M comme Médée, adaptation, dramaturgie et mise en scène d’Astrid Bay

 M comme Médée, adaptation, dramaturgie et mise en scène d’Astrid Baya

Une réalisation à partir de textes d’auteurs contemporains: Médée de Jean Anouilh, une pièce pas très bonne et bien oubliée, Médée-Matériau d’Heiner Müller, Médée, poème enragé, un bon texte de Jean-René Lemoine, Manhattan Medea de Dea Loher et  Medealand de Sara Stridsberg. Mais aussi des classiques: Médée de Sénèque et celle d’Euripide,  sans doute la plus connue où l’héroïne n’hésite pas aussi à empoisonner avec un vêtement, Créuse, l’héritière du trône de Corinthe, causant aussi la mort du roi Créon.

Il s’agit ici d’un montage sur le thème de l’exil mais il est surtout question d’une histoire d’amour extraordinaire, dit Astrid Bayiha.»  Une scène en bois clair avec quelques marches et une avancée vers le public et dans le fond quelques voiles bleu foncé.  Une scénographie réussie de Camille Vallat. Les acteurs sont de Martinique, Afrique, Maghreb, Moyen-Orient, Brésil et France. Fernanda Barth, Jann Beaudry, Valentin de Carbonnières (en alternance avec Anthony Audoux), Swala Emati, Daniély Francisque, Nelson-Rafaell Madel, Josué Ndofusu.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Et en ces temps troublés, cette équipe donne une belle lumière et surtout vers la fin, il y a de remarquables chants africains qui sauvent cette réécriture pallôte d’une histoire mythique, ici axée sur une relation amoureuse légendaire. Mais voilà, tout part un peu dans tous les sens et il manque un véritable fil rouge. Ce cocktail de pièces ne pouvait pas bien fonctionner.Jason chef des Argonautes va en Colchide pour voler la fameuse Toison d’or grâce à laquelle il pourrait récupérer son trône que lui a piqué son oncle Éétès, roi de Colchide. Il va impose à Jason des épreuves insurmontables qu’il gagnera grâce à Médée, fille d’Éétès et magicienne.
Très amoureuse de Jason, elle s’en ira avec lui et ils auront deux enfants. Mais Jason la quittera pour Créuse, la fille de Créon. Médée n’a aucun espoir et est d’une jalousie féroce… Déjà meurtrière de son frère, elle tuera à nouveau ses deux enfants. Une tragédie restée très actuelle dans la douce France: voir les journaux télévisés… Mais on ne verra ici aucun mort.

Astrid Baya a fait jouer Médée à la fois par Fernanda Barth, Jann Beaudry et Danièly Francisque, et Jason par Josué Ndofusu et Valentin de Carbonnières. Nelson-Rafaell Madel est un remarquable Choryphée.
Ils font le boulot mais cette pluralité d’acteurs
sans doute pas l’idée du siècle, sauf à de rares moments où jaillit un petit semblant d’émotion.
Malgré les belles lumières
de Jean-Pierre Népost, l’ensemble ne décolle pas et tout reste ici un peu terne, malgré des costumes très colorés mais peu réussis. Bref, nous sommes restés sur notre faim et ce M comme Médée, affligé d’une dramaturgie assez prétentieuse sur fond de féminisme, ne nous a pas convaincu. Ce collage de textes s’avère finalement une fausse bonne idée???
«La question de la pluralité dans l’interprétation et l’adaptation, dit Astrid Baya, est le point d’ancrage de mon travail.» Soit. Mais si nous sommes tous des Jason et des Médée en puissance, encore faudrait-il savoir comment redonner au célèbre mythe toute sa puissance et là, c’est plus difficile que d’opérer vite fait un petit mélange de sept pièces. Malgré encore une fois la beauté des chants, il n’y a pas le compte et la salle n’était pas très pleine.  On oubliera vite ce M comme Médée... 

Philippe du Vignal

Jusqu’au 25 novembre,Théâtre de la Tempête, route du Champ de manœuvre, Cartoucherie de Vincennes. Métro: Château de Vincennes + navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.


Archive pour novembre, 2023

Midi-Minuit de Stéphanie Vicat, d’après une idée originale de Julie Roux, interprétation et mise en scène de Julie Roux

Midi-Minuit de Stéphanie Vicat, idée originale, interprétation et mise en scène de Julie Roux

Rien à voir avec Midi-minuit, un film des années soixante-dix de Pierre Philippe, avec Daniel Emilfork. Ici un petit buffet, un porte-manteaux et surtout un grand lit en cuivre, avec, à côté, un couffin où est censé dormir un bébé.
Cela s’appelle l’alcoolisme, une jeune femme Johanna, après une rupture, raconte sa vie malgré un épuisement permanent. Elle boit chez elle, comme chez ses parents ou chez les copains. Tout le temps et tous les jours.

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« Est-ce que je bois trop ? » Ce serait la bonne question à se poser mais Johanna a le plus grand mal à le faire. Elle n’est plus lucide et n’a pas une exacte perception de l’enfer qui la guette. Elle lutte pourtant mais a bien du mal à respecter les horaires de la crèche, à s’astreindre à une vie «normale» comme tous ceux et celles soumis à cette drogue implacable. En milieu urbain comme dans les campagnes: nous avons connu deux pauvres êtres qui vivaient seuls et qui tournaient, l’un bûcheron et vendeur de bois à quatorze pastis par jour! Et l’autre, incapable de travailler vraiment à huit litres de médiocre vin rouge…

Le texte a été écrit d’après des témoignages d’alcooliques, anciens alcooliques et spécialistes de cette pathologie pas facile à guérir et dont on sort rarement indemne, même si cela arrive. «Fiction ? Réalité ? Temps présent ? Comment savoir ? dit l’autrice. Peut-être faudra-t-il à Johanna avoir bu tout ce qu’elle était, tout ce qu’elle avait pour qu’émergent peu à peu la conscience et le goût de la vie. » Oui, mais ce n’est pas avec de bonnes intentions qu’on fait du bon théâtre, et il faudrait une véritable écriture qui manque cruellement à ce monologue finalement assez peu crédible !

Ici, avec des voix off, Julie Roux interprète ce solo de personnage d’alcoolique paumée. Elle a une belle présence mais elle a choisi de se mettre en scène et là, on reste sur sa faim. Malgré la scénographie précise d’Aurélie Lemaignen, la création lumière de Thomas Rizzotti et la création sonore de Romain Su, ce Midi-Minuit peine à décoller.
Pas sûr comme disent (un peu naïvement?) disent Julie Roux et Stéphanie Vicat, que ce seule en scène féminin, un modèle économique qui fleurit partout (le troisième pour nous dans la semaine!) soit le bon. « Un choix nous est apparu comme une évidence au fil de nos recherches. Parce que de tous les témoignages que nous avons entendus, l’idée de solitude s’est imposée de manière flagrante: solitude de celle qui boit dans le désert d’une vie affective, mais aussi solitude de celle qui boit au sein d’une famille, parmi les collègues et amis. Cette femme-là ne subit pas seulement le poids de l’addiction, mais celui de le cacher. La honte, le secret deviennent alors des facteurs de solitude plus pesants encore que la dépendance elle-même. »

Solitude et solo: même étymologie… mais il y a ici un syllogisme théâtral dans ce premier texte de Stéphanie Vicat et «les éléments de la vie de Johanna qui s’écroulent comme des dominos» ne font pas d’emblée même un monologue.  Et la note d’intention est un brin prétentieuse : «Dans notre écriture, ces moments sans paroles ne seront pas simple illustration mais moteur dramaturgique, au même titre que les scènes parlées. » Ce qui ne se voit pas sur le plateau et ce  Midi-Minuit avec des dialogues souvent en stichomythie et proche d’un théâtre documentaire mais sans l’être, reste peu convaincant… Et Julie Roux, pourtant sortie du Conservatoire National, a souvent une diction approximative et boule son texte… Enfin, au moins pour un soir, nous avons échappé aux micros H.F., aux fumigènes et au son électronique de batterie! Mais rien à faire, le compte n’y est pas, et vous pourrez vous épargner ce solo.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 19 novembre, Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique National du Val-de-Marne, La Manufacture des Oeillets, 1 rue Raspail, Ivry-sur-Seine. T. :  01 43 90 49 49.

