Kaldûn, texte et mise en scène d’Abdelwaheb Sefsaf

Kaldûn, texte et mise en scène d’Abdelwaheb Sefsaf

En 1870, Les Prussiens sont aux portes de Paris, les Communards refusent la capitulation et ne reconnaissent pas la légitimité du gouvernement et en mars 71, les Versaillais réagissent. Le 28 mai, après soixante-douze jours, la Commune est vaincue. Et l’année suivante, 3.800 Communards dont l’institutrice Louise Michel (1830-1905) et le journaliste Henri de Rochefort ( 1831-1913) , figures emblématiques de cette révolte, seront déportés en Nouvelle-Calédonie.

©x

©x Louise Michel

En Algérie, éclate la révolte de Mokrani dont les insurgés sont aussi exilés avec eux. Ils partiront ensemble de Brest dans des bâteaux, enfermés dans des cages! Une occasion pour Communards et Algériens de fraterniser…

1878: en Nouvelle-Calédonie, la France s’approprie les mines, cours d’eau, sources, zone de pêche… Les tribus qui protestent sont lourdement sanctionnées et en sept ans, les deux tiers de la population kanake sont tués. Ataï, grand chef de Komalé, incarne l’âme de la révolte et attaque Nouméa. Réaction militaire immédiate et énergique. Le 1er septembre, Ataï, son fils, et son sorcier furent décapités par les Kanaks de Canala.
Louise Michel écrira : «Ataï lui-même fut frappé par un traître. Que partout les traîtres soient maudits!» La tête d’Ataï sera exhibée au musée de la Société d’anthropologie et à nouveau, à l’Exposition universelle à Paris!
Les Communards, eux, bénéficieront en 90 d’une amnistie mais la plupart des Algériens exilés en Nouvelle-Calédonie y finiront leur vie. Libres mais prisonniers de l’île, ils y fonderont de nouveaux foyers. Par l’entremise des sœurs du couvent Saint-Joseph, des candidates au mariage leur seront présentées : seul chemin vers une possible liberté. Mais ils n’auront même pas le droit de donner à leur enfants un prénom musulman…

Ici, un narrateur est aussi un personnage qui va rencontrer Louise Michel, Bou Mezrag El Mokrani et Ataï. Dans la casbah de Béjaïa, en rade de Brest, à Nouméa, à Paris Belleville, Marseille et Sydney. « Trois peuples, trois révoltes, trois continents, dit Abdelwaheb Sefsaf. Dans Kaldûn, nous glisserons d’un continent à l’autre et nous en parlerons les langues pour mieux comprendre celle de la révolte. Depuis la Commune de Paris, en passant par Béjaïa et la révolte des Mokrani, jusqu’à l’insurrection des Kanaks en 1878, nous sonderons ces récits de combats pour la dignité humaine et révolutions qui fondent, aujourd’hui encore, le socle de notre identité. Autour du récit d’Aziz, se construit la chronologie de notre histoire. Sur un plancher à la dérive comme un pont de bateau, nous évoquerons la longue traversée qui conduisit les insurgés vers leur exil lointain. »

 

© Raphaëlle Bruyas

© Ch. Raynaud de Lage

Ici, sur le côté puis au centre de la scène, les neuf musiciens de l’ensemble de musique ancienne, les cinq acteurs et le formidable danseur slameur kanak, Simanë Wenethem qui s’adresse au public Et il a aussi quelques dialogues et les longs solos d’Abdelwaheb Sefsaf pour raconter cette honteuse épopée qui fait, hélas partie de l’histoire des Français qui ignore pour la plupart  que  Napoléon III cherchait une terre nouvelle, libre de toute occupation européenne pour y fonder une colonie pénitentiaire mais aussi renforcer la présence de la France dans le Pacifique, encore faible face aux Néerlandais et surtout aux Britanniques.
Vint ensuite la découverte de mines de nickel qui fit de la Nouvelle-Calédonie, le troisième producteur mondial. Puis des événements ont marqué des générations jusqu’à récemment sous la fin de règne de François Mitterrand, le triste épisode avec la prise d’otages en 88 de la grotte d’Ouvéa…

Ce n’est pas vraiment une comédie musicale mais un très bon orchestre tient une place prépondérante et Laurent Guitton, Lauryne Lopès de Pina, Jean-Baptiste Morrone, Johanna Nizard, Malik Richeux, Abdelwaheb Sefsaf, Simanë Wenethem Canticum Novum Emmanuel Bardon, Henri-Charles Caget, Spyridon Halaris, Léa Maquart, Artyom Minasyan, Aliocha Regnard, Gülay Hacer Toruk, malgré des micros HF et une mauvaise balance, font tous un travail remarquable.

© Raphaëlle Bruyas

© Ch.Raynaud de Lage

Il y a ici comme une débauche de moyens et une scénographie imposante mais peu réussie : des praticables à double face qu’on déménage sans arrêt, un crâne de plusieurs m3 en lattes de bois, des projections de grande photos de paysage urbains ou ruraux (sans grand intérêt) en fond de scène. Et nous aurons droit à quelques fumigènes,comme partout ailleurs!
Mais cette accumulation de faits historiques avec allers et retours permanents n’est pas fondée sur une véritable dramaturgie et il n’y a pas d’écriture  théâtrale: c’est le point noir de ce spectacle qui se balade entre fausse comédie musicale et théâtre documentaire qui ne dit pas son nom…
Ces deux heures et demi pas justifiéessont bien longuettes…Heureusement, il y  l’excellence de l’orchestre et la magnifique présence de Simanë Wenethem. A vous de voir si l’enjeu vaut le coup.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 26 novembre au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique national de Val-de-Marne.

Théâtre de Sartrouville-Centre Dramatique National,, du 29 novembre au 2 décembre. Retour par bus vers Paris à l’issue du spectacle.

Sémaphore de Cébazat (Puy-de-Dôme) le 7 décembre.

Les Célestins, Théâtre de Lyon, du 13 au 17 février.

Le Carreau, Scène Nationale de Forbach et de l’Est mosellan, le 14 mars.

 

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