Les Zébrures d’automne:quarantième anniversaire des Francophonies de Limoges Convictions de Lara Arabian, mise en scène de Djennie Laguerre

Les Zébrures d’automne, de l’écriture à la scène: quarantième anniversaire des Francophonies de Limoges (suite)

© Christophe Péan

© Christophe Péan

Quarantième anniversaire de ce festival dirigé depuis quatre ans par Hassane Kassi Kouayaté et où sont créées ou présentées les pièces de nombreux auteurs du Congo, Canada, Belgique, Rwanda, Togo, Luxembourg… Des pays riches ou pas, très ou peu habités, occidentaux, d’Afrique,du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord etc. mais qui ont tous un dénominateur commun, la langue française comme moyen d’expression écrit et/ou parlé: environ trois cent millions de locuteurs dans le monde!
Il faut rappeler que ces Francophonies ont été créés il y a quarante ans par Monique Blin, et par Pierre Debauche, alors directeur du Centre Dramatique du Limousin, tous les deux aujourd’hui disparus.
Cela a été une pépinière et une vitrine pour de jeunes artistes comme Robert Lepage, auteur-metteur en scène québécois et Wajdi Mouawad, auteur et metteur en scène d’origine libanaise et qui a vécu longtemps au Québec, et maintenant directeur du Théâtre de la Colline à Paris… Mais aujourd’hui pas d’illusions: le pur théâtre de texte a nettement perdu de sa suprématie, et où danses les plus diverses mais surtout « urbaines », acrobatie, musique et vidéo, magie attirent nettement plus les jeunes?
« Aux côtés de la nouvelle Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts (que va inaugurer Emmanuel Macron) et du réseau actif que nous constituons avec la Cité internationale des arts de Paris et la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, dit le grand philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, on veut ici envisager avec optimisme l’immédiat avenir d’une Francophonie «qui va vers sa jeunesse. »
Oui mais comment, où, et avec quels budgets en ce qui concerne les Francophonies de Limoges? Des questions  pour l’instant sans réponse. Qu’en pense
Rima Abdul Malak, ministre de la Culture (qui n’est pas venue à ces Zébrures d’automne)?

Convictions
de Lara Arabian, mise en scène de Djennie Laguerre

Cela se passe au Canada, pays de l’autrice. Les Khourry: père libanais et mère canadienne, ont récemment emménagé avec Zara, leur fille de treize ans, dans la banlieue de Toronto.

©x

©x

Très vite, elle se met à entendre la voix d’une personne mystérieuse qui lui parle. Lara Arabian qui joue aussi la Mère, se demande avec son mari (Nabil Traboulsi) si leurs convictions viennent de leurs familles, ou de la religion. Djenie Laguerre, d’origine haïtienne (L’Adolescente) a une belle présence, une bonne diction et une gestuelle parfois étonnante.
Elle apporte par moments un souffle d’air frais à ces dialogues indigents et poussiéreux du genre Plus belle la vie... Mais la plaisanterie dure une heure quarante et l’éternité, c’est long, surtout vers la fin, disait déjà  Alphonse Allais.
Et comme Djennie Laguerre n’est pas encore une metteuse en scène, ce texte déjà faible ne passe vraiment pas, et cerise sur ce pudding estouffadou, il y a un cube sur roulettes au milieu du petit plateau qui gêne la circulation et qui ne sert à rien. Et la direction d’acteurs est inexistante…Bref, un spectacle sans intérêt qui n’aurait jamais dû venir ici. On peut juste sauver la présence de Djennie Laguerre…Le public a applaudi très mollement cet ovni.

On marronne ? (Si ça te dit, viens) de Gustave Akakpo, mise en scène de Geneviève Pelletier

On connait bien en France cet écrivain togolais de quarante-neuf ans dont les pièces ont souvent pour thème les injustices socio-politiques… Comme À petites pierre (2007) ou La Mère trop tôt (2004), où il évoque le génocide des Tutsis au Rwanda et les enfants-soldats en Afrique. Et  dans Le Petit Monde merveilleux (2008), il essaye de faire prendre conscience des impératifs écologiques.
Ici, une femme qui a quitté sa terre natale, vit dans la Cité de l’Espace à Kourou en Guyane… Oui, mais voilà pour le reste, l’acoustique de l’Opéra-Théâtre de Limoges est si mauvaise qu’il faut être très attentif pour glaner quelques bribes de dialogues, mais on ne comprend pas grand chose à cette histoire!

La distribution, très inégale, frise souvent l’amateurisme, la balance texte/musique est  défaillante et les lumières plus qu’approximatives… La metteuse en scène québécoise n’arrive jamais à nous intéresser à cette ennuyeuse fiction et ose encore employer des poncifs comme des jets de fumigène latéraux à plusieurs reprises ou des lumières stroboscopiques qui font mal aux yeux! 
Bref, ce spectacle d’une heure et demi, dix fois trop long,  tout simplement mauvais, n’a aucune chance s’il reste dans l’état d’être joué ailleurs. Tant pis, mais dommage pour les Francophonies de Limoges.

Zoé d’Olivier Choinière, mise en scène d’Hassane Kassi Kouyaté

Enfin ouf! Une petite merveille de cet auteur québécois de cinquante ans, peu connu en France! Cela se passe dans un lycée avec juste deux personnages. Aucun décor, sinon un mince cadre de bois posé au sol et une dizaine de chaises. Un prof de philo (Patrick Le Mauff) et une de ses élèves (Adélaïde Bigot), vent debout contre la grève entamée par ses camarades de classe. Elle exige que son prof lui fasse cours, puisque, dit-elle, sans ménagement, c’est son droit le plus strict,  comme les autres  ont le droit de faire grève. Et elle assume pleinement cette revendication.

© Christophe Péan

© Christophe Péan

Zoë  n’a que faire de cette lutte qui ne la concerne pas. C’est une bosseuse très individualiste et qui essaye de mettre toutes les chances de son côté : elle veut être médecin.
Mais bon, le cours individuel que cette excellent prof de philo, maître en dialectique, porte ses fruits et les certitudes et radicalités de la jeune fille commencent à se lézarder.

Le dialogue est aussi brillant et savoureux que le jeu : diction, gestuelle, présence sur scène de Patrick Le Mauff qu’on a vu autrefois dans la compagnie de l’Attroupement et celui d’Adélaïde Bigot, jeune actrice tout juste sortie de l’Ecole du Centre Dramatique National de Limoges. Et il y a une belle complicité entre elle et cet acteur des plus expérimentés, tous les deux remarquables et bien dirigés par Hassane Kassi Kouyaté.

Oui, enfin du vrai et du bon théâtre, sans doute classique mais d’une rare intelligence et très efficace: en quatre-vingt minutes, cet entretien sur fond philosophique fait le bonheur du public.
Il y a eu aussi sous un petit chapiteau un débat intéressant: La Langue frnaçaise peut-elle faire acte de fraternité?Avec Danielle Le Saulx-Farmer et Noémie F. Savoie (Oh ! Canada-Chapitre 1 -L’Est canadien), Dalila Boitaud-Mazaudier (En langues françaises), Mimi O’Bonsawin et Annick Lederlé, cheffe de la mission: sensibilisation et développement des publics à la délégation générale à la langue française et aux langues de France, au Ministère de la Culture-.
Et ont été remis les prix de la S.A.C.D. et de R.F.I.:  d’autres moments de la vie de ce festival dont nous vous reparlerons. 
Mais il faut se demander si, après quarante ans, la vie de ces Francophonies n’a pas un coup dans l’aile. Le terme même de Francophonies a peut-être un peu vieilli à l’heure des événements actuels en Afrique. Hassane Kassi Kouyaté semblait, à l’écouter, quelque peu las, malgré sa détermination et le remarquable travail de toutes ses équipes.
Par ailleurs, il ne pouvait pas être d’accord et il l’a dit avec courage au micro de France-Inter (voir Le Théâtre du Blog) avec les récentes mesures du gouvernement français concernant les visas qui ne seront plus accordés aux ressortissants du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ce qui, heureusement, a suscité l’indignation des milieux artistiques français.

