Hélène après la chute,texte et mise en scène de Simon Abkarian

Hélène après la chute, texte et mise en scène de Simon Abkarian

L’auteur-metteur en scène et ancien acteur du Théâtre du Soleil, avait créé en 2012 Ménélas Rebétiko Rhapsodie le roi de Sparte blessé se confiait sur l’enlèvement d’Hélène, sa femme par le jeune et beau Pâris, fils de Priam, roi de Troie. Puis une version de la fameuse tragédie de Sophocle avec Électre des bas-fonds.
Ici, la guerre de Troie entre Grecs et Troyens est finie, Pâris, l’amant de la belle Hélène  est mort au combat et elle retrouve Ménélas retrouve dans sa chambre, celle de Pâris. Rideaux rouge et bleu, murs dorés, miroirs un peu partout comme dans un bordel au luxe bien vulgaire, grandes portes en fond de scène coulissantes avec ensuite, une grande statue noire amputée des bras, un grand canapé monté sur roulettes (Hélène y restant assise ou pas ou avec Ménélas, c’est selon).

© Antoine Agoudjian

© Antoine Agoudjian

On le sait, ce genre de clin d’œil scénographique, ici très appuyé ! fonctionne rarement au théâtre ou alors il y faut du génie et il écrase ici les protagonistes. L’ensemble du décor aussi imposant que laid, ne facilite en rien le jeu des acteurs. Et côté costumes, Hélène (Aurore Frémont) aux longs cheveux blonds mais (mal) décolorés est en maillot de bain noir, les seins presque nus  et vêtue d’un long manteau, avec de hautes chaussures dorées. Comme le tissu du grand canapé, lui aussi doré comme les murs… Tous aux abris. La tenue militaire de Ménélas (Brontis Jodorowsky)- un habit bleu foncé (à boutons eux aussi dorés)  et un grand manteau de tulle noir)- est sobre et plus convaincante !

Un bon argument de pièce et  à notre connaissance, pas exploité. Là, Simon Abkarian a visé juste. L’ancien couple qui s’est autrefois aimé, se retrouve après dix ans d’une guerre terriblement longue et épuisante pour leurs pays. Ménélas a été blessé physiquement et moralement mais cherche quand même à revoir Hélène. » Tu es parie sans te retourner et moi j’ai souffert sans désir de guérison. (…) Vous avez embarqué en dansant, enlacés l’un dans l’autre. L’au n’efface rien, tout est gravé dns mes yeux. Ce matin-là, debout sur la jetée, j’ai cessé d’être Ménélas. Ce matin-là, le roi de Sparte est tombé à genoux dans le creux d’une vague qui s’échouait sans fin. » On le devine, les retrouvailles ne vont pas être des plus faciles (sinon il n’y aurait pas de pièce!) et une joute verbale commencera très vite entre eux…
Les personnages tragiques féminins, contrairement à ce que l’on dit souvent, ne manquent pas dans le théâtre antique. Et cela dès Eschyle, avec dans Les Perses, Atossa, la vieille reine sublime et mère de Xerxès, puis dans Les Sept contre Thèbes, Ismène et Antigone, dans L’Orestie: Clytemnestre, Electre, Cassandre, la déesse Athéna et les terribles Euménides. Et chez Sophocle, de nouveau, Electre, Antigone, mais aussi Jocaste.
Et chez Euripide, encore Electre et Clytemnestre, mais aussi Andromaque, Hermione, Alcmène, Vénus, Phèdre, Diane, Les Bacchantes, et encore Antigone et Ismène  Et Hélène, personnage d’une tragédie éponyme (pas la meilleure du grand dramaturge…) Et c’est bien une des rares Hélène avec celle de L‘Iliade d’Homère avec celle de la célébrissime opérette La Belle Hélène de Jacques Offenbach…

Simon Abkarian lui, habilement, fait se retrouver dans une après-guerre Ménélas et Hélène.  Avec leurs vies respectives depuis dix ans, leurs promesses, leurs souvenirs, leurs échecs et leurs reproches et qui sait, peut-être un vieux reste de passion amoureuse… ils ont sûrement des choses à se dire. Mais pourquoi Pâris tient-il à revoir Hélène qui n’est sûrement plus celle qu’il a connue. «Pourquoi m’as-tu fait venir? dit-elle Que veux-tu de moi ? Que vas-tu faire de moi ? »
Dans la légende homérique, Ménélas pardonnera à Hélène. Ils mettront huit ans à revenir à Sparte, après avoir connu diverses errances en Méditerranée.
Et elle aurait alors été une épouse fidèle.
Ici, Pâris lui fait bien comprendre que, guerrier accablé par le temps à faire cette guerre, il reste aussi un homme juste et doux… Mais elle doit aussi admettre qu’il a tout pouvoir sur celle qui a vécu avec un homme du camp adverse.
Qu’ont-ils à gagner l’un et l’autre à ces retrouvailles? Pourront-il refaire l’amour ensemble? «Ce qui m’a toujours ému dans les tragédies, ce sont ces moments fatidiques où le temps s’arrête et où les personnages qui sont censés être l’un à l’autre, ne savent plus se reconnaître, dit subtilement Simon Abkarian.  Ils ne savent plus croire ni au retour ni à la résurrection de l’autre. Malgré leurs yeux et leurs oreilles, ils nient l’évidence même de la présence et exigent autre chose qu’un corps. Ce qu’ils veulent, c’est un souvenir venu du fond de leurs mémoires, un récit qui saurait déjouer les doutes les plus coriaces, un secret qui les lierait dans la nuit de leurs étreintes perdues. »

Simon Abkarian brode avec subtilité  (les dialogues poétiques ont quelque chose de La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux) sur l’histoire de cette Hélène devenue, après la mort de Pâris, la femme de Déiphobos, un autre fils de Priam. Mais une fois finie la guerre de Troie, elle retrouva Ménélas qui la ramena dans son palais à Sparte, après huit ans de voyage. Ici, nous la voyons seulement partir avec lui , la main dans la main vers la grande porte du fond, une  très belle image…
Cela dit, la mise en scène est loin d’avoir la même qualité que le texte. Mais surtout la direction d’acteurs est aux abonnés absents! Brontis Jodorowsky a une présence indéniable mais laisse souvent tomber ses phrases dans sa barbe.
La qualité de la gestuelle d’Aurore Frémont ne laisse aucun doute (merci l’Ecole Jacques Lecoq) mais, côté diction là, cela ne va ps et on l’entend souvent très mal. Sauf, quand à de rares moments, elle est face public. Simon Abkarian doit revoir les choses en urgence: c’est vraiment dommage que ce texte intéressant soit aussi mal dit. Alors à vous de voir si cela vaut le coup mais vous l’aurez compris, ce spectacle est bien décevant et la salle était loin d’être pleine!

Philippe du Vignal

Jusqu’au 25 novembre, Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, 2-4 Square de l’Opéra-Louis Jouvet,  Paris (IX ème). T: 01 53 05 19 19.

Le 15 décembre, Théâtre de Suresnes ( Hauts-de-Seine).

Les 19, 20, 21 et 22 décembre, La Criée-Théâtre national de Marseille. Le texte de la pièce est édité chez Actes-Sud-papiers.

 

 

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