Festival international de théâtre de rue d’Aurillac Un Spectacle de merde par la compagnie Chris Cadillac : le point de vue de Jacques Livchine
Dans les arts comme dans l’astronomie, on recherche et on découvre parfois de nouvelles étoiles, de nouvelles planètes. Ainsi au vingtième siècle en musique, le rock and roll, puis le rap. Certains disaient que c’était juste une mode qui allait passer…
C’est décousu à souhait. Marion Duval commence une phrase mais ne la termine pas et parfois jargonne… Derrière elle, une ancienne mobylette qu’elle l’enfourche. Elle pédale et on l’entend qui murmure : merde, cela ne marche pas ! Redwane Reis Meyer, son régisseur la pousse… Et la voilà qui tourne en rond sur un terrain cimenté de deux cent mètres d’ouverture et trois cent de profondeur. Les cheveux de la metteuse en scène volent au vent. Une image de grande liberté…
Maintenant, les camions enfin garés, il y a un espace de jeu. Tous les acteurs chantent (mais très mal): “ça c’est le spectacle” genre colonie de vacances… hurlé façon Didier Super. Quarante minutes après et sur deux heures et quelque, des personnages loufoques vont se présenter, faire des minis-blagues pourries, dire des poèmes plus nuls-tu meurs, ou des discours insensés.
Karine arrive avec une chanson mimée sur L’Aigle noir de Barbara. Une magicienne hurle et revient sans arrêt. Un acteur dit : « C’est politique. » Et il annonce une manifestation pour l’eau à Orléans. Un drapeau passe, avec inscrit dessus: “Désordre”.
Mais moi, que m’arrive-t-il? Je ne m’ennuie pas, comme transporté. Sont-ce des Indiens? Une tribu? Lajoie chante Enculez- moi, devant, derrière. Un air repris par les jeunes, tous alcoolisés, ou presque… Et là, sans qu’on y fasse attention, le public déserte les gradins et se mêle aux personnages…
La représentation théâtrale devient alors la vraie vie, dans une sorte de tuilage naturel et une énergie communicative. Nous sommes dans une sorte de rave-partie. On se trémousse dans tous les sens, c’est la fête.
Là, mystère! Mais pas grave, il y a une belle vérité qui émane du spectacle. Les acteurs parlent en filigrane, d’extinction et rébellion, de soulèvements de la terre, batailles contre les accapareurs d’eau, etc. Marion Duval dit : « Pour que vous y compreniez quelque chose, on va faire le final, on va délivrer un message…
Il y a un défilé de mode avec de beaux costumes et elle lit -trop vite-un texte qui dit ce qui va arriver à chacun des personnages... Nous ne comprenons rien mais sommes entraînés par le mouvement et par une énergie incroyable. Puis il y a un vague salut et la musique reprend. Les corps élastiques de tous les spectateurs s’agitent en cadence.
Je prends conscience que les luttes anciennes, les marches de la Bastille à la République laissent la place à de nouvelles résistances anti-bourgeoises. « Le changer la vie » d’Arthur Rimbaud est toujours d’actualité mais des formes nouvelles surgissent, symbolisées ici par cette armée de camions.
Le théâtre, c’est tout de même fort quand ça déstabilise et qu’on ne sait pas séparer le vrai, du faux. Important: ce Spectacle de merde recharge les batteries et joue le rôle d’un stimulant de l’âme…
En Suisse: à Bienne, le 2 septembre, à Neuchâtel, les 8 et 9 septembre.
Et à Genève, au festival de la Bâtie.