Si vous voulez de la lumière, conception et mise en scène de Florent Siaud

Si vous voulez de la lumière, conception et mise en scène de Florent Siaud

Le  titre fait référence aux derniers mots de Johann Wofgang Goethe avant de mourir: «Mehr Licht ! » (Plus de lumière !). La pièce créée au Printemps à Montréal s’inspire des deux Faust du grand poète allemand. Un pari risqué pour Florian Siaud et son équipe…

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© Nicolas Descoteaux

Cela commence dans un service de cancérologie où Faust, un éminent professeur se désespère de son impuissance quand il veut lutter contre contre la mort. Il rencontre Méphisto, un étrange personnage qui s’immisce dans sa vie. Enhardi par ses conseils, le docteur tombe amoureux d’une patiente, Margot, atteinte d’une leucémie au stade terminal.
Il essaye contre la volonté de la malade et au mépris de toute déontologie, un traitement expérimental qui ne la sauvera pas…

On le retrouve avec son rusé compagnon en Californie: la forêt brûle mais, encouragé par Méphisto, il revit son idylle avec Margot grâce à l’intelligence artificielle dans une émouvante conversation avec une image animée. On pense au film Her de Spike Jonze (2013).

Après cette expérience frustrante, le voilà au service de l’humanité, sur une île en déshérence (Haïti ?). Il lutte contre un tyran puis la montée de eaux. Mais autant se battre contre des moulins à vent… Méphisto l’a annoncé au seuil du troisième acte: il va falloir se débarrasser de ce personnage encombrant, devenu à la longue l’ombre de lui-même à force de vains combats. Un épilogue consacre sa disparition : Faust est englouti pas sa propre hubris.

Deux siècles après, le metteur en scène remet au goût du jour l’épopée dantesque imaginée par Goethe et nourrie des expériences de toute une vie. Théoricien de l’art, botaniste et ministre du duc de Weimar, ce grand esprit de l’Auklärung allemand a écrit cette histoire sur soixante ans, de 1773 avec Urfaust à 1832  avec Faust II, peu avant sa mort. Il disait que la première partie  était l’œuvre «d’un être troublé par la passion, qui peut obscurcir l’esprit de l’homme». La seconde partie révèle un monde moins soumis à la passion et devient une parabole de l’humanité souffrante, tiraillée entre pensée et action.

Ce Faust nouvelle manière balade ces personnages mythiques en trois actes écrits par des auteurs de Madagascar, France, Belgique, Luxembourg, Liban, Bénin, Québec et Haïti : Marine Bachelot-Nguyen, Alexandra Bourse, Céline Delbecq, Ian de Toffoli, Giovanni Houansou, Émilie Monnet, Hala Moughanie, Pauline Peyrade, Guillaume Poix, Jean-Luc Raharimanana, Guy Régis Jr et Rébecca Déraspe-Pont. Bien connus pour la plupart (voir Le Théâtre du Blog)

Pas besoin de se référer à l’œuvre originale pour aborder le spectacle aux thèmes contemporains comme l’acharnement thérapeutique, le rêve post-humaniste, la crise climatique mondiale… Faust et Méphisto évoluent au milieu des folies de l’époque dans une fresque composite.
A l’humour grinçant et au ton quotidien de la première partie, très dynamique, succède un trop long épisode en Californie où la forêt n’en finit pas de brûler et où l’idylle virtuelle entre Faust et Margot tourne à vide.

La troisième partie est plus condensée mais pas très claire avec l’intervention de figurants et un épisode lyrique plutôt malvenu. Heureusement, des images projetées sur des tulles vaporeux nous accompagnent dans cette grande traversée et animent un dispositif impeccable conçu par Nicolas Descoteaux (éclairages), Romain Fabre (scénographie) et Eric Maniengui (vidéo). Du bel ouvrage…  

La pièce réunit des comédiens québécois comme Dominique Quesnel qui introduit la pièce avec truculence. Dans le rôle du docteur, Francis Ducharme au jeu distancié dans le premier acte, manque ensuite de folie. Et le Français  Yacine Sif El Islam campe un Méphisto aussi séducteur que pervers. Sans cabotiner, il donne de l’élan à la pièce et arrive à établir une connivence avec le public.

Nous sommes sortis mitigés de ce spectacle qui dure deux heures vingt… Mais il faut saluer cette entreprise qui a mobilisé pendant six ans une belle brochette d’écrivains. Leurs voix mêlées et leurs regards croisés sur notre époque de turbulence donnent matière à jouer aux acteurs.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 17 octobre, Théâtre de la Cité internationale, 21 A boulevard Jourdan, Paris (XlV ème). T. : 01 43 13 50 60. 


