Hiku d’Anne-Sophie Turion et Eric Minh Cuong Castaing
Hiku d’Anne-Sophie Turion et Eric Minh Cuong Castaing
Ces artistes ont déjà créé des spectacles (voir Le Théâtre du Blog) où ils montraient les interactions entre le corps humain et les récentes technologies très sophistiquées.
Ici, avec Hiku, ils nous font rencontrer en direct donc à la fois très présents et très lointains trois de ces hikikomoris. Il sont ainsi des milliers de jeunes Japonais (plus d’hommes que de femmes) à avoir choisi de vivre seuls coupés du monde dans leur chambre, le plus souvent à cause de problèmes d’emploi.
(On voit l’un immobile allongé au sol devant deux grands écrans). Depuis les années quatre-vingt dix, ils s’isolent ainsi pendant des mois, voire des années. Un phénomène qui existe là-bas depuis mille neuf cent quatre vingt-dix.
Shizuka, Matsuda et Yagi, ces hikikomoris, qui ne sont en rien des acteurs mais qui ont une grande présence, parlent en même temps mais sur de grands écrans. Et par le biais de robots avec un écran en guise de tête, ils s’adressent aussi à nous sur ce grand plateau: la surface entière de la grande salle habituelle située au niveau -3 de la Maison de la Culture du Japon. Donc dans un silence total.
Shizuka, Mastuda et Yagi, en phase de resocialisation, parlent depuis leur chambre, sauf l’un dans un champ où il nous dit tous les bienfaits que lui apporte la nature autour de lui. Il y a aussi retransmises, comme si on était vraiment dans les rues d’une grande ville au Japon, des manifestations de hikikomoris soigneusement encadrés par des agents de police avec un bâton lumineux.
Ils marchent en silence, tenant de grandes banderoles verticales pour dire simplement qu’il existent. Ces manifestations ont été filmées durant plusieurs séjours par les auteurs, en lien avec l’association New Start Kansaï. Des images très impressionnantes…
Nous sommes invités à nous déplacer et à nous asseoir un peu partout, très près de ces robots qui se déplacent en toute liberté. Yuika Hokama, une performeuse franco-japonaise, traduit en simultané. Nous ne connaissons pas et nous ne reverrons jamais ces hikikomoris si attachants, qu’ils soient encore volontairement enfermés chez eux, ou en train de manifester. Un seul regret: ne pas savoir ce que sont devenus ceux qui doivent avoir maintenant quarante ans…
Cette curieuse et formidable expérience (virtualité ou réalité?) qui tient à la fois de la performance, du cinéma comme cette image de jeune femme sur un vélo dans la nuit qui revient constamment, et du théâtre documentaire, est remarquablement mise en scène et ne peut laisser personne indifférent. D’autant plus que ce grave phénomène sociétal est en train de contaminer l’Europe. Quelle est ici la responsabilité des technologies visuelles et de ceux qui les ont conçues? En tout cas, ce sont les mêmes qui nous permettent aussi de voir et entendre ces trois jeunes gens, à des milliers de kms…
A la sortie du spectacle, nous retrouvons de nombreux touristes japonais qui vont voir la Tour Eiffel toute proche… « Nous vivons une époque moderne » comme disait Philippe Meyer. Il reste encore deux soirs pour voir Hiku à Paris mais il y a ensuite une tournée en banlieue et ailleurs.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 21 octobre, Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Jacques Chirac, Paris (XV ème). T. : 01 44 37 95 01.
Hiku , lauréat du groupe des 20, sera les 17- et 18 novembre au Théâtre de Châtillon (Hauts-de-Seine) dans le cadre du festival OVNI. Les 24 et 25 novembre , Théâtre de Rungis
Le 15 décembre : Houdremont-Centre culturel, La Courneuve (Seine-Saint-Denis)
Du 10 au 12 avril, Comédie de Valence ( Drôme)
Le 15 mai, Théâtre Bergeries à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Le 17 mai, Les Passerelles à Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Les 23 et 24 mai : Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge ( Essone) .