Carmen. de François Gremaud d’après le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Luca Antignani d’après Georges Bizet

© Dorothée  Thébert-Filiger

© Dorothée Thébert-Filiger

Carmen. de François Gremaud d’après le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Luca Antignani d’après Georges Bizet

Après Phèdre! pour le théâtre et Giselle pour la danse (voir Le Théâtre du Blog) , le metteur en scène suisse aborde avec gourmandise et dans le même esprit de mise en abyme, cette figure mythique de l’opéra.

Ce Carmen. a en commun avec les deux autres œuvres du triptyque : avoir un prénom féminin et une héroïne qui meurt sur scène  mais aussi être un chefs-d’œuvre de son genre. Et elle sont toutes une déclaration d’amour à une interprète: Georges Bizet a composé Carmen pour Célestine Galli-Marié, Jean Racine a écrit Phèdre pour  Mademoiselle de Champmeslé et Théophile Gautier a imaginé Giselle pour Carlotta Grisi, l’amour de sa vie…

Carmen. avec un point final. « Ce signe de ponctuation, dit le metteur en scène, est provocant, comme le furent l’héroïne et l’œuvre en leur temps. »

La pièce de François Gremaud est une manière d’opéra-comique contemporain interprété par Rosemary Standley, comédienne-chanteuse et  membre, entre autres, du groupe Moriarty.

Rayonnante de malice, elle se présente et raconte la genèse du Carmen de Georges Bizet, adapté pour l’Opéra-Comique à partir de la nouvelle de Prosper Mérimée, par deux librettistes en vogue travaillant avec Offenbach.  Cette œuvre détonait a priori dans ce théâtre, «celui des familles et des entrevues de mariage», selon Adolphe de Leuven, son directeur, qui avait passé commande à Georges Bizet d’une «chose gaie ».

  »La scène est sur une scène, est-il précisé dans le livret, offert après le spectacle. Deux chaises pour seul décor et Rosemary Standley, accompagnée par un orchestre féminin, décrit la soirée de première de Carmen, le 3 mars 1875 : «On reconnaît ici Offenbach, Massenet, là, Gounod, ou encore Dumas fils… Ah ! Je vois qu’Alphonse Daudet n’est pas encore assis….»

Le public s’amuse, apprend beaucoup et révise aussi l’intrigue de cette histoire d’amour et de mort: à Séville, Carmen, une jeune bohémienne rebelle et séductrice, tombe amoureuse du brigadier don José qui a été chargé de l’emmener en prison après une bagarre à la fabrique de cigarettes où elle travaille. Par amour, il va la laisser s’échapper, déserter et il rejoindra avec elle les contrebandiers. Mais Carmen l’abandonne pour le brillant toréador Escamillo. Don José, fou de désespoir et de jalousie, la tuera d’un coup de poignard.

 Rosemary Standley évoque les décors hispanisants à la création, les effets de mise en scène, et surtout interprète les scènes-clés et les tubes de Carmen. Elle prête sa voix  à  l’héroïne (mezzo-soprano), Don José (ténor), Micaëla (soprano), Escamillo (baryton). Elle nous guide à travers les quatre actes, commente parfois les répliques, le caractère des personnages ou la nature de la musique. On rit beaucoup au duo Don José/Micaëla, jeune fille pure. C’est en fait un  personnage ajouté par les librettistes, en contrepoint de la sensualité scandaleuse de Carmen. Autre moment comique : une altercation vocale entre Escamillo et Don José.

 La comédienne souligne les nuances apportées par Bizet à sa composition et donne des précisions historiques notamment sur la fameuse habanera: L’Amour est un enfant rebelle. Les paroles initiales d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy ne plaisaient pas à Célestine Galli-Marié : le compositeur les remania et emprunta la musique à El Arriglito, du compositeur basque Sebastian Iradier,  auteur par ailleurs de la célèbre Paloma. »Mais oui le gros succès de Mireille Mathieu! » précise la comédienne

Six musiciennes (en alternance) Laurène Dif, Christel Sautaux (accordéon); Tjasha Gafner, Célia Perrard( harpe) : Héléna Macherel, Irene Poma (flûte) : Sandra Borges Ariosa, Anastasia Lindeberg (violon), Bera Romairone, Sara Zazo Romero, (saxophone) sont les complices de l’actrice-chanteuse.
Les arrangements vigoureux de Luca Antignani vont à l’essentiel de la partition de Georges Bizet mais sans la simplifier. C’est aussi un hommage au maître qui ne put jamais connaître le succès mondial de son opéra : il mourut d’un infarctus à trente-six ans, trois mois jour pour jour après la première qui avait été chahutée par le public et esquintée par les critiques !

