Macbeth Underworldde Pascal Dusapin, livret de Frédéric Boyer,direction musicale de Franck Ollu, mise en scène de Thomas Jolly (en anglais surtitré)

Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, livret de Frédéric Boyer, direction musicale de Franck Ollu, mise en scène de Thomas Jolly (en anglais surtitré)

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© Stefan Brion

Le monde souterrain de Macbeth: une forêt inextricable d’arbres morts comme frappés par la foudre sous un ciel tourmenté où s’inscrit en lettres fluo : «Ici on peut voir un tyran. » impressionne  le public dès son entrée dans la salle. Hécate, déesse de la nuit et de la mort, haut perchée dans des atours élisabéthains, convoque le couple maudit. «Regardez, ils reviennent encore sur la scène», chante John Graham Hall (ténor) qui incarnera plus tard le Portier de l’enfer, oracle à ses heures.

Car nous sommes aux portes de l’enfer: Macbeth et sa Lady, âmes errantes et fantômes crépusculaires, apeurés par l’image d’un homme en sang avec un poignard planté dans le dos, et d’un enfant de blanc vêtu. Tous habillés de costumes immaculés…
Des branches d’arbres, surgissent les Sœurs bizarres, avatars des trois sorcières dans Macbeth de Shakespeare. Harpies harceleuses et moqueuses à l’éclatante chevelure rouge, elles apparaissant de tableau en tableau et chantent leurs prophéties obsédantes et mensongères pour aiguiser l’appétit de pouvoir de Macbeth.

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© Stefan Brion

 

Ces créatures de la nuit lui tendent un poignard fantôme et répètent :«Beau est noir, noir est beau.» Elles hantent aussi les rêves de lady Macbeth et chantent un Requiem pendant le couronnement macabre des époux meurtriers… Macbeth Underworld nous emmène dans le cauchemar et les méandres de leurs âmes coupables. Condamnés à revivre éternellement leurs crimes odieux, ils sont poursuivis par les spectres de leur victime et celui d’un enfant inconnu: un fils du roi qu’ils ont fait assassiner? Ou un bébé mort-né arraché du sein de lady Macbeth? «Pauvre petit oiseau» chante Macbeth. A la fin, le mystérieux garçon le terrassera, avec sa voix d’ange devenue poignard.

Pour revisiter Shakespeare, Pascal Dusapin a écrit sa partition -en collaboration étroite avec Frédéric Boyer. Cet érudit, traducteur de Shakespeare, de la Bible et Saint-Augustin, est par ailleurs poète et directeur des éditions P.O.L. : «Ça s’est fait comme ça, mot à mot », dit le compositeur. Ainsi, la musique colle au texte anglais, et inversement. Tout est chanté sans ouverture ni transitions.
La pièce est resserrée sur la descente aux ténèbres du couple dans une suite de fantasmagories, jusqu’à la folie suicidaire de lady Macbeth et au ressassement aveugle de son mari.
Ils rejouent 
 avec les mots de Shakespeare, réduits à l’os par l’adaptation, pour en extraire la substantifique moelle: «Nous avons préféré, dit Frédéric Boyer, créer avec Pascal Dusapin, une sorte de digression noire et enchantée de l’œuvre et de son mythe. »

Bruno de Lavenère matérialise cet outre-monde sinistre avec une scénographie où les branchages avancent et s’écartent pour laisser surgir les hautes tours du château et un lit conjugal dans les appartements imposants des époux. Grâce à un habile jeu de cache-cache, les interprètes apparaissent puis disparaissent dans le clair-obscur, montent des escaliers, escaladent les arbres…
Thomas Jolly impulse un mouvement perpétuel en rythme avec la musique qui éclate en larges jets instrumentaux, joués 
par l’orchestre de l’Opéra national de Lyon, sous la direction musicale délicate et puissante de Franck Ollu. 

Parmi les nombreux vents et cordes, les instruments de bruitage, on entend aussi un archi-luth (luth ténor au long manche de théorbe), emblématique de l’époque élisabéthaine. Katarina Bradić, mezzo-soprano vibrante et souple, épouse les lamentos de lady Macbeth. Jarrett Ott, baryton à la voix puissante et ductile, passe par tous les états d’âme de Macbeth. Les Weird Sisters (Sœurs bizarres) Maria-Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert et Melissa Zgouridi mêlent leurs tessitures acidulées.

Sans effets spectaculaires, cet opéra à la mise en scène parfaitement huilée et au grand pouvoir visuel et musical, nous emmène dans le monde fantastique-mais en plus sombre-des mythologies celtiques à la Tolkien. A travers Shakespeare et sans le paraphraser, Pascal Dusapin et l’équipe artistique parlent d’un monde de bruit et fureur, peuplé de nos cauchemars contemporains et habité par des souverains sanguinaires. A la fin, Macbeth devient un monstre de foire et on peut voir,  les mots du début peints sur un écriteau : « Ici, on peut voir un tyran. »
Une mise en garde contre le recul de nos démocraties? Cette question est encore plus criante depuis que le spectacle a été créé en 2019 au théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 12 novembre, Opéra-Comique, 1 place Boieldieu, Paris (II ème). T. : 01 70 23 01 31.
Et le 20 décembre sur France Musique.


