Yannick, un film de Quentin Dupieux

Yannick, un film de Quentin Dupieux

On n’en attendait pas moins de ce cinéaste que ce film déjanté, avec une prise d’otage ne ressemblant à aucune autre. Pas de musique frissonnante,  ni effet spécial.
Dans le huis-clos d’un théâtre, ce qui se passe sur scène relève d’une comédie de boulevard.  Et pour les quelques minutes qu’on verra de la pièce Le Cocu, on se croirait devant certaines retransmissions sur les chaînes de service public.

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Cela se passe dans une cuisine des années cinquante. Les trois comédiens parlent fort, quelques petits rires émergent du public-une petite demi-salle-quand un spectateur, mécontent et frustré, interrompt la représentation et va clamer haut et fort sa déception.
C’est l’heure des règlements de compte. « Moi, gardien de nuit, j’ai pris un jour de congé, j’ai passé quarante minutes dans les transports pour venir de Melun et j’ai fait ensuite quinze minutes à pied, pour me divertir. Et vous ne me divertissez pas ! »

La querelle s’envenime et le mécontent sort puis revient parce qu’il a entendu rire à ses dépens et il prend un revolver : la prise d’otage se resserre. Mais la question, celle du théâtre qui n’est ici ni décor ni prétexte, est une affaire sérieuse… et il croit répondre au goût du public (Hum, vous iriez voir Le Cocu, vous, au XXI ème siècle ?) mais ignore ce qu’il demande au spectateur.
Oui, la troupe (les excellents Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne) a travaillé des mois,mais sur quel texte censé divertir qui? Et pour transmettre quoi? Avec quelle méconnaissance du public et quelle indifférence à ce qui n’est pas l’appel à un rire mécanique ?

Le public, tout aussi paresseux, croit trouver dans Le Cocu, un divertissement ! Tant pis s’il est usé jusqu’à la corde. Le terroriste -pardon d’employer ce mot dans les circonstances actuelles- serait-il finalement le seul qui attende quelque chose du théâtre? Tenant les acteurs sous la domination de son revolver, il écrit sur le pouce et leur impose une contre-pièce, pas vraiment meilleure mais plus ambitieuse. Retournement, bagarres, un des acteurs (Pio Marmaï) réussit à s’emparer du revolver, humilie le «terroriste » et se laisse reprendre l’arme.
Mais quelque chose s’est passé. La royauté de l’acteur, du haut de la scène, est tombée, d’abord à ses propres yeux. Quel est cet art dont il ne reste qu’une chose : courir le cachet ? Quelle est la magie et la puissance de la scène? Quelle est cette vanité de l’artiste face au prolo ?

Peu à peu et en douce, Quentin Dupieux nous fait glisser vers autre chose: le respect et et la confiance réciproques: les conditions de la liberté et de l’audace qui manquent si fort entre public et interprètes. Cela pourra s’esquisser avec ce personnage de rebelle dans un petit moment de « syndrome de Stockholm ». De la générosité sans complaisance, c’est demander beaucoup au théâtre et en attendre trop…

Mais pourquoi et comment ce film modeste, sans effets spectaculaires, concentré en un seul lieu autour d’un petit groupe d’acteurs impeccables, tient l’affiche depuis le 2 août ? Pas seulement par la grâce de son acteur principal « que tout le monde aimerait avoir comme fils ou petit-fils »,  selon un critique. Pas non plus pour le suspense : des films avec prise d’otage, on en a vus, traités en détail et avec des raffinements de cruauté.
Le secret est ailleurs : du côté du mystérieux et tenace prestige du théâtre. Il doit y avoir un désir à peine conscient, un rêve de théâtre chez ce qu’on appelle le « non-public » dans la France périphérique de Melun ou ailleurs. Un terme  introduit pour la première fois lors de la déclaration dite de Villeurbanne, écrite par Francis Jeanson en mai 1968…

Ce simple mot : théâtre existe, résonne et inspire même ceux qui n’y sont jamais allés. Au fond, tout en restant «divertissant» -rien ne nous a poussés à perturber la séance et à crier à l’escroquerie, sans compter notre bonne éducation- ce film est comme un traité politico-sociologique. 10% seulement de la population (une fourchette plutôt haute) fréquente les théâtres. Mais difficile à chiffrer, si l’on y inclut les spectacles de rue, gratuits, et très appréciés par toute une population, notamment rurale.

Une énorme demande faite au théâtre se cache dans ce petit film aux couleurs ternies comme celles d’une salle de spectacle vieillotte, et qui se permet même d’être drôle ! Que votre art à vous qui êtes sur scène, soit vraiment grand et fort, même quand il a une petite fonction de divertissement. Et qu’il soit à la hauteur de chacun. Moi, spectateur, je ne suis pas un cochon de payant, mais suis celui auquel vous vous adressez. Vous me parlez, à moi, Yannick et c’est une responsabilité…

Christine Friedel

Le film de Quentin Dupieux est actuellement en salles.

