Entretien avec Gilles Costaz critique de théâtre
Entretien avec Gilles Costaz
-Votre parcours a été significatif de toute une période mais vous avez arrêté récemment d’écrire sur le théâtre, alors que cela faisait une quarantaine d’années que vous alliez chaque soir ou presque voir un spectacle. Ce qui fait environ plus de 8.000 ! Impressionnant !
-J’étais « monté » de Valence à Paris et, au lycée Voltaire j’ai préparé l’I.D.H.E.C. pour être cinéaste. Puis j’ai travaillé au quotidien Combat, je pensais m’orienter vers le journalisme littéraire et j’ai été critique au mensuel La Galerie-Jardin des Arts dirigé par André Parinaud. Mais j’ai aussi travaillé aux éditions Belfond (Mémoire du Livre).
Puis en 1982, je suis devenu critique de théâtre au Matin de Paris après la mort brutale de Gilles Sandier. Puis ce quotidien a disparu en 86.
Et j’ai été aussi critique littéraire aux Échos, à Politis, à L’Avant-scène théâtre, au Magazine littéraire, à Paris-Match. Puis j’ai été critique pour le théâtre au Masque et la plume sur France Inter de 83 à 2021. Et j’ai été conseiller pour les articles sur le théâtre aux éditions Larousse. J’ai présidé aussi quelques années le Syndicat de la critique et toujours l’association qui publie la revue UBU-Scènes d’Europe.
- Quand vous vous retournez sur ce que fut votre vie de critique… cela fait quoi?
-J’ai commencé un peu plus tard que vous mais si j’ai vu beaucoup de pièces, je ne trouve plus la même dynamique dans le théâtre actuel, que ce soit à Paris ou dans les régions. Les Centres Dramatiques Nationaux me semblent être des baronnies dont les portes sont très fermées et où les directeurs se contentent souvent de faire œuvre personnelle. Finalement, ce qu’on a appelé la décentralisation a été détournée de son but initial et on y favorise quelques individualités.
Quant à la critique théâtrale dans la presse écrite, elle reste puissante mais dans quelques titres seulement.
-Et actuellement, vous n’allez plus voir de pièces ou un peu quand même? On ne décroche pas aussi facilement…
-Je ne fais plus de critiques mais je fréquente encore un peu les théâtres. Avant, j’y allais comme vous, presque tous les jours et maintenant une à deux fois par semaine, quand je suis à Paris, sinon je travaille dans ma maison dans les Yvelines : j’écris des critiques de livres et je prépare une pièce.
On sait que j’ai écrit aussi des textes pour la scène comme en 91 Le Crayon, puis trois ans plus tard, Retour à Pétersbourg, une adaptation de Crime et Châtiment qu’avait monté Georges Werler. J’ai aussi écrit Le Keurps, A jouer sur la lune, Le Solliciteur inconnu et enfin il y a dix ans, L’Ile de Vénus avec Nicolas Vaude et Julie Debazac, qui avait été jouée au Théâtre du Chêne noir à Avignon. Pour moi, écrire un épisode, une pièce, une nouvelle, un roman, un film qui reprend les personnages d’un chef-d’œuvre, c’est une façon de continuer une passion de lecteur…
Depuis quelques années j’ai écrit sur les livres de théâtre pour le site nonfiction.fr. Et j’en ai fait paraître un sur Daniel Benoin, la modernité en scène.
-Vous avez suivi depuis longtemps- une quarantaine d’années, ce qui est rare- l’actualité et les moments forts du théâtre contemporain. Quels sont les spectacles et les metteurs en scène qui vous auront le plus marqué ?
- Oui, cela en fait des spectacles vus un peu partout, difficile à compter exactement mais cela doit faire quelque 8.000 ! Je n’ai pas vu comme vous, les tout débuts d’Ariane Mnouchkine, ni les premiers de Luca Ronconi, Peter Brook et Bob Wilson : je suis venu après au théâtre.
Mais ensuite oui, tous leurs spectacles comme entre autres, les remarquables Shakespeare du Théâtre du Soleil et ceux bien sûr de Giorgio Strehler surtout La Cerisaie, Patrice Chéreau. Et les créations de Tadeuz Kantor, mais pas celles de Grotowski, trop loin de moi…
J’ai aimé Stanislas Nordey à ses débuts et Jérôme Savary mais pas tout… J’étais moins en accord avec les mises en scène d’Antoine Vitez, mis à part son formidable Soulier de satin de Paul Claudel. J’ai beaucoup aimé aussi les mises en scène d’Alfredo Arias, Jorge Lavelli.
Du côté des auteurs-metteurs en scène: Robert Lepage, bien sûr, Wajdi Mouawad, et Valère Novarina (un peu raide au départ mais ensuite tellement ludique !)
Xavier Durringer, Florian Zeller et surtout chez les jeunes dramaturges: Jean-Baptiste Amann.
-Et ce 31 décembre 2023, allez, Gilles Costaz, cela doit vous manquer un peu, le théâtre?
- Je m’y intéresse toujours énormément, c’est vrai mais l’immédiateté, l’actualité des spectacles présentés, pas du tout. Mon dernier beau souvenir de cette année sera, comme vous, le formidable Les Personnages de la pensée, texte et mise en scène de Valère Novarina au Théâtre National de la Colline… Voilà, bonne année au Théâtre du Blog et à ses lecteurs..
Philippe du Vignal