Festival Garage Théâtre, saison IV Tout augmente de, et avec Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel

 

Festival Garage Théâtre, saison IV

Tout augmente
de, et avec Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel

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Lou Wenzel présente Tout augmente © M. Davidovici

Il y a quatre ans, Lou Wenzel et son père Jean-Paul, ont ouvert un théâtre à Cosne-sur-Loire (dix mille habitants) dans un ancien garage  au bord de la départementale 14 qui mène à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le village de l’écrivaine Colette (1873-1954). «On avait envie de faire quelque chose ensemble et je voulais implanter ma compagnie et construire un projet neuf sur un territoire, dit l’actrice. Après quelques recherches, nous avons trouvé ce garage dans cette ville où il n’y avait pas de théâtre. »
Avec sa compagnie, Lou Wenzel a créé ce festival annuel  dans l’esprit des rencontres d’Hérisson créées dans les années quatre-vingt par les Fédérés, une troupe alliant les compagnies d’Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel. 
« Je suis née dans le ventre de ma mère et de ces trois couillons », plaisante Lou Wenzel, en préambule du spectacle d’ouverture qui réunit pour la quatrième fois, les trois artistes fondateurs des Fédérés.

Aménagé en salle de spectacle de deux-cents places avec des espaces extérieurs, à l’ombre des arbres, Le Garage Théâtre accueille aussi toute l’année des compagnies en résidence. Le public peut ainsi assister gratuitement à leurs chantiers de création. A l’affiche également  un Printemps des écritures, où sont conviés des auteurs… La compagnie La Louve propose aussi des ateliers d’écriture et de pratiques amateurs et intervient à l’hôpital psychiatrique de la Charité-sur-Loire. Lou Wenzel prépare pour l’édition 2024 du festival, un spectacle construit à partir d’un travail mené dans un quartier prioritaire de Cosne-sur-Loire.

Le lieu fonctionne avec peu de moyens, grâce aussi à des bénévoles et à  l’association des Amis du Garage Théâtre*. Petit à petit, et malgré deux confinements, un public local s’est constitué et était  venu nombreux en ce premier soir de festival.

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Jean-Louis Hourdin, Olivier Perrier, Jean-Paul Wenzel © Marie Martin

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Après Honte à l’humanité (1979), On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ( 1993) et Trois Sœurs qui, en 2003, marquait le départ des Fédérés du Centre Dramatique National de Montluçon où ils officiaient depuis 1984, les trois compères, toujours aussi gaillards, se sont réunis pour une nouvelle aventure. Le poids des ans a marqué les corps mais l’humour mordant de leur performance reste intact même si cette « histoire désolante de notre l’humanité », fil rouge du spectacle,  se teinte de quelque amertume. « Notre seul but est toujours de vous plaire (…) et le grotesque enfin sera notre seule arme », annonce un préambule en alexandrins, lu par la jeune musicienne qui accompagne discrètement le trio.

Contrairement au titre, il ne sera pas ici question d’inflation, mais de pléonexie, une maladie qui mène l’homme à sa perte. Ce terme, forgé à partir du grec ancien pleon: plein et ekein: avoir, désigne une soif d’accumulation. Autrement dit, ici, la cupidité des riches à exploiter les pauvres et à piller la planète. Mais la critique du capitalisme sous-jacente à cette traversée d’une heure vingt n’empêche pas les gaudrioles:  de courts tableaux nous conduisent de la naissance de l’humanité jusqu’à  aujourd’hui.

On retrouve Olivier Perrier, toujours aussi bonhomme, en couche-culotte, vagissant. Un clin d’œil à Honte à l’humanité où les trois acteurs, nus et affublés d’une queue de cochon, tétaient une truie nommée Bibi. Puis l’enfant grandit, élevé par un aigle (Jean-Louis Hourdin) et un jaguar (Jean-Paul Wenzel). Il devient un Tarzan dodu, assommant deux adversaires avec une matraque en caoutchouc pour leur dérober la peau de l’ours…
Jean-Louis Hourdin, en élégant conteur, évoque la naissance de la vie à partir d’un être unicellulaire, notre ancêtre et parle de « l’héroïsme désespéré de vouloir être un homme ». O
n passe de la parodie, à la scatologie, avec la chanson du caca : « Il n’y a pas de caca juif, pas de caca musulman, pas de caca chrétien, le caca, c’est le caca.»
Après ces considérations fondamentalement philosophiques, on en vient à l’expression: caca boudin: « Une invention enfantine de haut niveau pour définir tout ce qui est merdique dans la vie».

En attendant le ruissellement des richesses, notre civilisation occidentale est mortellement infectée par cette pléonexie. Depuis les Anciens Grecs jusqu’à Bernard Mandeville avec La Fable des abeilles (1714), une satire  politique, prônant l’utilité sociale de l’égoïsme. En passant par la parabole des thalers dans l’Evangile selon Saint-Mathieu: «Celui qui n’a rien, se verra enlever ce qu’il a.» 

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Olivier Perrier, Jean-Louis Hourdin, Jean Paul Wenzel © Marie Martin

Heureusement, il y a Victor Hugo et son discours devant l’Assemblée nationale en 1849 : «On peut détruire la misère, une maladie du corps social. (…) Tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.»  Ces propos sérieux sont émaillés de blagues potaches où excellent ces comédiens hors pair. Et les spectateurs les plus réticents, entraînés par les autres, finissent eux aussi par rire de bon cœur…

Il fallait oser cette farce décomplexée, menée par ces acteurs qui peuvent tout se permettre et qui ont l’art du retournement: du grotesque au tragique… et aussi à la poésie… Assis sur un banc, ils se partagent le conte pessimiste de la grand-mère dans le Woyzeck de Georg Büchner. Emotion garantie.

Mireille Davidovici


Spectacle vu le 25 août au
Garage Théâtre, 235 rue des Frères Gambon, Cosne-sur-Loire (Nièvre).

T. 03.86.28.21.93  le.garage.theatre@gmail.com 

* www.garagetheatre-amis.fr

Le 26 août, concert avec Pablo Cueco et Mirtha Pozzi.
Le 27août, L’Homme assis, solo de danse d’Orin Camus.
Le 28 août, Le Banquet de la Sainte-Cécile, de et avec Jean-Pierre Bodin.
Le 29 août, Une trop bruyante solitude de Thierry Gubault.
En clôture, Jacques Bonnaffé, avec Frontalier.
Et à 19 h chaque jour à l’extérieur, Les Surprises du jardin et à 21h, des spectacles en intérieur.

 Tout augmente : les 2 et 3 septembre, le Cube Hérisson (Allier). Le 6 septembre, Massilly (Saône-et-Loire).

 

 

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