Un message d’ Hala Mouganie
Un message d’Hala Moughanie
Cette autrice libanaise, connue chez nous, notamment aux Francophonies de Limoges (voir Le Théâtre du Blog) a, dit-elle, « toujours été fascinée par la propension innée du milieu artistique et culturel français à se saisir de causes diverses au nom de la Justice et par cette indignation naturelle. Cet engagement est inscrit dans son A.D.N. Même si je n’ai pas toujours partagé ses combats, j’ai été éblouie par ce génie français qui consiste à se soulever d’un coup, au nom de la liberté et du respect de l’autre.
Mais où sont donc tous les artistes, intellectuels, écrivains, quand la Palestine est rasée? Où sont ceux-là même qui portent bien haut les étendards de l’égalité, du pluriversalisme, du décolonialisme et autres, alors même qu’on meurt ailleurs ici, pas loin, en combattant le dernier bastion colonial de la planète? « Nous savons bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens », disait Nelson Mandela, un gars qui s’y connaissait en apartheid…
Même une tribune du monde de la culture parue discrètement hier dans le quotidien L’Humanité, deux semaines après le début de l’horreur et non relayée (y compris par ceux qui ont signée cette tribune) est bien molle à désigner le mal. Et elle s’assure de renvoyer dos à dos les deux parties… Le monstre sans visage auquel on se heurte est pourtant simple à nommer: il s’agit bien d’un système d’oppression et prédation que les Palestiniens affrontent avec courage et désespoir, conscients qu’ils offrent leur vie en sacrifice à l’humanité.
Rien n’a changé depuis les mots de Sankara : « Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine, la nécessité et l’obligation morale de respecter les droits d’un peuple. »
Où sont les voix si promptes à s’imposer et la rage qui s’exprime habituellement avec tant d’engagement et radicalité? Quand des hôpitaux sont rasés, que des femmes accouchent de morts-nés parmi les gravats, qu’on opère des nourrissons sans anesthésie et qu’un père emporte les membres de ses enfants morts dans des sacs en plastique? Cette orgie de mort ne vous remue-t-elle pas ?
Les Palestiniens sont-ils à sauver quand ils sont des victimes muettes, et à abandonner quand ils refusent le joug? Y-a-t-il des exactions plus acceptables que d’autres? Des nettoyages ethniques plus propres que d’autres?
Peu importe les enjeux politiques! Un peuple en ce moment même se fait effacer de la carte. La rage de ce côté du monde est immense. La dépossession des Palestiniens n’est que la trace visible de la dépossession séculaire de nos terres du Proche-Orient et arabes, de nos cultures, de nos mémoires, de notre Histoire. Face à elle, le silence des milieux culturels en France! Ses piliers seraient-ils enclins au double discours, une marque de fabrique de la politique politicienne française?
De quoi avez-vous peur?
Hala Moughanie