Et cela ne va pas arranger les affaires de ces Francophonies de Limoges, qui, de toute façon, ont besoin d’un second souffle. Depuis 84, la notion même de festival a aussi beaucoup évolué : les envies du public, l’écriture des textes comme les lieux ne sont plus les mêmes. Que ce soit à Limoges où le public est vieillissant, ou à Aurillac où il reste jeune mais qui voit seulement les spectacles gratuits et où l’arrivée cette année de « collectifs » dans les quartiers extérieurs, va bouleverser la donne…
A suivre.

Philippe du Vignal

Les Zébrures d’automne jusqu’au 20 septembre.


Archive pour septembre, 2023

Les Zébrures d’automne aux Francophonies de Limoges (suite) Léa et la théorie des systèmes complexes d’Ian De Toffoli, mise en scène de Renelde Pierlot

Les Zébrures d’automne aux Francophonies de Limoges (suite)

8-Lea-c-2023

© CHRISTOPHE PEAN-

Léa et la théorie des systèmes complexes d’Ian De Toffoli, mise en scène de Renelde Pierlot

Pour la première fois, en coproduction avec les Théâtres de la Ville du Luxembourg, les Francophonies-des écritures à la scène reçoivent des artistes de ce pays.  Nous avions entendu avec grand intérêt une lecture du début de cette pièce aux Zébrures de printemps et Ian De Toffoli a ensuite bénéficié d’une résidence à la Maison des auteurs de Limoges pour la finaliser. C’est une vaste saga où une gamine  curieuse veut connaitre  le pourquoi et le comment du changement climatique. Sur cent cinquante pages de manuscrit, réduites ici pour arriver à trois heures trente de spectacle, deux trames narratives alternent: la généalogie d’un grand groupe pétrolier et la trajectoire d’un militante écologiste qui se radicalise: «I’m sorry, my friends/This is an emergency. » (Désolée, les amis/ Il y a urgence.), chante Léa.

Sur le plateau, un enchevêtrement tentaculaire de tuyaux délimite les espaces de jeu où s’entrelacent deux récits pris en charge par Léna Dalem Ikeda, Jil Devresse, Nancy Nkusi, Luc Schilt, Pitt Simon, Chris Thys. Les acteurs de ce chœur dynamique passent rapidement avec quelques éléments de costume, d’un rôle à l’autre., d’un monde à l’autre Et les séquences dialoguées sont introduites par des narrateurs ou narratrices se relayant.

L’épopée de la famille Koch – à la manière d’un feuilleton qu’on pourrait sous-titrer à la manière de Dallas « ton univers impitoyable ! »-  s’étend sur cent trente ans. Depuis le jour où, en 1881, le jeune migrant Hotze (devenu Harry) Koch, vingt-trois ans, débarque du train « sur le sol sec de la colonie de Quanah,/dans l’État du Texas. » Embauché comme échotier, il va finir par devenir propriétaire du journal du coin, puis achète des actions de chemin de fer et les premiers puits de pétrole.
«Le chemin de fer, c’est le nouveau boom! /Tant de forêts de chênes abattues /Pour créer les poutres de bois/qui forment les traverses, /Tant de tonnes de fer fondu/tordu/moulu/Pour devenir ces rangées parallèles/ Qui s’étendent comme une gigantesque toile d’araignée. »

 De père en fils, l’empire Koch sur trois générations achète exploitations pétrolières, brevets de cracking de brut par rupture homolytique, raffineries, usines de plastique et d’engrais chimiques (division fertilisants de Farmland Industries, Invista, filiale de DuPont, active dans les domaines fibres et résine, avec des marques comme Lycra ou Thermolite… ) La liste est longue et détaillée !

Ian De Toffoli, très documenté, nous distille en épisodes mode western, cette conquête industrielle. Des guerres fratricides viennent épicer la vertigineuse ascension du groupe. En 2018, la famille Koch, propriétaire de l’entreprise, s’est enrichie de vingt-six milliards de dollars pour atteindre cent-vingt cinq milliards de fortune cumulée !

Parallèlement, la pièce raconte l’histoire de Léa qui fait partie de cette génération d’enfants éco-anxieux: « Solastalgie, voilà le nom qu’un philosophe australien/donne dans ces années-là à la détresse psychique /provoquée par la dégradation environnementale. (….)  »

La jeune Léa s’imagine « un monde dépeuplé, /mais jonché de pièces de Lego, /de chaises blanches Monobloc, /de seaux de plage de chez Décathlon/et de sacs jetables de supermarché…. »
Elle mène l’enquête en remontant aux racines du mal: l’exploitation des énergies fossiles. De fil en aiguille, elle va faire le parallèle entre la prédation des ressources terrestres au détriment de la vie animale végétale et humaine, et la naissance du capitalisme moderne, le colonialisme, le sexisme…

Le double récit choral est entrecoupé de scènes imagées, beaucoup plus lisibles dans la partie Koch Industries, traitée sur le mode burlesque. La metteuse en scène a trouvé des codes de jeu qui échappent au didactisme, avec des moments de comédie musicale chantés et dansés. Le volet Léa, plus informatif et moins fantaisiste, peine, lui, à trouver sa forme et à s’articuler avec l’autre narration.

Renelde Pierlot a en effet placé le début de la pièce à la fin du spectacle  «Le 25 octobre 2025, /une explosion secoue le deuxième étage d’un immeuble gris et trapu,/situé entre d’autres immeubles de mêmes dimension et aspect/dans le quartier de Gasperich/,dans la ville de Luxembourg. » (…) L’explosion finira également/ selon son intention originelle/par réduire en poussière et en cendres/ les bureaux luxembourgeois /de Koch Business Solutions Europe Sarl. » De cet incipit découle un double flashback, raconté du point de vue de Léa. « J’avais envie d’écrire une épopée, dit l’auteur, un chant en vers libres. C’est le récit de Léa. Ces personnages narrateurs permettent de présenter une matière aride. Je trouve fascinant de bombarder avec des infos, jusqu’au vertige. »

Écrivain, dramaturge et universitaire, Ian de Toffoli aborde des thématiques sociétales et politiques, brouillant les frontières entre récit, documentaire et drame. Cette pièce, comme les précédentes: Rumpelstilzchen (2018) et AppHuman (2021), est une commande des Théâtres de la Ville de Luxembourg. Léa ou la Théorie des systèmes complexes pose la question de la militance et du prétendu « éco-terrorisme » (sic !) face à la violence d’un État qui, entre autres, a réprimé la manifestation contre les méga-bassines de Sainte-Soline. Des étudiants activistes présents aux Zébrures d’automne saluent l’engagement de Léa et les informations que la pièce apporte: «Léa montre que les enjeux politiques sont vertigineux. La pièce aborde la question de l’intersectionnalité des luttes. L’urgence est d’agir.»

Grâce au traitement choral de la pièce, Léa, c’est aussi un peu nous tous.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 23 septembre, Les Francophonies- des écritures à la scène : 11 avenue du Général de Gaulle, Limoges (Haute-Vienne). T. : 05 55 10 90 10. Les Zébrures d’automne se poursuivent jusqu’au 30 septembre. 

 Du 10 au 22 octobre, Théâtre des Capucins, Luxembourg.

