Tachkent de Rémi De Vos, mise en scène de Dan Jemmett
Tachkent de Rémi De Vos, mise en scène de Dan Jemmett
Avec cette comédie au titre « exotique » et à l’humour féroce, Rémi De Vos met en scène un auteur de théâtre au bout du rouleau, enfermé dans ses obsessions. Son entourage essaye de le faire sortir de sa léthargie (feinte ou réelle). Hervé Pierre incarne cet écrivain, un personnage monolithique, accablé par la vie! Il ne communique plus avec le monde mais se lance dans des diatribes musclées contre les metteurs en scène.
Sa compagne, ex-toiletteuse de chiens, s’occupe de lui mais n’y comprend rien ! Elle espère seulement toucher les droits d’auteur à sa mort… Dans ce rôle, Valérie Crouzet joue les parfaites godiches face à l’ex-épouse de l’écrivain, une actrice assez connue (interprétée par Clotilde Mollet) qui vient lui rendre visite en espérant peut-être le reconquérir.
Elle prend des airs de diva et établit un semblant de complicité avec le vieil homme en riant des malheurs de tous les écrivains russes : Tchekhov, Dostoïevski, Maïakovski… Et un comédien raté (Grégoire Oestermann obséquieux à souhait) tente de séduire le dramaturge.
Devant ces personnages virevoltant autour de lui, Hervé Pierre d’un regard malicieux prend le public à témoin de leurs grossières manœuvres pour tirer quelque bénéfice de son état…Il ne leur répond jamais mais ses sourires et ses coups d’œil en coin en disent long et il se contente de bordées haineuses contre les metteurs en scène, dignes d’un Thomas Bernard. Il les accuse de spolier les écrivains et d’exercer leur pouvoir sur leur dos: pour eux, un bon auteur est un auteur mort ! Rémi De Vos sait de quoi il parle et les gens de théâtre se reconnaîtront dans ces portraits.
Mais Tachkent échappe à l’entre-soi du théâtre en tissant une comédie sur un mode désabusé. Rémi De Vos a l’art de la formule qui fait mouche et offre une belle matière à ce quatuor d’acteurs exceptionnels. Dan Jemmett n’utilise pas les ressorts psychologiques du théâtre de boulevard comme, entre autres, la rivalité entre deux femmes. Sa mise en scène tire la pièce vers la farce (parfois un peu trop forcée !). Le burlesque des situations permet de dépeindre la férocité des rapports de force et l’hypocrisie qui prévalent dans toute société humaine.
Mieux vaut en rire, comme nous le propose l’auteur, retranché dans un Ouzbékistan mental et dont la dernière pièce, ironise le texte, sera jouée au fin fond du Caucase.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 5 novembre, Théâtre Marigny-Studio, Carré Marigny, Paris (Vlll ème). T. : 01 86 47 72 77.
Tachkent est publié chez Actes Sud-Papiers.