Festival du moulin de l’Hydre par la Compagnie K-Simon Falguières et les Bernards L’Hermite

Festival du moulin de l’Hydre par la compagnie K-Simon Falguières et les Bernards L’Hermite

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Les Nuits blanches © Yacine Bayan

Au creux de la vallée du Noiraud, affluent de l’Orne, l’ancien Moulin des Vaux autrefois filature puis usine de pièces détachées, renait pour devenir une « fabrique de théâtre ». L’association les Bernards l’Hermite a coutume de s’installer dans des lieux désaffectés pour les transformer en espaces de création artistique (dernièrement La Patate sauvage à Aubervilliers). Ici, elle investit le site, rebaptisé Moulin de l’Hydre par Simon Falguières, membre et directeur artistique des Bernards l’Hermite.

Sur un grand terrain boisé, idéal pour la culture potagère et l’installation d’un camping, deux corps de bâtiment sont en cours de rénovation. D’un côté, un lieu d’habitation, où six personnes ont élu domicile permanent -dont le metteur en scène et le directeur technique de la Compagnie K-. Il accueille aussi  les artistes en résidence de travail. En face, des espaces de répétition, de montage et de stockage de décors deviendront à terme un théâtre « pour faire des créations de grandes taille, hiver comme été ». L’inauguration de cette « fabrique théâtrale » réunissant tous les métiers du spectacle est prévue à l’été 2027. 

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© M Davidovici

Le chantier avance et il y a déjà des ateliers d’écriture et pratique théâtrale amateur, avec l’appui des communes avoisinantes: Cerisy-Belle-Étoile et Saint-Pierre d’Entremont et une collaboration avec l’hôpital de jour de Flers, la ville la plus proche. Le Centre Dramatique National- Le Préau de Vire a commandé à Simon Falguières une pièce pour son « festival à vif » 2024 (voir Le Théâtre du Blog), articulé avec le travail que mène la compagnie K auprès des lycéens de Nanterre et un chœur d’habitants de cette région vallonnée qui lui vaut le nom de Suisse normande.
Beaucoup d’entre eux adhèrent au projet et se réjouissent de voir bientôt naître un bar associatif, là où tous les bistrots ont fermé, de participer à des stages de théâtre un week-end par mois, d’octobre à juin et d’écouter de la musique à la guinguette, en été.
Certains participent au chantier pour construire un muret ou donner un coup de main pour les manifestations. Quatre-vingt bénévoles contribuent cette année à la bonne marche du festival: accueil, cuisines, parking, bar…

Le public nombreux assiste à ces deux jours: les gens du cru et les amis des artistes. Prix d’entrée libre et valant adhésion à l’association des Bernards L’Hermite. Pour une somme modique, on peut manger sur place et le bar, apprécié pour ses crêpes maison, ne désemplit pas…

Le Moulin de Hydre, c’est une histoire une peu magique, à l’aune des spectacles de Simon Falguières. Un rêve d’enfant qui prend corps en quatre épisodes : 2024- 2025 sauvetage du lieu (toiture, huisserie, isolation) ; 2025-2026, construction du théâtre ; et 2026-2027 finition et équipement du lieu. Avec à terme, la remise en marche de la roue motrice du moulin qui a fonctionné jusque dans les années soixante pour alimenter la Fabrique en électricité.

Aujourd’hui, le festival a lieu en extérieur. Des gradins confortables ont été montés face à une grande scène adossée au mur de briques de l’usine. Aux fenêtres s’allument des projecteurs. Un deuxième espace de jeu a été improvisé dans la cour du Moulin… Bravant la pluie, nous avons assisté à trois créations de la compagnie K-Simon Falguières, réalisées en 2022-2023 dont Morphée * que nous avions vu au printemps dernier (voir le Théâtre du blog) .  Et, pour la première fois, trois artistes extérieurs à la compagnie ont été invités.