Inauguration du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt

 

Inauguration du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt

© Patrick Tournebœuf

© Patrick Tournebœuf Travaux  dans la Coupole

Depuis 2016, après sept ans de fermeture pour travaux, le Théâtre de la Ville rouvre ses portes au public. Invitation pour tous ce samedi de septembre. Nommé Théâtre lyrique à sa création, il retrouve aujourd’hui son appellation du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, l’incomparable actrice. Rappelons qu’il connut neuf appellations. Avant la seconde guerre mondiale, il avait repris le nom de Sarah Bernhardt, jusqu’en 1940, … Où il s’appela sous l’occupation allemande pour des raisons d’antisémitisme: Théâtre de la Cité. Puis retrouva le nom de Sarah Bernhardt, en 1949, pour  devenir le Théâtre des Nations et par la suite en 1968, Le théâtre de La ville. Le public a eu le plaisir d’entendre la dense histoire du lieu et de prendre connaissance de son devenir artistique, culturel, socio-politique. Ce véritable moment festif a été soigneusement préparé avec, à la fin, un léger et rafraichissant cocktail. Et belle surprise : il y a quatre week-ends où la place du Châtelet se réinvente pour fêter le nouvel âge du Théâtre de la Ville. Il y aura  plus de trente rendez-vous gratuits ! Entre autres des animations sportives en dialogue avec les musiciens du Concert de la Loge et du Conservatoire Paul Dukas 12e. Où le 30 septembre par exemple, trois tables de ping pong installées dans le hall et un ring sur la Place servent de scène. À15h-19h Ping-Pong, avec coach du Paris Université Club (PUC), Hall du Théâtre de la Ville, 15h-18h Section Boxe avec des coachs de Paris Université Club (PUC) et 17h45-19h Section Judo avec coachs de Paris Université Club (PUC), sur la place du Châtelet. Et Dimanche 1er octobre à nouveau un programme différent mais toujours sportif et artistique :  Sports, musique, théâtralité font corps ensemble !  Le mercredi 4 octobre, à ne pas manquer pour petits et grands Chotto Desh,  Solo magique et libérateur d’Akram Khan. Ce spectacle gratuit pour les enfants de moins de 14 ans, les écoles et les centres de loisirs, sera de 10 euros pour les plus grands. Et Le 7 et 8 octobre,   -voir le site du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt-, pour cet événement exceptionnel : La grande veillée ! avec plus de 300 artistes. Un tableau vivant de tous les arts de la scène pour honorer ce troisième temps historique et enfin retrouver dans toute sa splendeur la grande salle, celle de la coupole tout en haut, et le café des œillets au sous-sol !

© Patrick Tournebœuf

© Patrick Tournebœuf

«Que de souvenirs de milliers de spectacles: Pina Bauch et le Tanztheater de Wuppertal, les créations de la jeune Teresa de Keersmaker en 85, les deux dernières mises en scène de Patrice Chéreau.», dit avec émotion son directeur Emmanuel Demarcy-Mota qui, depuis toujours, se bat pour pour une « urgence des alliances ».
Il va mettre en œuvre dans cet espace modulable, un foisonnant programme de spectacles, expositions, débats, ateliers avec les artistes à Paris et en visio-conférence avec ceux du monde entier. Pour «donner la possibilité d’expression de toutes ces disciplines et actions, quand la société européenne et française est si bouleversée.»

©x

©x

En ouverture, dans la grande salle dans la pénombre, éclairé en clair obscur un piano à queue. Grand silence. Deux hommes comme sortis d’un film muet en noir et blanc, arrivent sur le plateau. Avec balai-brosse et serpillère, ils nettoient la poussière, laissant apparaître par traces le plateau comme neuf ! Moment d’humour très poétique. Ryan Hechmi, un jeune pianiste, interprète le Prélude n°5 de Rachmaninov puis l’Étude n°4 de Chopin… Applaudissements à tout rompre ! Le Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt reprend vie et jeunesse.

Puis il y eut les discours des responsables de ce gigantesque chantier : Xavier Couture, président du Théâtre de la ville-Sarah Bernhardt et du Théâtre du Châtelet, Emmanuel Demarcy-Mota, son directeur, et Anne Hidalgo, Maire de Paris.
En cette année 1940, dit Xavier Couture, «l’occupation étrangère supprima ce nom qui devait être impropre à ses oreilles. Nous sommes donc très heureux, très fiers de redonner à ce théâtre le nom de Sarah Bernhardt. Il est important de rappeler la personnalité hors-norme de cette femme qui a apporté à la cause des femmes au théâtre, toute la modernité associée à son nom . » Et sa devise était : « Quand même ! »
Emmanuel Demarcy-Mot annonce qu’il y aura aussi des conférences de professionnels en rapport avec les arts : sciences, littérature, philo, arts plastiques. Il a insisté sur le mot: lien. Lien avec la population, au théâtre, dans la ville, et au cœur de la société. « Le nom de Sarah Bernhardt a disparu, je le rappelle, sous l’Occupation allemande. Charles Dullin, on ne le dit pas assez, grand metteur en scène français vivant à Paris, a accepté d’être le directeur de ce lieu qui a été alors appelé Théâtre de la Cité.
Je pense aussi à ceux qui lui succédèrent entre autres: Gérard Violette  et avant lui, Jean Mercure, à celles et ceux qui se sont battus profondément dans l’idée, la croyance, la conviction de l’art et de la culture.»

Ce théâtre a été construit sous Napoléon III par l’architecte Gabriel Davioud en1862, sous l’impulsion du baron Haussmann.
« Puis les architectes Fabre et Perrotet, comme nous le rappelle Emmanuel Demarcy-Motta, nous ont permis de penser à un  théâtre municipal et populaire et avec le nom de 1967, c’était aussi l’idée de retrouver la vue sur la place du Châtelet.» Forte originalité du lieu: en 1862, cette place du Châtelet agrandie a accueilli deux édifices artistiques majeurs: Le Théâtre impérial du Châtelet et le Théâtre lyrique, conçus par le même architecte Gabriel Davioud. 

En évoquant le passé de ce lieu, Emmanuel Demarcy-Mota, Anne Hidalgo et Xavier Couture, ont eu l’intelligence et soin de l’inscrire, suite à la période accomplie, dans notre contemporanéité. Et de mettre ainsi en contact et en lumière, la relation entre passé et présent de ce lieu mythique.

Belle satisfaction, en notre XXIè siècle et toute aussi formidable, la réalisation respectueuse de l’origine esthétique du bâtiment, pour le dehors,  et élégante, épurée, moderne et  lumineuse, pour le dedans. Projet conçu et abouti à merveille par les architectes Marie-Agnès Blond et Stéphane Roux. Conception architecturale ambitieuse et plus que difficile, Bravo ! Certes, le budget initial de vingt-six millions d’euros,  est passé à quarante !   Chose courante pour de tels chantiers, et le résultat est plus qu’à la hauteur. Admirable d’un point de vue esthétique, fonctionnel et technique ! « Et chose rare, il n’y a eu à ce sujet sensible aucune polémique » à affirmer Anne Hidalgo.

Le public comme les artistes va apprécier ce théâtre dont la façade a été parfaitement restaurée et la salle de 932 places descend jusqu’à l’immense plateau de 292 m2. Ce lieu de spectacles a traversé deux incendies. Et il y a eu en 67, une transformation totale de l’accueil et de la salle à l’italienne. Ses directeurs en furent Jean Mercure de 1968 à 1985, puis l’amoureux et visionnaire en l’art de la danse,  Gérard Violette jusqu’en 2008.

Trois siècles, trois époques : Les balcons datent du XIXe siècle, les gradins du XXè.s., le hall du XXIè.s. 
Emmanuel Demarcy-Mota lui, a fait faire à ce théâtre, le grand saut dans le XXI ème siècle. Il a rendu hommage aux diverses créations architecturales et aux moments phares artistiques et politiques de ce lieu consacré au spectacle.
Comme d’autres tout aussi prestigieux à Paris, en banlieue et en France : « C’est une joie de rendre hommage à Fabre et Perrotet. Les  gradins en béton n’étaient  pas visibles mais c’est leur travail. Ils ont aussi construit plus tard le Théâtre de la Colline, les salles de Bobigny, Sartrouville. C’est toute l’histoire de la décentralisation théâtrale qui s’est jouée à ce moment-là. C’est le lien avec René Allio qui a réalisé le Théâtre de la Commune à Aubervilliers, et qui a été l’architecte de cette Couronne en 1967, ce sont toutes ces mémoires et ces personnes qui ont oeuvré, qui ont fait réellement et qui nous renvoie peut-être à nous même, notre capacité à faire aujourd’hui. »

 

L’inspiration esthétique de ce projet gigantesque est née pour Emmanuel Demarcy-Mota, du livre du dramaturge François Regnault : « Le Théâtre et la Mer. Cet ouvrage a beaucoup influé sur la scénographie. ». Il est vrai ! En entrant et en circulant dans le lieu, nous avons ce sentiment de prendre le large et d’embarquer sur un noble navire, partir à l’aventure et à la découverte ! Quoi de mieux pour un Théâtre et ses spectateurs !  