On comprend pourquoi, à sa création, la pièce fit scandale quand on entend Carmen chanter son hymne à la liberté, juste avant que le rideau ne tombe au troisième acte: « Quand tu verras, là-bas/ Comme c’est beau la vie errante/ Pour pays l’univers/ Et pour loi sa volonté/ Et… surtout la chose enivrante/ La liberté ! La liberté ! ». Elle dira aussi défiant la mort au quatrième acte: « Jamais Carmen ne cédera/ Libre elle est née, libre, elle mourra ».

Le spectacle, longuement acclamé par le public, sonne comme un coup de poing. François Gremaud remet l’œuvre au goût du jour et nous fait sentir la modernité de l’héroïne et de la musique. Il s’amuse aussi des coquetteries un peu désuètes du livret.
Une nouvelle réussite de la compagnie suisse 2b .

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 octobre, Théâtre 91, 3 place du 11 novembre, Malakoff (Hauts-de Seine).

Du 18 au 22 octobre, Théâtre de la Ville-Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses (Paris (XVllI ème) .

Les 16 et 17 novembre, Espace 1789, Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis); le 28 novembre, Théâtre de Grasse (Alpes-Maritimes); le 29 novembre, Théâtre d’Arles (Bouches-du-Rhône); le 30 novembre, La Garance, Cavaillon (Vaucluse).

Du 19 au 23 décembre, Théâtre des Célestins, Lyon.

Le12 mars, Théâtre de Compiègne (Oise) ; le 14 mars, Le Bateau Feu, Dunkerque (Nord) ; 26 mars,Le Reflet-Théâtre, Vevey (Suisse) ; le 29 mars, Bonlieu-Scène nationale d’Annecy (Haute-Savoie).

Du 9 au 13 avril,Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique) ; du 23 au 27 avril, Théâtre de la Cité, Toulouse (Haute-Garonne).


Archive pour 5 octobre, 2023

Carmen. de François Gremaud d’après le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Luca Antignani d’après Georges Bizet

© Dorothée  Thébert-Filiger

© Dorothée Thébert-Filiger

Carmen. de François Gremaud d’après le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Luca Antignani d’après Georges Bizet

Après Phèdre! pour le théâtre et Giselle pour la danse (voir Le Théâtre du Blog) , le metteur en scène suisse aborde avec gourmandise et dans le même esprit de mise en abyme, cette figure mythique de l’opéra.

Ce Carmen. a en commun avec les deux autres œuvres du triptyque : avoir un prénom féminin et une héroïne qui meurt sur scène  mais aussi être un chefs-d’œuvre de son genre. Et elle sont toutes une déclaration d’amour à une interprète: Georges Bizet a composé Carmen pour Célestine Galli-Marié, Jean Racine a écrit Phèdre pour  Mademoiselle de Champmeslé et Théophile Gautier a imaginé Giselle pour Carlotta Grisi, l’amour de sa vie…

Carmen. avec un point final. « Ce signe de ponctuation, dit le metteur en scène, est provocant, comme le furent l’héroïne et l’œuvre en leur temps. »

La pièce de François Gremaud est une manière d’opéra-comique contemporain interprété par Rosemary Standley, comédienne-chanteuse et  membre, entre autres, du groupe Moriarty.

Rayonnante de malice, elle se présente et raconte la genèse du Carmen de Georges Bizet, adapté pour l’Opéra-Comique à partir de la nouvelle de Prosper Mérimée, par deux librettistes en vogue travaillant avec Offenbach.  Cette œuvre détonait a priori dans ce théâtre, «celui des familles et des entrevues de mariage», selon Adolphe de Leuven, son directeur, qui avait passé commande à Georges Bizet d’une «chose gaie ».

  »La scène est sur une scène, est-il précisé dans le livret, offert après le spectacle. Deux chaises pour seul décor et Rosemary Standley, accompagnée par un orchestre féminin, décrit la soirée de première de Carmen, le 3 mars 1875 : «On reconnaît ici Offenbach, Massenet, là, Gounod, ou encore Dumas fils… Ah ! Je vois qu’Alphonse Daudet n’est pas encore assis….»

