue d’Antigone, une actualisation du mythe antique, à la fois pleine d’humour et de gravité. L’écriture de cette version hors du commun de la pièce antique prend la forme d’un canevas lumineux où s’entrecroisent subtilement les fils des temps modernes avec ceux plus archaïques. La puissance de la pièce de Sophocle reste toujours en filigrane et le mythe apparaît en transparence. Et résonne ! A cette force dramatique pérenne se joint une tension, une parole tragique et un comique contemporains.

Dans cette mise en scène bigarrée vibrent charnellement les mots grâce à la présence formidable de tous les comédiens, exceptionnelle Antigone, à la fois solaire et fragile, puissante performance, interprétée par l’actrice Karine Pédurand. Ces qualités théâtrales habitaient déjà le spectacle Andromaque (2016), d’après la tragédie classique de Racine, monté également par les deux comédiens  Nelson Rafaell Madel et Paul Nguyen (cf. Article Théâtre du Blog).

Loin d’être une fantaisie pour rendre actuelle une tragédie, le spectacle s’impose avec une acuité éthique tout en finesse et une esthétique bigarrée parfaitement pensée. À la fois comédiens, danseurs, chanteurs, saltimbanques acrobates, tous réussissent à donner vie avec noblesse et passion, à l’art du théâtre. La qualité des chansons et la mise en voix créent l’émotion et nous questionnent sur notre moi le plus enfoui, à une époque où la part du sacré a bien du mal à trouver sa place. Un grand rendez-vous théâtral avec Dionysos et sa musique…

 Elisabeth Naud

Spectacle vu au 11, boulevard Raspail,Avignon.

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