Après ces paroles riches et vivantes, place aux artistes !

Moment délicieux, Isabelle Huppert a lu des extraits de Ma double vie et L’Art du Théâtre de Sarah Bernhardt. Autre belle émotion: Marc Coppey a interprété la Troisième suite pour violoncelle Prélude, Sarabande et Gigue de Jean-Sébastien Bach…Un des tableaux de toute beauté de cet inauguration !
Et à nouveau  la grande Sarah Bernhardt, en présence de la lecture par Élodie Bouchez : pages d’écrivains, figurant cette artiste et femme fascinante, unique à travers la plume d’ Edmond Rostand, de Victor Hugo et d’Oscar Wilde. Le texte d’Oscar Wilde est sans doute le plus remarquable des extraits lus au sujet de celle qu’il nommait « La Divine » ou « L’Incomparable » !  Enfin magnifique découverte: La toute jeune Johanna Faye avec une danse improvisée sur une chanson de Lhasa, J’arrive à la ville. À l’instar de nous tous, réunis en cette capitale où nous retrouvons avec joie et embelli, le Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt et sa place en fête ! plus que vivants ! 

Nous étions joyeux comme des enfants  qui vont pour la première fois au théâtre. Emmanuel Demarcy-Mota a su trouver les mots justes de reconnaissance pour toutes ses équipes et pour les nombreuses entreprises qui ont fait aboutir ce projet. Il a aussi remercié les directeurs de théâtres à Paris, Créteil, etc. : « qui ont permis pendant les travaux de continuer notre rêve sur leurs grands plateaux.Vous serez toujours alors accueillis ici aussi en retour et(…) on a pu nous aussi, faire ce qu’on a fait grâce à votre présence et on s’en souviendra. Et les équipes du Théâtre de la Ville, je parle en leur nom, qu’elles soient techniques, administratives ou des relations publiques, le savent. »

La fête s’est poursuivie à l’extérieur avec des spectacles gratuits sur la place du Châtelet. Avec notamment, l’immense artiste Hofesh Shechter, associé à la saison de ce théâtre et Saïdo Lehlouh, Arno Schuitemaker, des ateliers dirigés par la chorégraphe italienne Ambra Senatore dans le square de la tour Saint-Jacques juste à côté, une initiation au hip-hop, un battle pro de « breaking », et de la poésie avec la troupe de l’Imaginaire

Une aventure collective menée de mains de maitres par Emmanuel de Marcy-Mota, Anne Hidalgo, Xavier Couture et toutes leurs solides et confiantes équipes ! La place et ses deux théâtres, à nouveau sous les feux de la rampe! Le Théâtre de la ville-Sarah Bernhardt va nous faire vivre  un automne aux belles couleurs chatoyantes…

 

Elisabeth Naud

Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, 2 place du Châtelet, Paris (IV ème). T. : 01 42 74 22 77

 

Horizon, mise en scène de Raphaëlle Boitel

Horizon, mise en scène de Raphaëlle Boitel

-07918

© Pierre Planchenault

 

Après l’Opéra de Bordeaux en 2019, la cathédrale Saint-Front à Périgueux trois ans plus tard, les toits et terrasses du Ministère de la Culture à Paris sont devenus une piste d’envol pour les quatorze artistes de cette création. «Il s’agit d’exploiter au mieux, dit Raphaëlle Boitel, les particularités d’un bâtiment dans un ballet acrobatique à ciel ouvert avec une référence au dépassement de soi et à la force de la solidarité. »

Elle quitte ici les jeux d’ombres et de lumières qui font le charme de La Chute de l’ange (voir Le Théâtre du blog) mais le plein jour lui convient aussi bien. Chaque scène et chaque mouvement sont imaginés à partir de cette architecture du XVII ème, et du XVIII ème siècle imaginée par Victor Louis, l’architecte de l’Opéra de Bordeaux ( encore lui!).
Pour achever ce terrain de jeu, sur la terrasse qui fait face au Conseil d’Etat, ont été dressées des colonnes noires. Et au fait du toit d’ardoises, trois mâts chinois tutoient le ciel à trente mètres du sol. Des agrès pour une demi-heure d’un ballet aérien, au-dessus de la place où Buren a installé ses Deux plateaux, dits Les Colonnes. (1986)

Une cycliste extravagante se fraye un chemin en équilibre sur un vélo, parmi les spectateurs perchés sur les colonnes noires et blanches ou assis au sol. Elle va rejoindre la troupe de circassiens en escaladant la façade. «Ils ont pensé à tout, ironise-t-elle, sauf à mettre des escaliers! » Avant de présenter les institutions qui dominent la place: Comédie-Française, Conseil d’Etat, Ministère de la Culture, Conseil constitutionnel.
Il est rare de voir du cirque dans ce respectable environnement et de pouvoir assister aux répétitions toute la semaine.

08023

©Pierre Planchenault

Sur un pignon de la façade, un acrobate en équilibre sur les mains, dessine sur l’azur d’impressionnantes figures, avant de retrouver ses partenaires. Tous aussi élégants, en costume noir et chemise blanche : Fleuriane Cornet, Louis Davion, Valentin Dubois, Gaëtan Dubriont, Rémi Girard, Nabil Hadim, Antoine Henriques, Matthieu Le Gall, Nhât-Nam Lê, Yasmine Ouadi, Mohamed Rarhib, Vassiliki Rossillion, Marie Tribouilloy, Quentin Signori,  nous éblouissent dans des courses-poursuites, sauts et chutes vertigineuses pour finir avec un trio au mât chinois, une chorégraphie ponctuée par des figures en drapeaux flottant à trente mètres du sol,

Ces monte-en-l’air –circassiens ou  “traceurs »  du «parkour», une discipline sportive où on franchit des obstacles urbains ou naturels en courant, sautant, cascadant–  apportent un supplément de poésie à cette architecture austère et solennelle.

La chorégraphie acrobatique, orchestrée sur un arrangement véloce des Quatre Saisons de Vivaldi, confirme le talent de Raphaëlle Boitel dont les spectacles en tournée sont à découvrir.

 Mireille Davidovici

Spectacle créé du 15 au 17 septembre au Palais- Royal, place Colette, Paris (Ier)dans le cadre des Olympiades culturelles.

 La Chute des Anges

Du 29 septembre au 7 octobre, Théâtre des Célestins, Lyon; les 10 et 11 octobre, Le Volcan, Le Havre (Saine-Maritime).

Les 8, 9 décembre ,Théâtre Jean Vilar, Suresnes (Hauts-de-Seine) ; le 12 décembre, Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (Deux-Sèvres) ; les 15 et 16 décembre, Le Théâtre-Centre national de la marionnette Laval (Mayenne) ; les 20 et 21 décembre, La Passerelle, Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

Du 16 au 18 janvier, Théâtre de Lorient (Côtes d’Armor) ; les 25 et 26 janvier, Théâtre de Cornouaille, Quimper (Finistère).

Et les 17 et 18 mars,Théâtre de Charleville-Mézières (Ardennes).

Ombres Portées les 17 et 18 novembre, L’Azimut-La Piscine, Châtenay-Malabry (Hauts-de-Scène) dans le cadre de la Nuit du cirque et en tournée.

Un Contre un du 26 au 30 décembre, Théâtre Silvia Monfort, Paris (XV ème) puis en tournée.

