Flouz, conception et réalisation d’Olivier Fredj, direction musicale de Shani Diluka

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Flouz
, conception et réalisation d’Olivier Fredj, direction musicale de Shani Diluka

Au Châtelet, le metteur en scène ouvre la saison avec Flouz : cirque financier. Il vient à la fois de l’opéra et des milieux socio-éducatifs et s’est lancé dans une aventure artistique généreuse : dire sur scène le monde actuel du point de vue de ceux qui sont relégués dans les marges et qu’on n’entend jamais : «les sans dents» de François Hollande et «ceux qui ne sont rien» selon Emmanuel Macron.

Paradox Palace, deuxième volet d’un triptyque théâtral et musical a été écrit en milieu carcéral avec Watch, un cabaret musical sur le Temps, créé en 2022 avec la pianiste virtuose Shani Diluka et le DJ Matias Aguayo. « D’où vient l’argent, le pognon, le blé, la thune, le flouz? »
Des ateliers d’écriture ont été menés en partenariat avec le Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, la D.R.A.C Île-de-France, le Samu social de Paris, l’école élémentaire Jeanne d’Arc Paris (XIIIème), les EPHAD du Centre d’Action Sociale de la ville de Paris et l’Unité mobile des soins palliatifs à la Pitié-Salpêtrière. Et en collaboration avec l’Académie musicale Jaroussky et avec les soutiens de la Fondation La Poste et Humanités Digital Numérique..

Aborder ces questions avec les plus démunis, plutôt qu’avec des économistes et des financiers, inverse notre système de valeurs. Nous sommes surpris par la lucidité et l’humour de ceux qui sont venus en nombre sur le plateau du Châtelet, raconter, avec des mots à eux, leur rapport à cet argent qui mène le monde.
Accompagnés en continu, par la musique minimaliste distillée par Shani Diluka, pianiste virtuose et première femme du continent indien à entrer au Conservatoire de Paris, et par l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Jérôme Comte.Les musiques obsédantes de Philip Glass, John Adams, John Cage, Daft Punk, Moondog… alternent avec les boucles électroniques plus festives de Matias Agguyo, idéales pour esquisser des danses urbaines, soutenir des vers slamés, ou encore le poignant récit d’un naufragé en Méditerranée. 

Ici, on comprend mieux la pauvreté que la richesse et comment l’argent a conduit certains à leur perte. «A quoi sert d’amasser du fric ?» demande l’un. «Pourquoi nait-on rentier ?» s’interroge un autre. Une femme raconte comme elle fait la manche et un homme, ce que signifie vivre dans la rue…
Un travailleur social parle d’un système financier qui produit du déchet, y compris humain. Il est question ici de religions, classes sociales, santé, accumulation capitaliste mais aussi de l’empereur Vespasien qui créa à Rome une taxe fiscale sur la collecte durine.
Une visite humoristique de la prison, palace du pauvre avec petit déjeuner de huit à dix, et cour pour les promenades, nous fait rire mais l’adresse de Sofiane à sa mère nous serre le cœur…. Pour détendre l’atmosphère, une pluie de billets colorés tombe… L’argent a bien une odeur :  il pue!

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Aux paroles des uns et des autres, orchestrées par un Monsieur Loyal virevoltant qui, d’une séquence à l’autre, décortique tous les aspects de «l’oseille », se joignent les cascades des acrobates de la compagnie XY qui escaladent et tombent des échafaudages constituant le décor.
Les voix d’Emma FC, Jacques Mazeran, Nadir Chebila, Hadyl Amar, Frédéric Guiri, Pazzo, Hosmane Chelgoui alias Haiss, Mara, Alphonse. Khalid, Garan, Maher, Jolan, Babe Gucci, C7VilaConho, Mimoun, Lacrim, Jumo, se succèdent, portant leur propre récit ou celui d’un autre. Chaque nom est projeté sur un écran, même ceux des participants qui ne sont pas présents sur scène. Le chien Okami suit joyeusement les interprètes et joue parfois le rôle d’aboyeur.

De cette troupe en perpétuel mouvement, émane une belle énergie. « La polyphonie, c’est la résolution unitaire et parfaite des diversités du son et de la voix, insuffisantes à elles-mêmes dans leur seule spécificité.», écrivait dans son Traité du Tout-Monde, l’écrivain martiniquais Édouard Glissant (1928-2011).

Ce cabaret est à la fois joyeux et émouvant, et toute parole éclairée par la réalisation soignée de grands professionnels de la musique et du théâtre, prend ici de la valeur. Il ne s’arrête pas aux quelques représentations publiques et a facilité la réinsertion socio-professionnelle de plusieurs détenus. Grâce à ce spectacle et à des promesses d’embauche ferme, six personnes ont bénéficié en 2022 de remise de peine, et dix en 2023. Et certains d’entre eux commencent une carrière artistique. Tous sont heureux et fiers d’être entendus.

Match, le troisième volet est en route et on y aborde les questions de l’identité, du regard porté sur soi et sur les autres, des réseaux sociaux et des liens familiaux. Puis un festival, Paradox Stadium, reprendra sur trois jours les travaux réalisés entre 2022 et 2024. A suivre…

Mireille Davidovici

Spectacle joué du 8 au 10 septembre au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet Paris (I er). T. : 01 40 28 28 28.


