Le dixième anniversaire du Paris-Villette L’Expérience de l’arbre,conception, mise en scène et scénographie de Simon Gauchet

Le dixième anniversaire du Paris-Villette

Dix ans à la tête de ce théâtre: Adrien de Van et Valérie Dassanville célèbrent cet anniversaire avec un spectacle qui leur ressemble. Quand la Ville de Paris leur en a confié les rênes pour en faire une Scène contemporaine-Jeunesse, ils ont repris le flambeau d’un bel héritage. Peu avant la fermeture des abattoirs de la Villette en 74, l’actrice Arlette Thomas (1927-2015) y installa sa compagnie Le Théâtre Présent dans la Bourse aux bestiaux, alors à l’abandon.
Puis de 1986 à 2013, grâce à Patrick Gufflet qui l’a dirigé pendant vingt-six ans, arrive une nouvelle génération d’artistes : Yasmina Reza, Joël Pommerat, Claire Lasne …
Aujourd’hui, le Théâtre Paris-Villette dispose aussi d’une Scène associée Le Grand Parquet qui, rebaptisé Maison des artistes, accueille des équipes pour un moment de création et présenter des projets. C’est donc un lieu de repérage artistique.
Ici, dans la grande salle refaite à neuf, Simon Gauchet et un acteur de théâtre nô, vont parler arbres et théâtre. Notre amie Christine Friedel avait vu, il y a juste quatre ans,
L’Expérience de l’arbre à la Maison de la  Culture du Japon.

Mireille Davidovici

 

L’Expérience de l’arbre, conception mise en scène et scénographie de Simon Gauchet, sous le regard d’Éric Didry

Il était une fois un jeune metteur en scène français qui était aller chercher à Kyoto, avec respect et révérence, une leçon sur l’art du nô. Que pouvait-il donner en échange? Y revenir et transmettre à son professeur et partenaire, quelque chose du théâtre occidental. Ce qui eut lieu, dix ans plus tard.
Simon Gauchet, en résidence pendant trois mois à la villa Kujoyama et Tatsushige Udaka se sont retrouvés pour ce qui allait devenir 
L’Expérience de l’arbre.

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Il était une fois un arbre : celui qui, à Fukushima, avait résisté au tsunami, seul debout au milieu de soixante-dix mille pins abattus. Il ne vécut pourtant pas longtemps, infiltré d’eau salée contaminée. Mais les habitants décidèrent d’en faire le totem de leur propre résilience. Coupé en neuf morceaux, injecté de résine, redressé, il reste l’Arbre du Miracle. Cette histoire est liée au théâtre nô et Tatsushige Udaka nous rappelle qu’un arbre figure toujours dans le décor et c’est à lui que l’acteur s’adresse, même s’il est dans son dos. Et chaque personnage porte l’âme d’un cerisier, pin… L’arbre, comme le théâtre-bien qu’il ne nous l’ait pas dit- établissant un lien entre la terre et le ciel, entre le pays des morts et la lumière.

Une scénographie simple avec un toit en pagode juste évoqué et un écran où se projettent les ombres de branches. Et l’échange entre les partenaires garde quelque chose d’un plaisir enfantin: le Ôoooo grave, prolongé et puissant du théâtre nô a de la peine à sortir d’un gorge européenne! Et les Rrr des éructations d’Antonin Artaud (enregistrées sur un disque 78 tours plein de craquements) ont du mal à passer la gorge d’un acteur japonais!
D’une tradition, l’autre : le Breton va chercher vers la reconstitution du jeu et de la diction baroques (
Le Chêne et le Roseau, façon XVII ème) quelque chose qui serait une tradition (Benjamin Lazar lui a donné un coup de main). Mais il sait bien qu’il n’y a pas de symétrie possible entre théâtre occidental et théâtre japonais. D’un côté, la danse de l’éventail, vieille de sept cents ans, et de l’autre, l’incarnation d’un rôle et d’une adresse: les efforts patauds des apprentis, chacun de son côté, font rire.
Et se pose aussi, et de façon plus grave, la question de la transmission. Dans le Japon d’aujourd’hui, le nô est peut-être éternisé artificiellement, comme l’arbre-symbole….Une inquiétude en ces temps de mutations mondiales. Mais il y a de la joie à travailler sur les héritages. Dans la musique, à la fois ultra-contemporaine et presque baroque et religieuse, de Joaquim Pavy, Simon Gauchet peut reconstruire son arbre démembré et danser avec lui, longuement, Et à petits pas, revient Tatsushige Udaka, en costume de cérémonie…

