Danses sans Frontières!Soirée d’ouverture du festival de danse à Cannes

Ouverture du festival Danses sans Frontières à Cannes

«Il y a plusieurs années, il me semblait que quelque chose de grave pour nos sociétés se préparait: marginalisation sociale, montée des nationalismes, repli sur soi de certains pays, nouvelles formes d’exclusion, » écrivait Didier Deschamps, alors à la tête de Chaillot-Théâtre national de la Danse et qui a succédé ici à Brigitte Lefèvre.
La situation a gravement empiré et ce festival arrive comme une bulle de liberté artistique. Et ce festival est un des plus importants, avec sur plus de quinze jours, vingt-sept compagnies de treize pays et des œuvres de grands noms de la danse contemporaine: Sharon Eyal, Thierry Malandain, Jan Gallois, Trisha Brown, Damien Jalet, Thomas Lebrun… Avec aussi au programme, documentaires et ateliers.

© J. C.

© J. C.

En ouverture,une performance des écoles nationales supérieures avec soixante-dix jeunes interprètes dirigés par Annabelle Bonnéry, ont investi le Salon des ambassadeurs, au Palais des festivals. Dans ce bel espace dominant le port de Cannes, grâce aux baies vitrées et à des jeux de lumière, nous avions l’illusion es voir dans Cannes.
Pour Didier Deschamps, «cette performance souligne bien l’esprit de cette Biennale de la danse; la formation en France est polymorphe et certains anciens élèves choisissent une carrière en danse classique ou néoclassique, d’autres, en danse contemporaine, hip hop ou jazz avec des envies différentes mais au plus haut niveau possible.» Comme on l’a ressenti en voyant ces jeunes interprètes des C.N.S.M.D. de Paris et de Lyon, ceux du C.N.D.C. d’Angers, du Ballet Rosella Hightower….

 Ce programme réalisé en seulement en huit jours de répétition, avec extraits de créations et pièces du répertoire de chaque école, exprimait une joie de danser communicative. En circulant autour des estrades dans la salle, le public a apprécié la vitalité des solos, duos ou tableaux de groupe. «Aujourd’hui, malgré et grâce à ces différences, dit aussi Didier Deschamps, ces chorégraphies peuvent nous rassembler, pour vivre émotion et beauté.»

 Jean Couturier

 Spectacle vu le 24 novembre au Palais des festivals et des congrès, 1 boulevard de la Croisette, Cannes (Alpes-Maritimes).

 


Archive pour 25 novembre, 2023

Einstein on the Beach de Philip Glass et Robert Wilson, direction musicale d’André de Ridder et Jürg Henneberger, mise en scène de Susanne Kennedy

 

Einstein on the Beach de Philip Glass et Robert Wilson, direction musicale d’André de Ridder et Jürg Henneberger, mise en scène de Susanne Kennedy

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© Ingo Hoen

Le mythique opéra créé au festival d’Avignon 1976, puis revisité en 1992 et ensuite vingt ans après par ses  concepteurs, retrouve une jeunesse dans une version de trois heures trente, au lieu des quatre heures trente à l’origine. La directrice de la Volksbühne de Berlin et Markus Selg, le complice de ses autres spectacles qui en a imaginé  la scénographie, ont voulu se libérer de la mise en scène historique et sont partis de la musique cyclique de Philip Glass: «Markus a imaginé une scène-paysage, dit-elle, et c’est à partir de cet ensemble déterminant l’espace et le temps, que j’ai pu en faire la mise en scène. »

 Ici, plus de trace du génie qui a donné son titre à l’œuvre. «Enfant, dit Philip Glass, Einstein était un de mes héros. » Mais son opéra en quatre actes pour ensemble, chœur et solistes, ne racontait pas la vie du savant, juste personnifié par un violoniste lui ressemblant un peu et quelques photos. Susanne Kennedy a légèrement modifié le livret original, retirant certains textes et en improvisant d’autres. Mais sans conséquences: il n’y avait pas d’intrigue mais des poèmes de Christopher Knowles, peintre et écrivain, que Robert Wilson connut jeune autiste… il y a un demi-siècle. Mais aussi de textes courts de la chorégraphe Lucinda Childs et du danseur Samuel M. Johnson.

Ici, pas de succession ou superposition linéaire de tableaux, comme lors de la création originelle,  mais une mise en scène conçue avec une large tournette placée au centre du plateau et comportant plusieurs décors: une sorte de temple hindou, une grotte sous un escalier monumental menant à une arche, un feu de camp, des marches où se tient le chœur… Le sol est tapissé d’une moquette sable imprimée de mystérieux ossements.
Sur de nombreux écrans -certains fixes et d’autres tournant avec le décor- défilent sans relâche arbres exotiques, verts feuillages, étendues désertiques, 
paysages d’hiver ou embrasements apocalyptiques,…Dans cet espace en mouvement, le public va de la salle, à la scène et peut s’installer où bon lui semble, et s’attarder au passage devant les séquences dansées et chantées.