 

Festival Cadences d’Arcachon (suite) La Mort joyeuse, musique de Mozart, chorégraphie de Béatrice Massin

Festival Cadences d’Arcachon (suite)

Requiem La Mort joyeuse, musique de Mozart, chorégraphie de Béatrice Massin

Quoi de neuf? Mozart , disait-on naguère en paraphrasant le «Quoi de neuf?  Molière de Sacha Guitry. Béatrice Massin avec sa compagnie des Fêtes galantes, a choisi parmi les nombreuses versions disponibles du Requiem de Mozart, celle du chef Teodor Currentzis dirigeant l’Orchestre et le Chœur de chambre des Pays-Bas. Ce Requiem inachevé-le compositeur prodige était mort entre temps- n’a pas pris une ride.

©x

©x

Entre l’énergique Kyrie, le vibrant Agnus Dei, le fougueux Dies Irae, le chœur solennel avec Rex tremendae enrichissant la mélodie classique, le vaporeux Recordare, le chaotique Confutatis, le saccadé Offertorium, le majestueux Sanctus et le bucolique Benedictus, il y avait matière à prêter l’oreille mais aussi à danser.
Ce qu’ont fait Béatrice Massin avec ses danseurs: Mathieu Calmelet, Rémi Gérard, Marion Jousseaume, Mylène Lamugnière, Léa Lansade, Philippe Lebhar, Clément Lecigne, Claire Malchrowicz, Enzo Pauchet, Lucas Réal, Lou Cantor, Antonin Chédiny. Et Olivier Blériot a conçu les costumes de cette pièce, Emmanuelle Stäuble, la lumière, et enfin Yann Philippe et Claire Willemann, les vidéos.

La pièce commence avant l’extinction des lumières dans la salle. Les danseurs courent en tous sens et apparaissent un à un sur un plateau vidé de tout meuble. Aucune musique: seuls leurs pas résonnent plusieurs minutes sur le parquet.
Puis de façon un peu anecdotique, ils se refilent un ballot de linge comme une patate chaude. Ou une poupée. Serai-ce un bébé mort ou une métaphore de l’enfant Jésus? Ou bien, une allusion à la Pavane pour une Infante défunte, une célèbre chanson de Maurice Ravel* ? Ou encore, plus prosaïquement, la figure d’un ballon de foot ou de rugby?

Comme tout adepte de « danse libre » qui se respecte, chacun marche, court et danse pieds nus. La musique entre en jeu discrètement puis crescendo. Les danseurs forment des lignes, se répartissent en deux, puis en trois, voire quatre grappes.
La chorégraphie, souvent en synchronie avec les notes, temps et pauses de la musique, s’en détache, de par sa nature même. Mais aussi parce que Béatrice Massin a un certain goût du contrepoint. Elle introduit même des silences qu’on ne saurait attribuer à Mozart…Sacha Guitry (encore lui!) prétendait que «le silence qui suit Mozart, est encore du Mozart».

De la langueur ou d’un ralenti musical et gestuel, on passe à des mouvements plus résolus : diagonales, légers sautillements, allers et retours…Ensuite, les danseurs entrent en contact, forment des couples mixtes ou non, sautent de plus en plus haut, soutenus ou lancés par leur partenaire.
Ici, aucune virtuosité chorégraphique : la fluidité, la légèreté, la clarté, la délicatesse et, entre autres, les pivotements et fléchissements, sont de règle.

Quant à la musique, savante et complexe, c’est autre chose. La danse baroque est née de danses pratiques populaires et, sans surprise, Béatrice Massin nous offre un bonus inattendu avec Danzón n° 2 pour orchestre (1994) d’Arturo Márquez … Une musique aux arrangements néo-classiques, quasiment hollywoodiens, a été écrite par ce compositeur mexicain pour des danses afro-cubaines. Comme celles qui réveillent les morts les lendemains de Toussaint dans toute l’Amérique latine. Ou celles qu’Eisenstein nous avait montrés dans Que Viva Mexico ! (1933), ou récemment celles imaginées par Bartabas pour Calacas (2012).Du baluchon, les interprètes tirent, puis enfilent des robes de bal qui froufroutent, serpentent… Ils emballent magnifiquement le public.

Nicolas Villodre

Spectacle vu à l’Olympia le 18 septembre, Arcachon ( Gironde).

Arrêt immédiat de toute coopération avec les ressortissants du Niger, du Mali et du Burkina Faso! (suite)

Arrêt immédiat de toute coopération avec les ressortissants du Niger, du Mali et du Burkina Faso!  (suite)

Comme annoncé, nous vous tenons au courant…
L’affaire embarrasse visiblement la Ministre de la Culture et des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses pour que cette mesure idiote ( sans aucun doute initiée par l’Elysée) prise par Catherine Colonna, Ministre des Affaires étrangères, soit abrogée au plus vite, compte-tenu des dégâts collatéraux provoqués.
Dans la lettre ouverte de l’écrivain et dramaturge togolais bien connu en France Gustave Akakpo (voir ci-dessous), exprime toute sa déception  mais aussi sa colère devant cette grosse boulette. Cela ne ressemble en rien à la volonté d’ouverture affichée par Emmanuel Macron. Même si un rétropédalage semble être à l’ordre du jour, pour le moment, il n’y a rien de concret… A suivre

Ph. du V.

©x

©x

Lettre ouverte en solidarité aux artistes du Sahel, adressée à Monsieur le Président de la République française et à Madame la Première Ministre

 Monsieur le Président,

Madame la Première Ministre

C’est avec une profonde stupeur que les artistes et professionnels de la culture ont pris connaissance de l’injonction envoyée, mercredi 13 septembre 2023, aux structures subventionnées leur ordonnant de suspendre, «sans délai et sans aucune exception», « tous les projets de coopération» menés «avec des institutions ou des ressortissants » du Mali, Niger et du Burkina Faso.

La décision a suscité une vague d’incompréhension et de refus. Cet appel à la fermeture se heurtant non seulement à la tradition d’hospitalité de la France, mais aussi à son engagement reconnu et apprécié en faveur de la Culture : vous ne dites rien d’autre, Monsieur le Président quand vous déclarez que «la vocation de la France, c’est d’accueillir les artistes, les intellectuels et de pouvoir justement les faire rayonner en toute liberté ».

Et pourtant, en dépit du courriel de clarification du directeur de cabinet de la ministre de la Culture, la double peine que cette décision fait peser sur les artistes du Mali, du Niger et du Burkina Faso, n’est, à cette heure, toujours pas écartée. Double peine, parce que ces artistes subissent, d’une part, les injonctions des régimes que vous qualifiez vous-même de putschistes et d’autre part, la décision française ôte le droit fondamental accordé à tout être humain de circuler librement.

 Vous évoquez des problèmes «techniques» à l’origine de la non-délivrance de visas pour ces trois pays. Les entreprises culturelles françaises connaissent pourtant déjà depuis des années les difficultés nombreuses et importantes qui existent pour les ressortissants des pays du Sud, lors de l’obtention de ces visas auprès des services consulaires français.
Et nous n’ignorons pas que la situation sécuritaire au Niger, au Mali et au Burkina Faso impacte le bon fonctionnement de ces services. Nous tenons à saluer le travail de ces fonctionnaires qui, au-delà de l’image convenue de l’expatrié, ont su développer de véritables attaches dans leur pays provisoire d’accueil. Ils représentent pour leur part aussi, un fil d’humanité entre Nations et les accompagnateurs de possibles rencontres. Ce fil d’humanité qui devrait, au fond, tous nous unir et qui, aujourd’hui, devrait être notre seul guide.
Nous ne vous apprenons rien, en disant qu’il existe d’autres moyens «techniques et matériels» d’avoir le visa que de se rendre au consulat de France dans son pays : aller dans un pays limitrophe, solliciter le consulat d’un autre pays Schengen, obtenir le visa à l’arrivée en France.Hier comme aujourd’hui, des artistes d’autres parties du monde obtiennent ainsi leur droit d’entrée en France.