Le spectacle, créé à Rennes au théâtre de la Paillette pour le festival du Théâtre National de Bretagne en 2019 est bien à sa place à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Il joue sur l’appétit et le plaisir des échanges entre deux cultures. Notre voyageur développe son Ecole Parallèle Imaginaire, hors des chemins battus et parfois sur des voies navigables et bâtit à Bécherel (Ile-et-Vilaine), le village du livre, un tiers-lieu en milieu rural. Ancré dans une tradition peut-être oubliée, le nouveau théâtre se réinvente au-delà des rituels de la représentation. Après cette Expérience de l’arbre, nous avons hâte d’en découvrir les jeunes pousses forestières…

 Christine Friedel

 Jusqu’au 19 novembre, Théâtre Paris-Villette, avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème).

Les 19 et 20 mars,Théâtre du bois de l’Aune, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

Le 14 mai, Théâtre municipal de Saint-Lô (Manche)


Archive pour 18 novembre, 2023

Cross Roads to synchronicity, chorégraphie de Carolyn Carlson

Cross Roads to synchronicity, chorégraphie de Carolyn Carlson 

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© Frédéric Iovino

 L’élégance et la poésie de la créatrice américaine ne se sont jamais démenties, depuis Rituel pour un rêve de mort (1971) à son arrivée en France), jusqu’à Signes (1997), un grand succès à l’Opéra de Paris.
A
près Synchronicity (2012), avec la reprise de Crossroads to Synchronicity (2017), elle nous entraîne avec une ferme douceur dans une succession de tableaux oniriques avec toujours, une patte très personnelle. Et au terme de «chorégraphie», elle préfère celui de «poésie visuelle» pour désigner son travail.
Carolyn Carlson, inspirée par Carl Gustav Jung, nous mène sur les « chemins de traverse vers la synchronicité». Pour ce philosophe et psychiatre suisse, le hasard fait bien les choses et nous envoie des signes, sous forme de coïncidences éclairantes qui arrivent à des moments cruciaux de nos vies: deuil, rupture, rencontre. Nous devenons alors réceptifs à ces signes qui font sens. 

Le peintre Cédric Carré a conçu un scénographie d’inspiration surréaliste où l’espace se creuse en mystérieux corridors de lumière. Crossroads to synchronicity met en scène des instants-clefs sous forme de courtes séquences. Un film en noir et blanc, réalisé par la chorégraphe, est projeté dans une petite fenêtre où les danseurs apparaissent comme leurs doubles fantomatiques, dans les eaux troubles de leurs perceptions subjectives. 

Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani ou Sara Simeoni, Yutaka Nakata, Sara Orselli se croisent, s’agrègent, s’affrontent, se quittent ; ils tombent, titubent, dansent un rock endiablé ou une valse triste, disparaissent, puis reviennent dans un flux perpétuel… Avec, autour d’une table et sur les chaises, devant une porte, des éléments qu’ils apportent puis qu’ils font disparaître.  La danse nous emmène vers des paysages contrastés, sur les musiques de John Adams, Ry Cooder, Bon Iver, Tom Waits, Laurie Anderson, Alela Diane, Jean Sibelius, Clint Mansell, Bob Dylan, Gavin Bryars, Bruce Springsteen, Henry Purcell. Comme pour un voyage dans l’Amérique des années soixante et soixante-dix…
Les interprètes se glissent dans ces fantasmagories avec une tendre énergie, habillés chic par Elise Dulac et Emmanuelle Geoffroy. Les femmes, à la longue chevelure et aux robes fluides, semblent flotter, deviennent farouches ou puissantes guerrières dans le même costume noir que leurs partenaires masculins Ceux -ci sont parfois torse nu avec de longs cheveux. Une manière de décloisonner les «genres» en douceur. ..

Elève d’Alwyn Nicolais (1910-1993) puis soliste dans sa compagnie, Carolyn Carlson fut ensuite étoile et chorégraphe à l’Opéra de Paris puis à la tête du Ballet Cullberg.  Après neuf ans à la direction du Centre Chorégraphique National de Roubaix, elle créa la Carolyn Carlson Company.
Aujourd’hui à quatre-vingt ans, elle poursuit une démarche créatrice, avec tact et dynamisme à la fois… Ce spectacle de soixante-douze minutes traduit en partie la synchronicité selon Carolyn Carlson. Une pensée poétique en mouvement, à la fois aigüe et gracieuse, énergique et rêveuse. Elle nous laisse méditer sur ces mots de Carl Gustav Jung: « Devenir fou ne relève pas de l’art mais extraire la sagesse de la folie, voilà tout l’art. (…) Si Dieu n’a pas joué aux dés, il n’avait pas le choix de créer autre chose qu’une machine qui, pour l’homme, n’a pas de sens. »

Mireille Davidovici

Jusqu’au 3 décembre, Théâtre Libre, 4 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 42 38 97 14.

