Music-Hall Colette, texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux , mise en scène de Léna Bréban

Music-Hall Colette, texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux, mise en scène de Léna Bréban

D’abord quelques images en noir et blanc des «Actualités » comme on disait à l’époque, projetées dans les cinémas avant le film, des obsèques nationales (première femme en France à laquelle elles ont été accordées) au Palais-Royal où elle habitait. Juste à côté, se trouvent maintenant les colonnes de Buren. Des images aussi émouvantes que celles de la messe d’enterrement de Louis Jouvet à l’église Saint-Sulpice avec une foule immense sur toute la place.
C’est un hommage tout aussi populaire où on voit de nombreuses femmes venir s’incliner devant son cercueil. Il y a un coussin noir où est posée sa grande croix de la Légion d’honneur. Tout à fait impressionnant.

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On entend avec son bel accent bourguignon, la voix de Colette (1873-1954), cette femme d’origine martiniquaise par sa mère. Arrivée très jeune dans la capitale et une fois perdu son paradis de Saint-Sauveur-en-Puisaye (Nièvre) pour des raisons de finances familiales, elle a envie d’en découdre avec Paris où elle aura tout essayé et souvent réussi : pantomimes sexy au Moulin-Rouge, journalisme et critiques de théâtre (elle fut bien la seule à défendre en 35 Les Cenci d’Antonin Artaud), création d’un salon de beauté.

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Mais elle est aussi très bonne romancière. Mariée très jeune par sa mère à un certain  Henry Gauthier-Villars, critique musical très influent et auteur de romans populaires qui introduit sa jeune femme dans les cercles littéraires et musicaux. Poussée par Willy, elle écrira ses souvenirs d’école mais sous le pseudonyme de Willy, Claudine à l’école, Claudine à ParisClaudine en ménageClaudine s’en va. Première à suivre la mode « garçonne » et après leur séparation en 1906, Colette signera de son seul nom la fin de la série des Claudine. Elle aura plusieurs relations, notamment avec Mathilde de Morny, sa partenaire sur scène, Natalie Clifford Barney, une poétesse américaine.
Puis Colette aura une brève liaison avec un homme politique Auguste-Olympe Hériot, avant de rencontrer son futur mari, le diplomate Henry de Jouvenel dont elle aura son seul enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite Bel-Gazou (beau gazouillis en provençal).

Elle a quarante ans et sait que son mari la trompe. Elle aura une longue liaison  avec son fils le jeune Bertrand de Jouvenel, seize ans. Ce sera le thème de son roman Le Blé en herbe, adapté plus tard au cinéma par Claude Autant-Lara. Colette  ne cache pas sa bisexualité et c’est son premier mari qui la poussera à avoir des relations avec des femmes. En 1952, deux ans avant sa mort, elle interprète son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon.  Puis après une période d’éclipse, Colette deviendra le symbole du féminisme et évoquée comme telle par Julia Kristeva dans La Révolte intime, et par le magazine Causette.

©Julien Piffaut

©Julien Piffaut

Ici, Alexandre Zambeaux qui avait fait une adaptation très réussie du célèbre roman Sans Famille d’Hector Malot, mise en scène par Léna Bréban à la Comédie-Française, évoque avec Cléo Sénia ce que fut la vie de cette écrivaine: Colette a aussi été une jeune actrice et danseuse au Moulin-Rouge (ce qu’on oublie trop souvent) avant d’être reconnue comme écrivaine.
Sans tomber dans l’hagiographie, ce patchwork va à l’essentiel à la fois avec des récits d’extraits de ses romans, nouvelles et lettres mais aussi un dialogue avec elle-même en portraits vidéo.
Et le public découvre la vie finalement peu connue de cette femme qui avait une énergie sans faille et rêvait de liberté morale et sexuelle : «Moi, c’est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Toute ma peau a une âme.» Cela pourrait être de Catherine Millet ou de Monique Wittig. Colette était avide de reconnaissance comme écrivaine (elle fut aussi la présidente du jury du prix Goncourt). Ce qui n’était pas du tout évident pour une femme de s’exprimer ainsi.
L’écrivaine féministe, il y a quelque cent ans déjà ne mâchait pas ses mots, quand la société française était dominée par l’Église catholique qui exerçait une véritable censure non avouée mais féroce sur le théâtre, le cinéma et la littérature. Elle le lui fera encore payer post-mortem en refusant des obsèques religieuses! Ici elle raconte ce que fut son existence de jeune artiste en proie à la solitude et à parfois de rudes conditions de travail. « Côté artistes : des cases sordides, sans air et l’escalier de fer aboutissant à des toilettes immondes. » Comme Emile Zola le décrivait dans Nana. Et cela existait encore il y a encore vingt ans dans la salle du syndicat de l’Epicerie, rue Beaubourg…

