Bâtards, texte et mise en scène de Louise Dupuis

Bâtards, texte et mise en scène de Louise Dupuis

Chaque année, le Nouveau Théâtre de l’Atalante à Paris, maintenant dirigé par Bruno Boulzaguet, organise en début de saison un festival. De jeunes compagnies sont sélectionnées sur appel à candidature pour présenter une création dans des conditions professionnelles. Sans contrainte de thème, forme, esthétique…

© Louise Dupuis

© Louise Dupuis

Bâtards, créé cette année  au concours du Théâtre 13 mais que nous n’avions pu voir, a été lauréat avec mention spéciale du jury. L’histoire? Louise et Julien nous invitent à assister à la naissance puis à la fin de leur grand amour, après s’être rencontrés sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle où ils croiseront… Jean-Luc Mélenchon.
Elle veut écrire une fiction, inspirée de leur histoire d’amour et nous allons assister aussi à l’histoire des répétitions de ce spectacle qui ne pourra jamais avoir lieu, à cause de leur rupture.
Par ailleurs, Louise va rencontrer Ariel, une jeune femme énergique qui vit dans le foyer de jeunes travailleurs où ils répètent. Et  leur histoire amoureuse prendra le relais de celle qui est maintenant finie…

«J’écris d’un endroit de rage que j’essaie de transformer en ardeur dit Louise Dupuis. Comment s’invente une histoire ? Peut-on encore écrire une histoire d’amour hétérosexuelle aujourd’hui sans la placer dans un système de violences patriarcales? Comment la fiction et la réalité s’entremêlent? Je fais l’aveu rageur de mon incapacité à raconter l’histoire d’amour d’un homme et une femme dans un monde dominé par les violences patriarcales. » 

Ce Bâtards tient à la fois du théâtre dans le théâtre (un thème plus qu’usé, mais bon…) mais aussi d’une sorte de performance poétique avec une licorne en baudruche (drôle mais pas écolo du tout!) Le tout sur vieux fond de casserole féministe : genre transformation socio-politique via les textes entre autres, de Monique Wittig (1935-2003) romancière avec L’Opoponax et Les Guerrillères, philosophe, théoricienne du féminisme et icône de la pensée politique lesbienne. Adorable avec les femmes mais virulente envers les hommes, elle trouvait absolument normal après une interview avec une jeune critique (expérience vécue!), qu’un représentant de cette race toxique fasse un très bon dîner, puis la reconduise chez elle en voiture tard dans la nuit à l’autre bout de Paris pour qu’elle économise un taxi. «Bizarre, comme c’est bizarre. »
Autre référence: celle à l’œuvre de David Lynch qui, après Elephant ManBlue VelvetSailor et Lula, a voulu casser les codes de lisibilité du récit. Louise Dupuis s’y amuse aussi, souvent avec grand talent. Sur cette petite scène, aucun décor sauf deux pupitres en tôle noire au début puis un ridicule tapis d’herbe synthétique pour figurer le chemin de Compostelle. Drôle et bien vu.

Les hommes, ici, ne se font plus trop d’illusions et en prennent pour leur grade. Comme Thomas à qui on a proposé d’incarner Jean-Luc Mélenchon mais qui veut arrêter de faire du théâtre. Et Julien, mal à l’aise, quand Louise le traite de machiste.
La jeune autrice qui a déjà une belle expérience du théâtre, a une envie d’en découdre avec le monde actuel  et où enfin, les femmes pourraient se reproduire sans le sperme des hommes. Enfin rayée une fois pour toutes de la terre, la prédominance des mâles politiques,  le machisme du clergé catholique exclusivement masculin, encore d’une redoutable puissance en Pologne, Amérique du Sud, etc.) Pas mal vu…
Mais cette théâtralité avec brouillage permanent entre réalité et fiction, non-jeu et interprétation,  vrai et faux, vie des acteurs réels et personnages, est souvent un peu datée  et le texte part un peu dans tous les sens.

Louise Dupuis brouille constamment les pistes avec un malin plaisir en passant sans arrêt d’une histoire à une autre. Et elle sait diriger ses acteurs et créer des personnages comme ce jeune Jean-Luc Mélenchon volontairement  pas crédible mais en même temps si touchant en intellectuel paumé. Ou cette jeune apprentie-comédienne, plus vraie que nature. Et
on sent poindre une certaine tendresse entre Julien et Louise.
Cette apologie du féminisme n’est pas toujours convaincante mais 
Ariel, d’un milieu social défavorisé, qui n’est jamais allée au théâtre, a une belle clairvoyance sur la domination de Julien et Thomas, mais aussi de Louise. Et la jeune actrice est impressionnante de colère et de volonté pour mettre à bas la société masculine et une hétérosexualité violente.
Côté mise en scène, Louise Dupuis qui joue Louise sait y faire: précision, sensibilité, gestion de l’espace et du temps, remarquable direction d’acteurs… Si elle avait pu nous épargner quelques inutiles rafales de fumigène (seulement le deuxième d’une semaine qui n’est pas finie, cela aurait été encore mieux mais bon!) Nous aimerions bien revoir un travail d’elle sur le texte d’un grand auteur : elle  prouve ici  qu’elle en a les moyens.

 Philippe du Vignal

Ce spectacle a été joué les 22, 23 et 24 novembre, à l’Atalante, place Charles Dullin, Paris (XVIII ème).
Le festival continue avec Monad de Gabriel Tur, du 29 novembre au 1er décembre; Tomber dans les arbres de Camille Plocki par la compagnie de la Hutte, du 6 au 8 décembre; Adèle Choubard par la compagnie Adèle Bazar 7 jours du 13 au 15 décembre; L’Enfant sauvage par  la compagnie Hums,  du 20 au 22 décembre.

 

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