 


Archive pour 25 octobre, 2023

Pauline et Carton, d’après les textes de Pauline Carton, adaptation de Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman, mise en scène de Charles Tordjman

lr19094309to108957-scaled-tt-width-600-height-340-crop-0-bgcolor-000000 Pauline & Carton, d’après les textes de Pauline Carton, adaptation de Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman, mise en scène de Charles Tordjman

Christine Murillo traverse la salle pour gagner la scène où une petite table  et une chaise l’attendent. Elle va commencer à se raconter, en feignant des trous de mémoire et devient Pauline Carton au soir de sa vie…  Cette actrice, chanteuse et autrice (1884-1974) joua surtout les rôles de concierges, soubrettes ou mégères, au cinéma comme au théâtre. A la ville, il en allait tout autrement.

«Une voix de canard, un nez en pomme de terre et le goût des rôles ancillaires.» se définit-elle dans Les Théâtres de Carton (1938). D’après ses écrits*, Christine Murillo est Pauline Carton et nous balade avec malice entre les mots de celle qui fut le témoin d’un demi-siècle de vie culturelle parisienne,  et ses commentaires à elle…

«Quand j’étais jeune, disait Pauline Carton, j’avais le visage lisse et des robes plissées, maintenant, c’est le contraire.»  Christine Murillo a le don de restituer sa verve caustique quand elle évoque et imite des acteurs comme Michel Simon et Bourvil ou l’écrivain Jean Cocteau. Elle raconte le passage du cinéma muet, au parlant, les tournées théâtrales et la précarité des acteurs de second rôle… Un bel hommage à tous ces disparus connus ou ceux restés anonymes.

Il y a une pointe d’émotion quand elle nous parle de son grand ami Sacha Guitry ou du poète suisse Jean Violette, l’unique amour de sa vie. Toujours avec lui en août à Genève Pauline Carton refusait de jouer à ce moment-là: «En août, je ne tourne pas. Je fais l’amour. »

Sait-on aujourd’hui qu’elle a écrit Sous les Palétuviers, un tube repris depuis par nombre d’artistes, dont Julien Clerc? Christine Murillo interprète plusieurs de ses chansons, entre autres, J’ai un faible pour les forts, avec toute la gouaille de Pauline Carton qui l’enregistra en 1972… Irrésistible! Elle nous fait aussi partager l’autodérision de celle qui donna son corps à la faculté de médecine, en précisant : «Je ne peux pas dire que je ferai un beau cadeau aux étudiants. J’ai même pensé à me faire tatouer autour du cou: « Tant pis pour vous ! »

 Une table, une chaise, un carton d’où elle tire quelques accessoires : il faut trois fois rien à Christine Murillo pour redonner vie à cette femme à l’esprit frondeur et libertaire. Visage expressif, regard malicieux, elle nous communique son plaisir de jouer, entre rire et émotion. Pauline & Carton est un petit bijou et fait… un carton ! Une bouffée d’air frais.

Christine Murillo partage avec son personnage le sens du comique. Elle a écrit Gazettes de coulisses. Elle a coécrit et joué pour notre plus grand plaisir avec Jean-Claude Legay et Grégoire Oestermann, Le Baleinié ou Dictionnaire des tracas et la suite** décliné en trois spectacles : Xu: objet bien rangé mais où ,Oxu: objet qu’on vient de retrouver et qu’on reperd aussitôt , Ogzu: urne dont on ne sait pas quoi faire, une fois les cendres dispersées… (voir Le Théâtre du Blog). On la retrouvera dans La Mouche de Christian Hecq et Valérie Lesort en février prochain.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 17 décembre, le samedi à 19 h 30 et le dimanche à 15 h 30. La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T.: 01 40 03 44 30.

 * Les Théâtres de Carton, Librairie académique Perrin, réédition J’ai lu (1947). Histoires de cinéma, de Pauline Carton éditions du Scorpion (1958).

** Le Baleinié ou Dictionnaire des tracas, éditions du Seuil (2003).

L’Odeur de la guerre de et avec Julie Duval, mise en scène de Juliette Bayi et Élodie Menant

L’Odeur de la guerre de et avec Julie Duval, mise en scène de Juliette Bayi et Élodie Menant 

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C’est le n ième solo de la rentrée ! Et cela  se passe  à dix mètres  sous terre  dans la petite salle en amphi de La Scala. Jeanne, une très jeune femme, se prépare à son premier championnat. Adepte de la boxe thaïlandaise, elle raconte le climat de la salle où elle s’exerce, mais aussi l’omniprésence d’une mère autoritaire qui se mêle de la vie de sa fille, son enfance dans le Sud de la France, ses premières règles, les exigences de Francesco, son entraîneur. Et la boîte de nuit où elle a osé être allée avec ses copines, malgré les engueulades maternelles.
Elle nous dit aussi ses révoltes intimes et les agressions qu’elle a dû subir.
  Julie Duval arrive de la salle en short et haut noir. Sur le plateau, rien qu’un punching-ball coloré où elle tapera de temps à autre. Bref, l’odeur de la guerre que cette jeune femme, encore un peu adolescente, ressent quand elle doit affronter ses proches et acquérir son identité dans un monde  impitoyable où tous les coups sont permis.
Ce solo sur fond de féminisme clairement évoqué, est intelligent et bien cadré. Aucun doute là-dessus: Julie Duval joue nombre de personnages et sait embarquer son public pendant un peu plus d’une heure avec une gestuelle irréprochable.
Mais bon,  la jeune actrice  boule trop souvent son texte et sa diction laisse trop souvent à désirer. Il faudrait aussi qu’elle revoit son texte qui passe d’une trop courte scène à l’autre, pour  y revenir ensuite. Bref, il y a un manque de cohérence dramaturgique et là aussi encore du travail.
Nous aimerions revoir Julie Duval mieux dirigée et dans un texte plus convaincant. Donc à suivre…

