Edmond, texte et mise en scène d’Alexis Michalik

Edmond, texte et mise en scène d’Alexis Michalik

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Dimanche dernier, le Théâtre du Palais-Royal a fêté la 1.500 ème représentation du spectacle (plus que La Cage aux folles créé dans ce même Théâtre et un succès comparable de La Leçon et La Cantarice chauve d’Eugène Ionesco qui se joue depuis au Théâtre de la Huchette. Record mondial avec quelques dizaines de milliers de représentations depuis sa création en 57 à Paris.

Alexis Michalik avait été admis en 2003 au Conservatoire national supérieur d’art dramatique mais n’y entrera finalement pas (ce qui ne manque pas de courage!) pour créer en 2005 Une folle Journée, adaptation du Mariage de Figaro de Beaumarchais dans le off d’Avignon.

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L’année suivante, il mettra en scène  La Mégère à peu près apprivoisée au Théâtre La Luna, toujours en Avignon, une comédie musicale d’après Shakespeare. Et en 2008, il crée R&J, une adaptation pour trois comédiens de Roméo et Juliette. Puis il écrit Le Porteur d’histoire sa première pièce avec un succès total ( voir Le Théâtre du Blog). Puis la deuxième, Le Cercle des illusionnistes à La Pépinière-Opéra à Paris (voir Le Théâtre du Blog). En 2014, le spectacle obtient les Molières du  Meilleur spectacle de théâtre privé, du Meilleur auteur francophone vivant, du Meilleur metteur en scène de théâtre privé. Et  le Molière de la révélation féminine .

Deux ans plus tard, Alexis Michalik écrit et met en scène Edmond au Théâtre du Palais-Royal, une pièce relatant la création mouvementée du célèbre Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand.Le dramaturge y est interprété par l’humoriste Guillaume Sentou et l’abonnement aux cascade de Molière continue en 2017… Molière du Théâtre privé, de la Comédie, du Comédien dans un second rôle, de la Révélation masculine, de l’auteur francophone vivant et du Metteur en scène d’un spectacle du Théâtre privé,  et de la Création visuelle… Et il y a deux ans, il adapte Les Producteurs, d’après Mel Brooks et le met en scène…

Créée en 2016, Edmond avait déjà attiré trois ans plus tard quelque 700.000 spectateurs. Du jamais vu dans le théâtre actuel et Alexis Michalik en a aussi tiré un film… Le directeur général du Théâtre du Palais-Royal, Sébastien Azzopardi a de quoi maintenant être plus qu’heureux avec 1.500 représentations!

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Ici, Alexis Michalik raconte le parcours insolite d’Edmond Rostand (1868-1918) un dramaturge de vingt-neuf ans, marié et déjà père de deux enfants, mais qui avait peu écrit et avait bien du mal à se faire reconnaître après l’échec de La Princesse lointaine que joua pourtant Sarah Bernhard. Même s’il avait obtenu ses premiers succès en 1894 avec Les Romanesques, pièce en vers créée à la Comédie-Française, puis avec La Samaritaine.
Il propose alors une comédie en alexandrins inspirée de la vie de l’écrivain Cyrano de Bergerac au grand acteur Constant Coquelin pour les fêtes de fin d’année. Mais elle était loin d’être achevée! Il doit vite la finir et la mettre en scène aussi vite.
Et le 28 décembre 1897, au théâtre de la Porte Saint-Martin, fut créée cette comédie dramatique avec un rôle formidable mais avec quelque 1.600 vers! :  un poète amoureux sans retour de la belle Roxane, amoureuse, elle du beau Christian.  Même Edmond Rostand lui-même ne semble pas trop croire et juste avant la première, dit à Constant Coquelin: «Ah! Pardonnez-moi, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette désastreuse aventure! »
Pourtant, elle connut aussitôt un succès populaire foudroyant et ne cessa jamais d’être jouée au théâtre, comme au cinéma. Le premier soir, il y a eu, dit-on, une ovation pendant vingt minutes et le ministre des Finances ôta sa Légion d’honneur pour la lui offrir…
Et depuis, malgré certaines réticences en particulier dans les années cinquante par les brechtiens pur porc qui trouvaient la pièce trop bourgeoise et conventionnelle, Cyrano de Bergerac n’a cessé d’être jouée au théâtre comme au cinéma par les plus grands: Pierre Dux, Maurice Escande, Gérard Philipe, Daniel Sorano, Jean-Paul Belmondo, Jean Piat, Gérard Depardieu denis Podalydès… Et plus récemment Jacques Weber dans une remarquable mise en scène de Jérôme Savary.  Et aussi le formidable Eddy Chignara dans la mise en scène de Lazare Herson-Macarel  (2017) fondée sur les mêmes principes que cet Edmond ( voir Le Théâtre du Blog).

Alexis Michalik a eu le nez creux (sans jeux de mots…) quand il a écrit l’histoire romancée  de cette création mythique qui remonte à plus cent-vingt ans : une  intrigue mouvementée mais sans aucun temps mort avec douze acteurs! Soit quelques protagonistes et de nombreux personnages secondaires joués par les mêmes comédiens.
Après bien des rebondissements et des emprunts de scène à Cyrano, le spectacle se termine par la mort du héros blessé à la guerre. Sur fond en sourdine, du Boléro de Ravel (on est entre confrères du record, puisque c’est l’œuvre la plus jouée au monde!).