Archive pour 8 novembre, 2023

Sauvage de Karin Serres, conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

Sauvage de Karin Serres,  conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

L’autrice, qui est aussi metteuse en scène et traductrice de théâtre, a écrit une soixantaine de pièces surtout pour le jeune public, mais aussi des romans. Ce « thriller éthologique, premier volet d’un diptyque sur le cycle du vivant » est l’histoire de Fil, Dragonfly, Tak des collégiens qui s’échappent régulièrement d’un internat, le jour comme la nuit pour aller dans une proche forêt et s’y créer un espace de liberté. « On se tire dehors en secret, on s’ensauvage de la terre plein nos semelles-nos mains: mmmh, le feu de bois, la nuit tombe, l’herbe gelée craque sous tes bottes tu marches à pas lents dans la blancheur infinie. » (….)
Ils vont aller de plus en plus loin dans cette forêt, et plus longtemps. Bien reliés au vivant qui les entoure. « Plus ça va, moins on parle, nous dehors, dans la friche dingue de printemps plus ça va, plus on grogne, on siffle, on se parle par gestes, on rit on broute notre bouffe, on lappe la flotte, on grille des trucs sur un feu on se fabrique des cabanes comme des nids géants
on court pieds nus dans la forêt archi verte on grimpe aux arbres, on se balance aux branches ça sent le sucre, les fleurs, la sève quand il pleut, on s’abrite plus, on danse : pogo ! dans les flaques aussi, après : flatch , flatch ! masques de boue, marques de mains plumes dans nos cheveux emmêlés comme du crin on observe si longtemps sans bouger qu’on arrive à arrêter le temps on se prend par les épaules et on crie : sauvage de toutes nos forces : sauvage ! à chaque joie, à chaque truc réussi : SAUVAGE ! « 

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Repérés par un piège photographique et dépassés par l’ampleur de ce qui leur arrive, ils vont repartir mais cacheront leur secret. Bien entendu l’aventure s’arrêtera là et de façon un peu conventionnelle. « Bleu des gyrophares dans la nuit trempée : histoire terminée Samu, police, pompiers, l’usine grouille d’une foule frigorifiée le proviseur débarque, cheveux collés au front, pas réveillé exclusion définitive à effet immédiat. »


Il y a de l’animal et du végétal dans ce texte-hommage aux êtres vivant sur cette planète. Seule en scène, Annabelle Sergent donne vie à tous les personnages de cette fable. Sur ce grand plateau, de minces tiges noires pendent en bougeant légèrement. Comme une image d’arbres sous un éclairage glauque. La s
cénographie et les lumières d’Yohann Olivier, comme la création sonore de Régis Raimbault et Jeannick Launay, sont tout à fait remarquables. Et  grâce à cette symbiose, naissent parfois des images très poétiques.
Côté direction d’acteurs et mise en scène (non créditée!), là c’est encore trop approximatif.  Et même si Annabelle Sergent a une belle gestuelle, l’inutile micro H.F. dont elle est affublée ne résout rien : il faudrait absolument qu’elle soit dirigée et articule son texte. Là, il y encore du travail… Désolé mais il n’y a pas tout à fait le compte et le jeune public a droit au meilleur. A suivre…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre Municipal d’Angers (Maine-et-Loire), le 7 novembre.

Le 23 novembre , Festival des Beaux Lendemains, Ploufragan (Côtes-d’Armor).

Les 8 et 9 décembre, Scènes de pays dans les Mauges (Maine-et Loire).

Les 16 et 17 janvier Le Parvis-Scène nationale, Tarbes, (Hautes-Pyrénées).

Les 8 et 9 février, L’Empreinte-Scène nationale Brive-Tulle, Brive (Corrèze). Le 15 févrierLes Transversales, Scène conventionnée cirque de Verdun (Meuse).

Les 14 et 15 mars, Saison culturelle, Ernée (Mayenne). Les 28 et 29 mars, Carré-Colonnes, Scène nationale de Blanquefort (Gironde).

Les 8 et 9 avril, Le Carré-Scène nationale de Château-Gontier (Mayenne). Les 11 et 12 avril. Le Théâtre-Scène nationale Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Les. 25 et 26 avril.
La Genette Verte, dans le cadre des Scènes croisées ,Florac (Lozère). Les 29 et 30 avril
Scène nationale d’Albi (Tarn).

Le 16 mai, dans le cadre de Scènes de territoire,Théâtre de Bressuire (Deux-Sèvres).

 

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