Festival international du théâtre de rue d’Aurillac La Meringue du souterrain, conception textes et scénographie de Sophie Perez

Festival international du théâtre de rue d’Aurillac (suite)

La Meringue du souterrain, conception, texte et scénographie de Sophie Perez

Une femme (Sophie Lenoir) arrive et semble un peu perdue comme si elle avait eu un rendez-vous manqué. En fond de scène, un gros visage monstrueux avec un horrible nez, la bouche grande ouverte aux dents gigantesques et où dans le fond, on aperçoit une glotte rose bonbon.
Côté jardin et côté cour, des sortes de meringues blanches et un très long boa noir. Un synthé dont un homme (Stéphane Roger) s’emparera. Cette scénographie est du genre plutôt réussi avec une nette tendance à la création de formes surréalistes aussi laides que possible, comme cette femme au visage doté d’un hideux menton postiche, et qui changera plusieurs fois de costume.

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C’est dit Sophie Perez,  un traquenard esthétique et psychique qui n’apportera aucune solution… Le fruit pourri et magnifique de longs mois d’isolement. Pour cette création du Zerep, il est question de l’art scénique dans ce qu’il a de plus brut et de plus libre. C’est un théâtre de pirates, d’esprits rebelles, de désobéissant·es, de comiques absolu·es, d’insolent·es. »
Il y a effectivement des citations d’art contemporain avec une trop longue séance de peinture sur le corps sans aucun intérêt, quelques danses, un quiz avec répliques célèbres de théâtre que le public est prié de compléter, du genre : « Etre ou ne pas être: …? Le petite chat est: …?

Mais ce n’est pas le grand enthousiasme dans la salle. Il y a aussi quelques petites chansons où on parle du couple, un sketch pas drôle avec le nez de Pinocchio, pour elle et lui…
Nous avons eu la nette impression que Sophie Perez faisait tout pour remplir une heure! Et ce spectacle ne fonctionne pas, même si elle fait référence comme tant d’autres au célèbre Tadeusz Kantor (1915-1990): « Le théâtre pour personne, Le théâtre qui ne se jouerait que dans les salles vides, Le théâtre de nos esprits vaillants et tourmentés, Ce que Kantor appelait le théâtre impossible, le théâtre zéro.» C’est avoir bien mal compris la pensée de ce génial Polonais…
Le public d’un certain âge (comme à Paris, presque aucun jeune dans la salle) était perplexe et trois spectatrices aurillacoises sont sorties furieuses de s’être fait ainsi rouler. Même si les places sont à 12 €, on les comprend…

Sophie Perez peut bien faire valoir que sa compagnie du Zerep « est un état d’esprit creusant un monde artistique où bordels populaires et raffinements avant-gardistes sont renvoyés dos-à-dos pour mieux en éprouver les mystères et les mystifications.» ( sic). Quel sabir prétentieux! Tous aux abris! Rien à faire, ce spectacle inutile créé l’an dernier, le restera et n’avait absolument pas sa place dans ce festival…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 25 août au Théâtre d’Aurillac.


Archive pour 30 août, 2023

La Mousson d’été (suite) Le Cercle autour du soleil, de Roland Schimmelpfenning, traduction de Robin Ormond, mise en espace de Véronique Bellegarde

La Mousson d’été (suite)

Le Cercle autour du soleil de Roland Schimmelpfenning, traduction de Robin Ormond, mise en espace de Véronique Bellegarde

Pas de thématique pour cette édition mais, en ces trois premiers jours, des pièces de grande qualité qui font la joie du public. En ouverture, un texte de l’auteur allemand qui a obtenu l’Aide à la création. La pièce a été mis en espace par Véronique Bellegarde, metteuse en scène et directrice artistique de ce festival : un choix audacieux…

Cela commence au moment où, selon les didascalies: Après que tous les spectateurs ont trouvé leur place et que la lumière s’est éteinte au parterre, les femmes et les hommes, pour certains en tenue de soirée, sur scène attendent encore un moment, avant de s’adresser au public.

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Nous sommes dans une fête. Pour un anniversaire, la réussite à un examen, l’inauguration d’un bar, un festin ? On ne sait pas, l’absence de raison instaure un climat indéterminé mais convie le public dans une ambiance gaie et vivante, l’attention est là. La pièce se compose de soixante-sept tableaux où le dramaturge imagine une fête comme celles qu’on avait oubliées durant le premier confinement : Il y a foule à l’entrée d’un immense appartement, un couloir bondé.  On entend des verres qui se brisent, des rires et des cris:  « Un homme se souvient Trop bondé –trop serré -courte pause. On est si serré ici, disait-elle, c’est fou ce qu’on est serré ici, tous les gens, la foule, on respire à peine.» 