L’Errance est notre vie de Simon Falguières, petite forme autour du Nid de cendres, Epopée théâtrale

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L’Errance est notre vie © Yacine Bayan



« Nous jouerons en courant et nos courses seront épiques ou ne seront pas. » (…) « L’errance sera notre vie (…) », annonce une comédienne, qui définit la règle du jeu : il s’agit pour La Belle Troupe de Nanterre de représenter en une heure un condensé des treize heures du spectacle initial créé avec grand succès au festival d’Avignon (voir Le Théâtre du blog).

C’est une sorte de bande-annonce qui a sillonné les Hauts-de-Seine, depuis le Théâtre des Amandiers, jusqu’à la Maison d’arrêt, un institut médico-éducatif, des lycées, des salles de quartier… Sur un plateau de bois et avec des costumes puisés dans les réserves, comme ceux d’Hamlet, mise en scène de Patrice Chéreau, signés Jacques Schmidt ou ceux de Moidele Bickel pour le film La Reine Margot, les onze interprètes endossent de nombreux rôles, masculins ou féminins confondus. Ils se disputent parfois pour jouer tel ou tel personnage selon le principe : «Le premier sur scène gagne le rôle !»
Simon Falguières a conservé les moments-clefs de cette traversée théâtrale au long cours: l’aventure de Gabriel et de la princesse Anne… Ils s’aiment sans se connaître et se cherchent par-delà les mers, pour sauver leurs mondes respectifs en péril.
La représentation, interrompue par des chamailleries et rivalités de coulisses, est une comédie menée tambour battant et permet aux apprentis-comédiens de jouer avec énergie.
Les scènes sont suffisamment conséquentes pour faire entendre la langue fluide de ce remarquable poème dramatique. Du théâtre tout terrain.

Lalalalande de et par Frédérique Voruz

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d.r.

« Ma mère nous a élevés dans une sorte de catholicisme puritain. Comme dit ma psy: «C’est le mysticisme médiéval! » Biberonnée aux névroses familiales, l’actrice exorcise vingt ans de souffrance, sous l’œil omniprésent d’une mère blessée dans son corps de femme et d’un père évanescent.
Photos tirées de l’album de famille à l’appui, elle détricote la «lalangue », le concept de Jacques Lacan pour désigner le champ lexical familial et ses traumas. Avec ses propres mots, elle conjure sa répugnance et sa pitié, mais aussi son amour pour « ce crapaud de bénitier» qu’est devenue sa mère.
La psychanalyse et le théâtre aidant -elle a rejoint le Théâtre du Soleil- elle peut maintenant cracher son venin avec humour et dire sa reconstruction comme personne entière et non plus comme membre amputé du corps maternel.
Cette confession héroïque pourra gêner certains mais Frédérique Voruz nous entraîne dans une joyeuse descente aux enfers, sauvée par l’irrévérence et la dérision. Après ce solo, elle a écrit Le Grand Jour, une pièce pour huit acteurs sur sa famille, finaliste du Prix du Théâtre 13 l’an passé

Les Nuits blanches d’après Fiodor Dostoïevski, mise en scène de Mathias Zakhar

Une passion d’adolescent pour le grand auteur russe et son envie de travailler avec Charlie Fabert et Anne Duverneuil, qu’il côtoie dans Le Nid de cendres ont motivé le choix de Mathias Zakhar pour ce texte de jeunesse traduit par André Markowicz.
Une histoire d’amour et de désillusion à l’aune d’un imaginaire sombre et fantastique. Lui est un rêveur et elle, une solitaire emprisonnée par sa grand-mère, qui attend depuis un an le retour d’un homme qui la rendra libre. Ils se rencontrent par hasard au bord d’un canal et vont se donner rendez-vous chaque nuit, sur un banc, à la même heure…
« J’ai décidé de vous connaître dans les moindres détails », dit la jeune fille laissant espérer l’homme. Mais lui n’a rien à raconter : il ne sait que rêver… Il va l’aimer comme une illusion et elle, perdue entre son désir pour  autre et l’amour du rêveur, ne sait sur quel pied danser et s’avèrera cruelle sans le savoir.
Dans un dispositif bi-frontal: un banc mobile sur roulettes pour donner la sensation de mouvement, Anne Duverneuil campe une femme fantasque avec des sautes d’humeur inattendues. Avec des poèmes de Marina Tsvetaeva, elle entretient l’espoir romantique du jeune homme.

