Zoo Story d’Edward Albee, traduction et mise en scène de Pierre Val
Zoo Story d’Edward Albee, traduction et mise en scène de Pierre Val
Le célèbre dramaturge américain (1928-2016) qui a remporté quatre Pulitzer et quelques Tony Award, est bien connu en France pour ses œuvres qui y ont été souvent montées. Surtout la célèbre Qui a peur de Virginia Woolf ? (1962), Delicate balance, La Chèvre ou Qui est Sylvia ? (2002). Et bien sûr, Zoo Story (1958) ou Trois femmes grandes (1990) où il dénonce l’attitude de sa mère adoptive qui ne supportait pas son homosexualité et qui le mit à la porte, quand il a eu dix-huit ans.
Edward Albee dans son théâtre, règle ses comptes avec la vie qu’impose la société des bourgeois pourtant de gauche, aux autres Américains. Zoo Story (1958), sa première pièce à être créée sera jouée, traduite en allemand au Schillertheater à Berlin, avant d’être reprise à New York, deux ans plus tard…
Peter, cadre dans une maison d’édition, assis sur un banc dans Central Park, vient de prendre un déjeuner frugal sorti d’une boîte. Il lit tranquillement un livre quand Jerry, un marginal comme il l’avoue, qui vit dans un très pauvre immeuble, arrive et engage la conversation avec lui: «De temps en temps quand même, j’aime bien parler à quelqu’un, parler vraiment, vous comprenez. Faire connaissance, tout savoir de l’autre.» Peter, coincé mais lucide lui répond: «Et aujourd’hui, c’est moi le cobaye. » Puis Jerry insiste pour lui raconter sa journée dans un zoo proche…
Peter est de plus en plus agacé écoute poliment son récit et Jerry va, avec habileté, lui faire décrire sa vie de famille sur fond de questionnement existentiel. Mais le ton montera entre eux et Peter commence à être exaspéré par les exigences de plus en plus grandes de Jerry qui va le menacer d’un couteau pour que Peter lui cède en entier son cher banc… Nous ne vous dévoilerons pas la fin (un peu convenue) de cette courte pièce en un acte aux dialogues ciselés qui,soixante après sa création, tient toujours la route.
Cela se passe dans le sous-sol du Théâtre de poche. Mieux vaut oublier la scénographie : des feuilles mortes en plastique au sol, un banc de parc sur un petit praticable, mal praticable, couvert d’herbe synthétique, deux morceaux de tronc d’arbre posés eux aussi sur un morceau d’herbe synthétique comme une souche entourée de quelques pierres blanches. Au fond, suspendues, deux branches mortes… Alors qu’un banc aurait largement suffi.
Mais Pierre Val (Jerry) et Sylvain Katan (Peter) très complices, sont impeccables jusqu’à la fin, et leurs personnages, tout de suite crédibles. Côté mise en scène, aucun temps mort, aucune hésitation, un enchaînement de scènes millimétré, et des silences pas toujours faciles à intégrer très réussis et qui mettent bien en valeur l’absurdité de certains moments du texte.
Ici, pas de ronflements de basse, fumigènes, lumières stroboscopiques, vidéos et micros HF… Mais du vrai et bon théâtre, comme on aimerait en voir plus souvent.
Philippe du Vignal
Théâtre de Poche, 75 boulevard du Montparnasse, Paris (VI ème). T. : 01 45 44 50 21.