Andromaque de Jean Racine, mis en scène de Stéphane Braunschweig

Andromaque de Jean Racine, mis en scène de Stéphane Braunschweig

Une tragédie en cinq actes et en alexandrins, écrite et créée en 1667 par Jean Racine qui devient alors un auteur reconnu. La plus jouée à la Comédie-Française et ailleurs.  Mise en scène brillamment par Antoine Vitez en 71, par Anne Delbée en 83, Roger Planchon en 89 avec Miou-Miou ( si, si) et Christine Boisson.  Et en 97 par Jean-Louis Martinelli en 97. La pièce continue, plus de trois siècles après, à fasciner acteurs et metteurs en scène.

Cela se passe après dix ans de guerre à Troie. Les Grecs sont victorieux mais, à quel prix! Ils ont perdu les meilleurs de leurs chefs militaires. Et Troie est anéantie : «Je songe, dit Pyrrhus avec mélancolie, quelle était autrefois cette ville : Si superbe en remparts, en héros si fertile, Maîtresse de l’Asie ; et je regarde enfin Quel fut le sort de Troie, et quel est son destin. Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes, Un enfant dans les fers ; et je ne puis songer Que Troie en cet état aspire à se venger.  »
Pyrrhus, le fils d’Achille qui a tué Hector, a obtenu en butin Andromaque, sa veuve et le petit Astyanax, un orphelin qui représente à la fois l’ordre ancien mais aussi une future menace, pensent les Grecs. Adulte, il pourrait vouloir venger son père. Revenu dans son palais à Epire, au Nord de la Grèce près de l’Albanie actuelle, Pyrrhus reçoit Hermione, fille de Ménélas, roi de Sparte et d’Hélène, qu’il doit bientôt épouser. Mais il tombe amoureux d’Andromaque qui n’a pas encore fait le deuil d’Hector et n’est donc pas prête à vivre avec un autre homme….

©x Oreste et Pylade

©x Oreste et Pylade

Oreste, le fils d’Agamemnon, lui, aime Hermione amoureuse de Pyrrhus qui va l’abandonner et espérait l’épouser, Envoyé en ambassade par les Grecs, il exige que Pyrrhus livre Astyanax. «Ce fils encore enfant, auquel, malheureux, nous avons donné la vie, Hector, puisque tu n’es plus, tu ne seras point son appui et lui, ne sera jamais le tien.» disait  Andromaque dans L’Iliade.
Mais Oreste a aussi accepté cette mission pour revoir Hermione. Il sait que Pyrrhus doit épouser Hermione mais croit qu’elle acceptera maintenant de revenir avec lui en Grèce. A Andromaque, Pyrrhus dit l’exigence des Grecs mais refuse de livrer Astyanax. Mais ce sera donnant/donnant…Un corps grâce à un autre et il pense que s’il sauve son fils elle l’épousera. Mais rien à faire, elle tient à rester fidèle à Hector et beau chantage, Pyrrhus menace alors de livrer Astyanax aux Grecs.

©x Hermione

©x Hermione

Renversement de situation : Hermione veut bien partir avec Oreste, si Pyrrhus refuse de livrer Astyanax. Pyrrhus annonce alors qu’il va livrer l’enfant aux Grecs et épouser Hermione… Mais il est toujours amoureux fou d’Andromaque. Oreste, furieux et terriblement jaloux, veut enlever Hermione. Dans une célèbre scène, Andromaque essaye de persuader Hermione de sauver la vie d’Astyanax en influençant Pyrrhus mais Hermione impitoyable, refuse.
Andromaque supplie Pyrrhus de sauver son fils. Ce qu’il ferait si elle accepte de l’épouser mais elle
est déchirée entre son amour pour Astyanax et sa peur que Pyrrhus le tue. Elle accepte finalement ce mariage mais dit à Céphise qu’elle se suicidera aussitôt après.

