Une troisième année en alternance à l’Ecole Régionale d’acteurs de Cannes et Marseille
Une troisième année en alternance à l’Ecole Régionale d’acteurs de Cannes et Marseille Cet établissement de formation supérieure au métier de comédien est subventionné par la Région sud, la ville de Cannes, le département des Alpes-Maritimes, la ville de Marseille et le Ministère de la culture qui l’a accrédité pour délivrer le Diplôme National Supérieur Professionnel de Comédien depuis 2008. Le cursus est sur trois ans avec 3.600 heures et les élèves peuvent compléter ce diplôme avec une licence Arts et Spectacle à Aix-Marseille Université. L’Ecole prépare aussi à l’obtention du Diplôme d’État de professeur de théâtre depuis 2016 avec 400 heures de formation incluant temps de formation, stages en établissements scolaires et conservatoires.
Comme le souligne Didier Abadie, son directeur, «cette formation avec maintenant en troisième année, comprend un apprentissage dans ces Centres Dramatiques Nationaux qui sont de grandes maisons de création et de diffusion. Elles accueilleront trois à cinq élèves-comédiens. Muriel Mayette-Holtz à Nice, Olivier Letellier aux Tréteaux de France et Robin Renucci à Marseille ont pensé à créer un collectif artistique dans leurs théâtres et ont toujours voulu défendre la transmission et la pédagogie. Pour nous, c’est une nouvelle étape et unique en France : la collaboration entre une Ecole nationale supérieure professionnelle d’art dramatique et des Centres Dramatiques Nationaux où la répartition des futurs apprentis a été primordiale, avec des listes de choix établie par chaque dirigeant et par les élèves dont nous avons pris en compte les désirs artistiques et géographiques. »
Robin Renucci qui a remarquablement dirigé Les Tréteaux de France, dirige La Criée à Marseille depuis l’an dernier. Il a toujours placé l’acteur au centre du théâtre, en conjuguant à la fois création et formation mais aussi éducation populaire. « À La Criée, dit-il, nous nous efforcerons d’inventer une création théâtrale exigeante et inattendue. Les œuvres, la pratique, la pensée sont des endroits d’expérience que nous souhaitons partager. (…) J’ai évolué dans un mouvement, celui de la conscience politique et de la décentralisation théâtrales. Ceci a été fondateur pour moi et je veux donner à ces apprentis-comédiens les outils nécessaires à leur accomplissement. »
Pour Muriel Mayette-Holtz, nommée à Nice en 2019, «le fil rouge, dit-elle, est le répertoire classique et contemporain de l’Europe de la Méditerranée. Et la troupe est complétée chaque saison avec des apprentis-comédiens. Une des missions principales d’un Centre Dramatique National est la transmission des métiers du théâtre. J’ai toujours été attentive à accueillir les nouvelles générations en particulier, les acteurs. A la Comédie-Française dont j’ai été l’administratrice, j’avais créé ce qu’on appelle aujourd’hui l’Académie. Le métier de comédien est avant tout artisanal et s’apprend aussi en le pratiquant. Et les réalités sont souvent pragmatiques ! Est-ce que l’on t’entend ? Ta voix est-elle bien placée ? Sais-tu travailler seul ? Comment se construit une production? Entraînes-tu assez ta mémoire? Es-tu en forme physiquement… Nous proposerons à ces apprentis-acteurs des rôles très divers, et des textes riches pour qu’ils partent plus solides dans leur carrière. (…) Ils interviendront aussi, entre autres, dans les lycées et collèges lors d’ateliers répartis sur l’année scolaire. »
Les Tréteaux de France qui sont un Centre Dramatique National basé à Aubervilliers (Seine-Sain-Denis) n’ont pas de lieu fixe de représentation mais un chapiteau. «Grâce à un fonctionnement très souple, dit le metteur en scène et directeur Olivier Letellier qui succède à Robin Renucci, nous pouvons aller jouer dans les villages reculés, les banlieues ou villes nouvelles, avec des réalisations fondées sur la rapidité de montage et une exigence artistique. Nous souhaitons nous adresser aussi à tous les publics jeunes. Les autrices et les auteurs contemporains seront au cœur de notre projet pour faire entendre les fracas et la poésie du monde, et aller à la rencontre de ces nouveaux spectateurs. Par ailleurs accueillir trois apprenties-comédiennes, c’est affirmer davantage la place centrale de la jeunesse dans notre projet. Elles vont bousculer nos habitudes et offrir au public un regard plus actuel sur la création. Elles seront intégrées à de petites formes itinérantes et confrontées à des pratiques originales mais pourront aussi avoir un moment de recherche avec les metteurs en scène et les auteurs, rencontrer les publics, avoir des temps de médiation. Immergées dans une maison de création, elles en découvriront tous les arcanes et appréhenderont mieux leur avenir professionnel, en vivant une expérience concrète et une formation par le faire. »
Les apprentis seront salariés sur douze mois avec dix-huit semaines à l’Ecole qui a été accompagnée financièrement par l’A.F.D.A.S. pour la mise en place de cette troisième année en alternance. Ils continueront donc à se former mais entreront dans le milieu professionnel en percevant une rémunération. Le rythme de la formation est défini avec les entreprises selon le calendrier des saisons, avec 35 % du temps à l’Ecole et 65 % au Centre Dramatique Natonal. L’apprenti sous contrat perçoit un salaire et est soumis aux règles du code du travail et aux conventions collectives. Il bénéficie des dispositions applicables à l’ensemble du personnel (treizième mois, frais de transports, cantine ou titres-restaurants, sanctions…) et des mesures applicables aux jeunes travailleurs. Et l’apprenti-acteur doit aussi suivre les cours, ateliers et productions à l’Ecole qui comptent dans le temps de travail effectif. La rémunération est fonction de l’âge, avec un minimum correspondant à un pourcentage du S.M.I.C. ou du S.M.C. (Salaire Minimum Conventionnel).
