Autopsie mondiale d’Emmanuelle Bayamack-Tam, mise en scène de Clément Poirée
Autopsie mondiale d’Emmanuelle Bayamack-Tam, mise en scène de Clément Poirée
Cela se passe dans une boîte de nuit hors d’âge… Côté jardin, une accumulation très réussie d’écrans de vieilles télés tout format avec des images de poissons dans un aquarium. (genre « installation » bas de gamme dans un musée d’art contemporain. ( scénographie intéressante d’Erwan Creft).
Côté cour, une porte étroite surmontée d’un EXIT rouge et au milieu, un canapé où dans la pénombre et les fumigènes, deux mannequins: ceux de Michael Jackson (brillantissime Pierre Lefebvre-Adrien) et Britney Spears (Mathilde Auveneux, tout aussi brillantissime que séduisante). Mais ce ne sont pas des mannequins ou des momies… quoique! mais des personnages bien vivants qui se réveillent sur le plateau ou déjà morts, on ne sait plus trop….
Puis entre un chanteur en veste rose pailletée qui a pour micro, un fer à repasser. Il interprète entre autres Nirvana. Sylvain Dufour incarne à la perfection ce personnage déjanté.
Quant à Michael Jackson, il dit sans cesse qu’il n’est pas du tout mort et la chanteuse-actrice (quarante-et-un ans) qui s’était fait connaître mondialement en 98 avec Baby one more time et dont les disques ont atteint des records de vente absolus de disques, est bien là. Britney Spears, elle, se disait inspirée par Michael Jackson, Mariah Carey, Cher et Prince, a eu une vie plus que mouvementée jusqu’à être mise sous tutelle… Ici, elle semble être déjà dans un autre monde.
L’un et l’autre se querellent souvent, interprètent des chansons et dansent. Mais Opinion Mondiale incarnée ici par une Louise Coldefy-excellente-va faire un procès pour pédocriminalité au chanteur. Il y a aussi un fan de Michael Jackson (François Chary très convaincant) et Stéphanie Gibert aux claviers.
Chez Clément Poirée, ici tout est superbement cousu main, avec une fantaisie et un sens de la dérision indéniables. Il a une solide équipe technique avec lu -le spectacle lui doit beaucoup-et il dirige bien ses acteurs qui ont une gestuelle remarquable, surtout Mathilde Auveneux en star décadente. Et ce style de spectacle fait parfois penser à ceux de Philippe Adrien, mort il y a deux ans et dont Clément Poirée fut l’assistant.
Mais bon, le texte est bien léger! Clément Poirée pense que l’autrice «nous place au carrefour de nos contradictions et met le doigt sur un moment de bascule. Elle raconte l’instant où les anges ont chu, chassés hors de la scène ( littéralement : devenus obscènes) au profit de l’anonyme et omnipotente opinion publique. »
Soit…mais c’est la créditer d’un bien grand honneur! Ici, de petits dialogues servent le plus souvent de faire-valoir à la musique et aux chansons de cette «dramédie musicale» comme il nomme cette pièce, avec strass, paillettes et lumières de club…
Côté mise en scène, Clément Poirée aurait pu nous épargner ces criailleries aux micros H.F., ces appels à participer à la salle et ces fumigènes qui envahissent régulièrement la scène… et le nez des spectateurs. Comme ces déménagements permanents de praticables et accessoires qui cassent le bon rythme du début. Le metteur en scène semble avoir un meilleur sens de l’espace, que du temps et ces deux heures dix n’en finissaient pas de finir.
Un bon point : le public était, pour une fois, assez jeune. Mais à la fin, il semblait partagé, même quand il était invité à aller danser sur le plateau. Un jeune couple rencontré dans la navette du retour nous a dit avoir été très déçu, surtout par le texte. Bref, malgré de grandes qualités,cette Autopsie mondiale ne marquera quand même pas d’une pierre blanche cette rentrée théâtrale…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 22 octobre, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes + navette gratuite mais attention, peu visible: (derrière l’arrêt du bus 114). T. : 01 43 20 36 36.
Les 17 et 18 janvier, Théâtre des Îlets, Montluçon (Allier) et le 26 janvier, Manekine, Pont Saint-Maxence (Oise).