Avant la Terreur, écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique de Vincent Macaigne d’après Shakespeare et autres textes

Avant la Terreur, écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique de Vincent Macaigne, d’après Shakespeare et autres textes

Après six ans d’absence au théâtre, celui qui avait monté entre autres des relectures de Hamlet (Au moins j’aurai laissé un beau cadavre) et de L’Idiot de Dostoïevski, s’attaque à Richard III, une pièce et un personnage mythiques.
Selon le programme, «en adaptant librement ce grand texte aussi burlesque que glaçant, il offre un grand spectacle de théâtre joyeusement apocalyptique, où le rire est toujours là pour nous venir en aide. (…) Vincent Macaigne fait voler en éclats la pièce de Shakespeare et créée un art inimitable du chaos scénique une expérience énorme, épique, délirante. » (sic)

©x

©S. Gosselin

Non, désolé mais il  n’y a rien de tout cela. Vincent Macaigne s’est passionné pour l’histoire d’Angleterre avec ces assassinats en série entre la famille des Tudors et celle des Plantagenet. Et au moins, on peut le créditer d’y avoir travaillé avant d’écrire un spectacle avec des extraits de Richard III et d’Henri VI, des bribes d’écriture personnelle mais aussi  des improvisations: cette trop souvent redoutable « écriture de plateau ».
Bien entendu, sauf à de rares moments, ce mélange où les acteurs sont souvent statiques, ne fonctionne pas et après les images des dix premières minutes, on s’ennuie ferme même s’il se passe toujours quelque chose sur  scène.

La faute à quoi? A une dramaturgie et à une provocation au rabais avec un catalogue de stéréotypes qu’il avait déjà employés sans scrupule dans ses précédentes mises en scène. Grand rectangle au sol blanc avec plafond aussi blanc comme décor, fumigènes à gogo dans la salle avant même que le spectacle ne commence et ensuite plusieurs fois, musique très forte (mais sans doute moins qu’avant et on a même droit à des bouchons d’oreille gracieusement offerts à l’entrée !), répliques hurlées en permanence devant des micros H.F. ou sur pied, jeu très fréquent des acteurs dans la salle, démolition à la pioche d’un morceau de paroi, images-vidéo sur grand écran d’accidents de la route spectaculaires, de  Donald Trump,etc..

©x

© Simon Gosselin

Et- immense nouveauté!-Vincent Macaigne nous offre en prime d’autres images vidéo avec les personnages dans les coulisses ou avec leur visage agrandi sur très grand écran quand ils sont sur le plateau. Un truc usé jusqu’à la corde et introduit il y a plus de vingt ans, notamment  par le metteur en scène allemand Frank Castorf. Et que plus un n’ose faire…
Mais aussi lumières clignotantes, accessoiriste sur le plateau, un karcher à la main, hémoglobine en rafale, une centaine de litres de boue coulant d’un grand sac suspendu et envahissant tout le plateau, caddie de supermarché dévalant à la fin les marches de la salle…
Et les acteurs demandent plusieurs fois au public de se lever, d’applaudir, d’avoir les yeux fermés quelques minutes, de voter en se serrant la main, une fois pour « oui», deux fois pour « non », comme dans une  joyeuse colonie de vacances… Tous aux abris!

Et comment Vincent Macaigne ne voit-il pas que toute cette indispensable électricité pour construire un tel décor, fabriquer avec des métaux rares ces grands écrans vidéo, nettoyer quotidiennement à l’aspirateur cet immense plateau, laver le rideau en tulle, les costumes couverts de sang et de boue , etc. sont en totale contradiction avec ses discours sur le nucléaire et sur la faillite écologique de notre planète. Et côté finances, alors que de nombreuses compagnies peinte à équilibrer leur budget, tout ce fongible est sans aucune doute coûteux comme déjà avec Idiot d’après Dostoievski à Chaillot il y a déjà treize ans et cet Avant la Terreur aurait coûté plus de 500.000 € !, alors que cette provocation bon marché n’arrive même pas à à faire sens et que le burlesque revendiqué reste bien faible! « Les chiffres dit souvent le metteur en scène Jacques Livchine, il n’y a que cela qui compte au théâtre. »
Quant au discours esthético-philosophique de Vincent Macaigne… «La société, dit-il, tend à déserter en ce moment l’espace de la fiction, préférant une restitution du prétendu réel. Or la fiction ouvre un espace critique, on peut prendre position, aimer ou détester. La fascination du réel induit une sorte de chirurgie réparatrice mentale perpétuelle, admise par le spectateur, quitte à se déformer lui-même pour se retrouver dans cette proposition de réel. C’est une nouvelle terreur.»  Comprenne qui pourra à ce sabir …