Cela commence par une répétition devant une châssis à l’envers (nous sommes dans les coulisses) puis  un beau rideau rouge à franges,  avec tout un mobilier sur roulettes: comptoir, tables et chaises, lit,  bureau, caisses, etc. En fond de scène, des images vidéos pour situer l’action… Mais  comme les scènes sont très courtes, il y  a une incessante circulation de ces meubles… Et nous avons l’impression d’assister à un déménagement permanent en accéléré. Cela parasite le jeu et ne rend pas service au texte.

Ici, le jeune écrivain Edmond Rostand est aux prises avec sa Rosemonde jalouse, des acteurs qui ne lui plaisent pas, des financiers exigeants et est en panne d’inspiration… Bref, tout va bien!  Mais il se met enfin à écrire quand il aide un ami amoureux à déclarer son amour à une jeune personne.
Edmond Rostand va
proposer au grand Constant Coquelin une pièce mais qui est très loin d’être achevée. Mais il faut faire vite : première prévue le 28 décembre 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris.

Avec cet Edmond, Alexis Michalik réussit un habile décalque de Cyrano de Bergerac, la pièce française sans doute la plus célèbre et la plus populaire, en reprenant les thèmes développés par Edmond Rostand : le triangle amoureux mais sublimé  par une passion impossible, la vie d’un grand théâtre avec ses artistes et ses régisseurs, la guerre qui bouleverse la vie  de tous, le temps qui passe, la mort… De quoi s’y retrouver, même plus d’un  siècle et demi.
Alexis Michalik  applique ici les mêmes recettes dramaturgiques et de mise en scène depuis une quinzaine d’années. Aucun doute là-dessus, il le fait avec énergie, panache et virtuosité: du théâtre dans le théâtre avec vue sur les coulisses et toujours un portant de costumes (un des stéréotypes du spectacle actuel depuis au moins quarante ans, mais bon!), une intrigue bien ficelée, un temps normal de représentation (une heure et demi) lois des f trois heures réquentesdans le théâtre public, un rythme sans accroc,
des personnages principaux solides comme Rosemonde, l’épouse de Rostand, le grand acteur Coquelin, etc. Ou secondaires mais emblématiques comme Sarah Bernhard, Georges Feydeau, Eugène Labiche, Anton Tchekhov… Ou ces deux proxénètes corses prétentieux mais caricaturaux qui financent le spectacle: (Alexis Michalik n’aurait pas trop intérêt à aller présenter le spectacle sur l’Île de beauté!), et une scénographie avec ces trop nombreux éléments de mobilier sur roulettes ( Le pont faible de la mise en scène.)

Mais tout ici est parfaitement rodé: les acteurs font tous preuve sans exception d’un métier exemplaire que le théâtre dit public peut leur envier. Mention spéciale à Jacques Bourgaux (Coquelin), Nora Giret (Rosemonde) et Valérie Vogt (Sarah Bernhardt). Et même s’il n’y a pas toujours une grande unité de jeu, ils réussissent à conquérir rapidement les spectateurs...
Aucun doute là-dessus, Alexis Michalik sait  tricoter un texte avec habileté,  en adaptant certaines scènes de Cyrano de Bergerac ou en les faisant jouer, comme à la fin, celle de la mort du vieux poète dans le cloître du couvent où s’est retirée la belle Roxane mais plus jeune et où passent dans le fond des religieuses…Le public  (jeunes et moins jeunes) écoute ému cette scène inoxydable où Roxane âgée voit enfin qu’elle a été la victime d’une usurpation d’identité.

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Mais trop tard, son bel amoureux Christian est mort à la guerre et Cyrano, le pauvre et généreux poète, gravement blessé à la tête, va agoniser dans ses bras…

L’ensemble du spectacle avec cette mise en abyme réussie fonctionne bien. Même si les ficelles sont parfois grosses et Alexis Michalik ne craint pas les facilités…
Comme les projections de titres des épisodes, ou des photos projetées pour servir de décor. Et il aurait pu nous épargner ces fumigènes (les quatrièmes en une semaine pour nous, une des plaies du théâtre actuel! ) généreusement dispensés pour évoquer la fumée des trains à vapeur, ou celles des canons au siège d’Arras…

A voir, oui, malgré ces réserves. Cet Edmond avec un tel  succès, fait maintenant, qu’on le veuille ou non, partie de l’histoire du spectacle contemporain et encore une fois, il y a peu de théâtres privés ou publics qui ont eu  1.500 représentations d’une pièce! Mais les places sont chères, la pièce est un peu inégale, donc mieux vaut quand même ne pas être trop pointilleux…
Et Alexis Michalik ferait bien de se méfier le système qu’il a mis en place: il commence à s’user… Mais c’est un bon directeur d’acteurs et il a tous les moyens pour évoluer. Pour le moment au Palais-Royal, tout un public  lui est resté fidèle.  Et comme on nous l’a signalé, une boulangère parisienne qui ne va jamais au théâtre mais a vu les affiches dans le métro, s’est offert des places avec ses enfants et a adoré.

L’ovation debout à la fin de cette 1.500 ème a récompensé  à juste titre cet Edmond et ses remarquables acteurs:  Tiens, pourquoi pas cet Edmond au Cloître des Carmes (déjà pour la fin, un décor tout trouvé!). Enfin, un bon spectacle « populaire »au festival d’Avignon cela nous changerait du si mauvais et si long  Welfare de Julie Deliquet! Non, mais vous rêvez du Vignal…  Et on va sans doute nous répondre le classique: « ce n’est pas pour le public du festival… » Mais qu’en sait-on ?

Philippe du Vignal

Théâtre du Palais-Royal, 38 rue Montpensier, Paris (I er). T. : 01 42 97 59 46.

 

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