Charlie Fabert, plus lunaire, incarne la douce mélancolie de la nouvelle de Dostoievski. Dans cet univers nocturne glauque de ponts, rues étroites et brumeuses, la réalité reprendra ses droits à l’aube du dernier songe. Mais dit ce rêveur désillusionné: «Une pleine minute de béatitude! N’est-ce pas assez pour toute une vie d’homme? »
Dans Les Nuits blanches (1848), un texte écrit vingt ans avant Crime et Châtiment, le romancier ne veut pas encore céder à la douleur terrestre, même si nous reconnaissons ici son sourire froid dans le Narrateur qui se souvient de cette «nuit de conte» et rit de ses tourments sentimentaux…

Isadora comme elle est belle quand elle se promène, de et par Milena Csergo

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d.r

«Isadora, comme elle est belle quand elle promène dans le vent sa robe, le vent, l’été (…) Isadora court et regarde la ville qui est si rare » Envoyée par sa mère en ville pour acheter des framboises, elle s’égare dans le labyrinthe des rues. De rouge vêtue, comme la petite fille du conte de Charles Perrault, elle ne rencontre pas de loup dans cet univers fascinant et  peuplé de dangers,  mais un « garçon-cheval » qui l’emporte sur son dos et qui va la prendre brutalement.
Des gazelles lui font découvrir sa féminité et l’entraînent dans une fête disco… Elle voit la mer dans les fontaines ou les vitrines, des chiens libidineux surgissent de toute part, puis des oiseaux bariolés l’emportent au-dessus de la ville, loin du tumulte cauchemardesque. Et tant pis pour les framboises, couleur de sang…
Grâce aux pulsations d’une langue toujours tenue et lancinante, l’actrice, accompagnée par deux musiciens, nous plonge dans le paysage mental de son héroïne. Un tourbillon de sensations et couleurs où elle se jette à corps perdu, sans craindre les excès.
Une performance déjantée… Autrice, metteure en scène, Milena Cesrgo s’inspire souvent des contes et mythes fondateurs de l’imaginaire collectif pour écrire des pièces entre performance et théâtre…

Mireille Davidovici

Ces spectacles ont été joués les 1er et 2 septembre, au moulin de l’Hydre, lieu dit Les Vaux, Saint-Pierre d’Entremont (Orne). 

*Morphé:http://theatredublog.unblog.fr/2023/05/05/morphe-texte-mise-en-scene-et-jeu-de-simon-falguieres-a-partir-de-huit-ans/

Du 19 octobre au 5 novembre, Théâtre Paris Villette ( Paris XIX ème).

Le 22 mars, Théâtre du Château d’Eu  (Seine-Maritime).

Du 25 au 29 mars, Comédie de Caen-Centre Dramatique National (Calvados).

Du 8 au 13 avril, Transversales -Scène conventionnée de Verdun (Meuse).

Le 4 mai,  Saint Junien (Haute-Vienne).

Pour soutenir la construction de la Fabrique Théâtrale: helloasso.com/assocations/les-bernards-l-hermite


Archive pour septembre, 2023

Festival international de théâtre de rue d’Aurillac Avec l’Animal de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, mise ens scène de Massimo Furlan

Festival international de théâtre de rue d’Aurillac

Avec l’animal de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, mise en scène de Massimo Furlan

