la Comédie-Française et les metteurs en scène, De Copeau, Jouvet… à Bob Wilson, Ostermeier d’Odette Aslan

 

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Livres et revues

La Comédie-Française et les metteurs en scène, De Copeau, Jouvet… à Bob Wilson, Ostermeierd’Odette Aslan

Le ministre de l’Éducation nationale et et des Beaux-Arts, au Gouvernement du Front Populaire, le grand Jean Zay né en 1904 et tué par la milice en 44, réussit en à peine quatre ans à mettre en place le C.N.R.S.  Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, mais aussi  le festival de Cannes. Impressionnant !
En1936, la Comédie-Française est en crise à la fois morale et financière. Au menu, désordre, manque de discipline, traditions usées, scénographie plus que vieillotte, jeu très conventionnel, public de plus en plus frileux, bref, il était temps d’agir! Et Jean Zay va nommer l’auteur dramatique Édouard Bourdet au poste d’administrateur avec un remarquable décret l’autorisant à faire des distributions sans tenir compte de ce qu’on appelait les «emplois» qui étaient souvent les chasses gardées des sociétaires de la Comédie-Française les plus importants, aux dépens des pensionnaires, plus jeunes…

Une véritable révolution depuis la création en 1680 de cette troupe, soit sept ans après la mort de Molière, et comme le rappelle justement dans sa préface Denis Podalydès, sociétaire, les acteurs choisissait jusque là les pièces et se répartissaient les rôles, non sans difficulté avec les auteurs.
Cette révolution suivit celle où le metteur en scène devint un artiste à part entière à la fin du XIX ème siècle. Avec en Russie, les immenses Stanislavski et Meyerhold, comme en Angleterre, Gordon Craig et en Allemagne, Piscator.  Seul maître à bord, il faisait enfin régner la discipline indispensable à toute création artistique et révolutionnait aussi le jeu,  la scénographie qui avait un rôle moteur dans la mise en scène, et les lumières.

En 36, Edouard Bourdet invita à venir travailler Jacques Copeau mais aussi Louis Jouvet, Charles Dullin et Gaston Baty, les metteurs en scène du célèbre Cartel avec Georges Pitoëff. Mais sans ce dernier qui n’était pas naturalisé français depuis assez longtemps! Il y eut alors un avant et un après… avec cette décision historique mais dont parlent très peu les histoires du théâtre. Avec un choix des textes contemporains ( pas toujours convaincants quatre-vingt après) mais qui avaient le mérite d’apporter un grand vent d’air frais dans une tribu d’acteurs assez refermée sur elle-même. Ce que montre bien Odette Aslan.

C’est à cette période que commence cette étude consacrés aux metteurs en scène français et étrangers qui ont travaillé à la Comédie-Française. Si la chose est maintenant courante, les acteurs comme les spectateurs abonnés n’appréciaient pas du tout à l’époque ce virage à 180 °. Odette Aslan étudie avec une grande précision douze réalisations. Des classiques comme Georges Dandin de Molière bousculé par Charles Dullin et qui fut assez  discuté, comme son mariage de Figaro qui recueillit des avis partagés de la critique.Mais aussi des pièces comme Un Chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche par Gaston Baty, Asmodée de François Mauriac, mise en scène de Jacques Copeau ou Le Cantique des Cantiques de Jean Giraudoux mis en scène de Louis Jouvet…

Puis furent invités et c’est l’objet de la seconde partie de ce livre des metteurs en scène étrangers: l’Anglais Terry Hands, les trois immenses Italiens Giorgio Strehler, Luca Ronconi et Dario Fo, les Russes Anatoli Vassiliev et Piotr Fiomenko, les Américains Bob Wilson avec une mise en scène mémorable d’un texte non dramatique, Les Fables de Jean de La Fontaine, le plus français de nos auteurs et Frédérick Wiseman, le Belge Ivo van Hove, l’Espagnol Andres Lima, les Allemands Klaus Michael Grüber qui mit en scène avec succès Bérénice en 84, Lukas Hemleb, Matthias Langhoff puis récemment Thomas Ostermeier, les Grecs Michel Cacoyannis avec Les Bacchantes d’Euripide et Yannis Kokhos avec Iphigénie de Racine, le Bulgare Galin Stoev, maintenant artiste-directeur du Théâtre de la Cité à Toulouse avec Marivaux, le Suisse Claude Stratz…
Bref, une collaboration de metteurs en scène étrangers d’envergure avec un choix de textes classique et actuels. Mais dans ce panel, un seul Africain ! le réalisateur burkinabé Idrissa Ouedraogo qui monta La Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire. Et sauf erreur de notre part, une seule femme ! Katharina Thalbach,  quand une autre femme, Muriel Mayette dirigeait la célèbre maison…  Même après tant d’années, la célèbre Maison n’échappe visiblement pas à un certain conservatisme.

