Violence Forest, texte et mise en scène de Nina Negri
Violence Forest, texte et mise en scène de Nina Negr
Avec ce solo performatif et musical, la metteuse en scène et chorégraphe italienne basée en Suisse aborde la question de la violence féministe. Elle a confié à Laura Den Hondt, le rôle de Merry, un personnage de Pastorale américaine de Philip Roth (prix Pulitzer 1997). Une jeune fille de seize ans, révoltée contre la guerre au Viet nam, commet un attentat causant un mort. Elle prendra la fuite.
Ce roman traite de l’aveuglement d’un père face à l’embrigadement de sa fille mais il n’en sera pas question ici. Nina Negri s’attache à l’itinéraire de cette militante anticapitaliste des années soixante et soixante-dix qui devient, au fil du spectacle, une activiste actuelle.
L’autrice a puisé entre autres dans le recueil théorique Feu! Abécédaire des féminismes présents, coordonné par Elsa Dorlin, philosophe et épistémologue. En passant par l’extrémisme féministe, on en arrive à l’éco-féminisme comme ultime refuge possible.
L’histoire de Merry s’articule en trois mouvements: Laura Den Hondt est d’abord une petite fille en jupe plissée, lovée dans l’une des sculptures monumentales en carton d’Eva Jospin. Elle joue avec un cheveu sur la langue pour exprimer le repli d’une l’adolescente mal dans sa peau.
La métamorphose se produit quand, aux violences policières contre les manifestants pacifistes, elle répond elle aussi par la violence. Dans un slam endiablé, Merry exprime sa révolte, avant de fuguer dans la jungle des villes. Puis, au terme d’une errance de pays en pays, à la recherche de nouvelles causes à défendre, elle s’engage pour la défense des animaux et de la Nature. Ensauvagée, elle rejoint alors la forêt.
Laura Den Hondt passe avec virtuosité par tous les états de cette Merry multipolaire, traversée par la violence du monde. Eva Jospin, dont c’est la première création au théâtre a conçu un imposant décor avec une superposition de morceaux de carton, découpés et collés pour construire en volume, forêts et paysages. «Ma forêt, dit-elle, est mentale et non figurative. Elle reflète des préoccupations humaines : l’idée de se perdre ou de se retrouver, notre rapport à l’enfance aux contes, comme Bambi ou Hansel et Gretel, aux peurs archaïques… Mes forêts sont propices à l’échappée mentale.» Elle a imaginé, avec l’aide du scénographe Marco Levoli, trois blocs monumentaux en carton aux formes tourmentées, comme celles de vieux troncs d’arbre et, en fond de scène, une futaie épaisse
Sous les variations de lumière de Lula, du clair-obscur aux rougeoiements stroboscopiques, cette nature de carton s’anime: quand Merry passe à l’acte, la forêt onirique de l’enfance devient une ville-fantôme aux tours verticales menaçantes. Enfin, elle se perdra dans un labyrinthe végétal, aussi confus que ses états d’âme. En dialogue avec cette architecture mutante, la musique originale de Boris Boublil, Franky Gogo et Gauthier Teuscher mêle interventions instrumentales et sons électroniques.
Malgré une fin un peu confuse où les idéologies à la mode se bousculent, la mise en scène précise et soignée met en valeur l’univers d’Eva Jospin et la performance de Laura Den Hondt qui travaille avec Nina Negri depuis quelques années en Suisse. En 2019, elle a joué sous sa direction M. la Multiple au Théâtre Vidy-Lausanne et l’année suivante, interprété Sous Influence co-écrit avec elle. Un tandem à suivre.
Violence Forest, créé au Théâtre Vidy-Lausanne, se trouve programmé ici dans le cadre du festival itinérant Transforme, initié par la fondation d’entreprise Hermès, avec comme partenaires, le Théâtre de la Cité internationale à Paris, la Comédie de Clermont-Ferrand, les Subs à Lyon et le Théâtre national de Bretagne, à Rennes. On retrouvera la plupart des spectacles pluridisciplinaires de Transforme mêlant théâtre, danse, cirque ou arts visuels, dans ces quatre théâtres.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 25 novembre, Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIVème). T. : 01 85 53 53 85.
Du 19 au 23 mars, Comédie de Genève (Suisse).
Transforme: à Paris du 16 novembre au 2 décembre; à Clermont-Ferrand du 11 au 26 janvier; à Lyon du 20 mars au 12 avril; à Rennes du 16 au 30 mai