 Monsieur le Président, vous affirmez qu’il « n’est pas question d’arrêter d’échanger avec les artistes », pourtant en refusant toute nouvelle délivrance de visa, c’est exactement ce qui va se produire pour de nombreux artistes du Mali, du Niger et du Burkina. Pire, cela va contribuer à créer des situations absurdes et dramatiques.
Pour un même spectacle, les artistes ayant déjà obtenu leurs visas seront là, et les autres se tourneront les pouces de « l’autre côté ». C’est déjà le cas pour certains festivals obligés d’annuler des spectacles, des concerts… Outre le gâchis d’argent public, ce sont d’abord et avant tout des mois de travail, de recherche, de curiosité de part et d’autre des continents qui sont réduits en larmes, colère et poussière. Cela n’est pas de nature à atténuer le sentiment anti-français ou anti-représentations françaises que vous souhaitez, à juste titre, combattre.

 Monsieur le Président, madame la Première Ministre, si l’Histoire nous apprend quelque chose, c’est la puissance, la richesse, la force, la nécessité de la circulation des idées, des savoirs, des arts et des collaborations entre artistes. Précisément au moment où les régimes politiques se retournent, précisément quand la diplomatie échoue, précisément quand la politique internationale semble faillir.

 À l’heure où l’on fête les 50 ans du coup d’État chilien, souvenons-nous du rôle qu’ont joué les artistes chiliens et français dans le déploiement d’autres possibles, d’autres langues, d’autres perceptions. Le lien entre artistes est précieux ; il est le lieu fragile et puissant de la rencontre toujours possible par delà les frontières. En maintenant les visas, ce ne sont pas des visas qui seront maintenus, mais des passerelles. En maintenant les visas, ce sont des ponts que vous bâtissez au lieu de murs. En maintenant les visas, vous luttez contre l’aveuglement, l’obscurantisme et bien plus que cela vous empêchez la rupture.

 Nous artistes, professionnels de la culture, spectateurs, citoyens, nous ne pouvons accepter de suivre une politique discriminatoire entre les artistes déjà présents sur le sol français et celles et ceux déclarés, on ne sait pour combien de temps, absents. L’élan de solidarité que la lettre comminatoire du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a eu le mérite de créer, nous voulons le porter haut et fort.
Au nom de l’exception culturelle française qui inspire largement la politique d’autres pays appartenant à cette Francophonie dont la France se veut l’un des moteurs, et dont les artistes constituent l’un des piliers majeurs, nous demandons la mise en place de mesures exceptionnelles assurant la continuité immédiate et sans délai de la libre circulation des artistes.
En solidarité avec nos collègues impactés par les mesures discriminatoires et injustes, nous affirmons que nous sommes maliens, nigériens, burkinabè, et plus largement citoyens d’un monde culturel et artistique sans frontières.

Monsieur le Président, madame la Première Ministre, nous vous demandons de revenir sur une décision contraire au bon sens, à la morale, aux valeurs d’hospitalité, solidarité et engagement de la France en faveurs des échanges culturels.

 

Festival Cadences Sol Invictus, chorégraphie d’Hervé Koubi

Festival Cadences

Sol Invictus chorégraphie d’Hervé Koubi

IMG_0999

theatre de la mer © M Davidovici

Pour sa vingt-deuxième édition, ce festival a lieu pendant sept jours dans dix-huit cités du bassin d’Arcachon. Benoit Dissaus, son directeur artistique et la Communauté de communes ont voulu  faire vivre ces cités balnéaires hors de la saison d’été, grâce à des événements culturels.
Cadences a été suivi par d’autres initiatives, comme en mai des rencontres littéraires avec L’Écume des mots à Andernos-les-Bains et La Plage aux Écrivains à Arcachon. Et en novembre  prochain Zoom, un festival de théâtre avec des « têtes d’affiche » sera orchestré par Olivier Marchal.
Le festival fait donc figure de précurseur au «pays de l’huître », surtout connu pour ses plages de sable et la dune du Pilat mais qui, pour  cent trente mille habitants,  possède douze salles de spectacle dont le théâtre Olympia au centre d’Arcachon où a été présenté, en ouverture du festival Giselle(s), création de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault pour les seize danseurs du Théâtre du corps.
A l’Espace culturel de Biganos, Mourad Merzouki présentera Phénix le 23 septembre et sur la plage, une scène face à la mer accueillera pendant le week-end des compagnies émergentes, et celles de Béatrice Massin avec Fêtes galantes et d’Ambra Senatore.

Sol invictus, chorégraphie d’Hervé Koubi

Hervé Koubi 11

@didierbphotographie

Dans la belle Salle du Miroir, inaugurée en mai à Gujan-Mestras, était dansée cette nouvelle pièce dont une première version a été créée au festival de Vaison-la-Romaine en juillet.

Du nom d’une divinité solaire, célébrée dans l’Empire romain le 25 décembre, lors du solstice d’hiver, ce ballet se veut lumineux avec dix-sept danseurs venus de tous horizons (majoritairement du Sud), et qui, pour certains se produisent pour le première fois sur une scène de théâtre. Sur un tapis de danse doré, les artiste se déploient en une course débridée:  figures de capoeira, rotations sur la tête ou, plus difficile, en appui sur les mains, sauts périlleux, portés avec envol…

Cette horde déchaînée est canalisée au centimètre près et, sans compter leurs pas, les interprètes retombent toujours sur leurs pieds, tant, malgré la vitesse, ils restent à l’écoute des autres. Chacun avec son style particulier, dans l’esprit des « battle » urbaines, avec des figures acrobatiques impressionnantes.

A deux, trois quatre ou six, ils composent aussi des ensembles symétriques à distance, ou au corps à corps. Le plateau vibre de mouvements incessants avec quelques arrêts sur image de corps figés en d’étonnantes postures.

La musique du Suédois Mikael Karlsson venu du classique, se teinte de pop et alterne avec les sons techno de Maxime Bodson. S’y mêlent les partitions minimalistes de Steve Reich et des extraits de la joyeuse Septième Symphonie de Ludwig van Beethoven.

Hervé Koubi, assisté de Fayçal Hamlat, a recruté pendant l’épidémie de covid sur les réseaux sociaux, à côté de quelques danseurs fidèles de sa compagnie, d’autres issus des pratiques urbaines. Certains viennent de la rue et d’autres, du cirque mais peu sont issus d’écoles de danse.
Le chorégraphe a construit cette pièce à partir des techniques personnelles de chacun et il se dit « jardinier plutôt que chorégraphe » : «Nous travaillons sur un matériau vivant et nous le faisons grandir. Je suis très exigeant: la représentation n’est pas une fin mais un chemin et on se remet en route à chaque fois car rien n’est jamais gagné. »

D’abord dispersés, les interprètes cultivent leur propre style, puis forment bientôt un chœur pour célébrer ce soleil invaincu, renaissant à l’aurore. La tribu se rassemble autour d’une divinité personnalisée par chacun aux prises avec un immense tissu doré étendu sur la scène. L’un d’eux s’en pare comme d’une robe, porté en triomphe par ses partenaires et d’autres surfent dessus en d’infinies rotations sur la tête.
« Pour moi, dit  Hervé Koubi, la danse est de l’ordre du sacré.” Les élégants costumes de Guillaume Gabriel rappellent en plus sobre, sous les éclairages plongeants de Lionel Buzonie, les peplums des Romains.

La fête de la naissance du soleil fut inventée au III ème siècle par l’empereur Aurélien pour unifier l’Empire en voie de dislocation. Il en reste Noël, fête chrétienne de la Nativité. Ce culte de l’astre d’or était alors supposé assez universel pour rassembler les troupes…
Une universalité que l’on retrouve dans cette pièce fédérant des artistes de plusieurs pays souvent en guerre. Ils ne parlent pas la même langue mais ont trouvé un langage commun dans la danse.
Parmi eux Samuel, dont on ne remarque pas tout de suite la « particularité » tant il se fond dans le groupe, il manque une jambe. Il ne peut ni courir ni marcher mais seulement danser. Le chorégraphe a fait le pari de réunir ces jeunes talents pour un spectacle hors normes où chacun trace son sillon, tout en faisant corps avec les autres. Une tribu turbulente pacifiée, qui a une énergie vitale communicative. «Je ne croirai qu’en un dieu qui saurait danser. » écrivait Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra. Le dieu célébré ici n’est-il pas la Danse, dans son combat contre l’obscurantisme ?…

Une belle aventure pour ces interprètes dont l’enthousiasme et la pugnacité emportent l’adhésion du public. Bravo à Ilnur Bashirov, Francesca Bazzucchi, Badr Benr Guibi, Joy Isabella Brown, Denis Chernykh, Beren d’Amico, Samuel da Silveira Lima, Youssef el Kanfoudi, Mauricio Farias da Silva, Abdelghani Ferradji, Elder Matheus Freitas, Fernandes Oliveira, Vladimir Gruev, Hsuan-Hung Hsu, Pavel Krupa, Angèle Methangkool-Robert, Ismail Oubbajaddi, Ediomar Pinheiro de Queiroz, Allan Sobral Dos Santos, Karn Steiner,Anderson, Vitor Santos.

