Neige, texte et mise en scène Pauline Bureau ( spectacle tout public à partir de dix ans)

Neige, texte et mise en scène Pauline Bureau ( spectacle tout public à partir de dix ans)

Après Dormir cent ans (2018) et Pour autrui, créé il y a deux ans à La Colline (voir Le Théâtre du Blog) Pauline Bureau s’est ici inspirée de contes pour enfants dont le fameux Blanche-Neige recueilli et écrit en 1812 par les frères Jacob et Wihelm Grimm  Une précision : nous avons failli ne pas voir ce spectacle pour des raisons indépendantes de notre volonté… Et cela aurait été dommage pour nos lecteurs.

Neige, une jeune fille (Camille Garcia) raconte à sa mère qu’elle a eu a du sang qui coulait mais qu’une amie de collège lui a prêté une serviette hygiénique. Un signal pour cette mère (Marie Nicolle), hautaine et pas commode en grand manteau strict… Elle se sait encore séduisante mais pas pour longtemps. Bref, elle se sent menacée et voit avec amertume qu’elle a vieilli d’un seul coup et a changé de case : elle va devoir laisser la place à la génération suivante et assumer un jour être grand-mère. Elle indique sans aucune gentillesse à Neige qu’il y a d’autres serviettes dans la salle de bains…
Et Neige qui fait de la danse classique, (elle est en tutu bleu)  n’en peut plus de l’autorité maternelle et relit son journal intime caché sous son matelas :«Toutes les règles de ma mère s’impriment au fer rouge. Ne ris pas si fort, ne mets pas de jean, qu’est-ce que c’est que ces baskets, sois gentille, sois jolie, sois polie. Coiffe-toi. Qu’est-ce que c’est que ce noir sous tes ongles et ces nœuds dans tes cheveux ? Si tu n’as rien à dire, tais-toi. Elle croit que je ne les écoute pas et pourtant je n’ai pas le choix, ces règles rentrent dans mes oreilles, trouvent le chemin de ma joie et taillent dedans jour après jour. »

(c) Christophe Raynaud de Lage

(c) Christophe Raynaud de Lage

Bref, pour Neige, l’enfance est bien finie : elle coupe ses cheveux longs (symbole de sa mutation) et va se réfugier dans la forêt proche. Sa mère toujours aussi odieuse ne s’aperçoit de rien et lui dit qu’elle va souper (sans l’inviter avec eux!) avec son gentil et gros mari (Yann Burlot) dans un bon restaurant. Neige croit qu’elle est amoureuse de Chris (Anthony Roullier), un camarade de classe. Puis devant l’absence de Neige, ses parents préviendront la police.
Dans la forêt, Neige rencontrera un chasseur, ancien ingénieur agro (Régis Laroche) qui a rompu avec la civilisation et qui préfère vivre en ermite dans une cabane dans les bois, en se nourrissant de ce qu’il pêche et chasse. La policière (Claire Toubin) finira par retrouver Neige qui s’est transformée et a quitté ses vêtements de petite fille et son tutu de danse classique pour adopter doudoune et bottines. Entre temps, elle se sera fait une copine dans la forêt, Delphine, complice de Chris. Sa mère arrivera ensuite, puis son père en manteau où l’herbe a déjà poussé comme s’il commençait à devenir végétal (beaux costumes d’Alice Touvet), l’adjoint de la policière (Anthony Roulier). Tous assoiffés d’une nature qui leur manque terriblement.

(c) Christophe Raynaud de Lage

(c) Christophe Raynaud de Lage

Les images ici de toute beauté sont non une illustration mais l’âme même du récit. La scénographie d’Emmanuelle Roy sur laquelle repose tout le spectacle est de tout premier ordre. Avec les murs et le fond de la salle habillés d’écrans où passent des images de forêt en été, en hiver…
Sur le grand plateau, côté jardin, de grands bouleaux et une grosse souche. Côté cour, une citerne d’eau très réaliste avec au dessus une plate-forme où on peut accéder par une échelle murale.
La citerne à certains moments s’ouvre grâce une porte à glissière pour laisser voir : la chambre de Neige qui rêve à Chris son copain de lycée dont elle est tombée amoureuse et dont le visage apparaît en grand format sur le mur. Mais aussi le restaurant, le bureau de la policière…

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

(c) Christophe Raynaud de Lage

Un groupe de jeunes dansent en fond de scène, un cerf passe en regardant le public et ensuite un loup qui va pousser un cri, et à la toute fin, une meute de loups arrive tranquillement s’installer sur tout le plateau Des images aussi hyperréalistes que fabuleuses avec vidéos et effets miroir signées Clément Debailleul, grand maître en magie. Des arbres verts apparaissent vers la fin. Et moment sublime, on pourra voir Neige et son amie monter sur la citerne, y descendre puis nager doucement à l’intérieur. (tournage subaquatique de Florence Levasseur). Aucun doute, elles y sont vraiment, puisqu’on les voit! Les enfants sont émerveillés comme nous adultes et nous entrons dans un univers magique singulier et vraiment impressionnant de poésie.  Grâce aussi à la remarquable scénographie et au travail de toute une équipe technique.

Mais comment ne pas être partagé? Là où cela va beaucoup moins bien: la dramaturgie de Benoîte Bureau est fondée sur des scènes trop courtes où les acteurs ont peu de grain à moudre. Ils arrivent difficilement à imposer leur personnage durant une heure et demi. La faute aussi à un dialogue parfois bien faible signée Pauline Bureau qui aurait aussi nous épargner quelques répliques faciles du genre:  » Si je ne t’aimais pas, dit le père à la mère, au restaurant, je ne boirais pas une tasse de neige carbonique? » Ou: « Allume ma vie et éteins ma peine. Je lècherai tes larmes et tu répareras mon cœur. La vie est sauvage. On n’a rien à perdre. Même pas cinq minutes. »
Tout se passe en fait comme si l’autrice qui dirige bien ses acteurs, n’était pas arrivée jusqu’au bout du travail théâtral sur le thème qu’elle voulait traiter : la transformation en adolescente puis en adulte. On ne s’ennuie pas mais le spectacle qui a pourtant été joué plusieurs fois, manque encore de rythme et on peut se demander pourquoi la metteuse en scène qui a maintenant une solide expérience, n’a pas voulu faire ici un théâtre du silence, comme ceux de Bob Wilson autrefois. Mais en plus court, pour rester accessible aux enfants? Dommage! Un mien confrère me disait: « En progrès ». Un peu dur! Mais ce spectacle aurait pu être plus convaincant.  A vous de choisir d’y aller, ou non…  Au moins ici, les enfants quittent ce mariage du théâtre et de la magie,  avec des étoiles plein les yeux…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 1 er décembre. Jusqu’au 22 décembre, Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème).   Du mercredi au samedi à 20 h 30, le mardi à 19 h 30 et le dimanche à 15 h 30; les mardis 5 et 12 décembre à 14 h 30 et 19 h 30; les jeudis 7 et 14 décembre à 14 h 30 et 20 h 30.

Les 11 au 12 janvier, Le Bateau Feu- Scène Nationale, Dunkerque (Nord); le 25 janvier, Théâtre Le Cratère-Scène Nationale, Alès (Gard).

Les 5 et 6 février,  Scène Nationale 61-Alençon-Flers-Mortagne (Orne).

Les 11 au 12 avril,  Espace des Arts, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Les 17 et  18 avril, Théâtre de Cornouaille- Scène Nationale, Quimper ( Finistère).

 

 

 

 

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