Bien entendu, toutes ces réalisations, dont nous avons vu la majeure partie, n’ont pas la même force et sont vraiement réussies quand il y a une réelle adéquation entre l’auteur choisi, le metteur en scène et les acteurs du Français. Mais quand Thomas Ostermeier monte La Nuit des Rois dans une mise en scène qui se voulait novatrice et provocante avec force gags et acteurs en sous-vêtements, il n’a convaincu ni le public ni la critique. Comme son prétentieux Opéra de Quat’sous
Odette Aslan, en très bonne historienne, reste prudente dans ses jugements mais on lit entre les lignes qu’elle est parfois réticente quand à la qualité des spectacles. les metteurs en scène étrangers invités n’ont pas en effet tous conscience que la salle Richelieu a ses qualités mais qu’elle correspond rarement aux scénographies qu’il exigent et qu’ils doivent faire avec les acteurs disponibles à ce moment-là. Bref, les règles ne sont pas tout à fait les mêmes.

Et Odette Aslan a raison de pointer le doigt là où cela fait mal. Une seconde salle du genre Ateliers Berthier a toujours été souhaitée par les administrateurs mais projet après projet, les choses en sont restées là…
Ce livre de trois cent pages, solide, bien écrit et d’une clarté exemplaire, témoigne de l’histoire récente du théâtre en France. Mais les quelques illustrations choisies rendent mal compte pour les générations d’étudiants et de chercheurs, des mises en scène étudiées. Donc mieux vaut avoir sous la main les DVD qui offrent une meilleure vison du jeu de l’acteur et des analyses Et un catalogue en annexe aurait été le bienvenu mais bon… cette étude reste passionnante à plus d’un titre.

Philippe du Vignal

Presses universitaires de la Méditerranée, 360 pages. 35 €.


Archive pour 3 novembre, 2023

la Comédie-Française et les metteurs en scène, De Copeau, Jouvet… à Bob Wilson, Ostermeier d’Odette Aslan

 

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La Comédie-Française et les metteurs en scène, De Copeau, Jouvet… à Bob Wilson, Ostermeierd’Odette Aslan

Le ministre de l’Éducation nationale et et des Beaux-Arts, au Gouvernement du Front Populaire, le grand Jean Zay né en 1904 et tué par la milice en 44, réussit en à peine quatre ans à mettre en place le C.N.R.S.  Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, mais aussi  le festival de Cannes. Impressionnant !
En1936, la Comédie-Française est en crise à la fois morale et financière. Au menu, désordre, manque de discipline, traditions usées, scénographie plus que vieillotte, jeu très conventionnel, public de plus en plus frileux, bref, il était temps d’agir! Et Jean Zay va nommer l’auteur dramatique Édouard Bourdet au poste d’administrateur avec un remarquable décret l’autorisant à faire des distributions sans tenir compte de ce qu’on appelait les «emplois» qui étaient souvent les chasses gardées des sociétaires de la Comédie-Française les plus importants, aux dépens des pensionnaires, plus jeunes…

Une véritable révolution depuis la création en 1680 de cette troupe, soit sept ans après la mort de Molière, et comme le rappelle justement dans sa préface Denis Podalydès, sociétaire, les acteurs choisissait jusque là les pièces et se répartissaient les rôles, non sans difficulté avec les auteurs.
Cette révolution suivit celle où le metteur en scène devint un artiste à part entière à la fin du XIX ème siècle. Avec en Russie, les immenses Stanislavski et Meyerhold, comme en Angleterre, Gordon Craig et en Allemagne, Piscator.  Seul maître à bord, il faisait enfin régner la discipline indispensable à toute création artistique et révolutionnait aussi le jeu,  la scénographie qui avait un rôle moteur dans la mise en scène, et les lumières.