Saison culturelle de la ville de Gueugnon (Saône-et-Loire), le 26 avril.

Les 14 et 15 mai, Espace des Arts-Scène Nationale de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

 

Les Personnages de la pensée, texte, peinture et mise en scène de Valère Novarina

Les Personnages de la pensée, texte, peinture et mise en scène de Valère Novarina

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Au Théâtre de la Colline, le dramaturge est chez lui depuis quelque vingt ans:  L’Origine rouge en 2000, La Scène en 2003, puis  L’Acte inconnu en 2007, L’Homme hors de lui en 2017 et L’Animal imaginaire deux ans plus tard. Valère Novarina, auteur, metteur en scène et aussi peintre, nous parle une fois de plus du langage mais aussi en filigrane et souvent du corps sous tous ses aspects. Il évoque l’anus sans difficulté et avoue son obsession de la mort dans une sorte de litanie: le mot cercueil est répété plusieurs fois: « J’habite à Vilibry-le-cercueil vers la route 158 bref-ou huitante-toute». «Faites dire son périssement à la terre : son cercueil est le monde, où nous nous rassemblons sans fin par nos trous communicateurs… » (…) « Je n’trouve plus rien qui m’aille. Auriez-vous un cercueil à ma taille? Ai-je quémandé Au garçon vert du funérailles-center » (…)

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© Tuong Vi Nguyen

 

Sur le grand plateau nu, juste deux grands châssis blancs en déséquilibre où seront projetées des peintures  non figuratives, puis neuf (comme les acteurs) grands tableaux carrés, eux aussi non figuratifs qui font penser à des Hartung mais avec des couleurs violentes.
Histoire de s’amuser encore un peu plus, les acteurs jouent avec des châssis de peintre ou passent la tête dans de grands carrés de papier kraft tendu.. Mais il y a aussi nombre d’accessoires comme cette fontaine de sang (baudelairienne?) qui jaillira du sol… Et côté jardin dans le fond, une mobylette grise de soixante ans d’âge et côté cour, un chien en carton, assis. Mais aussi des tabourets en bois, de doubles petits escaliers à trois marches, un lit roulant d’hôpital avec un corps sous un drap blanc qui viendra de temps à autre, faire un petit tour sur le plateau.

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© Tuong Vi Nguyen

Ici, pas vraiment de personnages mais des porte-parole de l’auteur et nommés ici dès le titre comme Les Personnages de la pensée: Le Déséquilibriste, L’Illogicien, Le Vivant Malgré Lui, L’Acteur Fuyant Autrui, Colombine, Trufaldin, La Parole Portant une Planche. Ils jouent avec les mots de façon jubilatoire et comme dit l’un d’eux: «Que l’univers poursuive hors de nous sa propre logique!» Impossible de résumer cette pièce, comme celles de Valère Novarina. Mais nous en avons cité quelques répliques, histoire de faire plus clair et vous mettre l’eau à la bouche…

L’auteur (soixante-seize ans?) convoque en une danse macabre et joyeuse à la fois-c’est tout le piment de ses textes- six de ses acteurs et compagnons de route, tous disparus… Bernard Ballet l’an dernier, son interprète dans Le Drame de la vie en 86 et qui avait mis en scène La Fuite de Bouche : «J’ai mangé et rongé Adam avec ses dents dans le cercueil en noisetier de mon grand-père à huit poignées d’argent. (…)

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©x Christine Fersen

Et le dramaturge fait revivre le temps d’une réplique, Christine Fersen qui avait joué en 2016, deux ans avant sa mort accidentelle, L’Espace furieux avec l’immense Daniel Znyk (Sosie) à la Comédie-Française.
Et Anne Wiazemsky, écrivaine et actrice disparue il y a six ans  dans Vous qui habitez le temps en 89 et Le Drame de la vie... Et Tsilla Chelton, morte il y a treize ans et qui avait enregistré à Radio France L’Atelier volant en 72…

Et le grand Alain Cuny, mort il y a presque vingt ans déjà et qui avait si bien lu pour France Culture Le Monologue d’Adramelech en 83. Formidable évocation-incantation! La mort est ici obsessionnelle, celle des autres et de l’auteur, déjà en filigrane dans ses autres pièces, entre autres: Vous qui habitez le temps avec ce genre de répliques radicales «Chaque soir était atteint sans autre effort que d’accoucher en soi d’un mort qui vivrait au matin ; nous étions des animaux mis dans la vie qu’après la mort. »

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©x Alain Cuny

Ici, la litanie se poursuivra jusqu’à la fin: «Seul sur la terre, j’ai laissé mon corps me conduire tout seul à la médecine. Je lui ai jeté du jaculatum et il l’a reçu. Ma femme a accouché d’un roquet nommé mon fils par hasard et il s’est inscrit à la chaîne humaine lui aussi et il n’a rien fait d’autre. Puis il a laissé son corps avec le mien, ensemble, en un sac, à la terre et à la médecine.» (…)  « Nous avons retrouvé-mon fox-terrier et moi -un modus moriendi. (…) « Mais quel est l’avis du défunt? Quel est l’avis du défunt ? « Ô cerveau tu es finalement le cercueil de toute pensée véritable ! Passons à table… (…) « Contre la mort des choses, nous échangeons notre faim. « Tout ce qui se mesure périt. Tout ce qui forme corps dure une borne. » (…)
Et il y a comme une sorte de prière, genre:  Notre Père catholique:  » Notre crâne qui êtes en nous comme une pierre au milieu de la pensée, notre bouche qui êtes en nous comme un trou au milieu de la figure ; notre chair qui êtes en nous, comme une pensée par quelqu’un d’autre; notre œil qui êtes en nous comme la lampe du corps; notre corps qui êtes en nous comme la tête des membres.» Et des cimetières nous enterraient à temps. »

Valère Novarina, grand amoureux des listes, s’en remet à propos de Dieu dans une magnifique tirade qui sera dite par L’Homme d’outre ça, à des écrivains y compris lui-même, à des politiques (mais une seule femme) et à des artistes…
Echantillon: «Rabelais glisse : «A Dieu, rien n’est impossible, et s’il voulait, les femmes auraient dorénavant leurs enfants par l’oreille » ; Constantin Monomaque ose dire que Mahomet se forge de Dieu une idole invisible; Stendhal remarque qu’on ne peut parler de Dieu à une femme sans qu’aussitôt son œil pétille ; André Breton claironne que « Dieu est un porc »; Gainsbourg précise que « Dieu est un fumeur de havanes »; Jean Rostand observe que si l’on tue un homme, on est un assassin; si l’on tue des millions d’hommes, on est un conquérant -et que si on les tue tous, on est un dieu. A Arcole, Bonaparte décide que «Dieu c’est le destin. »
Dostoïevski affirme que « si Dieu n’existe pas, tout est permis » ; Lacan soutient le contraire : «Si Dieu n’existe pas, alors rien n’est plus permis du tout. Les névrosés nous le démontrent tous les jours » ; Louise Michel trouve que « le bon Dieu est trop versaillais. » ; Spinoza soutient que « si les triangles avaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés.» ; Sade rumine que son « plus grand chagrin est qu’il n’existe pas de Dieu et de se voir privé, par là, du plaisir de l’insulter »; Valère Novarina avance que «Dieu est la quatrième personne du singulier »; Donatien-Alfonse-François fulmine : « Ah! s’il existe ton Dieu, que je le hais! » ; Sartre serine : « Dieu se tait, je n’en saurais démordre » ; Isidore Isou réplique douze fois : « Dieu mord, je ne saurai le taire. » (…)

