Focus jeunes créateurs Danse Élargie Clameurs de Mithkal Azghair et Rive de Dalila Belaza
Focus jeunes créateurs Danse Élargie
Clameurs de Mithkal Azghair et Rive de Dalila Belaza
Ces chorégraphes, anciens finalistes de Danse Élargie, ont bénéficié d’un accompagnement des partenaires du concours fondé en 2009 par le Musée de la danse à Rennes, la fondation d’entreprise Hermès et le Théâtre de la Ville à Paris, où les candidats présentent une pièce de dix minutes maximum avec un minimum de trois interprètes. Mithkal Azghair et Dalila Belaza y reviennent cette année, avec chacun, une nouvelle création.
Clameurs, chorégraphie et interprétation de Mithkal Azghair
Après Déplacement, une pièce pour trois danseurs qui lui valut le prix Danse Élargie en 2016, le chorégraphe reprend en solo, le même thème: un récit d’exil. Sur le plateau où gisent, épars, les débris de continents, découpés dans une matière noire brillante, il danse de dos, les bras étendus comme des ailes d’oiseau migrateur et zigzague à petits pas. Un lent parcours de ci, de là… Et parfois grimace un cri muet sur son visage…
Le danseur syrien, formé à l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas par des maîtres de ballet russes rigoureux puis au Centre chorégraphique national de Montpellier, met ses pas dans ceux du Dabke, une danse traditionnelle de Syrie, Palestine, Liban, Jordanie et Irak. Les mouvements partent du pied ensuite évoluent vers une marche mais chaque pays développe son style.
Ici, les déplacements de l’artiste s’ancrent dans le sol, confiants en leurs racines, les bras vers le ciel, comme des branches d’arbres noueux. Puis, dans une série de gestes rageurs, il tente de recoller les morceaux des pays éclatés au sol… Patiemment, en piétinant, il s’attelle à ce remembrement. La tâche est longue, voire impossible… Quelques pièces du puzzle restent en souffrance, comme le pays de Mithkal, qu’il a dû quitter pendant la guerre.
« Le Dabke est le lien entre moi et le réel en Syrie.» dit le chorégraphe qui livre ici une pièce intense de cinquante-cinq minutes. « Ces dernières années, tout espoir de pouvoir retourner en Syrie s’est brisé, dit-il dans Dansercanalhistorique. »
Rive, chorégraphie de Dalila Belaza
Au Cœur, issu de la rencontre entre la danseuse d’origine algérienne et le groupe de danse folklorique Lous Castellous à Sénergues (Aveyron), avait remporté le prix Danse élargie en 2020. Dalila Belaza a continué son exploration des rituels folkloriques et des chorégraphies contemporaines. Longtemps interprète dans les pièces de sa sœur Nacera, elle puise sa grammaire dans les danses des origines: «comme un langage universel et hors du temps».
Dans le noir, surgit une silhouette grise tournant indéfiniment sur elle-même, d’un pas égal en continu. Point de départ de Rive, une bourrée s’impose à un rythme obsédant et va bientôt gagner dix danseurs sortis de la pénombre, répliques du solo initial. Les corps avancent et reculent, irrigués par le même tempo, pour se disperser ensuite dans la pénombre.. Les mouvements suivent une musique monotone et voyagent dans l’espace, portés par une cadence répétitive et contagieuse. Le rythme s’installe jusqu’à posséder les corps effrénés en une espèce de transe chorale contagieuse.
Ce spectacle né d’une commande faite par le Ballet national de Marseille pour un atelier avec le corps de ballet, fait naître pendant cinquante-cinq minutes une énergie partagée entre interprètes et public, transportés par cette danse à la douceur hypnotique. «Je recherche le récit intime, mystérieux et immuable qui sommeille en nous.», dit la chorégraphe qui réveille en nous de vieux rythmes oubliés…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 11 septembre, au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31, rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77
Prochain concours Danse Élargie: les 15 et 16 juin au Théâtre de la Ville à Paris.