De ce contexte festif, l’écriture et le récit bifurquent dans un tracé dramaturgique fragmenté et nous conduit dans un univers hors du commun, qui ne cesse de passer de contextes banals, ou abstraits, pour suggérer ou faire naître en les personnages, des états plus intérieures, d’une grande poésie : « J’ai posé ma main sur le verre de la fenêtre. Ça ne se fait pas, aurait dit ma mère. J’ai vu l’empreinte de ma main, j’ai vu la rue, le ciel, je me suis vue moi-même,j’ai posé mon front contre le verre froid, et la vitre s’est couverte de buée, la rue a disparu, le ciel a disparu, et puis mon visage a disparu. »

Les personnages au tempérament et existences variés : des avocats, un couple, une jeune femme, une professeure à la retraite, des juristes… vont pendant cette fête nous entraîner dans des contrées existentielles singulières. Le récit fonctionne comme un ruban enroulé avec des nœuds qui se défont à peine, formant ainsi une trame absurde et drôle à la fois, voire mélancolique ou tendu, incroyablement théâtrale.

Loin d’être une fiction réaliste, la pièce fait vibrer en chacun de nous des sensations fortes, et d’une profonde sensibilité. Roland Schimmelpfenning crée des images d’une grande puissance et la mise en espace de Véronique Bellegarde est très habile, avec des comédiens tous formidables de vérité. Une lecture avec toute l’intelligence requise pour faire suivre au public cette histoire morcelée et riche d’une théâtralité contemporaine. 

On pense à un auteur comme Botho Strauss ou par sa modernité à l’ époque, à Anton Tchekhov. Une société en crise, la solitude sont les thèmes parmi d’autres évoqués dans la pièce : «UNE JEUNE FEMME Foule compacte dans le couloir. Musique forte. Bien trop de monde, et nous ne connaissions personne. Tu connais quelqu’un ici ?, Demanda-t-il, je pensais que tu connaissais quelqu’un ici –UN JEUNE HOMME On ne connaît personne ici, qu’est-ce qu’on fait ici ? ». Ces personnages un peu perdus, avec leur bonheur de retrouver du monde, après la première covid, touchent le public, l’interpellent. Un climat de joie nerveuse et d’urgence, sans aucune distance,  envahit la scène et nous tient en haleine. Moments comiques et romantiques successifs… Un serveur jongle avec un plateau de verres à travers la foule jusqu’au moment où il le renverse, et ce, à plusieurs reprises, comme dans un éternel recommencement, toujours et encore interrompu. Mais tous continuent à danser, à rire, à flirter…

Instantanés de conversations, jusqu’à plus soif : on discute des droits de l’homme, de la vie, de la liberté…. Une jeune femme tombe amoureuse de l’hôtesse: une histoire sentimentale sans lendemain, et pour cause, le virus, de manière sous-jacente, continue sa route.

Véritable ballet entre les corps et les mots dans une insouciance retrouvée. L’instant de la nuit, temps éphémère, temps risqué et pernicieux de la séduction et de la tentation. En effet le rythme répétitif donné par des situations et répliques qui se réitèrent, tout la comme la fin de la pièce identique à une des scènes du début. Un peu l’image de la musique répétitive de Steeve Reich, triste et non sans angoisse et nostalgie, et laisse planer malgré la joie de la fête, l’ombre de l’épidémie. Terminée ?

La composition musicale et sonore, parfaite,  d’Hervé Legeay et Philippe Thibault, toute en complicité esthétique mais jamais illustrative, soutient avec subtilité cette pièce fragmentaire exigeante. Véronique Bellegarde réussit à nous fasciner et à éveiller notre esprit à partir d’un récit original et complexe.

Entre lumière et obscurité, aucune histoire réaliste! Monstres, milieux professionnels avec ses dérives, amours en crise, peurs, désirs et fantasmes provoquent en notre conscience une vision et perception de notre humanité et des liens aux autres, à la vie, d’une intense poésie … Et laisse place à une vive et trouble émotion, quand un événement inattendu, et le danger frappent à la porte.

«Une révérence nostalgique à la légèreté insouciante, devenue danse sur le volcan. »

Un art du théâtre d’un haut niveau.

 Elisabeth Naud

Spectacle vu le 24 août à la Mousson d’été, abbaye des Prémontrés, Pont à Mousson (Meurthe-et-Moselle). T. : 03 83 81 20 22.

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