 Mireille Davidovici

Festival Cadences, jusqu’au 24 septembre, Arcachon (Gironde). T. : 05 57 52 97 75.

L’Ile des Esclaves de Marivaux, adaptation de Michael Stampe, texte additionnels de Valérie Alane, mise en scène de Christophe Lidon

L’Ile des Esclaves de Marivaux, adaptation de Michael Stampe, texte additionnels de Valérie Alane, mise en scène de Christophe Lidon

Ecrite puis créée en 1725, il y a donc trois siècles, à l’Hôtel de Bourgogne à Paris, par les comédiens italiens du Roi. Dans une Grèce imaginaire, Iphicrate et son esclave Arlequin ont fait naufrage sur une île. Ils sont seuls, et leurs compagnons, sans doute morts.
Iphicrate veut aller à leur recherche mais Arlequin sait que cette île est un endroit où les esclaves deviennent maîtres, et les maîtres, des esclaves. Il décide alors de ne plus être subir la soumission à Iphicrate.
Un certain Trivelin, ancien esclave devenu gouverneur de l’île arrive et voit Iphicrate une épée à la main. Pour le punir de son attitude envers Arlequin, il donne cette épée à ce dernier et exige un changement d’identité: Iphicrate sera Arlequin et Arlequin sera Iphicrate, selon la loi de cette île. Quand un maître y arrive avec son esclave, le maître devient son esclave, et inversement. Ainsi on espère qu’il pourra revenir sur ses erreurs. But de l’opération: corriger l’orgueil et l’intransigeance des maîtres, plutôt que de se venger.

Arlequin et Iphicrate rencontrent alors Cléanthis, une esclave et Euphrosine sa maîtresse qui sont curieusement dans la même situation. Cléanthis fait le portrait d’Euphrosine et réussit à lui faire avouer que ce portrait est ressemblant. Arlequin fait la même chose à propos d’Iphicrate et il proposea alors à Cléanthis de tomber amoureuse d’Iphicrate et lui, séduira Euphrosine. Cléanthis dit à Euphrosine du bien d’Arlequin mais il n’arrive pas à la séduire…

Arlequin ordonne alors à Iphicrate d’aimer Cléanthis, nouvelle Euphrosine. Iphicrate essaye de le culpabiliser mais sans succès… Arlequin pardonnera à son maître, renoncera à son nouveau statut et reprendra sa livrée d’esclave. «Je ne te ressemble pas, moi, je n’aurais point le courage d’être heureux à tes dépens.» Iphicrate dit alors à Arlequin, qu’il a bien compris l’humilante leçon qui lui a été infligée et lui demande même d’oublier qu’il a été son esclave.

Un esclave  étonnamment lucide : «Nous sommes aussi bouffons que nos patrons, mais nous sommes plus sages.». Il invite Cléanthis à avancer et à pardonner Euphrosine mails elle reste froide. Cléanthis, elle, ne décolère pas: les riches ne valent pas plus que les autres et sont incapables de pardon, puisqu’ils n’ont aucune vertu…Euphrosine avouera qu’elle a abusé de son autorité sur Cléanthis qui lui rendra sa liberté. Euphrosine l’embrasse et veut qu’elle partage sa richesse.

Trivelin trouvera Cléanthis et Arlequin, libres et non plus esclaves mais agenouillés devant leurs anciens maîtres. Ce que Trivelin attendait et il conclut qu’Euphrosine et Iphicrate ont enfin vu qu’ils n’étaient pas de bons maîtres.Cléanthis et Arlequin choisissent, eux, d’oublier et de ne pas se venger… Pour Trivelin, « la différence des conditions n’est qu’une épreuve que les Dieux font sur nous». Et il dit aux quatre Athéniens qu’un bateau va bientôt les reconduire chez eux…

©x

©x

Moralité : après dix scènes de comédie avec confusion de sentiments à la clé, Marivaux nous fait assister à la reprise du pouvoir par les maîtres et à retour d’un statut quo même très amélioré pour Cléanthis et Arlequin. Trivelin, gouverneur de cette nouvelle République et représentant de la Loi, a pu enfin raisonner ces maîtres.
Mais la fable est grinçante, comme le plus souvent chez Marivaux: les maîtres resteront puissants et les prolétaires, soumis… Quoi de neuf en France, trois siècles et quelques révolutions après la création de cette pièce insolite dans le paysage théâtral mais qui, comme les autres pièces de Marivaux influencera nombre de dramaturges, comme entre autres Beaumarchais? Et actuellement, 1 % des hommes les mieux rémunérés gagnent au minimum 9. 600 euros net mensuels, soit sept mois de salaire des 10 % les moins bien payés ! Et pour les femmes les mieuxrémunérées (1 %), il y a un écart de 3. 050 euros avec les hommes !

Bon, revenons à cette Ile des Esclaves habituellement jouée avec La Colonie, une autre courte pièce, très caustique, de Marivaux qu’il écrivit en 1729 mais sans succès et qu’il reprit vingt-et-un ans après. Cela se passe aussi dans une île où où les femmes ont l’idée de prendre le pouvoir et créer  leur propre comité constitutionnel….
Ici, Christophe Lidon a choisi de monter seulement
L’Ile des Esclaves mais a demandé à Michael Stampe de l’adapter et à Valérie Alane qui joue aussi dans la pièce, de faire des ajouts pour arriver au texte. Les cinquante-cinq minutes originelles, arrivent ainsi à quatre-vingt.
Mais l’affaire est mal engagée, avec d’abord une scène bien conventionnelle où cinq acteurs, en fond de scène sont devant leur miroir et, avant d’entrer en scène, discutent dans la pénombre: rémunération non versée, contrats, etc.. Cela sonne aussi faux que les incursions de leur metteur en scène dans la salle, un livre à la main…Le théâtre dans le théâtre, un thème éculé, déjà utilisé par les auteurs élisabéthains dont Shakespeare et ici  encore repris à la fin, quand les comédiens, assis sur un banc, veulent soi-disant parler de la représentation avec le public. Tous aux abris…
Puis, d’un plafond suspendu, coule un beau rideau plissé représentant un bord de mer, lieu de l’action. Mais très prégnant, il étouffe le jeu des acteurs.