Le texte est fondé sur un grand classique de la philosophie stoïcienne, le « memento mori , ici permanent. «Connaissez-vous le cimetière bénédictin de Palerme? On y peut voir les restes de son beau-frère admirablement conservés. » (…)«Je souffre de la mort et de son écœurant trépas. Lorsque j’étais petit (et même petiot) je haïssais la mort, le repas et le trépas : je disais : au repas comme au trépas : pourvu que je n’y arrive pas ! de fines tranchelettes d’oies mortes enrubannées en lamelles fortuites sauvées par quelques vieux blés, autour de quelques dés de bœufs morts souvent çà et là : le tout servi dans une aumônière trio-stérile ornée d’un motif éponge, et de couleur sublunaire.
« Nous mangeons la mort, nous mangeons la vie-puis nous n’avons plus rien dans notre assiette, et nous nous les jetons ! Je n’ai jamais vu dans mon assiette- en long et en large-autre chose que les restes de la carcasse de toutes les choses : la vie soudain devenue simple carcasse de la mort. »
En sortant de ma pensée par la pensée, je me suis dit : Ne te suicide pas avant d’arriver à la fin de la pièce! / Vous perdrez avec la mort une belle occasion de vous taire. «
Toujours, au milieu du chemin du souffle, s’ouvre par la parole le vide du pas- sage, du trépas par la mort. La mort n’est pas vraie. »Et il y a vers la fin, un étonnant dialogue métaphysique : La Mangeuse Ouital : « Tuer la mort. L’Ecrituriste : Le suicide est-il une solution? Jean qui corde : « Il n’y en a pas de meilleure. »

Ici, plus que jamais, Valère Novarina s’amuse aussi avec des jeux sur les mots et reste le grand amoureux de la langue française qu’il a toujours été. Il va même régler ses comptes avec l’accord inclusif et un personnage remplace les terminaisons avec un u : « Et tu veru que nu purviendru purfutement u nu » cuprendre ».
Et il y a ce
moment magnifique à la fin où l’écrivain rend hommage à son outil de travail: «Le langage est d’origine. Il n’est pas quelque chose qu’on aurait gagné sur les bêtes à force d’évoluer mais quelque chose qui va plus loin que toutes les choses parce qu’il rejoint leur apparition. La parole ne nomme pas, elle appelle. C’est un coup d’éclair, une foudre : les mots n’évoquent pas, ils tranchent, fendent le rocher. Le langage n’a rien à décrire puisqu’il commence : il n’y a rien qui soit plus au secret de la matière, plus proche de la vie profonde de la nature, que le mystère verbal. Le monde est un langage, notre parole s’en souvient. Tu nous as donné la parole pour t’entendre. » 

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©Tuong  Vi Nguyen

Le spectacle est aussi imprégné de références à la peinture, d’abord des toiles de l’auteur, non-figuratives posées sur le plateau avec une déclinaison de quatre tableaux identiques, échelonnées de la plus grande à la plus petite. Et il y a un diptyque chromo bien peint mais soigneusement laid! qui  s’ouvrira au début et à la fin pour laisser apparaître un personnage. Et il y a La Parole portant une planche, une très courte scène inspirée par une des peintures évoquant la vie du Christ que Valère Novarina avait vues au Sacro Monte de Varallo où il a séjourné. Le Déséquilibriste :Tu portes une planche ? L’Ouvrier du Drame : Non, la moitié d’une croix. Le Silentiaire. Ton nom ? L’Ouvrier du Drame. I.N.R.I… J. N. R. J. : gît « énergie ».


La parodie est aussi à l’ordre du jour et Valère Novarina fait dire à ses acteurs une excellente imitation des annonces parfois redondantes ou sans aucun intérêt d’un journal radiophonique: « Cinq nouveaux prénoms viennent d’être autorisés par les institutions nominales en vigueur : Bienvenue, Du-coup, Mais pas que, Pas-de-souci, Des-trous-dans-la-raquette, A bas bruit. » « “La France osera-t-elle menacer ses voisins de se retirer soudain de l’Hexagone? ” se demande ce matin dans Pensée magazine, le philosophe Régis Gallibert. » «Baume-la-Vieille vient d’être déclarée par une commission d’approche l’un des coins les plus lugubres du Labouristan. » (…)
« La France est-elle une république langagière?… La question est posée ce matin en couverture du magazine Blabla. » « Une requête en raisons palliatives vient à l’instant d’être promulguée de façon stipulaire par la commission libre du décomblement à long terme des zones de vide juridique. » (…) «L’interdit de l’inceste a été levé cette nuit par la Chambre haute réunie en séance plénière», titre ce matin le Morgenrijksdagblatt.
«L’âge légal de la mort vient d’être reculé de trois ans.» « Collision à l’échangeur de Sartrouville : 120 morts et 11 mortes. » «Un attentat sous X vient d’être commis dans la ville sainte de Provins afin de donner à Dieu un signal fort… » (…) « Quarante-cinq minutes plus tard, après la météo qui nous donnera des nouvelles du temps, nos confrères et nos consœurs de l’émission canadienne Faut pas pousser  » ( …) 

Et il y a aussi peu avant l’entracte, dans un monologue aussi parodique et très drôle;  Manuel Lelièvre dit merveilleusement, une centaine d’incises mises bout à bout, surtout à la troisième personne et au passé simple, teintées d’absurde, comme dans les mauvais romans.
L’Infini
Romancier : «Voyez» dit Jean ; « Soyez attentifs !» ajouta Jacques ; « S’arrêtera-t-il ? » demanda Pierre ; « Oui » répondit Marie ; «L’arrêterons- nous? » reprit Josette ; « Certainement pas » répliqua Anne ; «Continuons» poursuivit Jean-Louis ; « Encore » répéta Mathieu ; « Jamais » rétorqua Véronique; « Vive le Un ! » enchaîna André ; « Pas assez près du centre » rectifia Claire; «Rien à faire» constata Oscar; (…) « Que si ! » confirma Arlette ; «Vitam impendere motui » casa Jean-Jacques; «Vous êtes latiniste? » se pâma Christiane. (…) «Kenavo» baragouina Ronan soudainement mieux. » (…) « L’amateur de nô habite à Mézières-sur-Couesnon» renchérit son interlocuteur; « L’inceste à l’alpage laisse Colombine perplexe» opina Pierrot; « Anhäufungseffekt ! » éternua Bernard. (…)

Et le grand amoureux des listes de noms peu connus et bizarres fait dire aussi plus de cinquante-cinq noms d’insectes, papillons, animaux… choisis pour leur étrangeté et leur euphonie poétique: «Quand bien même l’homme ne serait plus sur la terre, il y aura toujours : l’aragne, le volopiandre, le foraminifère, l’anolis, l’héliozoaire, la paramécie, la cochenille, l’amibe, la vorticelle, l’hydre, la douve, le buccin, la sangsue, le lombric, la salamandre, le triton, la méduse, le dytique, le lépisme, la glossine, le nécrophore, le paon de jour, la libellule, la nèpe, le forficule, le phasme, le scarabée, le taupin…(…)

A ce travail scénique avec nombre d’accessoires et toiles peintes, il faut de grands interprètes -plusieurs d’entre eux ont déjà travaillé avec Valère Novarina- capables de donner vie à ce texte difficile à mémoriser, comme souvent à prononcer.Valentine Catzéflis, Aurélien Fayet, Manuel Le Lièvre, Sylvain Levitte, Liza Alegria Ndikita, Claire Sermonne, Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, René Turquois et Valérie Vinci, avec Mathias Lévy, violoniste et Christian Paccoud à l’accordéon qui a aussi écrit la musique, donnent tous le meilleur d’eux-même à ce texte d’une force poétique exceptionnelle. Sous les belles lumières de Joël Hourbeigt qui avait commencé à travailler en 86 avec Valère Novarina à la création du Drame de la Vie au festival d’Avignon. La remarquable scénographie d’Emmanuel Clolus fait écho au texte avec ces châssis qui s’emboîtent ou circulent. Comme les costumes drôlatiques et très colorés. Tout cela donne une forte unité au spectacle.
Valère Novarina le dirige bien avec une exigence de tous les instants. Aucun temps mort et les techniciens de la Colline sont aussi pour beaucoup dans la réussite de cet ovni théâtral, sans doute celui où le dramaturge maîtrise le mieux ls variations d’un langage comique depuis
La Fuite de bouche, une pièce mise en scène par Marcel Maréchal que nous avions vue à Marseille… il y a déjà quelques dizaines d’années.

