Le point de vue de Jacques Livchine à travers plusieurs textes récents
Le point de vue de Jacques Livchine à travers plusieurs de textes récents
« J’étais oisif, en proie à une lourde fièvre: j’enviais la félicité des bêtes, les chenilles, qui représentent l’innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité », écrivait Arthur Rimbaud dans Une Saison en enfer.
Il y a des jours où je voudrais être un chien, et dormir paisiblement. Il y a des jours où je voudrais être un arbre. Il y a des jours où je voudrais me boucher les yeux et les oreilles.
Je pense à cette nuit de la Saint-Barthélémy où le 24 août 1571, des milliers de catholiques avec une gigantesque haine ont massacré les protestants: 3.000 à Paris et de 5.000 à 10.000 dans toute la France, voire 30.000 selon certaines sources. Et les Croisades? On raconte que nos merveilleux Croisés lors de la conquête de Jérusalem, égorgeaient les bébés arabes « impies » , puis les mangeaient, cuits à la broche…
Un jour à Berlin, j’ai voulu aller à la villa Marlier, plus connue sous le nom de » Maison de la conférence de Wannsee ». Le 20 janvier 1942, quinze hauts responsables du Troisième Reich y ont préparé l’organisation administrative, technique et économique de l’extermination des Juifs en Europe. C’est depuis 92, un lieu de mémoire et d’enseignement.
Sur les photos, j’ai scruté longuement les visages de ceux qui étaient présents à cette conférence. Employés de banque ou de sociétés d’assurance, souvent chrétiens pratiquants, personnages absolument inoffensifs et à l’aspect pacifique au possible.
Et Adolph Eichmann, passionné de culture juive, jouait du violon et ne supportait pas de voir une goutte de sang. Et voilà, en deux heures, quinze hommes ont préparé » la solution finale »! Une réunion amicale où ils se servaient des liqueurs suaves….
Jacques, tais- toi, tu es en train de faire un point Godwin, (une discussion qui dure et qui peut amener à remplacer des arguments par des analogies extrêmes et toujours fondée sur un syllogisme).
Cela n’a rien à voir mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser… Ce qui se passe à Gaza n’est ni un génocide ni une extermination massive ou une épuration ethnique. Et non plus une révolte du peuple palestinien enfermé dans la bande de Gaza, une prison à ciel ouvert…
Il y a eu d’abord le terrible massacre de 1.500 Israéliens par les dirigeants du Hamas, appelés terroristes par les uns, résistants par les autres. L’heure est à la vengeance et nous allons assister à l’anéantissement de la bande de Gaza. Les réservistes israéliens, la fleur au fusil, eux, accourent du monde entier pour en découdre. Il y aura des morts par milliers, civils et combattants israéliens ou palestiniens.
Le siège de Gaza a commencé mais pas de journalistes pour savoir ce qui se passe. Plus d’eau, électricité, nourriture et une trêve humanitaire a été refusée. De mon balcon, j’assiste terrifié, horrifié et impuissant à cette tuerie d’une cruauté inimaginable. Qui peut mettre fin à cette boucherie? L’opinion publique du monde entier? Joe Biden? Les pays arabes ? Que peut un stylo contre un tank ?
Bien sûr, Israël a le droit d’exister et les Palestiniens aussi. J’ai des images tranquilles de mes voyages en Israël. A Jaffa, nous déjeunions dans des restaurants arabes, comme à Haïfa, Saint-Jean d’Acre ou à Tel Aviv, l’excellent houmous des Yéménites. Etaient-ils Juifs ou Arabes ?
« Qui, a dit récemment le grand rabbin Haïm Korsia, peut être heureux de voir des victimes civiles retenues en otage par le Hamas et utilisées comme des boucliers humains? »
De son côté, Chems-Eddine Hafiz, lui, recteur de la grande mosquée de Paris, rappelle qu’il « est anormal qu’un musulman soit antisémite ». (…) « La communauté juive souffre aujourd’hui et nous souffrons avec elle ». L’Islam ordonne de ne jamais s’attaquer à des civils et de ne jamais les prendre en otage. Mahomet respectait les prophètes juifs et les deux peuples peuvent coexister. »
C’était le troisième thème du dernier kapouchnik, notre cabaret mensuel au Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs). J’ai dit : un Juif s’est glissé dans la salle. C’est la première fois que je m’expose…
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On entend beaucoup l’expression: « par les temps qui courent ». Nous avons sans arrêt la sensation de vivre les moments les plus terrifiants , les plus dramatiques, les plus horribles des soixante-dix dernières années….
Nous oublions les tortures de la guerre d’Algérie, le napalm de la guerre du Viêt nam, les morts à la station Charonne à Paris, le 17 octobre 1961, l’apartheid en Afrique du Sud abolie seulement le 11 septembre 2001. A chaque fois, nous avons l’impression d’être au sommet de l’ignominie humaine! Arrive la crise sordide du 7 octobre! On est sidéré, déchiré, perdu. On appelle à l’aide les plus grands penseurs, les intellectuels mais il n’y a plus de Jean-Paul Sartre ou d’Albert Camus! Nous sommes des orphelins de la pensée.
« Imagine qu’il n’y ait pas de Paradis./C’est facile si vous essayez. /Pas d’Enfer en dessous de nous./Au dessus de nous, seul le ciel. /Imaginez tous les gens /Vivre pour aujourd’hui/Ah! Imagine qu’il n’y ait pas de pays. /Ce n’est pas difficile à faire. (…) Et pas de religion non plus. /Imaginez tous les gens/Vivre la vie en paix. /Toi, tu peux dire que je suis un rêveur. /Mais je ne suis pas le seul./J’espère qu’un jour vous vous joindrez à nous. (….) Imaginez tous les gens/Partager tout le monde. (…) »
Jacques Livchine, codirecteur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs).
On condamne la violence du fleuve qui déborde mais on ne voit pas la violence des rives. Brecht