Le public s’amuse, apprend beaucoup et révise aussi l’intrigue de cette histoire d’amour et de mort: à Séville, Carmen, une jeune bohémienne rebelle et séductrice, tombe amoureuse du brigadier don José qui a été chargé de l’emmener en prison après une bagarre à la fabrique de cigarettes où elle travaille. Par amour, il va la laisser s’échapper, déserter et il rejoindra avec elle les contrebandiers. Mais Carmen l’abandonne pour le brillant toréador Escamillo. Don José, fou de désespoir et de jalousie, la tuera d’un coup de poignard.

 Rosemary Standley évoque les décors hispanisants à la création, les effets de mise en scène, et surtout interprète les scènes-clés et les tubes de Carmen. Elle prête sa voix  à  l’héroïne (mezzo-soprano), Don José (ténor), Micaëla (soprano), Escamillo (baryton). Elle nous guide à travers les quatre actes, commente parfois les répliques, le caractère des personnages ou la nature de la musique. On rit beaucoup au duo Don José/Micaëla, jeune fille pure. C’est en fait un  personnage ajouté par les librettistes, en contrepoint de la sensualité scandaleuse de Carmen. Autre moment comique : une altercation vocale entre Escamillo et Don José.

 La comédienne souligne les nuances apportées par Bizet à sa composition et donne des précisions historiques notamment sur la fameuse habanera: L’Amour est un enfant rebelle. Les paroles initiales d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy ne plaisaient pas à Célestine Galli-Marié : le compositeur les remania et emprunta la musique à El Arriglito, du compositeur basque Sebastian Iradier,  auteur par ailleurs de la célèbre Paloma. »Mais oui le gros succès de Mireille Mathieu! » précise la comédienne

Six musiciennes (en alternance) Laurène Dif, Christel Sautaux (accordéon); Tjasha Gafner, Célia Perrard( harpe) : Héléna Macherel, Irene Poma (flûte) : Sandra Borges Ariosa, Anastasia Lindeberg (violon), Bera Romairone, Sara Zazo Romero, (saxophone) sont les complices de l’actrice-chanteuse.
Les arrangements vigoureux de Luca Antignani vont à l’essentiel de la partition de Georges Bizet mais sans la simplifier. C’est aussi un hommage au maître qui ne put jamais connaître le succès mondial de son opéra : il mourut d’un infarctus à trente-six ans, trois mois jour pour jour après la première qui avait été chahutée par le public et esquintée par les critiques !

On comprend pourquoi, à sa création, la pièce fit scandale quand on entend Carmen chanter son hymne à la liberté, juste avant que le rideau ne tombe au troisième acte: « Quand tu verras, là-bas/ Comme c’est beau la vie errante/ Pour pays l’univers/ Et pour loi sa volonté/ Et… surtout la chose enivrante/ La liberté ! La liberté ! ». Elle dira aussi défiant la mort au quatrième acte: « Jamais Carmen ne cédera/ Libre elle est née, libre, elle mourra ».

Le spectacle, longuement acclamé par le public, sonne comme un coup de poing. François Gremaud remet l’œuvre au goût du jour et nous fait sentir la modernité de l’héroïne et de la musique. Il s’amuse aussi des coquetteries un peu désuètes du livret.
Une nouvelle réussite de la compagnie suisse 2b .

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 octobre, Théâtre 91, 3 place du 11 novembre, Malakoff (Hauts-de Seine).

Du 18 au 22 octobre, Théâtre de la Ville-Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses (Paris (XVllI ème) .

Les 16 et 17 novembre, Espace 1789, Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis); le 28 novembre, Théâtre de Grasse (Alpes-Maritimes); le 29 novembre, Théâtre d’Arles (Bouches-du-Rhône); le 30 novembre, La Garance, Cavaillon (Vaucluse).

Du 19 au 23 décembre, Théâtre des Célestins, Lyon.

Le12 mars, Théâtre de Compiègne (Oise) ; le 14 mars, Le Bateau Feu, Dunkerque (Nord) ; 26 mars,Le Reflet-Théâtre, Vevey (Suisse) ; le 29 mars, Bonlieu-Scène nationale d’Annecy (Haute-Savoie).

Du 9 au 13 avril,Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique) ; du 23 au 27 avril, Théâtre de la Cité, Toulouse (Haute-Garonne).

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