Attention, ce spectacle -long mais jamais ennuyeux- se mérite. Et nous ne vous conseillons pas d’emmener votre grand-mère, si elle est habituée aux pirouettes faciles du boulevard. Cela dit, Valère Novarina aurait pu sans doute pu abréger la fin de la première partie où il y a quelques longueurs comme un solo de violon ou le ballet -un peu facile- des accessoiristes qui nettoient longtemps le plateau avec de grands balais…
Après l’entracte, la salle était assez mitée… La seconde partie d’une heure, malgré d’excellents moments, n’était peut-être pas indispensable et les acteurs de ce maraton verbal semblaient avoir un peu moins d’énergie… On les comprend!
Bref, nus avons vu la troisième représentation mais l’œuvre mériterait d’être un peu resserrée: c’est toujours après coup, une opération difficile… Nous persistons et signons: ce spectacle, malgré un air testamentaire, a une drôlerie exceptionnelle et bénéficie d’une interprétation magistrale.

Allez voir ce spectacle, ou si vous ne le pouvez pas, lisez le texte: dans les deux cas, vous passerez un bon moment Nous n’avons qu’un dramaturge comme Valère Novarina en France… Cette pièce, sans doute la plus aboutie de cet auteur-metteur en scène et peintre contemporain, fait penser à La Duchesse d’Amalfi de John Webster (1613). Elle participe d’une méditation sur la mort avec une incomparable poésie. Et nous recommandons aux élèves-comédiens d’aller se nourrir de Valère Novarina à la Colline, c’est pour le moment le meilleur spectacles de cette saison.
« Je demande au théâtre un épuisement. Je demande au théâtre une vue, un dévoilement. Je lui demande qu’il déchire. Je lui demande d’être un théâtre d’action et d’effraction pure, écrivait déjà Valère Novarina dans Devant la parole en 99.

Philippe du Vignal

Remerciements à Louise Dubreil.

Du 7 au 26 novembre, Théâtre de la Colline, 46 rue Malte-Brun, Paris (XX ème).

Du 23 au 27 janvier, Théâtre National Populaire, Villeurbanne;  le 30 janvier,  Maison des Arts du Léman, Thonon-Évian.

Et lundi 20 novembre à 20 h, au mk2 Gambetta 6 rue Belgrand, Paris (XX ème), rencontre avec Valère Novarina et Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences. Ils feront dialoguer théâtre et sciences: qu’ont en commun le langage de la physique et celui du théâtre? Sera aussi là le philosophe et romancier Olivier Dubouclez, auteur de Valère Novarina, La Physique du drame (Presses du réel, 2005).

Le texte de la pièce est édité chez P.O.L. 288 pages. 18 €.

Binôme # 56: Un Pied dans ta mémoire de Catherine Benhamou,

Binôme#56: Un Pied dans ta mémoire de Catherine Benhamou, par la cie Le Sens des mots 

Un titre qui renvoie à une expression tiré d’un manuel de psychologie sociale, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens*. La pièce a été écrite après un échange entre l’autrice et Daniel Priolo, maître de conférences en psychologie clinique et santé à l’Université Paul Valéry, Montpellier III. Ce membre d’un laboratoire de sciences ouvertes vise à rendre accessibles au grand public les publications des chercheurs. Un objectif qui croise celui des Binômes imaginés par Thibaut Rossigneux pour créer des passerelles entre le monde du théâtre et celui des sciences.
Acteur et metteur en scène, avec sa compagnie Le Sens des mots,  il passe commande à des écrivains et leur propose de rencontrer des chercheurs en génétique, zoologie, climatologie, médecine, mathématiques, physique… Règle du jeu identique pour tous: après une seule et unique entrevue de cinquante minutes,  l’autrice ou l’auteur a un mois et demi pour écrire une pièce de trente minutes pour trois personnages, qui sera lue par un collectif d’acteurs, metteurs en scène et musiciens.

Au fil du temps, 58 Binômes ont donné lieu à autant de pièces et mises en espace et ont aussi fait l’objet de spectacles et publications**. Une manière innovante de rapprocher le grand public des sciences les plus en pointe.

 Binôme # 56: Un Pied dans ta mémoire de Catherine Benhamou,  dans actualites montpellier-catherine-benhamou

Catherine Benhamou ©le sens des mots

Avec, en main, les grandes lignes de la recherche menée par Daniel Priolo sur le détournement des valeurs libérales pour obtenir le consentement des individus malgré eux,Catherine Benhamou met en scène une femme qui revient sur «les lieux du crime», vingt-sept ans plus tard. Elle nous fait revivre, avec un retour en arrière à la manière du cinéma, les manœuvres d’un professeur pour séduire l’adolescente de quatorze ans qu’elle était. Grâce aux outils de la psychologie sociale, la scène entre le harceleur qui se rejoue devant elle devient un objet d’étude sous son regard lucide. Et ce froid décryptage met à distance le traumatisme enfoui dans sa mémoire. De proie qui se croyait coupable, elle sort de son amnésie pour instruire le procès contre son agresseur.

Sous la direction de Daniel Blanchard, Sandrine Lanno, Emilie Vandenameele et Thibault Rossigneux habitent les personnages sans les caricaturer. Et malgré la gravité du thème, la pièce recèle un certain humour. Rien de pesant ici et l’on retrouve le talent de Catherine Benhamou que nous avions déjà apprécié dans Romance et dans Nina et les entrepreneurs (voir Le Théâtre du blog). Elle traite sans stigmatisation d’un thème de société brûlant… Une vraie réussite.

Après la représentation, l’autrice explique que le questionnement scientifique lui a permis de mettre cette affaire de pédophilie à distance. Après une lecture de la pièce à l’Université Paul Valéry à Montpellier, une jeune fille lui a écrit: cette fiction, dit-elle, lui a permis de démonter les rouages du harcèlement qu’elle a subi et de sortir de sa culpabilité quand elle est tombée dans le piège d’un adulte.

Quel avenir pour cette pièce qui a sa place dans les établissements scolaires? L’équipe de Binômes et son partenaire l’Université Paul Valéry vont prendre contact avec les rectorats pour faire circuler le texte auprès des élèves.

Avis aux programmateurs, enseignants et directeurs de lieux:  le collectif propose ses spectacles en tournée…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 7 novembre à La Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle Paris (XVlll ème) T. : 01 40 05 06 96.

Prochain Binôme,  le 7 décembre à 19h : i = Racine carrée d’imaginaire (Mathématiques Fondamentales) de Pauline Ribat,  d’après sa rencontre avec Jasmin Raissy du C.N.R.S.

 * Presses universitaires de Grenoble.

** Cinq recueils de Binômes sont publiés aux Solitaires Intempestifs.

Au cœur de la Maison du Geste et de l’Image

Au cœur de la Maison du Geste et de l’Image 

« Une maison pour l’éducation par l’art », dit Marie Stutz, sa directrice. Derrière une grande baie vitrée, rue Saint-Denis, face à la Fontaine des Innocents donc au centre historique de Paris, s’ouvrent, sur trois étages, de vastes espaces dédiés au tournage et montage de films, des studios de photographie, un petit théâtre et des salles de répétition…. En 2024, cette Maison créée par la Ville de Paris, fêtera ses quarante ans. loin d’avoir vieilli, elle dispose  d’un parc de matériel très récent que lui envieraient bien des professionnels. Elle a multiplié ses partenariats avec des théâtres, des musées et surtout de nombreux établissements scolaires parisiens ou de Seine-Saint-Denis, de la maternelle à la terminale.

