La Esmeralda, opéra de Louise Bertin, livret de Victor Hugo, direction musicale et arrangements de Benjamin d’Anfray, mise en scène de Jeanne Desoubeaux

La Esmeralda, opéra de Louise Bertin, livret de Victor Hugo, direction musicale et arrangements de Benjamin d’Anfray, mise en scène de Jeanne Desoubeaux

Le texte du troisième opéra de la compositrice créé à l’Académie royale de musique en 1836, est une adaptation en quatre actes de Notre-Dame de Paris, faite par l’auteur lui-même, d’un épisode de son célèbre roman.
La musique simple et radicale de Louise Bertin (1805-1877)  éclaire d’un jour nouveau ce drame que la metteuse en scène resserre avec seulement quatre chanteurs et un comédien, autour du destin tragique d’Esmeralda, victime ici du harcèlement masculin. Elle dit non aux grossières avances de Frollo et cède tout juste à la passion qu’a pour elle, Phœbus un beau et noble capitaine.
Quasimodo, ici en dehors de l’affaire, est le témoin du drame où l’héroïne sera amenée au bûcher pour meurtre et sorcellerie, suite à une machination de Clopin Trouillefou, le roi des gueux.

Nous sommes à la cour des miracles aux alentours de la cathédrale Notre-Dame à Paris.  «Vive Clopin, roi de la thune/Vivent les gueux de Paris / Faisons nos coups à la brune/ A l’heure où tous les chats sont gris. » annonce au public Clopin Trouillefou (Arthur Daniel).
Esmeralda, la jeune bohémienne (Jeanne Mendoche, soprano) est convoitée par Frollo, un prêtre libidineux (Renaud Delaigue, basse) et par un jeune homme de bonne famille, Phœbus ( Martial Pauliat, ténor) dont elle tombera amoureuse. Quasimodo (Christophe Crapez, baryton) l’aime en secret et Esmeralda éprouve pitié et sympathie pour cet être contrefait qui chante au son des cloches: «Je suis laid/ Boom boom boom /Dans mon âme/ Je suis beau/ Boum boum boum… »

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Ces personnages vivent entre la cathédrale, la place de grève, la prison et un cabaret miteux. Cécile Trémolières a imaginé que cela se passait dans le chantier actuel de réhabilitation de Notre-Dame de Paris. Echafaudages avec colonne à moitié érigée, rosace du chœur, cloches, ruelles sombres et voilées par des bâches translucides, et où circulent ouvriers et protagonistes. Clopin Trouillefou, dont le personnage a été étoffé par la metteuse en scène, est ici un bateleur qui fait le lien entre les chanteurs, l’orchestre à jardin et le public.

Jeanne Desoubeaux a créé une ouverture en forme d’opéra rock-punk discordant avec accessoires clinquants  et mimiques outrées. Et les costumes d’Alex Costantino ne sont pas du meilleur goût: du Moyen-Age, du XlX ème siècle et de notre époque. Bref, cela commence mal mais ensuite et heureusement, la musique et le livret reprendront leurs droits.
Dirigé par Benjamin d’Anfray qui est aussi au piano, l’ensemble Lélio fait revivre La Esmeralda. La musique de Louise Bertin, comme le texte, n’a rien de romantique et met en valeur le rythme hugolien. Avec une surprenante âpreté rendue par des arrangements radicaux et un jeu sec au piano, violoncelle, clarinette, violon et basson d’époque. Ici, les chanteurs retrouvent le style vocal des années 1830, marqué à la fois par l’école de déclamation française et la souplesse du lyrisme italien. De la belle ouvrage qui fait oublier le début du spectacle..

La Esmeralda n’a pas connu le destin qu’elle méritait, contrairement à Carmen,  elle aussi belle et rebelle, tuée par amour. La première représentation fut bien accueillie mais l’œuvre fut ensuite chahutée pour des raisons politiques (la compositrice était la fille d’un journaliste indépendant) et il y eut seulement quelques représentations.
Hector Berlioz dirigea les répétitions à l’Opéra et reconnut la qualité comme la nouveauté, de la musique de celle qui fut  son élève. Pourtant, on déniait à une femme l’aptitude à composer une telle œuvre et on prêta à Berlioz -mais il le réfuta- «l’air des cloches» de Quasimodo, bissé à l’époque par le public!

Louise Bertin avait-elle trouvé un double fictionnel dans cette Esmeralda, harcelée et méprisée par un groupe d’hommes ne pouvant tolérer qu’une femme soit libre? Jeanne Desoubeaux, elle, entend surtout mettre en scène un féminicide. «À la fin de l’acte III, dit-elle, le trio Frollo, Esmeralda et Phœbus est une scène malaisante où Frollo, aidé par Clopin, observe par le trou de la serrure ce Phœbus qui essaye de coucher avec Esmeralda. Cela n’a rien d’un trio amoureux mais d’une relation sexuelle non consentie sur fond de voyeurisme.»

Le spectacle créé à l’Opéra de Saint-Etienne rend justice à une compositrice dont l’œuvre, comme celles de beaucoup d’autres, est tombée dans l’oubli. Et surtout La Esmeralda résonne avec l’actuelle croisade contre les violences faites aux femmes. Depuis quelques années, les spécialistes réintègrent les compositrices dans l’histoire de la musique. Comme Louise Bertin, elles ont beaucoup de choses à nous dire…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 3 décembre, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle Paris (X ème). T. : 01 46 07 34 50.

Les 8 et 9 décembre, Opéra du Grand Avignon (Vaucluse).

Le 18 janvier, Centre d’Art et de Culture, Meudon (Hauts-de-Seine).

Le 2 février, Opéra de Vichy (Allier).

Les 30 et 31 mars, Grand Théâtre-Opéra de Tours (Indre-et Loire).

 

 

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