Archive pour 11 septembre, 2023

Flouz, conception et réalisation d’Olivier Fredj, direction musicale de Shani Diluka

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Flouz
, conception et réalisation d’Olivier Fredj, direction musicale de Shani Diluka

Au Châtelet, le metteur en scène ouvre la saison avec Flouz : cirque financier. Il vient à la fois de l’opéra et des milieux socio-éducatifs et s’est lancé dans une aventure artistique généreuse : dire sur scène le monde actuel du point de vue de ceux qui sont relégués dans les marges et qu’on n’entend jamais : «les sans dents» de François Hollande et «ceux qui ne sont rien» selon Emmanuel Macron.

Paradox Palace, deuxième volet d’un triptyque théâtral et musical a été écrit en milieu carcéral avec Watch, un cabaret musical sur le Temps, créé en 2022 avec la pianiste virtuose Shani Diluka et le DJ Matias Aguayo. « D’où vient l’argent, le pognon, le blé, la thune, le flouz? »
Des ateliers d’écriture ont été menés en partenariat avec le Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, la D.R.A.C Île-de-France, le Samu social de Paris, l’école élémentaire Jeanne d’Arc Paris (XIIIème), les EPHAD du Centre d’Action Sociale de la ville de Paris et l’Unité mobile des soins palliatifs à la Pitié-Salpêtrière. Et en collaboration avec l’Académie musicale Jaroussky et avec les soutiens de la Fondation La Poste et Humanités Digital Numérique..

Aborder ces questions avec les plus démunis, plutôt qu’avec des économistes et des financiers, inverse notre système de valeurs. Nous sommes surpris par la lucidité et l’humour de ceux qui sont venus en nombre sur le plateau du Châtelet, raconter, avec des mots à eux, leur rapport à cet argent qui mène le monde.
Accompagnés en continu, par la musique minimaliste distillée par Shani Diluka, pianiste virtuose et première femme du continent indien à entrer au Conservatoire de Paris, et par l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Jérôme Comte.Les musiques obsédantes de Philip Glass, John Adams, John Cage, Daft Punk, Moondog… alternent avec les boucles électroniques plus festives de Matias Agguyo, idéales pour esquisser des danses urbaines, soutenir des vers slamés, ou encore le poignant récit d’un naufragé en Méditerranée. 

Ici, on comprend mieux la pauvreté que la richesse et comment l’argent a conduit certains à leur perte. «A quoi sert d’amasser du fric ?» demande l’un. «Pourquoi nait-on rentier ?» s’interroge un autre. Une femme raconte comme elle fait la manche et un homme, ce que signifie vivre dans la rue…
Un travailleur social parle d’un système financier qui produit du déchet, y compris humain. Il est question ici de religions, classes sociales, santé, accumulation capitaliste mais aussi de l’empereur Vespasien qui créa à Rome une taxe fiscale sur la collecte durine.
Une visite humoristique de la prison, palace du pauvre avec petit déjeuner de huit à dix, et cour pour les promenades, nous fait rire mais l’adresse de Sofiane à sa mère nous serre le cœur…. Pour détendre l’atmosphère, une pluie de billets colorés tombe… L’argent a bien une odeur :  il pue!

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Aux paroles des uns et des autres, orchestrées par un Monsieur Loyal virevoltant qui, d’une séquence à l’autre, décortique tous les aspects de «l’oseille », se joignent les cascades des acrobates de la compagnie XY qui escaladent et tombent des échafaudages constituant le décor.
Les voix d’Emma FC, Jacques Mazeran, Nadir Chebila, Hadyl Amar, Frédéric Guiri, Pazzo, Hosmane Chelgoui alias Haiss, Mara, Alphonse. Khalid, Garan, Maher, Jolan, Babe Gucci, C7VilaConho, Mimoun, Lacrim, Jumo, se succèdent, portant leur propre récit ou celui d’un autre. Chaque nom est projeté sur un écran, même ceux des participants qui ne sont pas présents sur scène. Le chien Okami suit joyeusement les interprètes et joue parfois le rôle d’aboyeur.

De cette troupe en perpétuel mouvement, émane une belle énergie. « La polyphonie, c’est la résolution unitaire et parfaite des diversités du son et de la voix, insuffisantes à elles-mêmes dans leur seule spécificité.», écrivait dans son Traité du Tout-Monde, l’écrivain martiniquais Édouard Glissant (1928-2011).

Ce cabaret est à la fois joyeux et émouvant, et toute parole éclairée par la réalisation soignée de grands professionnels de la musique et du théâtre, prend ici de la valeur. Il ne s’arrête pas aux quelques représentations publiques et a facilité la réinsertion socio-professionnelle de plusieurs détenus. Grâce à ce spectacle et à des promesses d’embauche ferme, six personnes ont bénéficié en 2022 de remise de peine, et dix en 2023. Et certains d’entre eux commencent une carrière artistique. Tous sont heureux et fiers d’être entendus.

Match, le troisième volet est en route et on y aborde les questions de l’identité, du regard porté sur soi et sur les autres, des réseaux sociaux et des liens familiaux. Puis un festival, Paradox Stadium, reprendra sur trois jours les travaux réalisés entre 2022 et 2024. A suivre…

Mireille Davidovici

Spectacle joué du 8 au 10 septembre au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet Paris (I er). T. : 01 40 28 28 28.

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