C’est donc une avancée considérable pour des élèves d’une école de théâtre. Jusque là, seuls les élèves d’école situées dans des grandes structures comme celles du Théâtre National de Chaillot, le Théâtre National de Strasbourg, ou encore les Centres Dramatiques Nationaux de Saint-Etienne ou Limoges pouvaient bénéficier de cette immersion incomparable… Ainsi Jérôme Savary à Chaillot employa-parfois pour de grands rôles rôles-plus de quarante élèves. Mais tous, de la première à la troisième année, avaient accès aux différents services du théâtre: couture, régie, accessoires, lumière, administration, relations publiques… pour les spectacles de l’Ecole ou des projets à l’extérieur. Et ils avaient de très bonnes relations avec tous les techniciens.
A la Criée, les apprentis-acteurs seront accompagnés dans leur projet de recherche par Catherine Germain, François Cervantes, Louise Vignaud, Léo Cohen-Paperman et Grégoire Ingold, artistes complices du théâtre . Et ils ont déjà participé à des créations comme entre autres Les Impromptus poétiques, en prose ou en vers, sous la direction d’Aurélien Baré et À la Paix! d’après Aristophane, de Serge Valetti, mise en scène de Robin Renucci.
Aux Tréteaux de France, ils travailleront, entre autres, sur Fiesta de Gwendoline Soublin, mise en scène par Fiona Chauvin et Olivier Letellier en janvier prochain, puis à une résidence de création, en immersion dans une école primaire. Ils joueront ensuite dans le cadre du programme T.A.P. du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt à Paris entre janvier et mai prochain et en tournée en juillet-août au festival L’Île-de-France fête le théâtre. En 2024, ils participeront à la mise en espace par Caroline Girard d’une lecture-performance théâtralisée avec des joueuses de foot amatrices : Lectrices Football Club, d’après le roman de Stefano Massini. Et à un laboratoire de recherche sur Les Grandes Personnes de Marie-Hélène Larose-Truchon, mise en scène par la comédienne, autrice et metteuse en scène québécoise Marie-Eve Huot. Enfin à un autre laboratoire avec l’autrice Catherine Verlaguet et la metteuse en scène Léna Bréban.
A Nice, ils travailleront, entre autres, au Procès des grands personnages. Accusés: Athéna, Gisèle Halimi, Zeus, Romain Gary, le professeur Tournesol, le Père Noël… tous les samedis à 11 h sur le parvis de la salle des Franciscains, avec un avocat, et des acteurs dans le rôle de l’accusé et du procureur, les spectateurs étant les jurés du procès… Tous les jeudis à 19 h au Café-Théâtre, un comédien lira le « coup de cœur » de la troupe, un grand classique ou un texte contemporain à découvrir. Les apprentis-comédiens participeront aussi à un spectacle itinérant dans les collèges et lycées du département. À Dieu l’alexandrin ou Les aventures de Mistiche ! a été écrit en alexandrins. Et ils joueront dans un Conte de Noël : À mourir de rire! pour les fêtes de cette fin d’année, avec la troupe et la directrice Muriel Mayette-Holtz. Enfin, sous la direction de François Barucco, pianiste-accompagnateur, ils travailleront aussi à plusieurs cabarets avec des chansons. Il sera intéressant de faire le bilan après une année scolaire mais inutile de faire la fine bouche, un projet de cette ampleur, visiblement bien construit, est exceptionnel à part celui du Studio d’Asnières, dans le paysage pédagogique français. Les services du Ministère de la Culture, très frileux, n’ont jamais brillé en matière d’enseignement théâtral et ont longtemps poussé les écoles aux relations avec l’Université: on en attend encore des résultats probants sur les plateaux publics ou privés… Il faut espérer que cette expérience aura des suites.
Philippe du Vignal
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