Hermione sait qu’Andromaque a décidé d’accepter ce mariage. Elle demande à Oreste s’il l’aime, et lui demande de tuer Pyrrhus pendant le mariage. Oreste, là aussi c’est donnant/donnant: un corps vivant contre un corps mort! essaie de persuader Hermione de fuir avec lui et  propose de tuer Pyrrhus la nuit. Mais elle exige que ce soit en public et le jour pour faire mieux éclater sa vengeance.
Andromaque  finit par consentir au mariage avec Pyrrhus. Hermione, furieuse ne sait plus elle va : Pyrrhus, l’homme qu’elle aime, l’a deux fois trahie : « Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi :Andromaque, régnez sur l’Épire et sur moi.Je voue à votre fils une amitié de père ;J’en atteste les Dieux, je le jure à sa mère : pour tous mes ennemis je déclare les siens,Et je le reconnais pour le roi des Troyens. »

©x Andromaque

©x Andromaque

Oreste annonce qu’il a fait tuer Pyrrhus. Et Hermione désespérée, se suicide. Et lui en devient fou. Andromaque veut venger Pyrrhus: les Grecs dont Oreste et son fidèle Pylade, s’enfuiront…
Andromaque est bien la
seule de ce quatuor amoureux à avoir une vraie dignité et une volonté de revanche personnelle. Et la tragédie évoluera : elle accepte d’être mariée une seconde fois mais elle sera aussitôt encore veuve et deviendra reine. Mais l’orphelin Astyanax sera sauvé…

Amours non réciproques en chaîne, jalousie féroce d’Oreste et d’Hermione qui a une soif de vengeance et une pulsion de mort, parjures et humiliations que Pyrrhus fait subir: il reste attaché au passé mais cherche un nouveau bonheur personnel. «Elle est toute entière du côté de la Mort, disait Roland Barthes dans Sur Racine (1963) mais d’une mort active, possessive infernale; venue d’un passé très ancien, elle est plutôt force que femme. »
Cette rivalité entre peuples après la fin d’une conflit rappelle l’après 14-18 : plus de trente ans après, rien, surtout n’était encore réglé, et ravivé par la deuxième guerre mondiale.
Racine a bien chargé la barque de sa tragédie : meurtre de Pyrrhus, suicide d’Hermione, folie d’Oreste, tous les trois pris dans une passion amoureuse sans issue. Cette longue guerre même finie, aura eu de redoutables
effets secondaires et tous les personnages guerriers ou de leur famille, sont ressortis traumatisés.

«Nous sommes dans l’après-coup de cette guerre, dit remarquablement Stéphane Braunschweig, de nombreux vers, parmi les plus sublimes parce que porteurs d’effroi, nous en rappellent la violence inouïe, la barbarie sanglante, « cette nuit cruelle/Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. « 
(…) Pyrrhus «souffre tous les maux qu’il a fait devant Troie» : cet amour fou, incongru, pour sa captive, pour sa victime, ne dit-il pas autre chose que l’amour – un besoin irrépressible de réparer ? Pyrrhus – roi d’Épire, allié des Grecs contre Troie, fils d’Achille, le meurtrier d’Hector – offre à Andromaque sa couronne et se dit même prêt à venger les Troyens, à mener une nouvelle guerre de Troie contre les Grecs : est-ce son amour qui l’emporte vers cette nouvelle folie guerrière ? Ou est-ce l’illusion qu’une guerre peut en annuler une autre ? est-ce le trauma du vainqueur ? Chez Pyrrhus en tout cas, le besoin de réparer dans l’amour menace à tout moment de se renverser en son contraire, la répétition de la barbarie : le meurtre d’un enfant innocent (comme Iphigénie), Astyanax, le fils d’Andromaque et d’Hector, l’héritier troyen.

Mais comment Andromaque pourrait-elle l’aimer (…) Sa fidélité à Hector n’est pas seulement celle d’une veuve, c’est un devoir de mémoire dont elle se sent dépositaire. Astyanax incarne cette mémoire, et elle s’apprête à le sauver au prix de sa propre vie. Une fois couronnée et Pyrrhus assassiné par ses anciens alliés, veuve une seconde fois et désormais reine d’Épire, c’est pourtant le désir de vengeance qui reprendra le dessus avec le sentiment de sa puissance retrouvée. (…) «Le fils d’Agamemnon » est d’abord une victime collatérale de la guerre de Troie : Oreste espérait épouser sa cousine Hermione, mais Ménélas a préféré récompenser le « vengeur de sa famille » en promettant sa fille à Pyrrhus. Envoyé par les Grecs en Épire pour exiger la mort d’Astyanax et mettre ainsi un terme définitif à la guerre de Troie, Oreste n’a accepté sa mission, que parce qu’il espère enlever Hermione.
Cette mission entre en conflit direct avec son intérêt amoureux, car en livrant le fils d’Andromaque, Pyrrhus devra renoncer à celle-ci et épouser Hermione. Ce n’est donc qu’en échouant dans sa mission, qu’Oreste peut espérer Hermione. Mais il se leurre dans tous les cas : Hermione ne l’aime pas, elle ne lui laisse espérer son amour que pour l’instrumentaliser dans son propre désir de vengeance. Oreste échouera sur tous les tableaux, comme si l’échec était son destin de héros suicidaire, il échouera même à trouver la mort. Cette conduite d’échec, il la partage sans doute avec Hermione qui n’aime que Pyrrhus, héros et fils de héros, vrai vainqueur de Troie, le seul dont la grandeur pourrait la hausser à la hauteur de sa mère. (…) La pulsion de mort, dans son désir de toute-puissance comme dans sa version auto-destructrice, traverse les deux « fils et fille de» Grecs. »