Bref, Avant la Terreur en deux heures et demi sans entracte,  confus et prétentieux, n’a rien de convaincant et se termine plutôt qu’il ne finit.  Et quand Vincent Macaigne dit qu’il est «très important, surtout en ce moment, de pouvoir continuer à faire des spectacles qui aient une certaine ampleur aux yeux du public (sic), il pousse le bouchon un peu loin. Même s’il a un indéniable savoir-faire…
Des spectateurs n’ont pas résisté et sont partis, les autres ont applaudi mais mollement ! Que sauver de ce qu’il appelle  un feu d’artifice? Sans aucun doute le jeu de ses acteurs, surtout ses fidèles: Thibault Lacroix, Pascal Rénéric,  et Sharif Andoura, (tous passés par l’Ecole du Théâtre National de Chaillot et Jérôme Savary aurait été heureux de les voir aussi solides), et Pauline Lorillard. Ils portent tous le spectacle à bout de bras.

Sur le plan plan graphique, nous avons bien aimé ces grandes traînées noires avec ces mots : Aidez-moi, et même s’il ne fait pas sens et s’il est attendu, à la fin, l’écoulement de boue. Mais nous sommes au théâtre et non dans un musée d’art contemporain… Vincent Macaigne reste un bon acteur de cinéma mais ce spectacle, même s’il a envie d’y croire -un peu naïvement!-  n’est en rien «une source d’énergie tournée vers le monde». Mais un monument d’ennui avec un texte, même inspiré de Richard III, assez faible.
Devant cet Avant la Terreur déguisé en création d’avant-garde, nombre de filles et garçons lucides qui pourraient être ses enfants, n’ont même pas applaudi… C’est rassurant mais nous serions curieux de savoir aussi ce que pensent de jeunes metteurs en scène de ce poussiéreux Avant la Terreur
Vincent Macaigne, encore apprenti-comédien,
trouvait qu’à part Romeo Castellucci, Frank Marthaler, etc. «le théâtre, c’était un truc ultra-chiant, ultra-vieux, ringard» ferait bien de se méfier. Attention: on devient vite le ringard des nouvelles générations d’artistes…
et de spectateurs.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 octobre, MC 93 Bobigny, avec le Festival d’automne à Paris. T : 01 41 60 72 72.

Le Tandem-Scène nationale de Douai-Arras,  du 7 au 9 novembre; Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, les 16 et 17 novembre.

Le Quartz-Scène nationale de Brest, les  11 et  12 avril. Théâtre Vidy-Lausanne, du 19  au 21 avril.


Archive pour 10 octobre, 2023

Avant la Terreur, écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique de Vincent Macaigne d’après Shakespeare et autres textes

Avant la Terreur, écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique de Vincent Macaigne, d’après Shakespeare et autres textes

Après six ans d’absence au théâtre, celui qui avait monté entre autres des relectures de Hamlet (Au moins j’aurai laissé un beau cadavre) et de L’Idiot de Dostoïevski, s’attaque à Richard III, une pièce et un personnage mythiques.
Selon le programme, «en adaptant librement ce grand texte aussi burlesque que glaçant, il offre un grand spectacle de théâtre joyeusement apocalyptique, où le rire est toujours là pour nous venir en aide. (…) Vincent Macaigne fait voler en éclats la pièce de Shakespeare et créée un art inimitable du chaos scénique une expérience énorme, épique, délirante. » (sic)

©x

©S. Gosselin

Non, désolé mais il  n’y a rien de tout cela. Vincent Macaigne s’est passionné pour l’histoire d’Angleterre avec ces assassinats en série entre la famille des Tudors et celle des Plantagenet. Et au moins, on peut le créditer d’y avoir travaillé avant d’écrire un spectacle avec des extraits de Richard III et d’Henri VI, des bribes d’écriture personnelle mais aussi  des improvisations: cette trop souvent redoutable « écriture de plateau ».
Bien entendu, sauf à de rares moments, ce mélange où les acteurs sont souvent statiques, ne fonctionne pas et après les images des dix premières minutes, on s’ennuie ferme même s’il se passe toujours quelque chose sur  scène.

La faute à quoi? A une dramaturgie et à une provocation au rabais avec un catalogue de stéréotypes qu’il avait déjà employés sans scrupule dans ses précédentes mises en scène. Grand rectangle au sol blanc avec plafond aussi blanc comme décor, fumigènes à gogo dans la salle avant même que le spectacle ne commence et ensuite plusieurs fois, musique très forte (mais sans doute moins qu’avant et on a même droit à des bouchons d’oreille gracieusement offerts à l’entrée !), répliques hurlées en permanence devant des micros H.F. ou sur pied, jeu très fréquent des acteurs dans la salle, démolition à la pioche d’un morceau de paroi, images-vidéo sur grand écran d’accidents de la route spectaculaires, de  Donald Trump,etc..