Archive pour 8 octobre, 2023

Chotto Desh, chorégraphie d’Akram Khan, adaptation de Sue Buckmaster , musique de Jocelyn Pook

Chotto Desh, chorégraphie d’Akram Khan, adaptation de Sue Buckmaster, musique de Jocelyn Pook (à partir de cinq ans)

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©Jean-Louis Fernandez

 

 Pour que les jeunes soient parmi les premiers à découvrir le nouveau Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, Emmanuel Demarcy-Mota son directeur, a programmé un spectacle d’une heure tout public dans la journée avec cette création présentée en 2017 (voir Le Théâtre du Blog).
La grande salle a été magnifiquement rénovée avec une moquette crème assortie à des sièges en toile écru. Elle résonne de cris d’enfants agités par l’attente : certains sont venus de loin en car ou en train. Un public impressionnant, vite captivé par l’apparition du danseur Nicolas Ricchini (en alternance avec Jasper Narvaez).

Il se présente comme étant Akram et nous entraîne dans son enfance. Nous le suivons dans les rues de Dacca où il passait ses vacances d’été: il danse en se frayant un chemin dans la foule et la circulation des voitures : l’évocation sonore et les contorsions comiques du danseur pour éviter les obstacles nous transportent dans le vacarme et le fourmillement d’une ville du Bangadesh (cent soixante-huit millions d’habitants). Puis on retrouvera le jeune Akram en pleine guerre de libération de ce pays en 1971. 

 Plus tard, il devient le personnage d’une histoire que lui raconte sa mère en voix off, illustrée par un dessin animé sobre et poétique. On suit le danseur derrière le tulle où sont projetées les images de sa vie familiale quand il était enfant et de ses aventures dans la jungle : des arbres, un fleuve, un éléphant, un serpent, des papillons, des abeilles… Pour le grand plaisir des enfants fascinés,il se glisse avec légèreté dans l’univers poétique du Tigre de Miel de l’autrice indienne Karthika Naïr qui a souvent collaboré avec le chorégraphe.

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

Chotto Desh, ebengali petite patrie, adaptation pour jeune public du solo Desh (pays (natal) est un récit d’apprentissage où le chorégraphe garde l’esprit du kathak, qui le passionnait enfant. Il avait même endommagé le magnétoscope de ses parents à force de la regarder des heures pour imiter cette danse … Il n’y a rien de folklorique dans la gestuelle de l’interprète ni dans la musique qui nous a paru   quelquefois un peu trop forte. Les plus jeunes retiendront surtout ce conte indien joliment illustré et un tour de passe-passe du danseur : avec quelques traits de crayon sur son crâne rasé, il dessine le visage du père. Avec cette sorte de masque, il caricature  ses gestes avec tendresse. Une belle image que l’on retiendra longtemps.

Les plus grands et leurs parents s’attacheront à l’histoire d’un artiste qui, nourri de plusieurs cultures, a suivi sa passion et mené sa barque, mais sans se couper de ses racines. Une leçon de vie pour tous.

Ce spectacle -pour la majorité des enfants, un premier contact avec la danse et le théâtre- les incitera sans doute à revenir, vu le prix des places très modique pour eux.

 Mireille Davidovici

Ce solo vu le même soir nous plonge dans l’autobiographie du jeune Akram, né en France d’un père venu du Bangladesh et d’une mère philippine. Par la danse et grâce à des projections de figures animées sur un tulle de fond de scène, belle création visuelle de Tim Yip, le chorégraphe raconte la naissance de sa vocation.
Son père veut qu’il lui succède à la tête de  son restaurant parisien, le jeune Akram va trouver dans la danse une échappatoire  « Je veux danser papa, je veux devenir danseur!  ». 
 Héritier d’une double culture, il a été dans son enfance partagé entre cet art qui le fait vibrer et le devoir envers son père. On pense à Freddie Mercury qui, contre l’avis de ses parents, s’est lancé dans la musique et la chanson à corps perdu. 
 Cette pièce demeure un bel hommage touchant et poétique à ses parents. Akram Khan réussit par de simples artifices de jeu à nous emporter dans son histoire. La création musicale de Jocelyn Pook accompagne ce récit.

Jean Couturier

Spectacle présenté les 4 et 5 octobre, au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier). T. : 01 42 74 22 77.

 Du 12 au 14 octobre, Le Trident, Cherbourg (Manche).

Les 4 et 5 novembre, Teatro Macedonia Alacala, Oaxaca City Performing Arts Festival, Oaxaca (Mexique).

Le Tigre de Miel de Karthika Naïr, illustré par Joëlle Jolivet, est publié aux éditions Hélium.

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