Costumes à la fois archaïques et futuristes à dominante rose: les acteurs, chanteurs et danseurs forment une étrange tribu, rassemblée pour des cérémonies d’un autre âge. Ils échangent des bribes de paroles, répétées en boucle et leurs gestes solennels tiennent de rites chamaniques ou hindous…
Un clin d’œil à la partition de Philip Glass qui s’est inspiré de la musique hindoustanie qu’il a étudiée notamment avec Ravi Shankar.

«C’est dans la musique que nous sommes allés chercher les gestes utilisés lors de rituels dont nous ne savons plus rien, dit Susanne Kennedy. » L’ensemble vocal Basler Madrigalisten a pris le relais des chants  des solistes, en écho avec la musique jouée par l’orchestre dans une petite fosse à l’avant-scène. En solo, sur les différents décors,  la violoniste virtuose Diamanda La Berge Dramm au toucher diabolique…

 L’Ensemble Phoenix Basel dirigé avec subtilité par André de Ridder, surnommé “le chef électrisant“, comprend deux claviers et six vents installés dans une  fosse peu profonde  à l’avant scène, au milieu des spectateurs. Avec eux, nous avons retrouvé avec bonheur la musique envoûtante de Philip Glass: elle ondule en longues boucles autour de chiffres chantés en anglais  et répétés inlassablement: one, two, three three, four, five, six seven, eight…Et de temps à autres, des variations sur la gamme en do majeur (en français): do, ré, mi, fa, sol, la, si.

Des écrans aux quatre coins de la salle relaient la battue dynamique et décontractée du chef,  à l’intention du chœur, de la violoniste Diamanda Dramm et des chanteuses solistes : Alfheiđur Erla Guđmundsdóttir  et Emily Dilewski (soprano),  Sonja Koppelhuber et Nadia Catania (mezzo-soprano) .

Dans cette immense installation, le public a un regard et une écoute actifs et sa perception change selon qu’il tourne avec le décor central, s’adosse à un rocher factice près de l’orchestre ou qu’il regagne les gradins. Il peut alors soit se laisser porter par la musique et les textes pour avoir une impression globale, soit aller près des interprètes dont certains équipés de petits hauts-parleurs diffusent des voix enregistrées mais audibles seulement par ceux qui s’en approchent….

Le dispositif scénique, très sophistiqué et habité de corps en mouvement, a demandé une coordination minutieuse qu’il faut saluer. Le spectacle est comme une illustration de la musique: une vibration colorée, une fabrique d’images passantes jusqu’à la saturation. Ce manège, ludique au premier abord, peut lasser et paraître vain mais la musique nous attrape encore, et même si elle nous est devenue familière, nous prenons plaisir à la redécouvrir sur scène.

Plusieurs mises en scène d’Einstein on the Beach ont été réalisées sans Phil Glass et Bob Wilson: celle d’Achim Freyer au Sttaatsoper de Stuttgart (1988). Mais elle a été  jugée trop abstraite par leurs créateurs. Puis celle de Kay Voges à Dortmund, deux ans plus tard,  ou encore celle de Daniele Finza Pasca qui triompha au Grand Théâtre de Genève en 2019. Susanne Kennedy, elle, nous fait littéralement entrer dans cet opéra. Libre à nous d’y circuler, d’en sortir ou d’y demeurer jusqu’à la fin… Mais certains resteront  certainement à la porte.

Mireille Davidovici

Du 23 au 26 novembre, La Villette, avec la Philharmonie de Paris, Grande Halle 211 avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème). T. : 01 40 03 75 75.

 

Bâtards, texte et mise en scène de Louise Dupuis

Bâtards, texte et mise en scène de Louise Dupuis

Chaque année, le Nouveau Théâtre de l’Atalante à Paris, maintenant dirigé par Bruno Boulzaguet, organise en début de saison un festival. De jeunes compagnies sont sélectionnées sur appel à candidature pour présenter une création dans des conditions professionnelles. Sans contrainte de thème, forme, esthétique…

© Louise Dupuis

© Louise Dupuis

Bâtards, créé cette année  au concours du Théâtre 13 mais que nous n’avions pu voir, a été lauréat avec mention spéciale du jury. L’histoire? Louise et Julien nous invitent à assister à la naissance puis à la fin de leur grand amour, après s’être rencontrés sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle où ils croiseront… Jean-Luc Mélenchon.
Elle veut écrire une fiction, inspirée de leur histoire d’amour et nous allons assister aussi à l’histoire des répétitions de ce spectacle qui ne pourra jamais avoir lieu, à cause de leur rupture.
Par ailleurs, Louise va rencontrer Ariel, une jeune femme énergique qui vit dans le foyer de jeunes travailleurs où ils répètent. Et  leur histoire amoureuse prendra le relais de celle qui est maintenant finie…