Cette analyse  fine et sensible de Stéphane Braunschweig sur le passé et le présent des personnages de cette chaîne amoureuse et les enjeux d’une guerre impitoyable, nous  aurions bien aimé l’entendre du moins en partie et en voix off, juste avant que les personnages n’arrivent. Il aurait éclairé plus d’un spectateur, pas toujours au fait de la guerre de Troie et de cette grande famille grecque…
Et sur le plateau? Murs nus et noirs de la très grande scène, avec, très impressionnante, au milieu, une flaque ronde de liquide rouge où est posée une table nappée de blanc avec dessus, un flacon de whisky et trois verres. Pour dire qu’on est aux XX ème ou au XXI ème siècle? Une chaise blanche, comme deux autres mais celles-ci renversées: pour dire la résistance d’Andromaque, la mort de Pyrrhus et celle  d’Hermione?
En tout cas, une installation d’art plastique réussie et qu’on verrait bien dans un musée d’art contemporain. Il y a ici des femmes et hommes en pantalons et chemises noirs (pas vraiment réussis mais bon…) et aussi l’ombre de la guerre, avec le chef de guerre Pyrrhus en treillis… Et cette flaque rouge qui suggère (un peu pléonastiquement?) le sang coulé, celui des morts à la guerre, et celle tragique de deux personnages qui va arriver…

Au début, Oreste  entre avec Pylade mais on comprend vraiment très mal ce qu’ils disent, après cela va mieux: le metteur en scène a visiblement choisi de ne pas respecter la scansion des alexandrins. Ce qu’avaient fait d’autres pour monter une tragédie de Racine ou Corneille. Mais sans doute un mauvais choix, puisque, du coup, on renonce à la musique si envoûtante et si exceptionnelle d’Andromaque que ce dramaturge de vingt-huit ans écrivit et fit jouer avec succès. Et ici les micros H.F dont sont  équipés les  acteurs, n’arrangent rien: il y a alors comme d’habitude, une uniformisation et un manque de nuances dans les voix! C’est à se demander comment on pouvait jouer sans, il n’y a pas encore si longtemps….
Pourtant Pierric Plathier (Oreste), Jean-Baptiste Anoumon (Pylade)  Alexandre Pallu (Pyrrhus), Jean-Philippe Vidal, (Phœnix, son gouverneur), Bénédicte Cerutti (Andromaque), Boutaïna El Fekkak (Céphise, sa confidente), Chloé Réjon (Hermione) et Clémentine Vignais (Cléone, sa confidente) dont plusieurs ont déjà joué dans les spectacles de Stéphane Braunschweig, sont des acteurs expérimentés.

Mais rien à faire, ils semblent avoir du mal à imposer leur personnage et le texte ne passe pas bien,  Et pourquoi, jouent-t-ils autant et inutilement- de leurs mains ou les gardent-t-ils dans leurs poches? Mention spéciale cependant à Chloé Réjon qui a une belle présence et qui s’en tire vraiment bien en Hermione.
Quand, presque à la fin, les acteurs jouent devant un grand châssis transparent (on ne sait trop pourquoi il arrive!), ils sont aussitôt plus audibles, et donc plus convaincants. Pas de miracle: un grand plateau nu est toujours intéressant sur le plan de l’image mais, revers de la médaille: sans châssis ni pendrillons, les voix se perdent dans les cintres. Ce qu’apprennent très vite les apprentis-scénographes aux Arts Déco…

Au total, un spectacle qui peut s’améliorer mais en ce soir de première, il était décevant.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 22 décembre, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème). Représentations surtitrées en anglais: les 18 et 25 novembre et les 2, 9, 16 décembre. En français: le 8 décembre. Et avec audio-description, les 7 et 10 décembre.

T.N.B.A, Bordeaux (Gironde), du 16 au 19 janvier.

Centre Dramatique National de Lorient ( Morbihan), les 1er et 2 février.

     
     
     

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