 

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La mise en scène de Léna Bréban tient d’un parcours sans fautes: direction d’actrice précise et toute en nuances, maîtrise absolue du temps et de l’espace, subtilité des rapports texte-images et choix de ses collaborateurs: Marie Hervé pour la scénographie,  Denis Koransky pour les lumières, Hervé Devolder pour la musique et les chansons, Jean-Marc Hoolbecq pour la chorégraphie. Et Alice Touvet pour les costumes. Mention spéciale à cette créatrice: toujours difficile d’être dans le bon équilibre quand il faut «déshabiller» une actrice toujours en pleine lumière.
Cléo Sénia, seule et toujours en scène, elle joue, fait du trapèze, danse, chante, toujours aussi juste et formidable de vérité et de sensibilité. Il y a aussi en voix off les grands acteurs que sont Martine Schambacher  et François Chattot, dans la salle ce soir-là.
Juste un bémol: Il faudra affiner la balance avec le micro H.F et peut-être limiter un peu le dialogue avec les vidéos, un peu complaisant. Mais allez, osons les grands mots: toute cette équipe a réussi un spectacle populaire et qui fera un tabac en tournée.
Music-Hall Colette fait grand bien, surtout à l’heure des vieux théâtres en plusieurs heures à partir de textes de Shakespeare, avec fumigènes, vidéos sur grand écran, effets spéciaux, boue déversée sur le plateau, cloisons latérales défoncées à la pioche, hurlements au micro, jeu permanent dans la salle, etc. dont nous reparlerons quand même.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 7 octobre, Espace des Arts-Scène Nationale de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
Les Scènes du Jura-Scène Nationale-Théâtre de Dôle, les 7 et 8 novembre.
Puis tournée à suivre…
Théâtre Tristan Bernard,  Paris (VIII ème), du 26 janvier au 30 mars. 

 


Archive pour 7 octobre, 2023

Music-Hall Colette, texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux , mise en scène de Léna Bréban

Music-Hall Colette, texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux, mise en scène de Léna Bréban

D’abord quelques images en noir et blanc des «Actualités » comme on disait à l’époque, projetées dans les cinémas avant le film, des obsèques nationales (première femme en France à laquelle elles ont été accordées) au Palais-Royal où elle habitait. Juste à côté, se trouvent maintenant les colonnes de Buren. Des images aussi émouvantes que celles de la messe d’enterrement de Louis Jouvet à l’église Saint-Sulpice avec une foule immense sur toute la place.
C’est un hommage tout aussi populaire où on voit de nombreuses femmes venir s’incliner devant son cercueil. Il y a un coussin noir où est posée sa grande croix de la Légion d’honneur. Tout à fait impressionnant.

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On entend avec son bel accent bourguignon, la voix de Colette (1873-1954), cette femme d’origine martiniquaise par sa mère. Arrivée très jeune dans la capitale et une fois perdu son paradis de Saint-Sauveur-en-Puisaye (Nièvre) pour des raisons de finances familiales, elle a envie d’en découdre avec Paris où elle aura tout essayé et souvent réussi : pantomimes sexy au Moulin-Rouge, journalisme et critiques de théâtre (elle fut bien la seule à défendre en 35 Les Cenci d’Antonin Artaud), création d’un salon de beauté.

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Mais elle est aussi très bonne romancière. Mariée très jeune par sa mère à un certain  Henry Gauthier-Villars, critique musical très influent et auteur de romans populaires qui introduit sa jeune femme dans les cercles littéraires et musicaux. Poussée par Willy, elle écrira ses souvenirs d’école mais sous le pseudonyme de Willy, Claudine à l’école, Claudine à ParisClaudine en ménageClaudine s’en va. Première à suivre la mode « garçonne » et après leur séparation en 1906, Colette signera de son seul nom la fin de la série des Claudine. Elle aura plusieurs relations, notamment avec Mathilde de Morny, sa partenaire sur scène, Natalie Clifford Barney, une poétesse américaine.
Puis Colette aura une brève liaison avec un homme politique Auguste-Olympe Hériot, avant de rencontrer son futur mari, le diplomate Henry de Jouvenel dont elle aura son seul enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite Bel-Gazou (beau gazouillis en provençal).