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tournage stage de Toussaint © Sagradini_

Visite guidée dans les 1.600 m2 de cette ruche qui reçoit 4.000 enfants par an: plusieurs salles de montage numérique avec ordinateurs aux logiciels performants, deux grands plateaux de tournage pour le cinéma et aussi des bancs-titres. Une chambre noire pour le tirage de photos argentiques, une régie pour la salle de théâtre et un studio d’enregistrement sonore, tout aussi bien équipés.

De quoi créer avec les jeunes, images, sons et spectacles encadrés par des vidéastes, photographes, metteurs en scène, chorégraphes, scénaristes et auteurs de théâtre (127 intervenants cette année pour plus de 5.000 heures d’atelier). Avec une grande qualité de travail.
Ces pratiques artistiques dans le temps scolaire, périscolaire ou hors cadre visent à fédérer l’énergie des enfants et à croiser les disciplines. Quand les artistes interviennent en lien avec l’école, les parcours sont faits sur mesure avec les enseignants et impliquent des médiateurs en théâtre, image et son… Ils participent  à un objectif commun et à une pratique collective. «J’ai rarement vu des endroits où des élèves d’une classe pouvaient ensemble être aussi eux-mêmes, dit un collégien. Nous apprenons de nouvelles choses, en nous soutenant les uns les autres. »

  »C’est une aventure permanente, dit l’auteur Sylvain Levey. Pas de recette: tout le monde s’autorise à créer. Je ne suis pas un pédagogue, je viens parce que j’ai un projet où je les fais entrer. » Il cite l’exemple d’un texte en gestation qu’il leur a proposé C’est moi qu’ai cramé le poubelle et qui est devenu un spectacle dont il a tiré un roman La Fête à venir. «J’ai autant appris des ados, que les ados ont appris de moi », dit aussi Stéphane Schoukroun, metteur en scène et acteur.
Puis rendez-vous sur la scène de la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs voisine, dans la Canopée du forum des Halles (voir
Le Théâtre du Blog) pour la clôture du stage Printemps d’automne avec un spectacle à partir d’un texte écrit pour les adolescents.

Tout ça tout ça de Gwendoline Soublin, atelier dirigé par Chantal Pétillot, metteuse en scène,Mario Sagradini, réalisateur et Ania Winkler, photographe

Après vingt heures d’atelier, trois groupes de douze à seize ans sont en scène pour montrer leur réalisation devant un public de parents et amis. L’atelier-théâtre a travaillé choralement sur cette fable d’inspiration écologique. Ehsan, douze ans, a disparu. Un petit mot sur son lit où il explique son angoisse devant le récits des catastrophes à la radio et à la télévision. Le jeune garçon refuse un monde où la banquise fond, où les ours blancs vivent dans les hypermarchés et où les terroristes mitraillent. Quatre enfants s’inquiètent de sa disparition et persuadés qu’ils se cache dans le bunker du jardin, cherchent à le convaincre d’en sortir.

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Tout ça pour ça -© Winkler

Les jeunes se partagent le texte à tour de rôle ou ensemble et s’adressent à celui qu’on verra seulement en images. Photos et films prennent le relais de la mise en scène. Des cyanotypes évoquent avec leur tonalité bleutée les abysses où se cacherait le fugueur. Un montage vidéo à deux écrans superposés le montre enfoui sous le terrain de football où ses camarades jouent au ballon. Dans une belle scène, chaque enfant s’adresse à un Ehsan invisible et lui offre un peu d’humanité: musique, confidences, cri d’amour, jusqu’à un enterrement cocasse de poissons surgelés.

L’écriture de Gwendoline Soublin avec ses dialogues serrés est bien adaptée à ce traitement. La diction est parfois inégale mais la gestion de l’espace et la chorégraphie des corps sont très maîtrisées. La recherche musicale et visuelle infusent une esthétique de l’étrange. Pari gagné : ce spectacle est soigné avec une mise en commun des potentiels artistiques de chacun mais c’est aussi une réponse poétique et amusante au monde anxiogène où baignent les enfants.

Mireille Davidovici

Maison du Geste et de l’Image, 42, rue Saint-Denis, Paris (Ier). T. : 01 42 36 33 52 . contact@mgi-paris.org

M.P.A.A. La Canopée, Forum des halles, Paris (Ier) T.:  01 85 53 02 10 .

Tout ça tout ça est publié aux éditions Espace 34-Théâtre jeunesse.

Prochains rendez-vous: Hauts-parleurs donne la parole à la jeunesse. Deux restitutions/performances à la M.G.I. et dans un autre lieu à définir : Sorbonne, Théâtre 14 ou Quartier Jeunes, les 13 et 16 mars.
Et si mon corps était un arbre, un projet-danse relié à l’écologie pour se reconnecter au vivant.  Pour quatre classes de quatre établissements, de la primaire au collège. Restitutions publiques en avril.
La Fête des écritures théâtrales pour la jeunesse : lectures, écritures et mises en scène avec des auteurs, le 1er juin
Et Objectif photos avec la Maison européenne de la photographie dans le cadre du label L’Art pour grandir.  Des enfants de soixante centres de loisirs parisiens rencontreront un photographe et mèneront réflexion et une pratique artistique avec lui . Exposition en juin à la M. G.I.

 Cartes blanches aux artistes : inpour invités pour une soirée à occuper la Maison. le 21 décembre, Anne-Frédérique Bourget de la compagnie Maskantête ; le 24 janvier,  Karin Palmieri de la compagnie Terre à chemins; le 29 février, Harry Bracho  et le 27 juin,Théo Harfoush.

Macbeth Underworldde Pascal Dusapin, livret de Frédéric Boyer,direction musicale de Franck Ollu, mise en scène de Thomas Jolly (en anglais surtitré)

Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, livret de Frédéric Boyer, direction musicale de Franck Ollu, mise en scène de Thomas Jolly (en anglais surtitré)

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© Stefan Brion

Le monde souterrain de Macbeth: une forêt inextricable d’arbres morts comme frappés par la foudre sous un ciel tourmenté où s’inscrit en lettres fluo : «Ici on peut voir un tyran. » impressionne  le public dès son entrée dans la salle. Hécate, déesse de la nuit et de la mort, haut perchée dans des atours élisabéthains, convoque le couple maudit. «Regardez, ils reviennent encore sur la scène», chante John Graham Hall (ténor) qui incarnera plus tard le Portier de l’enfer, oracle à ses heures.

Car nous sommes aux portes de l’enfer: Macbeth et sa Lady, âmes errantes et fantômes crépusculaires, apeurés par l’image d’un homme en sang avec un poignard planté dans le dos, et d’un enfant de blanc vêtu. Tous habillés de costumes immaculés…
Des branches d’arbres, surgissent les Sœurs bizarres, avatars des trois sorcières dans Macbeth de Shakespeare. Harpies harceleuses et moqueuses à l’éclatante chevelure rouge, elles apparaissant de tableau en tableau et chantent leurs prophéties obsédantes et mensongères pour aiguiser l’appétit de pouvoir de Macbeth.

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© Stefan Brion

 

Ces créatures de la nuit lui tendent un poignard fantôme et répètent :«Beau est noir, noir est beau.» Elles hantent aussi les rêves de lady Macbeth et chantent un Requiem pendant le couronnement macabre des époux meurtriers… Macbeth Underworld nous emmène dans le cauchemar et les méandres de leurs âmes coupables. Condamnés à revivre éternellement leurs crimes odieux, ils sont poursuivis par les spectres de leur victime et celui d’un enfant inconnu: un fils du roi qu’ils ont fait assassiner? Ou un bébé mort-né arraché du sein de lady Macbeth? «Pauvre petit oiseau» chante Macbeth. A la fin, le mystérieux garçon le terrassera, avec sa voix d’ange devenue poignard.

