Festival Cadences Sol Invictus, chorégraphie d’Hervé Koubi
Festival Cadences
Sol Invictus chorégraphie d’Hervé Koubi
Pour sa vingt-deuxième édition, ce festival a lieu pendant sept jours dans dix-huit cités du bassin d’Arcachon. Benoit Dissaus, son directeur artistique et la Communauté de communes ont voulu faire vivre ces cités balnéaires hors de la saison d’été, grâce à des événements culturels.
Cadences a été suivi par d’autres initiatives, comme en mai des rencontres littéraires avec L’Écume des mots à Andernos-les-Bains et La Plage aux Écrivains à Arcachon. Et en novembre prochain Zoom, un festival de théâtre avec des « têtes d’affiche » sera orchestré par Olivier Marchal.
Le festival fait donc figure de précurseur au «pays de l’huître », surtout connu pour ses plages de sable et la dune du Pilat mais qui, pour cent trente mille habitants, possède douze salles de spectacle dont le théâtre Olympia au centre d’Arcachon où a été présenté, en ouverture du festival Giselle(s), création de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault pour les seize danseurs du Théâtre du corps.
A l’Espace culturel de Biganos, Mourad Merzouki présentera Phénix le 23 septembre et sur la plage, une scène face à la mer accueillera pendant le week-end des compagnies émergentes, et celles de Béatrice Massin avec Fêtes galantes et d’Ambra Senatore.
Sol invictus, chorégraphie d’Hervé Koubi
Dans la belle Salle du Miroir, inaugurée en mai à Gujan-Mestras, était dansée cette nouvelle pièce dont une première version a été créée au festival de Vaison-la-Romaine en juillet.
Du nom d’une divinité solaire, célébrée dans l’Empire romain le 25 décembre, lors du solstice d’hiver, ce ballet se veut lumineux avec dix-sept danseurs venus de tous horizons (majoritairement du Sud), et qui, pour certains se produisent pour le première fois sur une scène de théâtre. Sur un tapis de danse doré, les artiste se déploient en une course débridée: figures de capoeira, rotations sur la tête ou, plus difficile, en appui sur les mains, sauts périlleux, portés avec envol…
Cette horde déchaînée est canalisée au centimètre près et, sans compter leurs pas, les interprètes retombent toujours sur leurs pieds, tant, malgré la vitesse, ils restent à l’écoute des autres. Chacun avec son style particulier, dans l’esprit des « battle » urbaines, avec des figures acrobatiques impressionnantes.
A deux, trois quatre ou six, ils composent aussi des ensembles symétriques à distance, ou au corps à corps. Le plateau vibre de mouvements incessants avec quelques arrêts sur image de corps figés en d’étonnantes postures.
La musique du Suédois Mikael Karlsson venu du classique, se teinte de pop et alterne avec les sons techno de Maxime Bodson. S’y mêlent les partitions minimalistes de Steve Reich et des extraits de la joyeuse Septième Symphonie de Ludwig van Beethoven.
Hervé Koubi, assisté de Fayçal Hamlat, a recruté pendant l’épidémie de covid sur les réseaux sociaux, à côté de quelques danseurs fidèles de sa compagnie, d’autres issus des pratiques urbaines. Certains viennent de la rue et d’autres, du cirque mais peu sont issus d’écoles de danse.
Le chorégraphe a construit cette pièce à partir des techniques personnelles de chacun et il se dit « jardinier plutôt que chorégraphe » : «Nous travaillons sur un matériau vivant et nous le faisons grandir. Je suis très exigeant: la représentation n’est pas une fin mais un chemin et on se remet en route à chaque fois car rien n’est jamais gagné. »
D’abord dispersés, les interprètes cultivent leur propre style, puis forment bientôt un chœur pour célébrer ce soleil invaincu, renaissant à l’aurore. La tribu se rassemble autour d’une divinité personnalisée par chacun aux prises avec un immense tissu doré étendu sur la scène. L’un d’eux s’en pare comme d’une robe, porté en triomphe par ses partenaires et d’autres surfent dessus en d’infinies rotations sur la tête.
« Pour moi, dit Hervé Koubi, la danse est de l’ordre du sacré.” Les élégants costumes de Guillaume Gabriel rappellent en plus sobre, sous les éclairages plongeants de Lionel Buzonie, les peplums des Romains.
La fête de la naissance du soleil fut inventée au III ème siècle par l’empereur Aurélien pour unifier l’Empire en voie de dislocation. Il en reste Noël, fête chrétienne de la Nativité. Ce culte de l’astre d’or était alors supposé assez universel pour rassembler les troupes…
Une universalité que l’on retrouve dans cette pièce fédérant des artistes de plusieurs pays souvent en guerre. Ils ne parlent pas la même langue mais ont trouvé un langage commun dans la danse.
Parmi eux Samuel, dont on ne remarque pas tout de suite la « particularité » tant il se fond dans le groupe, il manque une jambe. Il ne peut ni courir ni marcher mais seulement danser. Le chorégraphe a fait le pari de réunir ces jeunes talents pour un spectacle hors normes où chacun trace son sillon, tout en faisant corps avec les autres. Une tribu turbulente pacifiée, qui a une énergie vitale communicative. «Je ne croirai qu’en un dieu qui saurait danser. » écrivait Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra. Le dieu célébré ici n’est-il pas la Danse, dans son combat contre l’obscurantisme ?…
Une belle aventure pour ces interprètes dont l’enthousiasme et la pugnacité emportent l’adhésion du public. Bravo à Ilnur Bashirov, Francesca Bazzucchi, Badr Benr Guibi, Joy Isabella Brown, Denis Chernykh, Beren d’Amico, Samuel da Silveira Lima, Youssef el Kanfoudi, Mauricio Farias da Silva, Abdelghani Ferradji, Elder Matheus Freitas, Fernandes Oliveira, Vladimir Gruev, Hsuan-Hung Hsu, Pavel Krupa, Angèle Methangkool-Robert, Ismail Oubbajaddi, Ediomar Pinheiro de Queiroz, Allan Sobral Dos Santos, Karn Steiner,Anderson, Vitor Santos.
Mireille Davidovici
Festival Cadences, jusqu’au 24 septembre, Arcachon (Gironde). T. : 05 57 52 97 75.