Cet artiste suisse d’origine italienne, bien connu pour ses performances (entre autres, il rejoue des matchs mythiques de foot, seul dans des stades en Europe ou court sur la piste de l’aéroport international de Genève. Il a aussi fait entrer sur scène les habitants d’un village basque (voir l’article d’Edith Rappoport dans Le Théâtre du Blog). Pour créer cette pièce, ses auteurs ont parlé avec des gens qui ont eu des liens privilégiés avec le monde sauvage, comme ici ces hommes d’un certain âge.
L’un (Bernard Magnin quatre-vingt ans) avant d’être électricien a été berger. Très jeune il a été chargé d’amener seul quelques veaux dans un chalet situé haut dans la montagne, inconnu de lui. Puis il a passé quatre mois avec un parent, isolé de tout, à traire les vaches et à fabriquer le fromage. Une expérience qui marquerait
L’autre (Claude Thébet) est un acteur suisse qui remplace Serge Bregnard, un éducateur social. Il raconte sa passion de la pêche à la truite.
Avec l’animal fait suite à Dans la forêt, créé il y a trois ans dans les bois du Jorat sur les hauts de Lausanne. C’est l’avant-dernier volet de La Trilogie des liens : De la terre.
«
Nous désirons saisir la nature, disent les auteurs, et la qualité des liens que nous entretenons avec les espaces et les espèces sauvages pour capter la diversité de ces relations et ce qui les caractérise, observer comment nous créons des alliances ou des ruptures, comment nous cohabitons. Aujourd’hui, de plus en plus, nous négligeons les connaissances ancestrales fondées sur un équilibre entre ce que l’on prend à la nature, et ce qu’on lui laisse le temps de reconstituer. (…) Nous avons lu de nombreux textes d’anthropologues et de philosophes, et nous avons choisi de travailler plus précisément à construire un récit avec Serge Bregnard et Bernard Magnin, autour de leur vie et de leur expérience pratique, de leurs savoirs-faire.

Nous nous sommes demandé quels sentiments nous attachent à un paysage, un coin de terre, un morceau de forêt, une rivière, comment nous créons des liens avec les êtres vivants et sauvages qui nous entourent, nous étonnent, nous nourrissent. Ce travail n’est ni une apologie de la chasse ou de la pêche, ni une critique. »

Cela se passe à Velzic (400 habitants, pas loin de Vic-sur-Cère au nord d’Aurillac) dans une magnifique prairie absolument silencieuse, à un quart d’heure par bus affrété par le festival. Sous les arbres longeant un ruisseau, une petite scène faite de palettes. Dessus une table en bois avec quelques aliments, des verres et ustensiles de cuisine et deux chaises.
A côté dans une grosse marmite suspendue au-dessus d’un grand réchaud à gaz, cuit une soupe, le temps du spectacle. Juste quelques barres fluo verticales comme éclairage et des micros H.F. pas gênants (impeccable technologie suisse) pour les acteurs. Pour le public, des bancs très durs ou des carrés de moquette sur l’herbe: rustique ! Mais c’est à prendre ou à laisser.
Nous sommes bien dans la nature, même si elle est domestiquée par l’homme, et pas loin d’une aire de camping et des maisons du village.
C’est un peu foutraque, et il y a du retard à cause d’un problème électrique mais, au moins, il fait un peu frais au bord de ce ruisseau et on écoute avec plaisir cet ancien berger raconter avec une excellente diction la nature telle du moins qu’elle était il y plus de soixante ans, quand la traite était encore manuelle, qu’il fasse chaud ou froid. Dans ce chalet, il n’y avait pas l’électricité et les bergers dormaient dans la paille. les vaches mangeaient de l’herbe, l’été dans les prés, et l’hiver dans les étables, comme comme dans le Cantal… Jamais encore d’ensilage!
Mais les histoires de pêche à la truite n’ont rien de bien passionnant et Massimo Furlan aurait pu nous les épargner. Mal construit cela ne fonctionne pas très bien: cette heure et quelque nous a donc paru bien longue, malgré le récit du petit berger qu’avait été Bernard Magnin.  Enfin si on n’est pas trop difficile, cela s’écoute…
A la fin, nous avons avalé vite fait un bol de la soupe de courgettes et pommes de terre mal cuite… Il fallait reprendre le bus pour Aurillac, le thermomètre à minuit affichait encore 29°! Et les rues étaient pleines de gens et autant de chiens. « Nous vivons une époque moderne », disait autrefois à France Inter Philippe Meyer.

Philippe du Vignal

Spectacle présenté dans le cadre du Focus suisse sur la création en espace public, le 25 août à Velzic (Cantal).

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