Pour revisiter Shakespeare, Pascal Dusapin a écrit sa partition -en collaboration étroite avec Frédéric Boyer. Cet érudit, traducteur de Shakespeare, de la Bible et Saint-Augustin, est par ailleurs poète et directeur des éditions P.O.L. : «Ça s’est fait comme ça, mot à mot », dit le compositeur. Ainsi, la musique colle au texte anglais, et inversement. Tout est chanté sans ouverture ni transitions.
La pièce est resserrée sur la descente aux ténèbres du couple dans une suite de fantasmagories, jusqu’à la folie suicidaire de lady Macbeth et au ressassement aveugle de son mari.
Ils rejouent 
 avec les mots de Shakespeare, réduits à l’os par l’adaptation, pour en extraire la substantifique moelle: «Nous avons préféré, dit Frédéric Boyer, créer avec Pascal Dusapin, une sorte de digression noire et enchantée de l’œuvre et de son mythe. »

Bruno de Lavenère matérialise cet outre-monde sinistre avec une scénographie où les branchages avancent et s’écartent pour laisser surgir les hautes tours du château et un lit conjugal dans les appartements imposants des époux. Grâce à un habile jeu de cache-cache, les interprètes apparaissent puis disparaissent dans le clair-obscur, montent des escaliers, escaladent les arbres…
Thomas Jolly impulse un mouvement perpétuel en rythme avec la musique qui éclate en larges jets instrumentaux, joués 
par l’orchestre de l’Opéra national de Lyon, sous la direction musicale délicate et puissante de Franck Ollu. 

Parmi les nombreux vents et cordes, les instruments de bruitage, on entend aussi un archi-luth (luth ténor au long manche de théorbe), emblématique de l’époque élisabéthaine. Katarina Bradić, mezzo-soprano vibrante et souple, épouse les lamentos de lady Macbeth. Jarrett Ott, baryton à la voix puissante et ductile, passe par tous les états d’âme de Macbeth. Les Weird Sisters (Sœurs bizarres) Maria-Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert et Melissa Zgouridi mêlent leurs tessitures acidulées.

Sans effets spectaculaires, cet opéra à la mise en scène parfaitement huilée et au grand pouvoir visuel et musical, nous emmène dans le monde fantastique-mais en plus sombre-des mythologies celtiques à la Tolkien. A travers Shakespeare et sans le paraphraser, Pascal Dusapin et l’équipe artistique parlent d’un monde de bruit et fureur, peuplé de nos cauchemars contemporains et habité par des souverains sanguinaires. A la fin, Macbeth devient un monstre de foire et on peut voir,  les mots du début peints sur un écriteau : « Ici, on peut voir un tyran. »
Une mise en garde contre le recul de nos démocraties? Cette question est encore plus criante depuis que le spectacle a été créé en 2019 au théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 12 novembre, Opéra-Comique, 1 place Boieldieu, Paris (II ème). T. : 01 70 23 01 31.
Et le 20 décembre sur France Musique.

Sauvage de Karin Serres, conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

Sauvage de Karin Serres,  conception et interprétation d’Annabelle Sergent (tout public à partir de dix ans)

L’autrice, qui est aussi metteuse en scène et traductrice de théâtre, a écrit une soixantaine de pièces surtout pour le jeune public, mais aussi des romans. Ce « thriller éthologique, premier volet d’un diptyque sur le cycle du vivant » est l’histoire de Fil, Dragonfly, Tak des collégiens qui s’échappent régulièrement d’un internat, le jour comme la nuit pour aller dans une proche forêt et s’y créer un espace de liberté. « On se tire dehors en secret, on s’ensauvage de la terre plein nos semelles-nos mains: mmmh, le feu de bois, la nuit tombe, l’herbe gelée craque sous tes bottes tu marches à pas lents dans la blancheur infinie. » (….)
Ils vont aller de plus en plus loin dans cette forêt, et plus longtemps. Bien reliés au vivant qui les entoure. « Plus ça va, moins on parle, nous dehors, dans la friche dingue de printemps plus ça va, plus on grogne, on siffle, on se parle par gestes, on rit on broute notre bouffe, on lappe la flotte, on grille des trucs sur un feu on se fabrique des cabanes comme des nids géants
on court pieds nus dans la forêt archi verte on grimpe aux arbres, on se balance aux branches ça sent le sucre, les fleurs, la sève quand il pleut, on s’abrite plus, on danse : pogo ! dans les flaques aussi, après : flatch , flatch ! masques de boue, marques de mains plumes dans nos cheveux emmêlés comme du crin on observe si longtemps sans bouger qu’on arrive à arrêter le temps on se prend par les épaules et on crie : sauvage de toutes nos forces : sauvage ! à chaque joie, à chaque truc réussi : SAUVAGE ! « 

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Repérés par un piège photographique et dépassés par l’ampleur de ce qui leur arrive, ils vont repartir mais cacheront leur secret. Bien entendu l’aventure s’arrêtera là et de façon un peu conventionnelle. « Bleu des gyrophares dans la nuit trempée : histoire terminée Samu, police, pompiers, l’usine grouille d’une foule frigorifiée le proviseur débarque, cheveux collés au front, pas réveillé exclusion définitive à effet immédiat. »


Il y a de l’animal et du végétal dans ce texte-hommage aux êtres vivant sur cette planète. Seule en scène, Annabelle Sergent donne vie à tous les personnages de cette fable. Sur ce grand plateau, de minces tiges noires pendent en bougeant légèrement. Comme une image d’arbres sous un éclairage glauque. La s
cénographie et les lumières d’Yohann Olivier, comme la création sonore de Régis Raimbault et Jeannick Launay, sont tout à fait remarquables. Et  grâce à cette symbiose, naissent parfois des images très poétiques.
Côté direction d’acteurs et mise en scène (non créditée!), là c’est encore trop approximatif.  Et même si Annabelle Sergent a une belle gestuelle, l’inutile micro H.F. dont elle est affublée ne résout rien : il faudrait absolument qu’elle soit dirigée et articule son texte. Là, il y encore du travail… Désolé mais il n’y a pas tout à fait le compte et le jeune public a droit au meilleur. A suivre…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre Municipal d’Angers (Maine-et-Loire), le 7 novembre.

Le 23 novembre , Festival des Beaux Lendemains, Ploufragan (Côtes-d’Armor).

Les 8 et 9 décembre, Scènes de pays dans les Mauges (Maine-et Loire).

Les 16 et 17 janvier Le Parvis-Scène nationale, Tarbes, (Hautes-Pyrénées).

Les 8 et 9 février, L’Empreinte-Scène nationale Brive-Tulle, Brive (Corrèze). Le 15 févrierLes Transversales, Scène conventionnée cirque de Verdun (Meuse).

Les 14 et 15 mars, Saison culturelle, Ernée (Mayenne). Les 28 et 29 mars, Carré-Colonnes, Scène nationale de Blanquefort (Gironde).

Les 8 et 9 avril, Le Carré-Scène nationale de Château-Gontier (Mayenne). Les 11 et 12 avril. Le Théâtre-Scène nationale Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Les. 25 et 26 avril.
La Genette Verte, dans le cadre des Scènes croisées ,Florac (Lozère). Les 29 et 30 avril
Scène nationale d’Albi (Tarn).

Le 16 mai, dans le cadre de Scènes de territoire,Théâtre de Bressuire (Deux-Sèvres).

