L’Ombre de Mart de Stig Dagerman, traduction de Marguerite Melberg, mise en scène de Chryssa Kapsouli

L’Ombre de Mart de Stig Dagerman, traduction de Marguerite Melberg, mise en scène de Chryssa Kapsouli 

Cet écrivain et journaliste libertaire suédois né en 1923 se suicidera à trente et un ans. Dans son œuvre (romans, chroniques, essais, théâtre, poésie) qui sera traduite en plusieurs langues, il aborde des préoccupations universelles : morale, conscience, sexualité, philosophie sociale, amour, compassion, justice…Il sonde la douloureuse réalité de l’existence et des émotions comme la peur, la culpabilité et la solitude.

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Dans  L’Ombre de Mart, l’écrivain explore la question du salut et témoigne de l’angoisse de l’homme moderne, vaincu, abandonné par la raison, victime de lui-même et fuyant sa propre histoire.
Cette pièce est aussi une réflexion profonde sur la guerre et ses ambiguïtés et une variation sur le culte du héros mort… Et une tragédie où la femme est objet de désir et cause d’échec et surtout pour un jeune homme, éternel perdant, écrasé par l’ombre de son frère. 

En 1947, Still Dagerman avait rencontré à Paris l’écrivaine juive Etta Federn qui avait survécu à l’occupation nazie. Un de ses deux fils, résistant, a été assassiné par la milice française. L’auteur s’inspire de cette histoire pour écrire cette pièce où il noircit le tableau. Il met en scène une femme monstrueuse et poussant au matricide Gabriel, son fils cadet survivant mais mal-aimé.

Tout commence par une histoire de tableau. On sonne à la porte. C’est le facteur qui apporte un tableau représentant Mart, mort à la guerre en héros courageux et que tout le monde glorifie.
Son ombre, ce fameux « mort à la guerre », pèse lourdement sur le jeune Gabriel. Par lâcheté et comme il a été réformé pour cause de myopie, il n’est jamais allé au front et a continué à vivre normalement. Il va tomber amoureux de Thérèse, l’amante de Mart.

©Patroklos Skafidas

©Patroklos Skafidas

Mais l’amour de sa mère et de Thérèse est digne d’un homme courageux, et non d’un lâche. Victor qui, lui, a combattu, est plus digne. La mère de Mart lui offrira son fusil et Thérèse, son amour. Gabriel se retrouvera alors bien seul…La demeure est comme un mausolée élevé à la mémoire de Mart, héros tué au combat et elle est devenue une maternité nazie où, en dépit d’efforts incessants, on n’a pas encore réussi à éliminer les «mal-faits» comme Gabriel…
Là, se terre « la bête immonde », toujours prête à renaître et tant redoutée par Bertolt Brecht. Tuer sa mère, «crime impensable», devenir «le serpent», c’est anéantir ce cerveau inique et choisir de ne plus avoir de dialogue qu’avec la mort.
Still Dagerman a réussi avec L’Ombre de Marta à écrire  une confession dramatique qui est aussi l’autobiographie d’un poète abandonné par sa mère à la naissance. Il révèle ici les cauchemars qui le hantent et le vide effroyable qui l’a laissé infirme à jamais.

Chryssa Kapsouli a mis en scène ce spectacle avec un bon rythme, et où sont dévoilées les pensées intimes de l’écrivain. Mais elle accentue aussi discrètement l’aspect politique du texte. Cela se passe dans le salon où trône le portrait de Mart, et dans la chambre de Thérèse, un espace de passion/confession: là se révèlent les personnages. La pénombre et les lumières contrastées imaginées par Yorgos Ayiannitis tracent des lignes de séparation entre rêve et réalité.

Aimilia Ypsilandi incarne cette mère despotique, haineuse, et au dynamisme et à la sévérité remarquables. Fotis Karalis souligne la fragilité, la peur et l’instabilité mais aussi et surtout, le traumatisme de Gabriel, ce fils à la recherche d’un amour maternel et charnel à la fois.
Séduction, passion et sensualité féminine : Emmanuelle Kontogiwrgou fait de Thérèse, un personnage complexe et crée le mystère en ajoutant un élément de doute. Enfin, Theofilos Manologlou joue avec clarté un Victor, fat et manipulateur… La mise en scène comme la direction d’acteurs de Chryssa Kapsouli sont remarquables, à la hauteur de ce grand texte.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis 

 Théâtre Argw, 15 rue Elefsiniwn, Athènes, T. : 00302105201684 

 https://youtu.be/xe8ZMyToYtg

L’Ombre de Mart, traduction de Gunilla Kock de Ribaucourt est publié aux Presses universitaires de Caen, (1993)

 


Archive pour 24 octobre, 2023

Deux chorégraphies du Nederlands Dans Theater (NDT1)

Deux chorégraphies du Nederlands Dans Theater (NDT1)

 NDT 1, 15, chorégraphie et scénographie de Tao Ye

© Rahi Rezvani

© Rahi Rezvani

Nous retrouvons ici une des meilleures compagnies de danse contemporaine au monde et elle le prouve ici avec une impressionnante rigueur dans le geste.Le chorégraphe chinois qu’on a vu avec son Tao Dance Theater, dirige ici quinze interprètes dans un flux permanent de mouvements collectifs d’une grande précision.
Avec des gestes répétitifs aux infimes variations liées à la musique de Xia He. Les artistes forment un triangle d’abord vertical, puis horizontal, les mêmes gestes seront répétés au sol dans une deuxième partie. Les très belles lumières d’ Ellen Ruge participent de cette pièce hypnotique.

 Jakie, chorégraphie et scénographie de Sharon Eyal et Gai Behar

Nous les avions découvert  avec leur compagnie israélienne L-E-V  en 2017 à Chaillot-Théâtre National de la danse de Chaillot avec une création OCD Love. Un choc esthétique mémorable. Cette année Into the Hairy vu au festival de Montpellier, nous avait aussi fasciné. (voir Le Théâtre du blog).

 Sharon Eyal et Gai Behar créent des pièces pour de grandes compagnies internationales. On retrouve ici leur parti pris esthétique avec une animalité qui échappe à toute domestication. Sur la musique de Ryuichi Sakamoto, les artistes dansent sur la pointe des pieds, le corps parfois traversé de micro-spasmes. Parfois, dans la pénombre, un individu s’échappe du groupe.
Sharon Eyal a conçu les costumes, des juste-au-corps transparent qui épouse parfaitement la musculature des interprètes avec un bel érotisme. Comme des spectres, ils font renaître ici les très grandes heures du passé au Théâtre de la Ville où la danse est enfin de retour. Le public a ovationné ces pièces.

 Jean Couturier

Spectacle présenté du 18 au 21 octobre, au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier). T. : 01 42 74 22 77.

 

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