«J’écris d’un endroit de rage que j’essaie de transformer en ardeur dit Louise Dupuis. Comment s’invente une histoire ? Peut-on encore écrire une histoire d’amour hétérosexuelle aujourd’hui sans la placer dans un système de violences patriarcales? Comment la fiction et la réalité s’entremêlent? Je fais l’aveu rageur de mon incapacité à raconter l’histoire d’amour d’un homme et une femme dans un monde dominé par les violences patriarcales. » 

Ce Bâtards tient à la fois du théâtre dans le théâtre (un thème plus qu’usé, mais bon…) mais aussi d’une sorte de performance poétique avec une licorne en baudruche (drôle mais pas écolo du tout!) Le tout sur vieux fond de casserole féministe : genre transformation socio-politique via les textes entre autres, de Monique Wittig (1935-2003) romancière avec L’Opoponax et Les Guerrillères, philosophe, théoricienne du féminisme et icône de la pensée politique lesbienne. Adorable avec les femmes mais virulente envers les hommes, elle trouvait absolument normal après une interview avec une jeune critique (expérience vécue!), qu’un représentant de cette race toxique fasse un très bon dîner, puis la reconduise chez elle en voiture tard dans la nuit à l’autre bout de Paris pour qu’elle économise un taxi. «Bizarre, comme c’est bizarre. »
Autre référence: celle à l’œuvre de David Lynch qui, après Elephant ManBlue VelvetSailor et Lula, a voulu casser les codes de lisibilité du récit. Louise Dupuis s’y amuse aussi, souvent avec grand talent. Sur cette petite scène, aucun décor sauf deux pupitres en tôle noire au début puis un ridicule tapis d’herbe synthétique pour figurer le chemin de Compostelle. Drôle et bien vu.

Les hommes, ici, ne se font plus trop d’illusions et en prennent pour leur grade. Comme Thomas à qui on a proposé d’incarner Jean-Luc Mélenchon mais qui veut arrêter de faire du théâtre. Et Julien, mal à l’aise, quand Louise le traite de machiste.
La jeune autrice qui a déjà une belle expérience du théâtre, a une envie d’en découdre avec le monde actuel  et où enfin, les femmes pourraient se reproduire sans le sperme des hommes. Enfin rayée une fois pour toutes de la terre, la prédominance des mâles politiques,  le machisme du clergé catholique exclusivement masculin, encore d’une redoutable puissance en Pologne, Amérique du Sud, etc.) Pas mal vu…
Mais cette théâtralité avec brouillage permanent entre réalité et fiction, non-jeu et interprétation,  vrai et faux, vie des acteurs réels et personnages, est souvent un peu datée  et le texte part un peu dans tous les sens.

Louise Dupuis brouille constamment les pistes avec un malin plaisir en passant sans arrêt d’une histoire à une autre. Et elle sait diriger ses acteurs et créer des personnages comme ce jeune Jean-Luc Mélenchon volontairement  pas crédible mais en même temps si touchant en intellectuel paumé. Ou cette jeune apprentie-comédienne, plus vraie que nature. Et
on sent poindre une certaine tendresse entre Julien et Louise.
Cette apologie du féminisme n’est pas toujours convaincante mais 
Ariel, d’un milieu social défavorisé, qui n’est jamais allée au théâtre, a une belle clairvoyance sur la domination de Julien et Thomas, mais aussi de Louise. Et la jeune actrice est impressionnante de colère et de volonté pour mettre à bas la société masculine et une hétérosexualité violente.
Côté mise en scène, Louise Dupuis qui joue Louise sait y faire: précision, sensibilité, gestion de l’espace et du temps, remarquable direction d’acteurs… Si elle avait pu nous épargner quelques inutiles rafales de fumigène (seulement le deuxième d’une semaine qui n’est pas finie, cela aurait été encore mieux mais bon!) Nous aimerions bien revoir un travail d’elle sur le texte d’un grand auteur : elle  prouve ici  qu’elle en a les moyens.

 Philippe du Vignal

Ce spectacle a été joué les 22, 23 et 24 novembre, à l’Atalante, place Charles Dullin, Paris (XVIII ème).
Le festival continue avec Monad de Gabriel Tur, du 29 novembre au 1er décembre; Tomber dans les arbres de Camille Plocki par la compagnie de la Hutte, du 6 au 8 décembre; Adèle Choubard par la compagnie Adèle Bazar 7 jours du 13 au 15 décembre; L’Enfant sauvage par  la compagnie Hums,  du 20 au 22 décembre.

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