 

Le Jeune Amour, deux contes de Jean de La Fontaine, mise en scène et interprétation deChristine Bayle

Festival Marin Marais

Le Jeune Amour, deux contes de Jean de La Fontaine, mise en scène et interprétation de Christine Bayle, avec Marianne Muller à la viole de gambe

Notre romancier national écrivit ces Contes, dits « licencieux », c’est à dire érotiques,qui  sont longtemps restés soigneusement cachés comme les poésies de Baudelaire aux collégiens et lycéens (depuis, ils en ont vu bien d’autres sur leurs smartphones!).  Ces contes sont  moins connus que ses fables, mais tout aussi bien écrits et savoureux.
Le premier interprété par Christine Bayle est La Matrone d’Éphèse d’après le fameux Satyricon de Pétrone, écrivain romain qui inspira nombre d’écrivains et le grand Federico Fellini. Ici ,une jeune veuve succombe finalement malgré le deuil, aux charmes d’un beau soldat. C’est à la fois drôle et poétique. Et La Courtisane amoureuse, d’après Boccace, le célèbre auteur florentin du XIII ème siècle, est un texte qu’avait adapté Emilie Valantin avec grand talent il y a une dizaine d’années pour ses marionnettes. Une belle et jeune prostituée vit fort bien de ses charmes mais va tomber amoureuse. «Du moins, Camille, excusez ma franchise/Je vois fort bien que quoi que je vous dise/Je vous déplais. Mon zèle me nuira./Mais nuise ou non, Constance vous adore: /Méprisez-la, chassez-la, battez-la; si vous pouvez, faites-lui pis encore;/Elle est à vous.» Et la belle Constance deviendra séductrice et aimera enfin….
Il y a, à chaque vers, une volonté de transgression des convenances et La Fontaine évoque le plaisir sexuel mais dans un langage poétique, à la fois provocant et élégant, du genre : « l’herbe en fut encore froissée. » Bref, il met les points sur les i, et là où cela fait du bien mais avec douceur, appel à l’imagination et pudeur (?). Et il met un malin plaisir à suggérer, voiler pour ensuite mieux dévoiler et provoquer… Un exercice de haute voltige… Il maîtrise admirablement la langue française et ces contes, plus de quatre siècles après, restent faciles à lire…

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 Christine Bayle, actrice et danseuse et chorégraphe qui créa avec Francine Lancelot et les compagnies L’Eclat des Muse puis Belles Dances dit ces contes avec  un charme remarquable et une grande précision dans la diction. Ce n’est pas heureusement! incompatible mais par les temps qui courent, devient assez rare et mérite d’être souligné.
Et l’incursion ici proposée par Christine Bayle dans le monde de l’amour et du sexe vus par La Fontaine, est un vrai bonheur.
Ce court spectacle bien rodé, est souligné et ponctué par des musiques baroques comme, entre autres, celles des célèbres Sainte-Colombe et Marin Marais (deuxième partie du XVII ème siècle) mais aussi contemporaines de Bruno Giner, toutes merveilleusement jouées par Marianne Muller à la viole de gambe.

Seule réserve: cette belle cave voûtée, mal éclairée et assez étouffante, n’est pas vraiment adaptée à ce genre d’exercice. Et on aimerait réécouter Christine Bayle et Marianne Muller dans un hôtel particulier du proche Marais. Là où Jean de la Fontaine aimait tant aller, loin de sa femme à Château-Thierry, fréquenter la société libertine de son temps…

Philippe du Vignal

Spectacle joué le 22 octobre dans la cave du 38 rue de Rivoli, Paris (Ier).
Le festival Marin Marais a eu lieu du 22 septembre au 22 octobre à Paris. Association Caix d’Hervelois: assoc.caix@orange.fr

Le point de vue de Jacques Livchine à travers plusieurs textes récents

Le point de vue de Jacques Livchine à travers plusieurs de textes récents

« J’étais oisif, en proie à une lourde fièvre: j’enviais la félicité des bêtes, les chenilles, qui représentent l’innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité », écrivait Arthur Rimbaud dans Une Saison en enfer.

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Il y a des jours où  je voudrais être un chien, et dormir paisiblement. Il y a des jours où je voudrais être un arbre. Il y  a des jours où je voudrais me boucher les yeux et les oreilles.
Je pense à cette nuit de la Saint-Barthélémy où le 24 août 1571, des milliers de catholiques avec une gigantesque haine ont massacré les protestants:  3.000 à Paris et de 5.000 à 10.000 dans toute la France, voire 30.000 selon certaines sources. Et les Croisades? On raconte que nos merveilleux Croisés lors de la conquête de Jérusalem, égorgeaient les bébés arabes « impies » , puis les mangeaient, cuits à la broche…

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Un jour à Berlin, j’ai voulu aller à la villa Marlier, plus connue sous le nom de  » Maison de la conférence de Wannsee ». Le 20 janvier 1942, quinze hauts responsables du Troisième Reich y ont préparé l’organisation administrative, technique et économique de l’extermination des Juifs en Europe. C’est depuis 92, un lieu de mémoire et d’enseignement.
Sur les photos, j’ai scruté longuement les visages de ceux qui étaient présents à cette conférence. Employés de banque ou de sociétés d’assurance, souvent chrétiens pratiquants, personnages absolument inoffensifs et à l’aspect pacifique au possible.


Et Adolph Eichmann, passionné de culture juive, jouait du violon et ne supportait pas de voir une goutte de sang. Et voilà, en deux heures, quinze  hommes ont préparé » la solution finale »! Une réunion amicale où ils se servaient des liqueurs suaves….
Jacques, tais- toi, tu es en train de faire un point Godwin, (une discussion qui dure et qui peut amener à remplacer des arguments par des analogies extrêmes et toujours fondée sur un syllogisme).
Cela n’a rien à voir mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser… Ce qui se passe à Gaza n’est ni un génocide ni une extermination massive ou une épuration ethnique. Et non plus une révolte du peuple palestinien enfermé dans la bande de Gaza, une prison à ciel ouvert… 


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©x En Israël

Il y a eu d’abord le terrible massacre de 1.500 Israéliens par les dirigeants du Hamas, appelés terroristes par les uns, résistants par les autres. L’heure est à la vengeance et nous allons assister à l’anéantissement de la bande de Gaza. Les réservistes israéliens, la fleur au fusil, eux, accourent du monde entier pour en découdre. Il y aura des morts par milliers, civils et combattants israéliens ou palestiniens.

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©x A Gaza

Le siège de Gaza a commencé mais pas de journalistes pour savoir ce qui se passe. Plus d’eau, électricité, nourriture et une trêve humanitaire a été refusée. De mon balcon, j’assiste terrifié, horrifié et impuissant à cette tuerie d’une cruauté inimaginable. Qui peut mettre fin à cette boucherie? L’opinion publique du monde entier? Joe Biden? Les pays arabes ? Que peut un stylo contre un tank ?

 
Bien sûr, Israël a le droit d’exister et les Palestiniens aussi. J’ai des images tranquilles de mes voyages en Israël. A Jaffa, nous déjeunions dans des restaurants arabes, comme à Haïfa, Saint-Jean d’Acre ou à Tel Aviv, l’excellent houmous des Yéménites. Etaient-ils Juifs ou Arabes ?