Philippe du Vignal

Les jeudis et vendredis, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T : 01 40 09 44 30.

Patrick Kun, magicien

Patrick Kun, magicien

Il se familiarise très jeune avec la magie grâce à l’école, aux magasins spécialisés et à la télévision, il ne s’était jamais lancé dans la pratique avant que son meilleur ami lui montre un tour de cartes. Il en a pris une carte, puis lui a montré cinq autres différentes mais aucune n’était la sienne :«Il a alors placé toutes les cartes entre mes deux doigts et, avec une pichenette, toutes sont tombées, sauf une: celle que j’avais choisie! »
Sans voix et en état de choc, Patrick Hun a dû le supplier de lui apprendre ce tour sans jeu truqué ni accessoires… Plus tard, cet ami a partagé son secret et lui a offert un jeu de cartes.
Patrick Hun a ainsi commencé à pratiquer la magie et à quinze ans, est allé aux États-Unis faire des études secondaires. Il a découvert une boutique de magie en ligne qui vendait des téléchargements où l’on pouvait apprendre tout de suite des tours…
Devenu accro, il a commencé à en apprendre chaque jour de nouveaux  qu’il réalisa devant ses copains à l’heure du déjeuner : «J’étais un jeune homme timide et c’était un moyen de me faire de nouveaux amis et d’avoir plus confiance en moi. J’apprends la magie depuis plus de vingt ans ! »
Son frère qui surveille tout ce qu’il fait depuis ses débuts et son ami l’ont aidé. « Il est important d’avoir quelqu’un qui vous soutient, qu’il soit magicien ou non. Vous apprenez ou pratiquez la magie mais vous avez toujours besoin d’un avis constructif pour vous améliorer. »

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A vingt-deux ans, il a eu la chance d’être consultant et de travailler pour David Copperfield. C’était un rêve pour lui de créer de la magie et d’être entouré par une équipe talentueuse qui l’a aidé à devenir plus créatif et motivé, et à être là où il en est aujourd’hui. «Mon passage dans l’émission America’s Got Talent, il y a deux ans, a été ma plus importante apparition télévisée. C’était une excellente occasion de partager ma magie avec le monde entier. »

Connu pour ses tours de visuels, il n’a pas voulu pas utiliser d’accessoires spéciaux et a développé de nouvelles techniques de cartes pour obtenir des effets donnant l’impression qu’il utilisait des « gimmicks ». «Plus le temps passe, et plus je me concentre sur l’effet que le public voit. J’aime que cela soit compréhensible sans que je dise un seul mot. Mes numéros de close-up sont composés de routines de cartes, objets visuels et magie interactive.

David Copperfield et Cyril Takayama avec leur art de la narration, du visuel, et de la construction de numéros, sont ceux qui l’ont le plus influencé. « Leur style est tellement agréable à regarder, dit-il, et tout ce qu’ils ont fait dans le passé, reste meilleur que ce que nous voyons aujourd’hui..Mais j’apprécie tous les types et styles de tours et numéros avec des effets forts, et qui sont bien construits avec une chorégraphie très soignée. »

Des conseils à donner aux jeunes débutants? Selon lui, il faut tout explorer et il a tout essayé: magie pour enfants, sculpture sur ballons, manipulation, comédie, etc. «Quand on commence, il est normal d’avoir un modèle, de parler et bouger comme lui. Cette personne vous influence mais à un moment donné, il faut se concentrer sur ce qu’on aime le plus et  se développer personnellement. Prenez les meilleures parties de toute la magie que vous voyez et appropriez-vous ce qui vous correspond. Le plus important est d’être original et unique. »

Quand à la magie actuelle, Patrick Kun trouve qu’elle a beaucoup changé et qu’elle est plus populaire: soi-disant tout le monde peut devenir magicien grâce aux médias et réseaux sociaux. «J’ai l’impression qu’une autre génération peut réaliser de nouveaux tours, une minute après s’être entraînée! Les accessoires font alors tout le travail mais il est important de ne pas oublier les fondements de l’art magique et des les étudier en profondeur.  Pourquoi le faisons-nous? Ce que nous choisissons de montrer, représente ce qu’elle est pour des gens normaux  mais la plupart ne l’ont jamais expérimenté… Nous devons toujours donner une bonne impression de la vraie magie.

Sébastien Bazou

Interview réalisée le 20 octobre.

https://www.patrickkun.com/

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