En 36, Edouard Bourdet invita à venir travailler Jacques Copeau mais aussi Louis Jouvet, Charles Dullin et Gaston Baty, les metteurs en scène du célèbre Cartel avec Georges Pitoëff. Mais sans ce dernier qui n’était pas naturalisé français depuis assez longtemps! Il y eut alors un avant et un après… avec cette décision historique mais dont parlent très peu les histoires du théâtre. Avec un choix des textes contemporains ( pas toujours convaincants quatre-vingt après) mais qui avaient le mérite d’apporter un grand vent d’air frais dans une tribu d’acteurs assez refermée sur elle-même. Ce que montre bien Odette Aslan.

C’est à cette période que commence cette étude consacrés aux metteurs en scène français et étrangers qui ont travaillé à la Comédie-Française. Si la chose est maintenant courante, les acteurs comme les spectateurs abonnés n’appréciaient pas du tout à l’époque ce virage à 180 °. Odette Aslan étudie avec une grande précision douze réalisations. Des classiques comme Georges Dandin de Molière bousculé par Charles Dullin et qui fut assez  discuté, comme son mariage de Figaro qui recueillit des avis partagés de la critique.Mais aussi des pièces comme Un Chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche par Gaston Baty, Asmodée de François Mauriac, mise en scène de Jacques Copeau ou Le Cantique des Cantiques de Jean Giraudoux mis en scène de Louis Jouvet…

Puis furent invités et c’est l’objet de la seconde partie de ce livre des metteurs en scène étrangers: l’Anglais Terry Hands, les trois immenses Italiens Giorgio Strehler, Luca Ronconi et Dario Fo, les Russes Anatoli Vassiliev et Piotr Fiomenko, les Américains Bob Wilson avec une mise en scène mémorable d’un texte non dramatique, Les Fables de Jean de La Fontaine, le plus français de nos auteurs et Frédérick Wiseman, le Belge Ivo van Hove, l’Espagnol Andres Lima, les Allemands Klaus Michael Grüber qui mit en scène avec succès Bérénice en 84, Lukas Hemleb, Matthias Langhoff puis récemment Thomas Ostermeier, les Grecs Michel Cacoyannis avec Les Bacchantes d’Euripide et Yannis Kokhos avec Iphigénie de Racine, le Bulgare Galin Stoev, maintenant artiste-directeur du Théâtre de la Cité à Toulouse avec Marivaux, le Suisse Claude Stratz…
Bref, une collaboration de metteurs en scène étrangers d’envergure avec un choix de textes classique et actuels. Mais dans ce panel, un seul Africain ! le réalisateur burkinabé Idrissa Ouedraogo qui monta La Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire. Et sauf erreur de notre part, une seule femme ! Katharina Thalbach,  quand une autre femme, Muriel Mayette dirigeait la célèbre maison…  Même après tant d’années, la célèbre Maison n’échappe visiblement pas à un certain conservatisme.

Bien entendu, toutes ces réalisations, dont nous avons vu la majeure partie, n’ont pas la même force et sont vraiement réussies quand il y a une réelle adéquation entre l’auteur choisi, le metteur en scène et les acteurs du Français. Mais quand Thomas Ostermeier monte La Nuit des Rois dans une mise en scène qui se voulait novatrice et provocante avec force gags et acteurs en sous-vêtements, il n’a convaincu ni le public ni la critique. Comme son prétentieux Opéra de Quat’sous
Odette Aslan, en très bonne historienne, reste prudente dans ses jugements mais on lit entre les lignes qu’elle est parfois réticente quand à la qualité des spectacles. les metteurs en scène étrangers invités n’ont pas en effet tous conscience que la salle Richelieu a ses qualités mais qu’elle correspond rarement aux scénographies qu’il exigent et qu’ils doivent faire avec les acteurs disponibles à ce moment-là. Bref, les règles ne sont pas tout à fait les mêmes.

Et Odette Aslan a raison de pointer le doigt là où cela fait mal. Une seconde salle du genre Ateliers Berthier a toujours été souhaitée par les administrateurs mais projet après projet, les choses en sont restées là…
Ce livre de trois cent pages, solide, bien écrit et d’une clarté exemplaire, témoigne de l’histoire récente du théâtre en France. Mais les quelques illustrations choisies rendent mal compte pour les générations d’étudiants et de chercheurs, des mises en scène étudiées. Donc mieux vaut avoir sous la main les DVD qui offrent une meilleure vison du jeu de l’acteur et des analyses Et un catalogue en annexe aurait été le bienvenu mais bon… cette étude reste passionnante à plus d’un titre.

Philippe du Vignal

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