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©x Haïm Korsia

« Qui, a dit récemment le grand rabbin Haïm Korsia, peut être heureux de voir des victimes civiles retenues en otage par le Hamas et utilisées comme des boucliers humains? »

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©x Chmes-Eddine Haffiz

Il faudrait faire le ménage et éradiquer ces dirigeants, ceux du Hamas et d’Israël, ces fous qui envoient leur peuple à la castagne dans une guerre qui n’aura jamais de vainqueur…

De son côté, Chems-Eddine Hafiz, lui, recteur de la grande mosquée de Paris, rappelle qu’il « est anormal qu’un musulman soit antisémite ». (…) « La communauté juive souffre aujourd’hui et nous souffrons avec elle ». L’Islam ordonne de ne jamais s’attaquer à des civils et  de ne jamais les prendre en otage. Mahomet respectait les prophètes juifs et les deux peuples peuvent coexister. »


C’était le troisième thème du dernier kapouchnik, notre cabaret mensuel au Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs). J’ai dit : un Juif s’est glissé dans la salle. C’est la première fois que je m’expose…
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©xLe Juif, c’est moi. Un Juif, c’est quoi ?Une religion ? Un peuple ? Je sais juste que mon père a quitté l’U.R.S.S. il y a cent ans. Puis j’ai aussi dit : « Sa mère, sa sœur ont été exterminées et lui-même, enfermé à Drancy, s’en est évadé en mars 42. Il ne pesait plus que 40 kgs!  Et je suis né du sperme d’un homme diminué, voyez le résultat! Trente ans plus tard : sa détestation des Arabes me choque. Je dis  à mon père: aucun Juif n’aura jamais le droit d’humilier un autre peuple après ce qu’il a vécu. Ouf!  J’ai été courageux. Je déteste parler de cela. Puis je prends notre acteur Youssri dans mes bras. Un Juif et un Arabe peuvent s’aimer.

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On entend beaucoup l’expression: « par les temps qui courent ». Nous avons sans arrêt la sensation de vivre les moments les plus terrifiants , les plus dramatiques, les plus horribles des soixante-dix dernières années….

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Nous oublions les tortures de la guerre d’Algérie, le napalm de la guerre du Viêt nam, les morts à la station Charonne à Paris, le 17 octobre 1961, l’apartheid en Afrique du Sud abolie seulement le 11 septembre 2001. A chaque fois, nous avons l’impression d’être au sommet de l’ignominie humaine!  Arrive la crise sordide du 7 octobre! On est sidéré, déchiré, perdu. On appelle à l’aide les plus grands penseurs, les intellectuels mais il n’y a plus de Jean-Paul Sartre ou d’Albert Camus! Nous sommes des orphelins de la pensée.

Dans la presse,  les chroniqueurs s’époumonent en vain. Aucune sortie de crise en perspective et le massacre répond au massacre, assaisonné d’une haine sans précédent. La vengeance n’épargne pas les innocents. Joe Biden, soutien indéfectible d’Israël, a seul la solution entre les mains mais prétend qu’un cessez-le-feu serait une défaite inacceptable. Comment mettre les dirigeants politiques sur la touche ? Comment arracher le pouvoir aux fous du Hamas et aux faucons d’Israël et les remplacer par les poètes de ces pays en guerre?  Les deux peuples peuvent s’entendre: il y a des associations de mère de famille israéliennes et palestiniennes qui pleurent ensemble.
Je lis qu’à Tel Aviv, Arabes et Juifs chantent ensemble: c’est la seule lueur d’espoir, une immense union des peuples unis. Comme  avec John Lennon et son magnifique single Imagine sorti  en 1971 aux Etats-Unis, en pleine guerre du Viet nam.

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« Imagine qu’il n’y ait pas de Paradis./C’est facile si vous essayez. /Pas d’Enfer en dessous de nous./Au dessus de nous, seul le ciel. /Imaginez tous les gens /Vivre pour aujourd’hui/Ah! Imagine qu’il n’y ait pas de pays. /Ce n’est pas difficile à faire. (…) Et pas de religion non plus. /Imaginez tous les gens/Vivre la vie en paix. /Toi, tu peux dire que je suis un rêveur. /Mais je ne suis pas le seul./J’espère qu’un jour vous vous joindrez à nous. (….) Imaginez tous les gens/Partager tout le monde. (…) »

Je le revendique : je suis un idéaliste.


Jacques Livchine, codirecteur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs).

 
 

Emerson Enigma de Thierry Eliez : hommage à Keith Emerson

Emerson Enigma de Thierry Eliez : hommage à Keith Emerson

Ce pianiste de jazz de cinquante-neuf ans entreprend très jeune de solides études de musique classique qui l’ouvrent au répertoire contemporain. Dès 1985, cet interprète-compositeur virtuose – l‘un des plus doués de sa génération- mais aussi arrangeur et chanteur a collaboré avec les plus grands. Il a accompagné Claude Nougaro, Dee Dee Bridgewater, Charles Aznavour, Johnny Halliday mais aussi, Roberto Alagna et Nathalie Dessay…. Il se tourne aussi vers la musique de film pour Europacorp, la société de production de Luc Besson.

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Thierry Eliez a composé des chansons, entre autres Les Romantiques pour Catherine Lara (1993) et pour Muriel Robin. Et il a créé un spectacle de chansons douces pour jeune public, Balladines** en tournée en France depuis plusieurs années avec Ceilin Poggi, chanteuse et autrice de contes pour enfants.

Grand connaisseur de la pop des années soixante-dix, Thierry Eliez sera vite fasciné par le claviériste extraordinaire qu’était Keith Emerson (1944-2016).

On se souvient du groupe Emerson, Lake et Palmer (E.L.P.) formé en Grande-Bretagne en 70 avec quarante-huit millions de disques vendus… Et on a encore en tête Tarkus, Knife Edge ou le tube Lucky Man. Mais on sait moins que bien de leurs titres sont repris ou adaptés du répertoire pianistique.
Comme cet album de leurs débuts, très surprenant, qui était l’adaptation intégrale du célèbre Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski (1874). De même, Knife Edge est la reprise de Sinfonietta de Leos Janacek (1926). 
E.L.P. a aussi mis à son répertoire: Frédéric Chopin, Serge Prokofiev, Bela Bartok, Piotr Tchaïkovski, Léonard Bernstein, Alberto Ginastera, Àaron Copland, Edouard Lalo, Sergueï Rachmaninov, Jean Sibelius…. Avec son orgue Hammond, ses pianos électriques et son Moog synthesizer, Keith Emerson aura apporté les classiques des XIXème et XXème siècle au public de la pop. Il lui aura aussi fait connaître les grands du jazz comme Sonny Rollins, Dave Brubeck, Bill Evans dont les citations ou reprises auront nourri ses concerts.

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Thierry Eliez, admiratif de ce géant, veut faire revivre son répertoire. En 2016, il se produit au Triton en trio. Un concert immédiatement programmé au festival d’Edimbourg, mais qui ne rebondira pas. Encouragé sans relâche par sa partenaire Ceilin Poggi, il décidera d’aller plus loin et, avec Alexis de Compreignac, écrit des arrangements fort complexes qui deviendront un récital de piano et voix, accompagnés par un quatuor à cordes. A ce quatuor, le soin de reproduire les nappes sonores, au pianiste de marteler les brusques coupures rythmiques et aux voix de faire revivre les textes. Les parties au Moog synthesizer- importantes chez Emerson- seront sifflées, doublant ainsi les solos de piano.

Le CD, Emerson Enigma  (2022) est une surprise totale : Thierry Eliez a rassemblé le quatuor Manticore formé de solides et jeunes interprètes de musique classique et Ceilin Poggi au chant sur la scène du Triton. Les fans d’E.L.P. communient avec le groupe et disent à la sortie : « C’est parfaitement cela. » On attend maintenant que les organisateurs de concert invitent Emerson Enigma

 Jean-Louis Verdier

Concert du 19 octobre au Triton, 11 bis rue du Coq Français, Les Lilas, (Seine-Saint-Denis) T. : 01 49 72 83 13.

* CD Emerson Enigma (Dood Music Records, 2002) avec Thierry Eliez (piano, voix, sifflements), Ceilin Poggi (voix) et le quatuor Manticore : Johan Renard et Khoa-Nam N’Guyen (violons), Valentine Garilli (alto) et Guillaume Latil (violoncelle).

 Extraits du concert de 2016: www.youtube.com/watch?v=zV5K7irYlxw

**Balladines,du 23 au 25 novembre, Istres (Bouches-du-Rhône); le 3 décembre, Vincennes (Val-de-Marne) ; du 7 au 9 décembre, Château-Gontier (Mayenne). Du 14 au 16 décembre, Port Saint-Louis (Bouches-du-Rhône).

 

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