Elle a quarante ans et sait que son mari la trompe. Elle aura une longue liaison  avec son fils le jeune Bertrand de Jouvenel, seize ans. Ce sera le thème de son roman Le Blé en herbe, adapté plus tard au cinéma par Claude Autant-Lara. Colette  ne cache pas sa bisexualité et c’est son premier mari qui la poussera à avoir des relations avec des femmes. En 1952, deux ans avant sa mort, elle interprète son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon.  Puis après une période d’éclipse, Colette deviendra le symbole du féminisme et évoquée comme telle par Julia Kristeva dans La Révolte intime, et par le magazine Causette.

©Julien Piffaut

©Julien Piffaut

Ici, Alexandre Zambeaux qui avait fait une adaptation très réussie du célèbre roman Sans Famille d’Hector Malot, mise en scène par Léna Bréban à la Comédie-Française, évoque avec Cléo Sénia ce que fut la vie de cette écrivaine: Colette a aussi été une jeune actrice et danseuse au Moulin-Rouge (ce qu’on oublie trop souvent) avant d’être reconnue comme écrivaine.
Sans tomber dans l’hagiographie, ce patchwork va à l’essentiel à la fois avec des récits d’extraits de ses romans, nouvelles et lettres mais aussi un dialogue avec elle-même en portraits vidéo.
Et le public découvre la vie finalement peu connue de cette femme qui avait une énergie sans faille et rêvait de liberté morale et sexuelle : «Moi, c’est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Toute ma peau a une âme.» Cela pourrait être de Catherine Millet ou de Monique Wittig. Colette était avide de reconnaissance comme écrivaine (elle fut aussi la présidente du jury du prix Goncourt). Ce qui n’était pas du tout évident pour une femme de s’exprimer ainsi.
L’écrivaine féministe, il y a quelque cent ans déjà ne mâchait pas ses mots, quand la société française était dominée par l’Église catholique qui exerçait une véritable censure non avouée mais féroce sur le théâtre, le cinéma et la littérature. Elle le lui fera encore payer post-mortem en refusant des obsèques religieuses! Ici elle raconte ce que fut son existence de jeune artiste en proie à la solitude et à parfois de rudes conditions de travail. « Côté artistes : des cases sordides, sans air et l’escalier de fer aboutissant à des toilettes immondes. » Comme Emile Zola le décrivait dans Nana. Et cela existait encore il y a encore vingt ans dans la salle du syndicat de l’Epicerie, rue Beaubourg…

 

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La mise en scène de Léna Bréban tient d’un parcours sans fautes: direction d’actrice précise et toute en nuances, maîtrise absolue du temps et de l’espace, subtilité des rapports texte-images et choix de ses collaborateurs: Marie Hervé pour la scénographie,  Denis Koransky pour les lumières, Hervé Devolder pour la musique et les chansons, Jean-Marc Hoolbecq pour la chorégraphie. Et Alice Touvet pour les costumes. Mention spéciale à cette créatrice: toujours difficile d’être dans le bon équilibre quand il faut «déshabiller» une actrice toujours en pleine lumière.
Cléo Sénia, seule et toujours en scène, elle joue, fait du trapèze, danse, chante, toujours aussi juste et formidable de vérité et de sensibilité. Il y a aussi en voix off les grands acteurs que sont Martine Schambacher  et François Chattot, dans la salle ce soir-là.
Juste un bémol: Il faudra affiner la balance avec le micro H.F et peut-être limiter un peu le dialogue avec les vidéos, un peu complaisant. Mais allez, osons les grands mots: toute cette équipe a réussi un spectacle populaire et qui fera un tabac en tournée.
Music-Hall Colette fait grand bien, surtout à l’heure des vieux théâtres en plusieurs heures à partir de textes de Shakespeare, avec fumigènes, vidéos sur grand écran, effets spéciaux, boue déversée sur le plateau, cloisons latérales défoncées à la pioche, hurlements au micro, jeu permanent dans la salle, etc. dont nous reparlerons quand même.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 7 octobre, Espace des Arts-Scène Nationale de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
Les Scènes du Jura-Scène Nationale-Théâtre de Dôle, les 7 et 8 novembre.
Puis tournée à suivre…
Théâtre Tristan Bernard,  Paris (VIII ème), du 26 janvier au 30 mars. 

 

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