©x

© Simon Gosselin

Et- immense nouveauté!-Vincent Macaigne nous offre en prime d’autres images vidéo avec les personnages dans les coulisses ou avec leur visage agrandi sur très grand écran quand ils sont sur le plateau. Un truc usé jusqu’à la corde et introduit il y a plus de vingt ans, notamment  par le metteur en scène allemand Frank Castorf. Et que plus un n’ose faire…
Mais aussi lumières clignotantes, accessoiriste sur le plateau, un karcher à la main, hémoglobine en rafale, une centaine de litres de boue coulant d’un grand sac suspendu et envahissant tout le plateau, caddie de supermarché dévalant à la fin les marches de la salle…
Et les acteurs demandent plusieurs fois au public de se lever, d’applaudir, d’avoir les yeux fermés quelques minutes, de voter en se serrant la main, une fois pour « oui», deux fois pour « non », comme dans une  joyeuse colonie de vacances… Tous aux abris!

Et comment Vincent Macaigne ne voit-il pas que toute cette indispensable électricité pour construire un tel décor, fabriquer avec des métaux rares ces grands écrans vidéo, nettoyer quotidiennement à l’aspirateur cet immense plateau, laver le rideau en tulle, les costumes couverts de sang et de boue , etc. sont en totale contradiction avec ses discours sur le nucléaire et sur la faillite écologique de notre planète. Et côté finances, alors que de nombreuses compagnies peinte à équilibrer leur budget, tout ce fongible est sans aucune doute coûteux comme déjà avec Idiot d’après Dostoievski à Chaillot il y a déjà treize ans et cet Avant la Terreur aurait coûté plus de 500.000 € !, alors que cette provocation bon marché n’arrive même pas à à faire sens et que le burlesque revendiqué reste bien faible! « Les chiffres dit souvent le metteur en scène Jacques Livchine, il n’y a que cela qui compte au théâtre. »
Quant au discours esthético-philosophique de Vincent Macaigne… «La société, dit-il, tend à déserter en ce moment l’espace de la fiction, préférant une restitution du prétendu réel. Or la fiction ouvre un espace critique, on peut prendre position, aimer ou détester. La fascination du réel induit une sorte de chirurgie réparatrice mentale perpétuelle, admise par le spectateur, quitte à se déformer lui-même pour se retrouver dans cette proposition de réel. C’est une nouvelle terreur.»  Comprenne qui pourra à ce sabir …

Bref, Avant la Terreur en deux heures et demi sans entracte,  confus et prétentieux, n’a rien de convaincant et se termine plutôt qu’il ne finit.  Et quand Vincent Macaigne dit qu’il est «très important, surtout en ce moment, de pouvoir continuer à faire des spectacles qui aient une certaine ampleur aux yeux du public (sic), il pousse le bouchon un peu loin. Même s’il a un indéniable savoir-faire…
Des spectateurs n’ont pas résisté et sont partis, les autres ont applaudi mais mollement ! Que sauver de ce qu’il appelle  un feu d’artifice? Sans aucun doute le jeu de ses acteurs, surtout ses fidèles: Thibault Lacroix, Pascal Rénéric,  et Sharif Andoura, (tous passés par l’Ecole du Théâtre National de Chaillot et Jérôme Savary aurait été heureux de les voir aussi solides), et Pauline Lorillard. Ils portent tous le spectacle à bout de bras.

Sur le plan plan graphique, nous avons bien aimé ces grandes traînées noires avec ces mots : Aidez-moi, et même s’il ne fait pas sens et s’il est attendu, à la fin, l’écoulement de boue. Mais nous sommes au théâtre et non dans un musée d’art contemporain… Vincent Macaigne reste un bon acteur de cinéma mais ce spectacle, même s’il a envie d’y croire -un peu naïvement!-  n’est en rien «une source d’énergie tournée vers le monde». Mais un monument d’ennui avec un texte, même inspiré de Richard III, assez faible.
Devant cet Avant la Terreur déguisé en création d’avant-garde, nombre de filles et garçons lucides qui pourraient être ses enfants, n’ont même pas applaudi… C’est rassurant mais nous serions curieux de savoir aussi ce que pensent de jeunes metteurs en scène de ce poussiéreux Avant la Terreur
Vincent Macaigne, encore apprenti-comédien,
trouvait qu’à part Romeo Castellucci, Frank Marthaler, etc. «le théâtre, c’était un truc ultra-chiant, ultra-vieux, ringard» ferait bien de se méfier. Attention: on devient vite le ringard des nouvelles générations d’artistes…
et de spectateurs.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 octobre, MC 93 Bobigny, avec le Festival d’automne à Paris. T : 01 41 60 72 72.

Le Tandem-Scène nationale de Douai-Arras,  du 7 au 9 novembre; Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, les 16 et 17 novembre.

Le Quartz-Scène nationale de Brest, les  11 et  12 avril. Théâtre Vidy-Lausanne, du 19  au 21 avril.

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