À Huis Clos de Kery James, mise en scène de Marc Lainé
À Huis Clos de Kery James, mise en scène de Marc Lainé
Ce rappeur, auteur, compositeur et scénariste avait écrit il y a cinq ans À vif où Soulaymaan, un avocat issu de la banlieue parisienne affrontait un confrère né, lui, dans un milieu favorisé.
Cela se passe sur une scène en rond avec un rail autour pour deux caméras télécommandées. Nous sommes dans l’appartement personnel d’un juge : une grande table avec quelques dossiers, un téléphone et deux photos de femmes, un fauteuil, des chaises confortables, un meuble pour un tourne-disques 33 tours. Au-dessus du plateau, un grand écran où seront projetées les images des acteurs…
Ici, Kery James met en scène à nouveau ce même personnage de Soulaymaan. A jamais marqué par la mort tragique de son grand frère abattu par un policier qui a tiré sur lui qui s’enfuyait, le jeune avocat n’a plus rien à perdre, même sa vie. Il décide alors d’aller rencontrer le juge qui a présidé le procès où a été acquitté le policier. Il l’accuse d’avoir influencé le vote des jurés mais le Juge lui fait remarquer que c’est lui mais aussi les jurés qui votent à bulletin secret si l’accusé est coupable ou non, et si, oui, qui votent ensuite sur la peine encourue.
Mais Soulaymaan ne lâche rien surtout pas son revolver qu’il braque en permanence sur le Juge. Il lui précise aussi que, de toute façon, il finira par le tuera, après après avoir écouté ses réponses aux questions qui ne cessent de le tarauder. Comme entre autres, ces contrôles au faciès: «Avez-vous déjà été contrôlé? -Non jamais. Et le Juge a bien du mal à se justifier devant cet interrogatoire mené de main de… maître, comme il exige que le Juge l’appelle. Un dialogue intelligent, et souvent brillant. Les deux hommes finiront par se bagarrer, puis la tension diminuera un peu.
Le Juge parle alors de sa famille à l’Avocat: sa femme est décédée il y a quelques années et il adore sa fille dont on aura entendu la voix sur le répondeur. Après plusieurs fois, elle est excédée par l’absence de réponse… et pour cause, puisque le Juge est interdit de téléphone par Souleymaan qui le tient en otage
Responsabilité d’un Justice débordée et souvent mal vue, parce que tolérant depuis longtemps une déontologie faiblarde quant aux violences policières filmées donc indéniables, maintien de l’ordre en démocratie, amour, pardon… tels sont les thèmes abordés ici avec un remarquable sens du dialogue par Kery James avec des mots qui claquent vite et bien. Mais loin de toute partialité.
A la fin, Souleymaan exigera que le Juge appelle la police dont en entendra vite la sirène du fourgon. La fin de cette singulière prise d’otage qui se joue avec deux professionnels de la Justice? Nous ne vous la dévoilerons pas mais Kery James connait tout de l’art du suspense et de la progression d’un scénario…
Marc Lainé dirige avec doigté ce texte remarquablement bien écrit par Kery James qui joue l’Avocat. Jérôme Kircher (le Juge) et lui sont très justes et souvent exceptionnels de vérité. Mais pourquoi le metteur en scène s’obstine-t-il à vouloir retransmettre sur l’écran l’intégralité de qui se passe sur le plateau? Et ce n’est pas très bien filmé: les acteurs ne sont pas toujours face caméra et souvent de dos ou presque, …
Résultat: le public ne regarde plus du tout la scène (sous-éclairée) mais seulement l’écran qui, à la toute fin, s’éteint enfin et où on voit enfin les acteurs sur la scène. A ces réserves près, c’est un bon-et court-spectacle. Chaleureusement applaudi par tout un public debout et souvent jeune, ce qui est plutôt rare au théâtre…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 14 octobre seulement, à Chaillot-Théâtre National de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème).
Du 15 au 30 novembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème).
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