Cross Roads to synchronicity, chorégraphie de Carolyn Carlson
Cross Roads to synchronicity, chorégraphie de Carolyn Carlson
L’élégance et la poésie de la créatrice américaine ne se sont jamais démenties, depuis Rituel pour un rêve de mort (1971) à son arrivée en France), jusqu’à Signes (1997), un grand succès à l’Opéra de Paris.
Après Synchronicity (2012), avec la reprise de Crossroads to Synchronicity (2017), elle nous entraîne avec une ferme douceur dans une succession de tableaux oniriques avec toujours, une patte très personnelle. Et au terme de «chorégraphie», elle préfère celui de «poésie visuelle» pour désigner son travail.
Carolyn Carlson, inspirée par Carl Gustav Jung, nous mène sur les « chemins de traverse vers la synchronicité». Pour ce philosophe et psychiatre suisse, le hasard fait bien les choses et nous envoie des signes, sous forme de coïncidences éclairantes qui arrivent à des moments cruciaux de nos vies: deuil, rupture, rencontre. Nous devenons alors réceptifs à ces signes qui font sens.
Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani ou Sara Simeoni, Yutaka Nakata, Sara Orselli se croisent, s’agrègent, s’affrontent, se quittent ; ils tombent, titubent, dansent un rock endiablé ou une valse triste, disparaissent, puis reviennent dans un flux perpétuel… Avec, autour d’une table et sur les chaises, devant une porte, des éléments qu’ils apportent puis qu’ils font disparaître. La danse nous emmène vers des paysages contrastés, sur les musiques de John Adams, Ry Cooder, Bon Iver, Tom Waits, Laurie Anderson, Alela Diane, Jean Sibelius, Clint Mansell, Bob Dylan, Gavin Bryars, Bruce Springsteen, Henry Purcell. Comme pour un voyage dans l’Amérique des années soixante et soixante-dix…
Les interprètes se glissent dans ces fantasmagories avec une tendre énergie, habillés chic par Elise Dulac et Emmanuelle Geoffroy. Les femmes, à la longue chevelure et aux robes fluides, semblent flotter, deviennent farouches ou puissantes guerrières dans le même costume noir que leurs partenaires masculins Ceux -ci sont parfois torse nu avec de longs cheveux. Une manière de décloisonner les «genres» en douceur. ..
Aujourd’hui à quatre-vingt ans, elle poursuit une démarche créatrice, avec tact et dynamisme à la fois… Ce spectacle de soixante-douze minutes traduit en partie la synchronicité selon Carolyn Carlson. Une pensée poétique en mouvement, à la fois aigüe et gracieuse, énergique et rêveuse. Elle nous laisse méditer sur ces mots de Carl Gustav Jung: « Devenir fou ne relève pas de l’art mais extraire la sagesse de la folie, voilà tout l’art. (…) Si Dieu n’a pas joué aux dés, il n’avait pas le choix de créer autre chose qu’une machine qui, pour l’homme, n’a pas de sens. »
Mireille Davidovici
Jusqu’au 3 décembre, Théâtre Libre, 4 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 42 38 97 14.