Et la mise en scène de la pièce elle-même est décevante. Thomas Cousseau, Armand Eloi, Morgane Lombard et Vincent Lorimy ont tous une excellente diction et font le boulot. Mais rien à faire, l’ensemble n’arrive pas à décoller et reste bien terne. La faute à quoi? D’abord à un manque de rythme évident, à des micros H.F., indispensables dans cette grande salle selon Christophe Lidon, mais qui uniformisent les voix.
Et il aurait pu nous épargner ces trucs usés de vieux théâtre: fumigènes à gogo par trois fois sans aucune raison, jeu des acteurs parmi le public, nuages en vidéo… Et pourquoi ces citations de Swift (pour faire chic et cultivé?) ou de Gilles Deleuze (pour faire aussi chic et cultivé mais plus en actuel?) Quant aux costumes annoncés comme « d’époque », ce qui est évidemment faux, ils sont laids et tristounets…
Cela fait quand même trop d’erreurs et d’approximations. Le public, comme à Paris, était d’un âge certain (aucun jeune dans cette salle comble) et venu d’Orléans ou de la région (Olivet, Fleury-les-Aubray, Saint-Jean de Baye, Gien…) grâce à un système bien rodé de cars mis en place par le Cado. Et avec des séries de dix représentations, ce qui est exceptionnel en France. Mais ce public qui semblait s’ennuyer par moments, a beaucoup applaudi les acteurs.
Reste, même si la dramaturgie a été bousculée par cette adaptation et par les ajouts de Valérie Alane, le plaisir d’entendre ces dialogues de Marivaux qui restent exemplaires… et qui auraient mérité un traitement aussi exemplaire. Dommage, mais là, le compte n’y est pas.
Allez, pour se consoler, une belle réplique d’Arlequin à Iphicrate devenu Arlequin: «Gai camarade! Le vin de la République est merveilleux, j’en ai bu bravement ma pinte, car je suis si altéré depuis que je suis maître, que tantôt, j’aurai encore soif pour une pinte. Que le ciel conserve la vigne, le vigneron, la vendange et les caves de notre admirable République.»

Philippe du Vignal

Jusqu’au 1 er octobre, Le Cado, Théâtre d’Orléans, boulevard Pierre Ségelle(Loiret). T. : 02 38 54 29 29.

Zoo Story d’Edward Albee, traduction et mise en scène de Pierre Val

Zoo Story d’Edward Albee, traduction et mise en scène de Pierre Val

©x

©x

Le célèbre dramaturge américain (1928-2016) qui a remporté quatre Pulitzer et quelques Tony Award, est bien connu en France pour ses œuvres qui y ont été souvent montées. Surtout la célèbre Qui a peur de Virginia Woolf ? (1962), Delicate balance,  La Chèvre ou Qui est Sylvia ? (2002). Et bien sûr, Zoo Story (1958) ou Trois femmes grandes (1990) où il dénonce l’attitude de sa mère adoptive qui ne supportait pas son homosexualité et qui le mit à la porte, quand il a eu dix-huit ans.

©x

©x

Edward Albee dans son théâtre, règle ses comptes avec la vie  qu’impose la société des bourgeois pourtant de gauche, aux autres Américains. Zoo Story (1958), sa première pièce à être créée sera jouée, traduite en allemand au Schillertheater à Berlin, avant d’être reprise à New York, deux ans plus tard…
Peter, cadre dans une maison d’édition, assis sur un banc dans Central Park, vient de prendre un déjeuner frugal sorti d’une boîte. Il lit tranquillement un livre quand Jerry, un marginal comme il l’avoue, qui vit dans un très pauvre immeuble, arrive et engage la conversation avec lui: «De temps en temps quand même, j’aime bien parler à quelqu’un, parler vraiment, vous comprenez. Faire connaissance, tout savoir de l’autre.» Peter, coincé mais lucide lui répond: «Et aujourd’hui, c’est moi le cobaye. »  Puis Jerry insiste pour lui raconter sa journée dans un zoo proche…
Peter est de plus en plus agacé écoute poliment son récit et Jerry va, avec  habileté, lui faire décrire sa vie de famille sur fond de questionnement existentiel. Mais le ton montera entre eux et Peter commence à être exaspéré par les exigences de plus en plus grandes de Jerry qui va le menacer d’un couteau pour que Peter lui cède en entier son cher banc… Nous ne vous dévoilerons pas la fin (un peu convenue) de cette courte pièce en un acte aux dialogues ciselés qui,soixante après sa création, tient toujours la route.

Cela se passe dans le sous-sol du Théâtre de poche. Mieux vaut oublier la scénographie : des feuilles mortes en plastique au sol, un banc de parc sur un petit praticable, mal praticable, couvert d’herbe synthétique, deux morceaux de tronc d’arbre posés eux aussi sur un morceau d’herbe synthétique comme une souche entourée de quelques pierres blanches. Au fond, suspendues, deux branches mortes… Alors qu’un banc aurait largement suffi.

Mais Pierre Val (Jerry) et Sylvain Katan (Peter) très complices, sont impeccables jusqu’à la fin, et leurs personnages, tout de suite crédibles. Côté mise en scène, aucun temps mort, aucune hésitation, un enchaînement de scènes millimétré, et des silences pas toujours faciles à intégrer très réussis et qui mettent bien en valeur l’absurdité de certains moments du texte.
Ici, pas de ronflements de basse, fumigènes, lumières stroboscopiques, vidéos et micros HF… Mais du vrai et bon théâtre, comme on aimerait en voir plus souvent.

Philippe du Vignal

Théâtre de Poche, 75 boulevard du Montparnasse, Paris (VI ème). T. : 01 45 44 50 21.

One Song Histoire(s) du Théâtre IV, mise en scène et scénographie de Miet Warlop

One Song Histoire(s) du Théâtre IV, mise en scène et scénographie de Miet Warlop

Ce spectacle joué au festival d’Avignon 2022 (voir Le Théâtre du Blog) fait l’ouverture du théâtre du Rond-Point à Paris. Les nouveaux directeurs en sont Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel qui étaient aux manettes du Monfort.
L’an passé, One Song a reçu le Prix du syndicat de la critique pour la meilleure performance. Miet Warlop artiste belge de quarante cinq ans est titulaire d’un master en arts visuels et a obtenu le diplôme de l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand. Mais son objet non identifié d’une heure, avec théâtre, musique et danse, tient aussi d’une compétition sportive.

«One song, dit-elle, est la répétition d’une et même chanson avec un long mouvement circulaire, présent dans mes autres pièces à différentes échelles. C’est comme une métaphore de toutes les choses que je veux célébrer: la vie, la pratique artistique, les rencontres, le collectif… » Un métronome dont on fait varier la fréquence donne le rythme au spectacle. Une violoniste joue en équilibre sur une poutre, un violoncelliste allongé sur un tapis de sol fait des abdos, un chanteur devant un micro, court sur un tapis roulant, un batteur essaye de maîtriser plusieurs instruments à la fois. Et un pianiste doit sans cesse rebondir sur son tabouret pour jouer quelques notes. Sous le regard du public dans la salle et  de quelques acteurs assis sur des gradins en fond de scène. Il y a une ascension du mouvement, et surtout de la musique vers l’extrême supportable. (Les protections d’oreille, offertes à l’entrée, sont très conseillées !!!)

© Michiel Devijver

© Michiel Devijver

Cela se passe dans un club de sport et cette pièce aurait pu être labellisée Olympiade culturelle 2024! L’épuisement des artistes est inéluctable et on pense au récent On achève bien les chevaux (voir Le Théâtre du blog).  Mais cet engagement physique total plait au public…
On se souvient de Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (1982) de Georges Perec. Il s’était installé trois jours de suite au café de la mairie, place Saint-Sulpice à Paris et avait noté tout ce qu’il voyait : des événements quotidiens  qui se répétaient, mais avec toujours une petite variation.
Ici, des commentaires incompréhensibles sont émis par une Madame Loyale comme sortie d’un film burlesque du cinéma muet. Et la pluie arrive par vagues rendant cette performance de plus en plus difficile. A la fin, tout le monde est épuisé : artistes comme spectateurs qui se libèrent par d’intenses applaudissements. A la sortie, ils se demandaient quand même ce qu’ils avaient vu ! Seul, le temps jugera de l’empreinte que cette œuvre-coup de poing aura laissé…

Jean Couturier

Dans le cadre du Festival d’automne à Paris: jusqu’au 1er octobre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

Les 13 et 14 octobre, Dublin Theatre Festival (Irlande); les 19 et 20 octobre, Transform Festival, Leeds et les 24 et 25 octobre,  Battersea Arts Centre de Londres (Royaume-Uni).

Les 10 et 11 novembre, Tanzquartier de Vienne (Autriche); les  17 et 18 novembre, Festival d’otoño, Madrid (Espagne) ; les  22 et 23 novembre, Mons-Arts de la scène, Mons (Belgique) .

Du 5 au 9 décembre,Théâtre National de Wallonie, Bruxelles (Belgique).

1234

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...