Le Jeune Amour, deux contes de Jean de La Fontaine, mise en scène et interprétation deChristine Bayle
Festival Marin Marais
Le Jeune Amour, deux contes de Jean de La Fontaine, mise en scène et interprétation de Christine Bayle, avec Marianne Muller à la viole de gambe
Notre romancier national écrivit ces Contes, dits « licencieux », c’est à dire érotiques,qui sont longtemps restés soigneusement cachés comme les poésies de Baudelaire aux collégiens et lycéens (depuis, ils en ont vu bien d’autres sur leurs smartphones!). Ces contes sont moins connus que ses fables, mais tout aussi bien écrits et savoureux.
Le premier interprété par Christine Bayle est La Matrone d’Éphèse d’après le fameux Satyricon de Pétrone, écrivain romain qui inspira nombre d’écrivains et le grand Federico Fellini. Ici ,une jeune veuve succombe finalement malgré le deuil, aux charmes d’un beau soldat. C’est à la fois drôle et poétique. Et La Courtisane amoureuse, d’après Boccace, le célèbre auteur florentin du XIII ème siècle, est un texte qu’avait adapté Emilie Valantin avec grand talent il y a une dizaine d’années pour ses marionnettes. Une belle et jeune prostituée vit fort bien de ses charmes mais va tomber amoureuse. «Du moins, Camille, excusez ma franchise/Je vois fort bien que quoi que je vous dise/Je vous déplais. Mon zèle me nuira./Mais nuise ou non, Constance vous adore: /Méprisez-la, chassez-la, battez-la; si vous pouvez, faites-lui pis encore;/Elle est à vous.» Et la belle Constance deviendra séductrice et aimera enfin….
Il y a, à chaque vers, une volonté de transgression des convenances et La Fontaine évoque le plaisir sexuel mais dans un langage poétique, à la fois provocant et élégant, du genre : « l’herbe en fut encore froissée. » Bref, il met les points sur les i, et là où cela fait du bien mais avec douceur, appel à l’imagination et pudeur (?). Et il met un malin plaisir à suggérer, voiler pour ensuite mieux dévoiler et provoquer… Un exercice de haute voltige… Il maîtrise admirablement la langue française et ces contes, plus de quatre siècles après, restent faciles à lire…
Christine Bayle, actrice et danseuse et chorégraphe qui créa avec Francine Lancelot et les compagnies L’Eclat des Muse puis Belles Dances dit ces contes avec un charme remarquable et une grande précision dans la diction. Ce n’est pas heureusement! incompatible mais par les temps qui courent, devient assez rare et mérite d’être souligné.
Et l’incursion ici proposée par Christine Bayle dans le monde de l’amour et du sexe vus par La Fontaine, est un vrai bonheur.
Ce court spectacle bien rodé, est souligné et ponctué par des musiques baroques comme, entre autres, celles des célèbres Sainte-Colombe et Marin Marais (deuxième partie du XVII ème siècle) mais aussi contemporaines de Bruno Giner, toutes merveilleusement jouées par Marianne Muller à la viole de gambe.
Seule réserve: cette belle cave voûtée, mal éclairée et assez étouffante, n’est pas vraiment adaptée à ce genre d’exercice. Et on aimerait réécouter Christine Bayle et Marianne Muller dans un hôtel particulier du proche Marais. Là où Jean de la Fontaine aimait tant aller, loin de sa femme à Château-Thierry, fréquenter la société libertine de son temps…
Philippe du Vignal
Spectacle joué le 22 octobre dans la cave du 38 rue de Rivoli, Paris (Ier).
Le festival Marin Marais a eu lieu du 22 septembre au 22 octobre à Paris. Association Caix d’Hervelois: assoc.caix@orange.fr